we're all looking for somebody who's looking for us too (pearl)

Brisbane. 16h30. Maxence venait tout juste de consulter sa montre, discrètement. On venait de demander l’ajournement de la séance, pour préparation en vue d’un nouveau témoin. Le juge, avant de cogner son maillet, avait déclaré : « Séance ajournée, la session sera reprise demain, 13h. » Puis il se leva, aux côtés de ses collègues, ce qui fit en sorte que tous les gens dans la salle purent se lever à leur tour. Avant que les parties ne quittent avec leurs avocats, Maxence se tourna vers Me Weiss-Buchanan et lui lança, alors qu’elle faisait le tri dans ses dossiers : « Me Weiss-Buchanan, j’aimerais vous voir dans mon cabinet, s’il-vous-plaît. » Il soutint son regard un long moment, parce qu’il savait qu’elle, plus que quiconque, devait s’interroger sur les motifs de cette convocation dans la chambre des juges. Leurs conversations étaient toujours pleines de sous-entendus, ils se disaient les choses à demi-mot dès que ce n’était pas en lien avec les dossiers. Maxence n’avait aucune idée d’où ils se situaient sur une ligne relationnelle. Aucune idée de comment les définir. Parce que pour lui, Pearl n’était pas qu’une avocate comme les autres. Il n’avait pas l’impression d’être capable d’entretenir une relation purement professionnelle quand il se retrouvait à la regarder dans les yeux. Depuis trois ans, Maxence retenait et cachait cette attirance qu’il éprouvait envers cette femme. Une attirance à la fois physique et intellectuelle. Elle l’allumait sur tous les points. Maxence quitta finalement le regard de l’avocate afin de rejoindre les bureaux à l’arrière de la salle du tribunal. Il s’assit sur sa chaise, le nez dans ses dossiers à son tour en attendant que Me Weiss-Buchanan le rejoigne. Elle devait avoir à discuter avec son client, c’était chose normale, et Maxence prendrait son mal en patience. Mais quand la porte s’ouvrit et qu’il découvrit le joli minois de la demoiselle, il se leva. « Tu peux fermer la porte. » En privé, il ne ressentait pas le besoin de la vouvoyer. Pourtant, il aurait dû. Mais Maxence se mettait tellement de limites à ne pas dépasser avec elle, que cette règle pouvait bien être enfreinte. « Ne t’inquiète pas, ce n’est pas en lien avec le dossier. Enfin, pas tout à fait. J’ai l’impression qu’un rien t’agace, Pearl. Tu t’emportes pour aucune raison. Ce n’est pas l’avocate que je connais depuis trois ans. Et bien honnêtement, je ne tolérerai pas ce comportement à ma Cour. » Ils ne se connaissaient pas tant que ça, au fond. Superficiellement. Et pourtant, tout chez elle l’attirait, le faisait rêver. Et il l’avait si souvent déshabillée en pensée ; il avait l’impression de la connaître par cœur.

