in the dark night (blossom)

Professionnellement parlant, j'avais aujourd'hui modifié mes habitudes, troquant ma fameuse tranche horaire de l'après-midi par une animation sur les ondes tardive, en raison du congé maladie d'un de mes collègues. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ne m'avait pas vraiment arrangé. Je venais tout juste de quitter le studio, découvrant alors la nuit noire qui s'offrait à moi. Plissant les yeux, le contraste avec la luminosité de mon lieu de travail faisait peiner mes yeux. Frissonnant quelque peu, j'enfilais rapidement une petit veste que je resserrais contre moi, croisant mes bras contre ma poitrine pour me réchauffer et me rassurer. La nuit ne m'inspirait que rarement, je n'avais qu'une envie, rentrer chez moi en hâte... La ville était assez déserte, les quelques commerces du quartier Nord avaient fermé leurs rideaux. J'étais comme oppressée face à ce désert nocturne. D'une cadence assez prononcée, je me dirigeais alors vers mon immeuble. Je connaissais le chemin par coeur, routine inlassable. Au loin, des oiseaux voltigeaient dans l'auréole de lumière des lampadaires. L'ambiance était pesante, d'autant plus que mon ouïe fut attirée par des pas relativement proches de moi. Merde. Le stress montait en moi. Me retourner ? Je n'en avais pas envie, je me contenta alors simplement d'accélérer le pas, priant pour ne pas subir une nouvelle agression digne de celle vécue dans mon Québec natal.

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La journée avait été longue, les cours interminables, les professeurs ennuyants, les élèves égal à eux-même : préoccupés par leur nombril. De plus, je n'avais eu aucun cours avec mon meilleur ami, ce qui m'attristait un peu ... Il était plus de dix-neuf heures quand je quittai la bibliothèque et la nuit commençait à tomber. Et c'était loin d'être terminé ! Je devais me rendre au nord de la ville, chez un camarade de cours pour terminer l'exposé à rendre pour le lendemain. Cela faisait un bon bout de chemin à pieds mais il ne devait certainement plus y avoir de bus. Quelques dizaines de minutes plus tard, j'étais pommée. Même si cela faisait deux ans que j’habitais Bowen, je ne connaissais pas vraiment la ville, et encore moins le quartier et la rue marqués sur le bout de papier qui me servait de carte. Je tournai en rond pendant quelques minutes quand une vague de panique me prit les tripes. Il faisait vraiment sombre et la faible lumière des lampadaires mettait en avant d'inquiétantes zones d'ombres. J'appelai mon pote, pas de réponse. Je commençai vraiment à flipper quand j'entendis des pas qui se pressaient, j'essayai de les rattraper. J’aperçus une jeune femme, elle devait être un plus âgée que moi. J’accélérai, elle aussi. Comme moi, elle devait avoir peur car elle ne se retourna même pas pour voir qui la suivait. Je lançai un petit "excuse-moi ?" et j'attendis de voir si elle allait me répondre.

Regardant droit devant moi, j'essayais de calculer le temps approximatif qu'il me restait avant de fouler le carrelage du hall de mon immeuble. Cinq minutes, environ. Un temps décuplé par la pénombre et la peur qui faisaient paraître un mètre pour dix. Derrière moi, les pas s'accéléraient, tout comme les miens. Glissant une main dans ma poche pour sentir mon téléphone sous mes doigts, je priais pour que cet(te) inconnu(e) prenne un autre chemin que le mien, qu'il ou elle me laisse seule. Moi et le silence de la nuit. Excuse-moi ?. Un éclat de voix vint se mêler à la légère brise apportée par le vent. C'était donc une femme. M’immobilisant, j'hésita un instant... A l'époque je n'aurais jamais hésité de la sorte, je me serais retournée illico, sans me poser de questions. Baissant mon regard pour observer l'endroit de ma cicatrice, aujourd'hui cachée par mes vêtements, je pris une grande inspiration avant de céder, pivotant sur moi-même pour découvrir le visage de mon interlocutrice qui n'avait rien de très paniquant en soit. Souriant légèrement malgré tout, je répondis enfin, intriguée: Oui ?!

