between us -r.

Capucine était finalement repartie il y a quelques semaines. Elle avait lâché son job d’assistante pour Nick, ce qui me mettait franchement dans une position merdique étant donné que j’avais moi-même glissé son curriculum vitae sur le dessus de la pile de candidatures sur son bureau. Et puis, elle avait quitté cet appartement qu’elle n’avait habité que quelques jours à peine. Je n’avais pas trop compris pourquoi elle devait quitter Bowen alors qu’elle venait tout juste d’arriver, mais ça semblait personnel, alors je n’avais pas cherché plus loin. Bref, tout cela pour dire que j’avais perdu ma colocataire, et que le logement semblait maintenant si vide depuis qu’il avait connu la présence de deux personnes plutôt qu’une.

C’est pour cette raison que j’avais posté une nouvelle annonce. Et voilà que maintenant depuis deux semaines, je vivais avec la belle Hanaé. Peut-être était-ce dans ma façon de rédiger mes annonces de recherche de colocataires, mais en tout cas je me ramassais toujours avec de belles filles. Mais Hanaé était très différente de Capucine. Capucine était très, très féminine, toujours habillée très sexy, tandis que Hanaé était plus garçonne, plus simple, mais tout aussi belle. Sinon plus, étant donné qu’elle était davantage mon style. Peu importait toutefois, parce que plus j’apprenais à la connaître, plus je me rendais compte que Hanaé me faisait penser à ma petite sœur. Ce serait donc bien trop étrange de m’imaginer en couple avec elle, car je ne cesserais de voir ma sœur en elle. Cela me facilitait quand même la tâche parce que je dois avouer qu’avec Capucine, parfois il était difficile de ne pas trop la regarder.

Ce soir, Hanaé et moi n’avions rien de prévu à notre horaire et je lui avais donc proposé qu’on se fasse notre première vraie soirée de colocataires. Souper, vin, film, musique, tout ce qui nous passait par la tête ! On pourrait se coucher tard, apprendre à se connaître encore plus – parce qu’en deux semaines de vie commune on s’était quand même rapprochés, mais j’imaginais bien qu’elle avait encore des secrets pour moi ! Bref, la demoiselle n’était pas revenue de son disquaire au moment où je commençai à préparer le souper. Je savais qu’elle passait aussi chercher le dessert en rentrant du boulot alors je ne m’en fis pas trop avec son absence. Au pire, elle mettrait la main à la pâte en arrivant.

J’entendis la voix de Hanaé au loin, dans le hall d’entrée, qui me criait qu’elle était rentrée. Un grand sourire se dessina sur mon visage ; tant mieux, j’en étais presque au moment de couper l’oignon, et franchement je n’en avais aucune envie. En cuisine, toutes les tâches me convenaient, même celle de faire la vaisselle. Mais couper l’oignon ? C’était l’exception à la règle. Dès que le couteau s’enfonçait dans cette plante herbacée, mes yeux devenaient rouges et les larmes coulaient comme une chute. J’étais incapable de m’arrêter. Heureusement que je n’étais pas une femme parce que si ça avait été le cas, j’aurais eu le visage noirci de mascara le long de mes joues. Bref, le temps de réfléchir à tout ça, j’avais crié un peu en retard : « À la cuisine !! » Pour lui indiquer l’endroit où je me trouvais dans notre logement, le hall d’entrée donnant plutôt sur le salon. Hanaé avait toutefois déjà trouvé mon emplacement puisque dès que je fermai ma bouche, elle se trouvait devant moi. Je lui souris. « Bonne journée ? » La questionnais-je. En même temps, comment ne pas passer une belle journée avec l’emploi qu’elle avait ! Un peu comme moi : elle travaillait selon sa passion. Moi, c’était les jeux vidéo, elle, la musique. Et puis je dois avouer que j’aurais aimé travailler dans un disquaire également. J’adorais découvrir de nouveaux sons, de nouveaux artistes. Heureusement, de ce côté-là, depuis que j’avais Hanaé comme colocataire, plus besoin de travailler chez un disquaire. Dès qu’une nouveauté arrivait en magasin, elle m’en offrait un exemplaire et si je l’aimais, elle me laissait le garder. J’étais vraiment choyé. Je n’étais pas certain qu’elle ait le droit de faire ça, mais tant que je demeurais dans l’ignorance, je ne me sentais pas coupable. D’ailleurs, justement ce soir elle m’en ramenait un nouveau. Je le pris dans mes mains, tout content comme un gosse à Noël. Je l’embrassai sur la joue. « Merci ! On peut l’écouter pendant le repas tu crois ? Ou c’est pas vraiment d’ambiance ? » Peut-être l’avait-elle écouté aujourd’hui et savait donc un peu le style de l’artiste. Parce que si c’était un peu trash comme musique, ça n’allait pas fonctionner avec notre petit repas chic et notre coupe de vin. Bref, quand Hanaé eut terminé de se laver les mains, je posai devant elle une planche à découper, un couteau et … l’oignon. Je lui adressai une petite mimique désolée mais moqueuse à la fois.