« Séance ajournée, la session sera reprise demain, 13h. » déclare le juge Kearse à l'assemblée avant que le son du coup de maillet résonne dans la salle d'audience. Elle hoche la tête avant de se lever. Tout pendant qu'elle essayait de mettre de l'ordre dans ses dossiers, l'avocate entends une voix l'interpeller, qui lui fait lever la tête. « Me Weiss-Buchanan, j’aimerais vous voir dans mon cabinet, s’il-vous-plaît. ». Le juge Kearse la regarde de son œil sombre, un regard si perçant qu'elle a maintenant l'habitude de voir depuis trois longues années de plaidoirie à la Cour. Elle est surprise mais ne laisse paraître qu'un froncement de sourcil très bref, restant ancré dans le regard du jeune juge. Pearl mets un peu de temps avant de répondre, comme quelque peu troublée par l'instance du regard du juge. « Bien, Monsieur le Juge. » répondis-t-elle avant qu'il ne tourne les talons. Ses dossiers dans ses bras, elle va voir son client quelques instants. Elle lui parle et pourtant, l'objet de ces pensées se trouvent à quelques pièces d'ici. Maxence Kearse. Trois ans qu'ils se côtoient professionnellement. Pourtant, à chaque fois qu'elle le voit, elle a ce sentiment qu'il ne voit pas comme simplement un des avocats de sa Cour. Ce regard en est pour elle, tacitement, une nouvelle preuve. Des jeux de regards pendant les audiences, des entrevues où toutes leurs paroles cachent un tout autre sens. Cette sensation étrange qu'ils se cherchent sans jamais se trouver. Pearl était une femme mariée ces dernières années et c'est une femme fidèle, seulement, il avait toujours sa présence jamais bien loin. Souvent, elle se demandait si elle avait une attirance pour le jeune juge. En vérité, elle ne voulait pas se l'avouer mais c'était le cas mais pour des raisons professionnelles évidentes, la concrétisation de ses désirs est inaccessible. Pearl termine alors de discuter avec son client et s'éclipse de la salle d'audience pour rejoindre son bureau. Ses dossiers une fois sur son bureau, elle va enlève sa robe d'avocat, dévoilant une tenue toujours une tenue élégante. Elle pose son habit de travail sur un cintre le place et se tourne vers la glace sur la porte. Une jupe crayon noir en simili cuir entoure les jambes de la belle blonde, où se trouve en dessous des bas noirs où un liseré de dentelle s'y cache. Un haut voile à manches courtes est posé sur ses fines épaules, le collier de sa mère défunte repose sur le décolleté quelque peu ouvert de son haut. Elle va chercher son blazer noir sur le dossier de sa chaise de bureau et l'enfile. Juchée sur ses escarpins, elle sort de son bureau pour prendre la direction de celui du juge Kearse. Une fois arrivée, elle ouvre doucement la porte pour éviter de déranger. Pearl entre doucement, Maxence ne tarde pas à remarquer sa présence puisqu'il se lève. « Tu peux fermer la porte. » Ce qu'elle ne manque pas de faire rapidement. Une fois face au juge, Pearl avance jusqu'aux chaises qui font face à l'imposant bureau et fait face à l'une d'entre elles, posant ses fines mains sur le dossier d'une entre elles. Une once d'appréhension creuse quelque le fond de ses entrailles, ce que Maxence a dû ressentir on ne sait pas comment puisqu'il lève le voile sur l'objet de sa convocation. « Ne t’inquiète pas, ce n’est pas en lien avec le dossier. Enfin, pas tout à fait. J’ai l’impression qu’un rien t’agace, Pearl. Tu t’emportes pour aucune raison. Ce n’est pas l’avocate que je connais depuis trois ans. Et bien honnêtement, je ne tolérerai pas ce comportement à ma Cour. » Dur, sexy. Étranges pensées pour un léger recadrage. Pourtant, ce sentiment évolue en une tristesse qu'elle contient en se mordant légèrement le creux de la joue. Tout se chamboule dans sa vie. L'annonce de sa grossesse, son divorce. Pearl est profondément perdue ces derniers temps, elle fait tout pour faire face mais il faut croire qu'elle n'arrive pas à contenir le flot de ses émotions en ce moment. Cela ressortait à la Cour selon les dires du juge. Elle ne se le tolérait pas, elle qui a eu tant de mal à arriver où elle en est. Ravalant quelques larmes, elle replace une mèche derrière son oreille tombé de son chignon haut. Elle retrouve le regard de Maxence. « Cela ne se reproduira plus, Maxence, je vous prie de m'excuser. »  Elle le vouvoyait au vue de la hiérarchie mais il l'avait déjà demander de l'appeler par son prénom en dehors de la salle d'audience. Une liberté qui les rapprochaient, accentuait encore plus l'étrange attirance qui les travaillaient tous les deux. « Il y a autre chose dont vous vouliez m'entretenir ? » Elle essayait de changer de sujet, histoire que le juge assez perspicace ne viennent pas creuser en terrain sensible. Il devait sans doute savoir qu'elle avait divorcée, mais pas qu'elle était enceinte. Il n'avait pas vraiment à savoir ce détail pour le moment. C'est déjà assez le bazar dans sa vie en cet instant.

