Complicité au réfectoire - PEARL

Pearl & Louison

L’université, c’était comme une jungle. Il y avait tellement de bâtiment qu’on se perdait parfois. Et puis, sans parler des étudiants qui agissaient parfois comme des singes, des lions ou autres. Ils cherchaient à marquer leur territoire, ils faisaient le pitre. Un véritable spectacle parfois ridicule dont j’étais observatrice. Je préférerais passer inaperçu et ne pas devenir l’objet central d’une guerre ou autre. J’avais quelques amis, quelques connaissances mais je passais le plus clair de mon temps en solitaire. Je ne me plaignais, je la provoquais moi-même. Installée à table dans le réfectoire, j’aurais pu rejoindre des personnes que je connaissais à une table mais non, je préférais être dans mon coin. A manger mon assiette en silence, observant avec curiosité ce qui se passait autour de moi sans jamais intervenir. Je ne portais aucun jugement, j’étais parfois amusé de certaines scènes et d’autres fois, je souffrais comme celui qui était martyrisé. Mais j’avais bien trop peur pour réagir et intervenir. L’université, c’était comme la jungle. Il y avait les plus forts mais aussi les plus faibles qui se faisaient bouffer. Je faisais partie de ces derniers alors si je pouvais éviter de devenir une proie, ça m’arrangerait. Je levais les yeux lorsqu’on s’adressa à moi. Une étudiante qui cherchait une table de libre certainement. Étirant un sourire, j’hochais vigoureusement de la tête. « Non, c’est libre ! » Finalement, avoir quelqu’un avec soi, c’est quand même mieux. Je me penchais vers la jolie brune. « C’est une vraie galère pour trouver une place ici… »

La jeune femme s’installa à ma table en rétorquant une phrase qui me fit sourire. Elle aussi pensait que c’était comme une jungle ici. Passant une main dans mes cheveux en reposant ma fourchette, je répondis d’une voix douce. « Hélas non, je crois qu’ils sont tous comme ça, tout le temps. Suffit de voir parfois comment c’est dans les couloirs. » On pensait que passer du lycée à l’université changerait, mais au final, les mentalités n’évoluaient pas autant qu’on l’espérait. Et puis je suppose que c’était différent dans chaque pays. D’origine française, je me demandais si une université parisienne était identique à celle-ci ou non. Qu’importe. J’essuyais mes mains dans une serviette en papier avant de tendre une main vers la jeune fille. « Je suis Louison, cycle musical. Et toi ? » C’était étrange, autant j’étais extrêmement timide dans certaines situations, et là j’étais plutôt ouverte et bavarde. Je n’allais faire un débat sur la complexité de mon caractère, mais parfois, je ne me comprenais pas. Reprenant ma fourchette pour piquer dans un brocoli, je redressais mon regard céladon sur la jeune femme pour l’écouter se présenter et lorsqu’elle eut terminé, je renchérissais par un « enchantée » avec sourire. « Tu es là depuis longtemps ? Enfin, j’ai l’impression que tu ne sembles pas encore tout connaître d’ici… » Maudite curiosité.

J’étirais un sourire lorsqu’elle se présenta, lui serrant la main. C’était la moindre des politesses pour moi de me présenter, mes mères m’avaient toujours appris à être une compagnie agréable et polie. Tout le monde hélas, ne portait pas les bonnes manières, mais Pearl ne semblait pas sauvage. Je penchais la tête en avant, un sourire amusé sur les lèvres face à ses paroles. « Et bien, je suis ici depuis un an maintenant, j’entame ma seconde année. Donc, je commence à faire partie des murs ouais. » Je portais mon soda à mes lèvres pour en boire une gorgée, me délectant de la fraîcheur de ma boisson avant de revenir sur Pearl. « Tu t’y habitueras vite, les professeurs sont cools bien que je n’ai rencontré que des gens du cycle artistique. Je ne sais pas ce que tu étudies, mais… J’espère que tu tomberas bien ! » Passant une main dans mes cheveux, je sortis mon gâteau de son emballage. « Après, les Australiens sont encore un mystère pour moi, je suis française et ici depuis seulement quatre ans. C’est long, mais, même en plusieurs années, on n’arrive pas encore à déchiffrer certaines de leurs habitudes ! » Je laissais un rictus ourler mes lèvres. « Et tu viens d’où ? »

Spoiler:

« Étude de droit ? Et bien bon courage, il parait que vous avez beaucoup de choses à apprendre en peu de temps. » J’étirais un sourire, l’avantage de la musique c’est qu’une fois qu’on connait son solfège, on a plus qu’à apprendre de nouvelles partitions et s’améliorer dans la tenue de l’instrument et la manière de jouer. Je n’apprenais jamais mes partitions par cœur, j’écoutais la mélodie avant avec un CD ou autre, et ensuite je reproduisais de mémoire ce que j’avais entendu. Ça prenait des heures certes, mais je retenais mieux ainsi. Je l’écoutais me parler de son enfance, née à Londres puis vivre en Italie et finir sur New York. J’aimais les personnes qui avaient voyagé. Je ne les jalousais pas du tout, même si je rêvais d’avoir assez d’argent pour un jour partir en vacance. « Oh, tu as de la chance d’avoir beaucoup voyagé. Ou pas. Pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup bougé, c’est attirant, mais quand on le vit, je suppose que c’est différent, non ? » Mes joues s’arrondirent sous mon sourire tandis que je continuais à manger.