Il est vrai que nous n’étions pas des personnes habituées à se ramener de la nourriture du restaurant à tous les soirs. Le réfrigérateur avait toujours de la bonne nourriture et celui qui arrivait le premier concoctait toujours quelque chose de délicieux, même si c’était simple, à tous les soirs. Notre fonctionnement marchait plutôt bien : on se faisait un menu commun, et on se séparait la facture de l’épicerie ensuite. Comme ça, pas de dispute, on mangeait les mêmes trucs, et on ne regardait pas vraiment quelle quantité était mangée par qui. Je n’étais pas à l’argent à ce point-là. Bref, jusqu’à maintenant, notre colocation se passait sans chichi et c’était pour mon plus grand plaisir ! Hanaé semblait également se plaire, ce qui me rassurait. Je voulais qu’elle reste, celle-là.

J’hochai la tête à ses paroles. « Peut-être que les gens commencent déjà à s’énerver parce que Noël arrive dans trois mois ! » Rigolais-je. Après tout, les consommateurs étaient cinglés. Certes là il y avait encore Halloween à venir, mais dès que cette fête serait terminée, les soldes de Noël allaient commencer. Le Père Noël ferait son arrivée dans les centres commerciaux. Alors cette blague, au final, n’en était pas vraiment une. D’ailleurs, parlant de cadeaux, voilà que Hanaé m’en faisait un avec ce CD ! Elle me révéla d’ailleurs inconsciemment qu’elle les achetait à chaque fois, ce dont je pris note. Si je pouvais, je lui ferais des petits cadeaux comme ça aussi, de temps en temps. Juste pour lui montrer que j’étais reconnaissant. « Ok, je vais aller le mettre. Au pire on fera semblant que nos couteaux sont des guitares, si c’est trop hardcore. » Lançais-je en me dirigeant vers la radio. Je mis le CD dedans et pressai le bouton pour faire jouer l’album. C’était plutôt doux, un genre de rock pop romantique avec du piano, de la guitare acoustique et un petit beat en arrière. Je souris. « J’aime bien. » Dis-je en faisant quelques mouvements de tête et d’épaules au rythme de la musique, tout en revenant vers la cuisine.

Constatant que mon oignon m’attendait toujours sur le comptoir, je poussai le tout vers Hanaé qui me traita de non débrouillard. Je souris. « J’ai tout essayé. Ils me font plus pleurer que The Notebook. » Affirmais-je en riant. Hanaé se débrouilla avec ses trucs de grand-mère qui semblaient fonctionner avec elle, mais pas avec moi. J’avais testé le couteau dans l’eau, le cure-dent entre les dents, l’eau sous les yeux, tout. Rien n’y faisait. Quand elle eut terminé, elle me demanda si elle pouvait s’occuper de son dessert. J’hochai la tête. « Oui, cuistot. Va. Veux-tu un verre de vin pendant qu’on cuisine ? » Proposais-je. J’ouvris la bouteille de vin blanc et nous en servi deux coupes. En cuisinant, j’aimais bien prendre l’apéro. C’était mon petit moment social et réconfort.