Les yeux de Maxence descendirent jusqu’aux fins doigts de Pearl posés sur le dossier d’une chaise face au bureau du juge. Derrière elle s’étendait une grande bibliothèque remplie de livres de lois, de différentes couleurs sobres, et toute la lumière qui émanait de la jeune femme détonait sur ce décor trop sérieux. Maxence n’aurait su expliquer pour quelles raisons exactement, mais Pearl ne dégageait pas la même aura que les autres avocates qui passaient dans la salle d’audience. Elle avait ce je-ne-sais-quoi qui faisait que Maxence avait du mal à détacher son regard du sien, pour aller retrouver celui de l’avocat de la partie adverse ou des témoins. Pourtant, de jolies avocates fraîchement sorties du Barreau, il y en avait bon nombre qui passaient au tribunal. Cependant, elles n’avaient pas ce quelque chose qui faisait de Pearl une femme aussi unique. Une femme qui faisait bien plus que seulement tourner la tête de Maxence. Elle le faisait vibrer. Elle lui faisait perdre la tête. C’était comme Adilyn. C’était comme Eleanor. Comme si, involontairement, Maxence tombait sous le charme des femmes qui n’étaient pas pour lui. Une femme qu’il avait sortie de prison, une femme de la royauté qui s’était enfuie, et une avocate dont une quelconque relation créerait bien trop de conflits d’intérêt. Maxence n’arrivait pas à trouver une femme qui ne le mettait pas au centre d’un éventuel scandale. Maxence n’arrivait pas à trouver la perle rare. Pourtant, Pearl s’appelait bien Pearl. Mais les fantasmes qu’il avait à son sujet venaient avec tellement de honte, de remords et de danger. Le juge se retenait depuis trois ans, d’abord parce qu’il savait qu’elle était mariée auparavant, mais même maintenant qu’elle était divorcée parce que l’homme avait peur de s’embarquer dans un tourbillon infernal et sans fin duquel ils ne pourraient ressortir indemnes.

Pourtant, maintenant qu’il avait Pearl devant lui, qu’il pouvait sentir son parfum se frayer un chemin jusqu’à lui, qu’il pouvait imaginer sa main glisser le long de ses jambes sous son bas de nylon, Maxence perdait la tête de nouveau. Parce qu’il était si faible. Si vulnérable devant elle. Devant elles. Malgré son attirance pour la jeune femme, le juge Kearse ne perdit pas de vue la raison principale de la convocation de Me Weiss-Buchanan dans ce bureau. Il devait, comme il l’aurait fait pour n’importe quel autre avocat dans cette situation, la réprimander sur son attitude des dernières audiences. Maxence ne connaissait pas les détails de la vie personnelle de Pearl mis à part les grandes lignes, mais il n’était certainement pas supposé être en mesure d’en déduire certains choses rien qu’à la voir agir en procès. Et pourtant, c’était le cas. Maxence remarquait bien que Pearl n’était pas dans le meilleur des états. Et ça le travaillait. Parce qu’il se faisait du souci pour elle. Ainsi, certes, Maxence désirait faire comprendre à Pearl que ce comportement était inacceptable au tribunal, mais il voulait surtout en savoir plus sur sa situation afin de l’aider, si besoin. Après tout, derrière leurs rôles, ils étaient des humains. Des humains en quête d’un bon d’affection, de soutien, de compassion ou d’empathie. « Cela ne se reproduira plus, Maxence, je vous prie de m'excuser. » Il hocha la tête, d’un air sérieux. Il préférait jouer aux juges importants plutôt que de devenir trop ouvert, trop sensible face à Pearl. Il savait que s’il enclenchait ce processus, alors il se mènerait lui-même à sa perte. Pourtant, c’était de plus en plus