L’habitude. C’est vrai que lorsque cela nous plaisait, on ne voyait pas toutes les contraintes. Quand on regardait la musique, on pensait que c’était facile une fois qu’on savait jouer mais non. Il y avait tout un travail derrière, l’envie d’être parfaite et d’avoir une gestuelle souple et agréable à regarder. « Je suis en cycle musique, particulièrement en violon. J’en fais depuis que je suis toute petite et j’ai été en conservatoire. Là, j’ai un cycle un peu plus théorique, notamment sur l’histoire et la naissance de la musique ect… Et puis, j’ai de la pratique. » J’étirais un sourire en croisant son regard avant d’enchaîner. « J’ai pris aussi une option histoire parce que sinon, mon emploi du temps serait vraiment très libre. Mais au moins, ça me permet de travailler en dehors. » Bon sang, qu’elle pipelette je faisais aujourd’hui. Hochant de la tête à ce qu’elle m’avoua par la suite, je baissais à nouveau le visage sur mon plateau. « Oui, je suppose que c’est bien. » Je n’ajoutais rien d’autre, de toute façon que pourrais-je dire ? Je connaissais ma géographie mais je ne pouvais pas avoir la prétention de dire quoi que ce soit d’autre.

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Le silence s’était installé entre nous. Je ne savais pas quoi dire d’autre pour maintenir la conversation. J’avais déjà fait beaucoup en faisant preuve de témérité, j’avais été bavarde même si j’étais un véritable moulin à parole lorsque j’étais à l’aise. Mais là, j’avais ravalé ma timidité habituelle pour être comme n’importe quel étudiant. Un exploit en soit, qui avait malheureusement une fin depuis déjà quelques minutes. Je mangeais, sans redresser le regard. Je finissais mon gâteau puis mon yaourt et enfin ma boisson avant d’affronter la jeune fille. Me raclant la gorge, je demandais d’une voix douce avec un sourire en coin. « Hmh, ça veut dire que tu parles beaucoup de langues non ? Avoir voyagé comme ça et être resté plusieurs années… Ça doit laisser des traces, je suppose… » Je ne pensais pas qu’en posant cette question, je pouvais m’engager sur un terrain délicat. Je ne connaissais pas sa vie, ses souffrances ou ses joies. Je me contentais de poser une question pour continuer à converser avec Pearl. Je n’avais que très peu d’amis et je me sentais pour une fois normale en étant accompagnée à une table du réfectoire.

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J’étirais un sourire. Moi-même, je n’avais pas la prétention de dire que si j’avais pu visiter beaucoup de pays, je parlerais toutes les langues. J’avais déjà eu du mal à m’habituer à l’accent Australien et mon accent français était encore bien présent. « Je suis française alors, je parle français. Quelques notions d’italiens… enfin, surtout les gros-mot. » Je croisais son regard, légèrement amusée. Étrangement, c’était toujours les noms d’oiseaux qu’on apprenait en premier dans une langue. Qu’importe, c’était bien utile lorsqu’on avait deux mères qui ne parlaient que l’anglais et qui ne comprenait pas ce qu’on disait. Mes yeux gourmand se posèrent sur mon dernier gâteau que j’avais pris, seulement mon ventre était déjà bien détendu comme ceux des bébés après qu’ils aient mangé. Écoutant plutôt ma gourmandise que ma raison, je pris celui-ci pour croquer dedans avec un sourire. « En tous cas, ça fait plaisir d’avoir mangé avec quelqu’un, c’était sympa. » Mes yeux céladon croisèrent les siens et je passais une main dans mes cheveux. « Tu termines tard les cours toi ? Ton emploi du temps est bien ? »

« Je suppose. Comme en français, il y a de jolis mots, mais en général, on retient plus facilement les insultes. » J’étirais un sourire. C’est ce que j’avais constaté, seulement je ne prétendais pas tout savoir et par conséquent, je levais les épaules après mes mots comme pour appuyer mes paroles. Je n’aurais jamais deviné sa double origine. J’étais ce qu’on appelait, incapable de reconnaître les accents. J’hochais de la tête en terminant mon gâteau et l’écoutant me parler de sa préférence sur son emploi du temps de son ancienne université. J’étirais un sourire avant de répondre en posant mon regard sur une table en face. « J’ai un bon emploi du temps. Ça me permet de pouvoir bosser à côté, en service. Et puis musique, on en a tous les jours, mais comme je suis vraiment spécialisé qu’en ça, bah ça me fait moins de matière et d’heures que d’autres. Du coup, j’ai histoire à côté pour remplir un peu plus mon emploi du temps. Je suis chargée, mais j’adore ça. » Grande amatrice du travail, de la concentration. Ça m’évitait en général, de faire des bourdes.