Évidemment, comme toute fille normalement socialisée à l’amour à l’eau de rose et aux films quétaines, Hanaé réagit fortement à ma comparaison qui n’était même pas supposée être méchante. Je levai les yeux au ciel, secouant la tête de gauche à droite, ne pouvant pas croire ce que j’entendais. « Mais t’as pas compris ! J’insultais pas le film, je disais que ça me faisait autant pleurer … à la limite c’est un compliment pour The Notebook, ça veut dire que c’était assez triste et romantique pour me faire pleurer comme une fontaine ! » Parce que mettez-moi dans la même pièce qu’un oignon en train de se faire couper et j’avais déjà les larmes aux yeux, alors imaginez quand c’était moi qui devais le couper. Même chose pour le cruel destin de Ryan Gosling et de Rachel McAdams.

Après avoir reçu l’approbation de Hanaé concernant le vin, je nous en servis avec entrain une coupe chaque, que l’on commença à boire tranquillement. J’adorais le vin, dans toutes les circonstances. Pas forcément pour goûter à l’ivresse d’une fin de soirée : je me rendais rarement jusque-là avec du vin. Seulement, j’adorais le goût, et l’ambiance d’une soirée avec du vin me reposait. Alors même si nous ne buvions que cette unique bouteille au cours de notre longue soirée, je serai ravi et comblé.

Pendant que Hanané s’affairait à préparer ce qui semblait fortement être des tartes aux pommes – à mon plus grand bonheur ! -, je m’attelai à la sauce crémeuse au fromage de chèvre pour nos pâtes. D’abord les oignons, les champignons et les tomates séchées dans la poêle, ensuite tous les ingrédients pour la sauce onctueuse. J’adorais cette recette : servie avec n’importe quelle pâte, c’était un pur délice. Alors que les tartes de ma colocataire étaient au four, celle-ci vint s’adosser au comptoir à côté de moi, buvant son vin. Je continuais mes tâches, l’écoutant finalement me dire qu’elle irait prendre une douche. « Ok ! Je fouine pas promis, juste l’odeur me convient. » Avouais-je en souriant. Les pommes chaudes sentaient déjà bonnes, pas besoin d’ouvrir le four.

J’entendis l’eau de la douche commencer à couler. Je calculais, connaissant évidemment les habitudes de Hanaé un peu plus chaque jour, que ça lui prendrait une vingtaine de minutes avant d’en sortir. Le repas allait être prêt. Je m’attelai donc à mettre la table, et à mettre la baguette de pain à réchauffer au four, à côté des tartes. Puis je m’occupai à faire épaissir ma sauce encore un peu. Quand la jolie brunette sortit de la salle de bain, le vin était au centre de la table, avec nos coupes, le pain était au centre de la table, coupé en fines tranches avec du beurre à côté, et finalement, je me dirigeais vers nos places respectives avec nos assiettes de pâtes. « Et voilà, ma chère, c’est prêt ! » Je pris place d’abord et elle me rejoignit sans plus tarder. « Bon appétit ! » Lui souhaitais-je avant de prendre ma première bouchée.

En sortant de la salle de bain, Hanaé eut droit à la belle table toute mise. Je ne doutais pas une seconde que je ferais un jour un bon mari. Attentionné, généreux, à l’écoute, romantique. Même avec mes bonnes amies. Alors imaginez quand je serais en amour par-dessus la tête ! J’eus un sourire fier quand la brunette me dit qu’elle aurait pu se croire dans un rendez-vous galant si elle n’avait pas été ma colocataire. « Pas besoin qu’il y ait de l’amour entre nous deux pour que je te gâte un peu ! Je t’apprécie beaucoup, Hanaé. Je suis content d’avoir enfin une coloc’ qui reste et avec qui ça clique super bien. Alors c’est un peu comme ma façon de te le dire. » Hanaé vint me rejoindre à la table et prit place devant moi, ustensile en main. « En plus, tu me gâtes toi aussi, cette tarte aux pommes sent divinement bonne ! » Avouais-je en prenant une grande inspiration pour bien sentir l’odeur qui flottait dans l’appartement. J’étais ravi que nous soyons tous les deux d’assez bons cuisiniers. Ça faisait changement de Capucine qui ne savait pas préparer grand-chose !