insupportable de faire comme si de rien était. Comme si son cœur ne battait pas à tout rompre à chaque fois qu’il croisait son regard, sa silhouette, son sourire. « Bien. Il ne faudrait pas que vos problèmes personnels affectent votre professionnalisme. C'est une règle d’or. » Ajouta-t-il, alors que ce n’était pas nécessaire de lui faire la morale davantage. Maxence voulait éterniser cette conversation par tous les moyens, au risque d’avoir l’air trop dur. Au moins, Pearl était toujours devant lui. À une si courte distance de lui. « Il y a autre chose dont vous vouliez m'entretenir ? » Demanda alors Pearl, ressentant probablement que cet entretien tirait à sa fin, le sujet étant clos, mais que Maxence ne lui montrait pas la porte. Le trentenaire inspira, soutenant le regard de la blonde, avant de dire : « Tu sais … Maintenant que nous ne sommes plus dans la salle d’audience devant tout ce monde, et bien … si quelque chose te tracasse, tu peux m’en parler. Ce ne sera pas une conversation professionnelle, mais personnelle, confidentielle, d’égal à égal. » Maxence n’aimait pas penser à la hiérarchie mais, en même temps, elle était là. Et Maxence ne voulait pas que Pearl se sente intimidée si elle désirait se confier. Il savait que c’était sans doute une très mauvaise idée d’ouvrir ainsi la porte aux confidences, mais il ne pouvait laisser repartir Pearl alors que sa vie était sens-dessus-dessous ; si elle l’était.

L'avocate se fait réprimander, telle une enfant. Pourtant, elle savait que Maxence n'avait pas d'autre choix que de faire régner l'ordre et le sérieux à sa Cour. Sa Cour est d'ailleurs à son image : distinguée et irréprochable. C'est le cas. De ces yeux bruns, Pearl observe l'homme en face d'elle. L'homme qui prend partie intégrante de ses pensées un peu plus chaque jour. Ces traits durs, cette façade d'homme de loi, ce masque que l'on se crée quand on devient un personne publiquement importante. La belle blonde connaissait aussi cette façade. Pourtant, elle savait très bien qu'en dessous se trouvait le véritable Maxence. A quelques très rares occasions, elle avait pu l'apercevoir, l'entrevoir pour très vite faire retomber le voile. Ses deux précédents maris n'avaient pas ce côté mystérieux qui attisait tant la curiosité de la jeune avocate. Il est là, debout devant elle. A quelques pas. Tout près. « Bien. Il ne faudrait pas que vos problèmes personnels affectent votre professionnalisme. C'est une règle d’or. » dis le jeune juge d'une voix presque rauque. Les doigts de l'avocate se serrent autour du dossier de la chaise, jusqu'à ce que ses phalanges blanchissement légèrement sous la pression. Là, à ce stade, on ne parle plus de léger recadrage mais plutôt de sermon. Elle cherche le regard de Maxence avant d'arquer un sourcil. En plus, il la vouvoie de nouveau ? Ce qu'il peut être déroutant parfois... Il poussait quelque peu la jeune femme dans ses retranchements. Pourtant, elle reste près de lui. Quelqu'un ayant un peu de rébellion dans le sang aurait envoyer le juge aller se faire voir mais Pearl ne vacille pas et encaisse. Elle garde alors cette attitude fermée qu'elle a depuis qu'elle a entendu Maxence ouvrir la bouche. « Je comprends, Maxence. » dit-elle avant de d'incliner légèrement la tête, son tic quand elle réfléchit. Réfléchir à pourquoi Maxence insiste lourdement ainsi, comme si tacitement, il essayait de lui faire passer un message. Cependant, le visage du jeune juge est impénétrable. Elle, très observatrice d'habitude, peine à déchiffrer son attitude.

