Return of the best. + May'

Une semaine que je revivais l’enfer de la rue après avoir connu le confort d’un appartement pendant une soirée. D’avoir connu la chaleur d’un corps pendant une nuit. Ca vous retourne le cerveau et le coeur. J’avais envie de retrouver la chaleur de cet appartement, mais il a fallu qu’il m’arrive des ennuis. Et je ne voulais pas que Dorian soit mêlé à mes soucis, je voulais régler ça seul. Alors autant dire qu’entre nous ce n’est pas au beau fixe, et que ça ne le sera pas avant que toute cette affaire soit totalement réglé. Mais je tenais bien trop à lui pour l’impliquer dans tout ça. Il donnait déjà tellement que je ne voulais pas qu’il porte encore quelque chose. Tout ce que je voulais après tout c’était le protéger.

Traînant dans la rue alors qu’il ne faisais pas très chaud, je me hâtais cependant de retourner dans mon coin, car l’heure de la tournée de la croix rouge approchait à grand pas. C’était une des promesse que j’avais fais à Dorian, d’être toujours là au moment de la distribution, tout comme je sais qu’il fait son maximum pour être sur la tournée où je me trouve. Arrivant juste au moment, où la camionnette se gare, je remarque de suite que ce n’est pas Dorian. Je me renfrogne directement, dire que j’avais plus de mal avec des inconnus n’était pas un euphémisme. Mais ça avait l’air d’être une fille... Blonde.... Je n’ai pas eu le temps de réfléchir que j’aperçus son minois. Maybelle. Ma meilleure amie, enfin si je pouvais l’appeler comme cela encore. Des mois que je ne l’avais pas croisé. Statique, j’étais incapable de bouger. Comment nos retrouvailles allaient-elles se passer ? Dire que j’avais disparu du jour au lendemain ne serait pas mentir. Du jour où j’ai été mis à la rue, j’ai stoppé nos rencontres, bien trop honteux pour lui avouer dans quelle situation j’étais et je suis actuellement.

Même si rien ne tournait rond pour moi en ce moment, je tenais quand même à poursuivre mes activités. J'avais parfois envie de tout lâcher. De tout plaquer, de quitter Bowen pour recommencer à zéro loin de cette ville où je n'avais pas vraiment ma place. Mais j'étais bien trop lâche - ou responsable, c'est selon - pour faire un truc pareil. Alors je continuais. Je continuais à traîner ma carcasse de jour en jour, à bosser au café du coin et dès que j'avais du temps libre, j'allais à la croix rouge pour aider les autres. Là, au moins, j'avais le sentiment d'être un peu utile. Et ça me faisait du bien parce qu'on ne pouvait pas vraiment dire que j'avais une haute estime de moi-même... Ce jour-là, j'avais été appelée pour donner un coup de main aux patrouilles qui se chargeaient d'arpenter la ville pour venir en aide aux sans-abris. Et je ne voyais pas cela comme une corvée, bien au contraire. C'est donc avec engouement que je descendis de la camionnette customisée aux couleurs de la croix rouge une fois arrivée sur place. Après avoir jeté un bref coup d’œil aux alentours, je repérai un jeune homme brun un peu plus loin. Jeune homme dont les traits ne m'étaient pas inconnus... Loin de là. Alors que je priais le ciel pour avoir une hallucination, les traits de mon ancien ami se dessinaient de plus en plus clairement sous mes yeux. Pas de doute, c'était bien lui. « Merde.. » C'était plus un murmure qu'autre chose, une exclamation de stupeur, une interjection qui trahissait ma surprise de le voir là, en face de moi. Ces derniers temps, je m'étais habituée à perdre les gens qui m'étaient proches. Mais je n'en étais pas moins blessée pour autant. Surtout quand j'ignorais pourquoi les gens me tournaient le dos du jour au lendemain... Comme c'était le cas pour Elias. Il avait coupé les ponts soudainement, sans explication, alors que je le considérais comme l'un de mes meilleurs amis - si ce n'est le meilleur. Nous ne nous étions pas vus depuis plusieurs mois et je dois dire que ce n'était pas comme ça que j'envisageais nos retrouvailles... J'étais tellement surprise de le voir là, en face de moi, que je ne savais même pas ce que j'étais censée dire ou faire. J'avais envie de faire demi-tour, de retourner dans la camionnette et de m'enfuir le plus loin possible. Mais je ne le pouvais pas. Et même si j'appréhendais cette "confrontation", je voulais voir ce qui allait se passer. Alors que je parcourais les quelques mètres qui me séparaient de lui, mon esprit était en ébullition, cherchant à savoir quelle conduite adopter. L'engueuler ? Non, ce n'était ni l'endroit ni le moment pour régler nos comptes. Le serrer dans mes bras ? Non plus. J'aurais bien trop peur qu'il me repousse. Faire comme si nous ne nous connaissions pas et simplement faire mon boulot sans chercher à engager la conversation ? Ce serait bien au-dessus de mes forces. Au final, je me trouverais face à lui sans même m'en rendre compte tellement j'étais préoccupée par cette situation grotesque. « Salut... » J'avais parlé à voix basse sans même m'en rendre compte. Je ne pouvais m'empêcher de me demander ce qu'il faisait là, à l'heure de la tournée. Était-il dans le besoin ou se retrouvait-il là par pur hasard, parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment ? J'aurais aimé pouvoir lui poser la question mais j'étais bien trop intimidée pour pouvoir parler. J'avais bien changé depuis la dernière fois où nous nous étions vus et je n'étais plus aussi joyeuse qu'avant. Je faisais preuve d'un peu plus de méfiance aussi. La faute à toutes les personnes qui m'avaient laissée tomber sans explication. Le regard toujours posé sur le visage d'Elias, j'attendais qu'il se décide à dire quelque chose - n'importe quoi ferait l'affaire.