Je commençai à mon tour de manger voyant que Hanaé prenait déjà une bouchée de son plat. Je ne pouvais lui en vouloir, j’étais moi-même très affamé. Je goûtai à mes pâtes et constatai avec plaisir qu’elles étaient encore une fois un succès. Pourquoi changer une recette gagnante, dites-moi ? Alors que je faisais passer le tout avec une gorgée de vin, la brunette me demanda ce que j’avais fait de ma journée. « Je suis passé à la compagnie pour laquelle je bosse en ce moment, j’avais des évaluations à remplir. Sinon j’suis allé faire mon jogging dans le parc et j’suis passé à l’épicerie pour tout acheter. Ça résume pas mal ma journée. » Et non, pas de temps pour jouer à des jeux vidéo aujourd’hui ! Contrairement à la croyance populaire à mon égard, j’étais tout à fait capable de m’en passer pour des heures. Certes, dès que j’avais du temps libre sans autres obligations, j’en profitais pour passer à des niveaux supérieurs dans mes jeux mais je savais que l’âge adulte amenait des responsabilités autres. « T’as envie de faire quoi après ? Y’a un film que t’avais envie de voir ? » Demandais-je. Je n’avais pas prévu le reste de la soirée, voulant quand même que ma colocataire s’amuse aussi.

J’étais ravi de l’entendre me dire qu’elle m’appréciait et qu’elle se plaisait dans cet appartement. Après le départ précoce de Capucine sans explication, je m’étais énormément remis en question en tant que personne, en tant qu’ami et colocataire. Je m’étais demandé s’il n’y avait pas quelque chose qui clochait chez moi, pour qu’habiter avec moi soit un calvaire au point de repartir vers d’autres villes plutôt que de s’installer ici. Bon, j’avoue qu’il avait un peu de paranoïa là-dedans puisque je doutais fortement que Capucine aurait quitté la ville rien que pour ne plus jamais me recroiser, mais quand même. Il y avait de quoi se poser des questions sur ses habiletés sociales. En voyant à quel point je m’entendais bien avec Hanaé et avec ce qu’elle venait de me dire, j’étais rassuré. Elle souligna même qu’elle n’avait pas l’intention de partir maintenant, comme si elle lisait dans mes pensées ma peur de me retrouver seul dans ce grand appartement de nouveau. Un grand sourire illumina mon visage. « Tant mieux. Cet appartement est vide sans colocataire, et tu remplis parfaitement le vide. » Je me rendis compte de comment ça pouvait sonner et j’eus un sourire gêné. « Enfin, pas que tu sois grosse ou dérangeante, hein. Aucun des deux. J’veux dire dans le sens que … tu as une belle présence. » Je m’enfonçais, alors je préférai simplement rire devant mon ridicule et mettre ça sur le dos de ma deuxième coupe de vin.

Lorsqu’on parla de l’odeur régnant dans l’appartement, Hanaé me fit part du fait qu’elle ne pensait pas qu’elle serait aussi douée. « Arrête. T’es hyper talentueuse, dans tout ce que je t’ai vue faire jusqu’à présent. » La complimentais-je. En musique, en décoration, en cuisine, elle réussissait tout. Je me débrouillais pas mal non plus, mais seulement en cuisine et en jeu vidéo. Pour le reste, je ne pensais pas avoir d’autre talent caché. Bref, nous commençâmes finalement à manger ce repas ma foi copieux. Lorsque je parlai de mon jogging, Hanaé me proposa qu’on aille le faire ensemble. Il était vrai que j’étais habitué à courir seul avec ma musique, mais c’est parce que je ne connaissais rien d’autre. Je n’avais jamais eu de partenaire de course. J’étais donc emballé à l’idée d’avoir Hana à mes côtés. « Tout à fait ! J’suis certain que tu arriverais à me motiver à aller plus vite ! » La jeune femme était toute mince, j’imaginais bien qu’elle courrait comme une gazelle sans trop de mal. Personnellement, j’avais un peu plus de difficulté à avoir un bon rythme. Musculairement, ça allait, mais je courrais trop lentement et je le savais.