Dans l'optique de couper court au sujet, Pearl l'avait interrogé sur une éventuelle autre raison de sa présence dans son cabinet. Le magistrat inspire pendant que son regard, ancré dans celui la blonde, change quelque peu. Se transforme en quelque chose de plus doux, bienveillant. Pearl soutient également son regard pendant qu'il ne parle. « Tu sais … Maintenant que nous ne sommes plus dans la salle d’audience devant tout ce monde, et bien … si quelque chose te tracasse, tu peux m’en parler. Ce ne sera pas une conversation professionnelle, mais personnelle, confidentielle, d’égal à égal. » Pearl se fige. D'égal à égal. Ces mots résonnent dans sa tête. Jamais ils ne l'avaient été auparavant. Jamais il ne lui avait proposé de se confier ouvertement à lui. Jamais ils n'avaient été aussi proche de traverser la mince frontière qui fera tomber tous les murs qu'ils ont érigés pour emprisonner toutes pulsions d'aller plus loin dans leur relation. Pourtant, il venait de le franchir ce pas parce qu'il savait pertinemment qu'elle ne tiendrait pas le choc, qu'elle craquerait malgré son farouche caractère de personne extrêmement réservée. "Bordel Pearl, laisse toi aller. Lézarde cette carapace et dit enfin à quelqu'un ce que t'as sur le cœur. Tu ne peux pas être forte à chaque instant." martèle la conscience de Pearl. Maxence Kearse fit, pour la première fois, craquer l'avocate. « Je suis enceinte, Maxence. » dit-elle en baissant le regard tandis que sa voix se brise. Elle se déplace alors le long du bureau, le bout de ses ongles manucurés glissant sur le bois verni. Ses yeux se remplissent de larmes, son cœur lui hurle d'arrêter, de tout déballer à cet homme qui la fascine. Elle se stoppe à l'angle du bureau et marque un temps d'arrêt avant de faire volte-face vers le juge. « Comment une femme comme moi peut être enceinte, Maxence, dis le moi. »dit-elle dans un souffle. Première fois qu'elle le tutoie mais cela est bizarrement très naturel. Des larmes sont maintenant prêtes à couler de ses yeux foncés. Elle les retient du plus fort qu'elle peut tandis qu'elle retrouve le regard du juge. « Toute ma vie, seul le travail a été mon centre de gravité. Rien n'a compté plus que ça. Jamais la moindre pensée de maternité ou de grossesse n'a gouverné ma vie. Surtout que son futur père est loin d'être un ange. » Elle est terrifiée à la simple idée de voir ce ventre grossir mais ça, elle ne l'avouera jamais. Ses larmes tiennent toujours au bord de ses yeux, elle porte sa main nerveusement à son collier. Comment pouvait-elle devenir mère alors qu'elle n'en a jamais eu ? Voilà ce qu'elle se disait souvent pour mettre une excuse sur sa peur.

Il se jurait pourtant, à tous les jours, de ne pas se montrer faible, de ne pas laisser les gens s’infiltrer sous ce masque, justement. Maxence avait travaillé si fort, si dur, afin d’arriver là où il en était. Quand il avait été nommé juge, c’était son rêve qui devenait réalité. L’accomplissement de soi. Il en était au sommet de la pyramide de Maslow. Alors il ne pouvait pas jeter tout cela par la fenêtre rien que pour son cœur qui battait trop facilement pour des femmes qui ne feraient que lui attirer des ennuis. Sans doute exagérait-il, à quelque part, parce qu’il tenait tellement à protéger sa carrière qu’il en devenait surprotecteur, s’imaginant le mal partout autour de lui, entre chaque paire de cuisses. Dans le seul but de se détacher un peu de Pearl, sachant pourtant fort bien qu’il chercherait éventuellement à se rapprocher d’elle d’une façon ou d’une autre, Maxence se donna un air sévère ce matin. C’était plus facile pour lui de la réprimander que de la désirer. C’était moins confrontant. Pourtant, il voyait bien que cela touchait Pearl, puisque ses doigts s’étaient enfoncés dans le dossier de la chaise, retenant sans doute sa colère ou son refus de se laisser ainsi sermonner par le juge. Elle avait tous les droits d’être ainsi affectée, parce que Maxence n’aurait pas dû insister autant sur sa dispute. C’était simplement le seul moyen pour lui de ne pas dépasser les autres limites qu’il s’imposait. Pearl lui répéta, encore une fois, qu’elle comprenait. Maxence réalisa alors à quel point il se montrait lourd, alors il détendit tous les muscles de son corps et soupira doucement. « Bien. » Lâcha-t-il, pour conclure enfin ce sujet.

