Je marche seul [libre]

Elle est partie. Il fallait que je m'y attende depuis le temps et à c'est enfin arrivé. Moi qui croyait être sa bouée, son point d'ancrage dans la vie, je m'aperçois qu'en fait c'était tout l'inverse. Je me sens seul. Seul et abandonné. Et depuis son départ il n'y a pas eu une seconde ou je n'ai pas pensé à elle alors que je n'y pensais pas quand elle était là.

* C'est con la vie ! *

Mais voilà, elle est telle qu'il faut la vivre à tout moment sans savoir ce que l'avenir nous réserve. La vivre pleinement et intensément. Et moi je ne l'ai pas fait et je me lamente sur mon sort dans une des rues les plus belles de la ville, mais mon désespoir m'empêche de trouver cela agréable.

« Et merde !!! »

Le juron m'échappe bien que je n'ai que faire de savoir si certains l'ont entendu, ce que je ne crois pas d'ailleurs, je me parlais presque à moi-même. Mais là maintenant il va falloir redresser la barr et je ne vois pas comment faire.

Je me promène à Bowen… Tout est tellement si différent de quand je suis partie, mais en même temps tout est pareil. Je scrute et j’analyse attentivement toute l’architecture de la ville. Je n’avais qu’une dizaine d’années lorsque je suis partie et encore, je n’explorais pas la ville toute seule à cet âge. Tout est tellement parfait… J’ai l’air d’une touriste et ça me fait penser à comment j’étais en Italie. Je ne me souciais pas des gens autour de moi. J’avançais dans mes skinny jeans troués, mes bottes UGG, un tank top blanc et un sweater trop confortable brun. Les bras croisés contre moi-même je regarde toujours l’architecture avec un petit frisson. L’automne est plus frais ici aussi… J’entends un juron et je me retourne vers un homme près de moi. « Pardon? » Je lui demande. Ça m’étonnait encore que ça ait sorti en anglais et non en Italien comme à mon habitude. C'était un ton très calme, mais intrigué. Peut-être était-il schizophrène. ...

Je relève la tête, incrédule que quelqu'un puisse s'adresser à moi. C'est avec étonnement que je me retrouve face à ...

* Lula ?!? *

Mais passé la surprise, il ne me faut pas plus de cinq secondes pour me rendre compte qu'il ne s'agit pas d'elle. Ni le style ni ... Ni rien finalement. C'est juste une vague ressemblance qui m'a fait pensée à mon ancienne amie partie pour Sydney aujourd'hui.

« Euh non ... je ne ... enfin c'était pas pour toi ! »

Je prends la liberté de la tutoyer. Et oui, je suis comme ça, j'ai le tutoiement facile, surtout quand je suis face à des personnes qui ont sensiblement le même âge que moi. Quoiqu'il m'arrive aussi de tutoyer de nombreuses personnes plus âgées. Disons que je lie facilement amitié.

« Je parlais seul en fait ... je maugréais contre le mauvais sort ! »

Il se justifiait rapidement en me disant que ce n’était pas pour moi. J’en étais bien heureuse. Secouée d’un frisson je bougeais rapidement pour me réchauffer. Pas pour moi… très bien. J’allais reprendre la route pour continuer d’admirer l’architecture de Bowen puis finalement il continuait en m’expliquant qu’il maugréait contre le mauvais sort. Je fronçais les sourcils, il venait de m’intriguer amplement. « Quel mauvais sort? » Je lui demande finalement en réalisant que c’est pas vraiment mes affaires… Et après? On s’en fout! Je suis curieuse point barre. « Personnellement, je trouve que la vie est plutôt bien faite. Et je trouve surtout que l’architecture de Bowen est vraiment merveilleuse, mais ça c’est très… personnel. » Ça semblait très morose ce qu’il disait là et je ne savais pas si je devais m’en mêler ou non. J’envoyais derrière mon dos mes cheveux frisés qui tombaient en cascade et je croisais les jambes, attentive à ses prochaines paroles.

« Non rien ... »

C'est vrai quoi autant parler d'architecture, non ? L'architecture ! En fait s'il y a bien quelque chose dont je n'ai jamais réellement fait attention, c'est bien ça ! A croire que je suis irrécupérable sans doute. Et je me surprend pourtant à trouver le ton juste pour lui répondre.

« A oui l'architecture !? C'est génial ! Y'a guère d'endroit mieux pensé ... »

Et là je m'imagine qu'elle est architecte ou un truc de ce genre et qu'elle va me balancer toute ses compétences au visage. Je l'aurais bien cherché remarque. C'est tout moi ça, dès qu'une fille apparait dans les parages, il faut que je fasse comme si je connaissais tout sur tout, ce qui est malheureusement très loin d'être le cas. Et bien entendu ça me retombe toujours dessus.

Il évitait le sujet soigneusement. Comme si j’allais ne pas insister, oups. Il s’était adressé à la mauvaise fille. « Non, allez-y. » lui dis-je finalement. J’étais curieuse d’en savoir plus s’il était vraiment condamné à une vie de merde. Il tentait de me tenir par l’architecture et malheureusement pour nous deux, ça marche… Je soupirais finalement avec un fin sourire au visage. « En fait, je crois qu’en Italie, il y a mieux. Mais Bowen ne cède pas sa place non plus… C’est un différent type. Je vais devoir m’y faire ceci dit. » Je lui parlais de tout ça, comme s’il en avait quelque chose à cirer, probablement pas. Je rentre mes mains dans mon pull pour les protéger du froid. Je baisse le regard puis je le remonte rapidement avec un demi-sourire en coin. « Vous vous y connaissez en architecture? » Si lui avait pris l’initiative de me tutoyer, ma mère m’aurait assassiné qu’il ne me dise pas de le tutoyer. C’était mon éducation, tout simplement. C’était une partie de moi que je ne pouvais laisser même avec les années.