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Au début, je n'eus pas l'impression qu'elle allait se retourner. Je commençai donc à me faire mille scénarios dans ma tête. Moi, lui courant pour essayer en vain d'avoir des informations. Moi, abandonnant, me retrouvant seule dans ces rues sombres sans aucun moyen de trouver l'appartement de mon collègue d'exposé, complétement paniquée. Moi, rentrant chez moi à bout de souffle et à bout de nerfs. Moi, recevant donc un avertissement le lendemain à cause de mon exposé non-rendu. Moi, recalée car le professeur aurait jugé que je faisais preuve d'un manque d'assiduité. Moi, ratant mes objectifs et donc ma vie. Moi, étant obligée de continuer à vivre à la botte de mes parents malgré mon envie d'indépendance. Le drame ! Tout un coup, un petit "Oui ?!" me sortit de mes pensées négatives et ô grandement pessimistes. Bien qu'elle souriait, elle m'avait l'air effrayée. Je me rapprochai un peu, doucement, pour ne pas la faire paniquer et que ma seule chance de savoir où j'étais s'enfuit en courant. J'affichais un grand sourire comme je savais si bien les faire pour la rassurer. Sans plus attendre, j'allai droit au but : "Oui, bonjour, tu ne saurais pas où se trouve le 27 Hay Street par hasard ? Je suis perdue et je n'ai aucune idée de comment m'y rendre." Je continuais à sourire, en me voulant rassurante. J'avais vraiment besoin d'aide. Je priais dans mon for intérieur pour qu'elle n'abrège pas la conversation afin de gagner quelques minutes sur son temps.

La jeune femme, souriante, semblait particulièrement pétillante. Sa voix était posée et douce à la fois. Je baissa alors la garde, me rendant compte que je n'avais, cette fois-ci, rien à craindre. "Oui, bonjour, tu ne saurais pas où se trouve le 27 Hay Street par hasard ? Je suis perdue et je n'ai aucune idée de comment m'y rendre." Je rigola légèrement à sa question, ne pouvant m'empêcher de me souvenir des mes premières semaines à Bowen. Ayant un sens de l'orientation assez limité, j'avais à de nombreuses reprises posé ce genre de questions, mettant un temps fou à assimiler les moindres recoins de la ville: noms de rues et commerces compris "Hay Street ?!" répétais-je idiotement. Bien sûr que je connaissais. C'était une des rues résidentielles se situant non loin de celle où je résidait. "C'est sur mon chemin, je peux t'y accompagner si tu veux ? " Un moyen pour moi de l'aider tout en m'occupant l'esprit jusqu'à chez moi.

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Je vis le soulagement traverser son visage, elle était rassurée, ce qui m'arrangeait plutôt bien. Il ne restait plus qu'elle sache où cette rue se trouvait et j'étais aux anges. Et elle le savait ! Le sourire qui s'afficha sur mon visage devait certainement me faire ressembler au Joker dans Batman tellement j'étais contente. Lorsqu'elle se proposa de m'y accompagner, je devais ressembler au Joker ... sous tripes. J'étais non seulement soulagée de savoir que bientôt je serais en sécurité chez mon acolyte d'exposé, mais en plus, je n'aurais pas à faire le trajet seule dans le noir. Je lui répondis "oui, avec plaisir !" avec tellement d’enthousiasme qu'elle dut me prendre pour une dingue sortie de l'asile psychiatrique, pour changer. J'avoue que maintenant que le film que je m'étais fait s'est évanouie j'en rigole, mais tout à l'heure, je n'en menais pas large. Je revins tout un coup à la réalité, où étaient mes bonnes manières ? Je la remerciai de tout cœur avant de lancer un petit "Au fait, moi c'est Blossom, et toi ?". Je me rendis compte que je l'avais peut-être effrayée avec mon caractère démonstratif. Je me tus et arrêtai de sourire bêtement en attendant sa réaction.