Maxence changea du tout au tout, parce que c’était lui, ça, une véritable contradiction. Il montra alors une toute autre facette de sa personne, passant de l’homme dur à l’homme compréhensif. Il délaissa son masque de juge pour devenir l’humain qu’il était, proposant son oreille à Pearl. S’il ne pouvait pas continuer à la sermonner, il devait au moins la garder ici pour l’écouter. C’était mieux que de la voir partir et de savoir qu’elle garderait en mémoire cet échange des plus douteux et sévères entre eux. Maxence ne voulait pas avoir l’air de ce genre de personne à ses yeux. Autant il voulait la garder loin de lui pour éviter les conflits, autant il désirait qu’elle le voie comme il était réellement. Un homme bon. Un homme gentil. Avec de bonnes valeurs et de bonnes intentions. Pearl s’était figée, essayant sans doute de comprendre ce changement drastique dans son comportement face à elle. Elle reprit toutefois bien vite conscience de ce qui se passait, et sans doute un peu trop, prenant Maxence au dépourvu. Elle ne leur laissa même pas le temps de s’asseoir et de préparer leurs mots qu’elle lui lâcha qu’elle était enceinte, comme ça, comme une bombe sur sa tête. Étrangement, c’était comme si elle venait de planter un couteau dans le cœur de l’homme, alors qu’il n’aurait dû que compatir face à la voix brisée de la jeune femme. Ce ne fut pas la totalité de l’effet sur lui. Il était peiné pour elle, certes, puisque cela ne semblait pas être une bonne nouvelle pour elle. Mais il était aussi affecté pour lui, parce que cette révélation faisait en sorte qu’un mur bien plus grand, bien plus haut, venait de s’ériger entre eux. C’aurait dû le rassurer, mais non. Il se rendait alors compte à quel point il désirait Pearl.

« Oh. » Avait-il lâché, s’asseyant sur sa chaise alors que la blonde se déplaçait le long du bureau, ses doigts glissant sur le bois. Maxence leva la tête vers elle, la suivant des yeux dans cette démarche dramatique. Elle se tourna finalement vers lui, lui qui se sentait maintenant tout petit. Ses paroles vinrent le toucher, parce que le juge comprenait parfaitement comment Pearl analysait la situation. Il la voyait comme lui l’aurait vue, à sa place. « Le travail n’est pas tout, Pearl. Une femme comme toi, autant que n’importe quelle femme, peut devenir une mère. Ne te sous-estime pas de la sorte. » Maxence ne savait plus quoi dire, il ne savait pas à quel niveau Pearl avait besoin d’être rassurée. « Le père est-il au courant ? » Demanda Maxence, cherchant à savoir s’il allait être dans le portrait, ou non. D’une certaine façon, et sans pouvoir se l’expliquer, il espérait que non. Pourtant, Maxence n’avait rien à voir là-dedans. Maxence n’avait aucun mot à dire sur ce sujet.