Parfois le désespoir me gagne. Enfin ce n’est pas souvent, c’est même très rare. Mais généralement ça en arrivait à un point où je n’avais strictement envie de rien, je ne quittais plus mon coin et surtout, je refusais de me nourrir. Souvent c’était la croix et la bannière pour me faire manger ne serait-ce qu’un morceau de pain. Cela arrivait souvent après que j’ai aperçu une de mes soeurs en ville. Bowen n’était pas une si grande ville que ça, et il m’arrivait fréquemment d’en croiser une ou l’autre. En cas extrême, il m’arrivait de penser que je devais aller tenter ma chance ailleurs, mais je revenais très rapidement sur cette idée, encore plus depuis que j’avais posé mes yeux sur Dorian. Il m’avait fait retrouvé le goût de vivre, une certaine joie s’était insinué en moi depuis que j’avais posé mes yeux sur lui. Il avait bouleversé mon quotidien, et depuis longtemps je retrouvé cet instinct protecteur quand j’étais avec lui. Il était la première personne avec qui je me liais depuis que je suis à la rue. Le premier à qui je confiais ma confiance, à qui je pouvais me confier sans même qu’il ne me juge. Pourtant il y a des personnes de mon ancienne vie que je n’ai pas réussi à oublier. Et c’était le cas de de Maybelle. Elle avait été ma meilleure amie depuis de nombreuses années, on avait partagé beaucoup de choses ensemble. Mais, lorsque l’on m’a mis à la rue et que j’ai commencé à dormir dehors, ma fierté avait pris le dessus et m’avait poussé à couper les ponts avec tout mes amis, et même Maybelle. Même si c’était elle que je regrettais le plus. Mais je ne voulais pas qu’elle s’en fasse pour ma petite personne. Et pourtant je me retrouvais face à elle. Le choc, je ne pensais franchement pas la revoir dans ses circonstances, et surtout pas en tant que bénévole de la croix-rouge. Bien sûr, je savais bien qu’elle donnait de son temps à différentes associations, mais elle en avait tellement que je m’emmêlais les pinceaux. Mais je ne me souvenais pas de la croix-rouge, enfin j’ai dû oublier, tête-en-l’air que je suis. La voyant se rapprocher, j’enfouis mes mains dans les poches de mon pantalon tout en demeurant la tête baissée. Je ne savais pas quoi dire à Maybelle, pas après tout ce temps et ce départ précipité il y a quelques mois. Mordillant ma lèvre inférieure, j’avais les joues rosies par le froid, et de la fumée sortait d’entre mes lèvres à cause de la fraîcheur. « Salut May’ ». J’avais à peine relever le regard vers May’ avec un petit sourire en coin. Elle était toujours aussi splendide, il n’y a pas à dire ! Elle devait avoir beaucoup changé depuis que l’on s’est quitté de vue, surtout qu’elle semblait plus renfermée. « Euh... tu vas bien ? » Je mordillais ma lèvre inférieure signe d’une certaine tension...