Le jeune juge se détendit dans son siège tandis qu'un soupir s'échappe de ses lèvres. Il semble satisfait que l'avocate comprenne que son comportement avait outrepassé la limite de l'acceptable. Pearl, d'habitude toujours en contrôle, n'arrivait plus à faire face à l'afflux de sentiments négatifs qu'avait eu son divorce et l'annonce de sa grossesse. Le sermon du juge Kearse avait, certes, fait mal au cœur mais allait sans le moindre doute remettre l'avocate sur les rails.

Toute la retenue que Pearl avait réussi à avoir jusque là avec le monde qui l'entourait venait de voler en éclat. Maxence venait de faire preuve de compassion, venait apporter une oreille bienveillante à la jeune femme juste au moment où elle n'arrivait plus à tenir. Pourquoi lui ? Pourquoi cet homme en particulier ? La logique aurait voulu que ce soit son père ou Elias, son meilleur ami, le premier au courant de cette grossesse. Seulement, le sort en avait décidé autrement. Tout était sorti si vite. Brut. Pur. La vérité déshabillée brutalement. Pearl ne rendait pas encore compte de la bombe qu'elle venait de larguer entre les deux juristes. Elle se rendait compte qu'elle aurait dû se taire,  ne rien dire et faire preuve de retenue encore quelques temps. Elle cherchait une un conseil. Quelques conseils pour lui permettre de faire le bon choix parce que pour le moment, elle n'avait pas envie de devenir mère parce qu'indirectement, cela revenait à remettre en question son travail au sein de la Cour. Enfin, avec ce qu'elle venait de dire à Maxence, elle avait envie de fuir et de ne jamais remettre les pieds ici. Vous l'avez compris, c'est un bazar pas possible dans la tête de l'avocate.

Du bout du bureau, Pearl essaie tant bien que mal de retenir ses larmes. Maxence s'était assis à son bureau. Elle ne l'avait même pas remarqué, trop prise pour essayer de mettre des mots sur ce qu'elle ressent. « Le travail n’est pas tout, Pearl. Une femme comme toi, autant que n’importe quelle femme, peut devenir une mère. Ne te sous-estime pas de la sorte. » Doucement, elle fait le chemin inverse en écoutant attentivement les paroles du juge. Ses larmes s'estompent peu à peu, conscience qu'une fois de plus, elle perd le contrôle. « Maxence, soyons sérieux une seule seconde.» dit-elle en s'asseyant en face du juge. Elle croise ses jambes avant de continuer. « Je passe du temps dans l'avion, partageant ma vie entre ici et Bowen, tout comme toi. Je passe mon temps à travailler. Comment tu peux me dire qu'une maternité est envisageable pour moi ? » questionne-t-elle alors Maxence, son regard perçant dans le sien. Elle le trouve subitement magnifique, envie de passer de l'autre côté du bureau et de l'embrasser. Les hormones qui déjà lui jouent des tours ? Elle glisse ses mains à son genou pour passer l'envie. Puis, il continue. « Le père est-il au courant ? » Elle secoue légèrement la tête de manière négative avant de lui répondre. «Non, il ne l'est pas. » et il ne le sera peut-être jamais, pensa-t-elle. Inclinant la tête sur le côté, signe qu'elle réfléchit, Pearl fronce les sourcils légèrement. « Pourquoi est-ce que je me confie à toi, Maxence ? » demande-t-elle, sa voix mal assurée. C'est vrai ? Pourquoi ? Maintenant que nous sommes dans la confidence, autant la poussée à son maximum.

Le juge ignorait qu’il était le premier à apprendre cette grossesse chez Pearl. Il ignorait à quel point leur relation venait de se complexifier, rien que parce qu’il avait osé lui prêter une oreille malgré la distance qu’ils auraient dû mettre entre eux. Il ignorait qu’il venait de franchir une porte dont la porte venait de se refermer derrière lui, le laissant prisonnier de ce nouvel emplacement dans lequel ils se trouvaient, tous les deux, l’un devant l’autre. Incapable de se détacher de leurs regards. Maxence ne réaliserait sans doute que plus tard de ce pas de géant qu’il venait de faire, rejoignant Pearl de l’autre côté du mur invisible. De cette distance écourtée si vite, trop vite peut-être. Il perdrait le contrôle. Il le savait, au fond, qu’il le perdrait. Parce que Pearl lui avait toujours déréglé le cœur et l’esprit, même à des kilomètres de son âme. Maintenant qu’ils se rapprochaient, émotionnellement d’abord, physiquement ensuite, Maxence perdrait les pédales. C’était inévitable.

Dans une vaine tentative de réconforter l’avocate, Maxence avait tenté de lui faire comprendre qu’elle pouvait être mère, elle aussi, si elle le désirait. Il voyait en elle une femme si intelligente, si déterminée et douce à la fois, il se disait qu’elle pourrait prendre soin d’un enfant mieux que quiconque. Mais il ne se basait pas sur grand-chose pour le lui dire. Pearl mieux que quiconque savait à quoi s’attendre d’elle-même. Il ne savait toutefois pas quoi lui dire d’autre. Il désirait l’encourager, lui faire voir le bon côté, s’il y en avait un. Malheureusement, elle semblait prise de l’autre côté de sa perception. Elle ne voyait que le noir, le doute, la peur. Le négatif. « Maxence, soyons sérieux une seule seconde. Je passe du temps dans l'avion, partageant ma vie entre ici et Bowen, tout comme toi. Je passe mon temps à travailler. Comment tu peux me dire qu'une maternité est envisageable pour moi ? » Elle s’était assise face à Maxence, les jambes croisées, et le juge se redressa devant elle, question de reprendre une meilleure position. Il posa ses mains croisées ensemble sur son bureau, l’écoutant attentivement. « Je sais à quel point cet emploi ici est important pour toi, mais tu sais, la Cour municipale de Bowen rêverait d’avoir une avocate comme toi. En attendant, pour quelques années, ça peut être une option. Tu sauras toujours retrouver ton chemin jusqu’à la Cour suprême, quand tu le pourras. » Puis, Maxence songea à ce que ça voudrait dire pour Pearl, de garder l’enfant, et inévitablement, il lui demanda si le père de l’enfant était au courant de sa grossesse. Si elle avait quelqu’un auprès d’elle, ce serait déjà plus facile. Seulement, à cette pensée, en l’imaginant avec une petite famille et un autre homme dans le portrait, Maxence éprouva une étrange sensation de jalousie. Il fronça légèrement les sourcils, au même moment où Pearl lui révéla que non, il ne l’était pas. Il hocha la tête. « Comptes-tu le lui dire ? » Il voulait en apprendre davantage sur l’état actuel de sa relation avec le père. Comme si ça changerait réellement quelque chose pour lui. Ça n’aurait pas dû, mais ça changerait tout, oui. Parce que maintenant que Maxence avait son regard planté dans celui de Pearl et qu’elle le laissait lire en elle comme en un livre ouvert, il réalisait à quel point derrière cette femme forte et brave se cachait également une femme douce et sensible. Et il avait envie de se perdre dans ses bras et d’essayer de la réconforter. Il avait envie d’être là pour elle. Trop envie d’être là pour elle, c’en était déroutant.  « Pourquoi est-ce que je me confie à toi, Maxence ? » Maxence ne le savait pas non plus. Il ne savait pas non plus pourquoi il lui tendait autant l’oreille, lui qui n’avait voulu la faire venir ici que pour la réprimander, les voilà qui débutaient une relation qui ne pouvait que mal se terminer. Pourtant, il n’avait pas du tout envie d’y mettre fin. Pas du tout. « Parce que tu peux me faire confiance. » Répondit-il d’un ton assuré. « Et parce qu’on a attendu trop longtemps avant de se parler. De réellement se parler. » Il ne savait pas où il voulait en venir avec cela, mais il espérait que Pearl mordrait à l’hameçon, et qu’il pourrait voir comment elle se sentait de son côté, par rapport à eux deux.