Quand je lui demandai ce qu’elle avait envie de faire après, durant la soirée, elle me proposa The Notebook, un sourire malicieux au visage. Je secouai la tête en riant. « J’te donnerai pas ce plaisir-là. » Pas tout de suite en tout cas. Parce que les films d’amour ne faisaient que ressortir en moi mon mal être face à mon célibat, et je n’avais pas envie de devenir lourd avec Hanaé ce soir. Je bus aussi une gorgée de vin. « À moins que tu aies envie de jouer avec moi, non, c’est bon. On peut toujours jouer à Twister. » Proposais-je pour rire. C’était toujours l’idée que je sortais pour rendre les autres mal à l’aise car disons-le … ce jeu était un malaise sur pattes à jouer entre adultes.

J'avais le don de me mettre les pieds dans les plats quand je parlais. J'aurais dû apprendre à tourner ma langue sept fois dans ma bouche avant de l'ouvrir et de dire n'importe quoi. Malheureusement - ou heureusement ? - ma mère m'avait toujours dit que je devais m'exprimer comme je le voulais, que je devais être authentique et que l'impulsivité ferait simplement de moi quelqu'un de vrai. C'était une belle façon de voir la vie, je pense. Sauf que ça avait ses côtés plus négatifs, genre celui-là. Celui de toujours dire des trucs qui me faisaient paraître con.

J'haussai les épaules quand Hanaé me dit qu'elle n'était pas aussi douée que ça. « On est toujours plus critiques envers soi-même. » Je lui fis un clin d'oeil et pris une gorgée de vin, puis une bouchée de mon repas. Ce que j'aimais manger ! Surtout en bonne compagnie. Je ne comprendrais jamais ces gens qui mangeaient devant la télévision. Cela coupait tellement tout contact avec l'autre. Pour moi, l'heure du dîner représentait un moment privilégié à passer avec des gens qu'on apprécie. On passe tellement notre vie à courir après le temps, je voulais au moins profiter de cette heure-là pour relaxer et parler de tout et de rien.

J'hochai la tête lorsque Hanaé me dit qu'on verrait, pour le jogging. Elle me faisait rire, à proposer quelque chose pour ensuite dire qu'on verrait. Elle faisait souvent ce genre de commentaire, et je commençais à peine à m'habituer ! Ce n'était pas très grave. Je pouvais très bien vivre avec ce petit détail, si ce n'était que ça. Bref, on chercha finalement à trouver l'activité parfaite pour notre fin de soirée. Toutefois, je doutais fortement que mon idée du Twister allait faire l'unanimité et cela, même si nous n'étions que nous deux. « Euh, enfin, si, je joue parfois ... Enfin, avec des amis, quand on boit, on peut le sortir pour rire. C'est ... franchement bizarre parfois ce que ça peut donner comme situation. » Je me souvenais de la dernière fois, avec Donovan, je m'étais retrouvé la tête entre ses jambes. Disons que nous avons préféré oublier cet épisode de notre amitié. « À quoi tu joues, toi, avec tes amis, quand tu prends un coup ? » Lui demandais-je innocemment, pour voir si j'étais si à côté de la plaque que cela.

J'espérais d'ailleurs ne jamais avoir à découvrir le mauvais caractère de Hanaé. Vous me direz que pour apprécier quelqu'un entièrement, il faut la connaître sous toutes ses facettes et l'accepter ainsi, mais j'avais franchement de la difficulté à gérer les mauvais caractères. Étant d'une nature tellement douce et calme, je me sentais toujours franchement menacé, intimidé mais surtout anxieux quand on me montrait les dents. Bref, au moins, tant que je ne m'attirais pas d'ennuis avec ma colocataire, je ne devrais pas avoir à faire à son caractère "de cochon". Ne mettant jamais mon grain de sel dans ce qui ne me regarde pas, et gardant toujours mon sang-froid lors des conflits dans lesquels j'étais malencontreusement impliqué, je doutais que ce jour-là approchait.

Après le jogging, les jeux de la soirée. « Ouais, m'enfin, c'est un peu difficile de ne pas avoir l'esprit mal tourné dans des situations pareilles ! » J'avais beau comprendre que certaines personnes avaient l'esprit bien plus pur que d'autres, je n'arrivais pas à croire une seule seconde qu'un adulte ne verrait pas le caractère sexuel de certaines positions. Cela frôlerait la naïveté et l'innocence. Hanaé étant étonnée de voir qu'il m'arrivait encore de ressortir ce vieux jeu, je la questionnai à savoir ce qu'elle faisait, elle, quand elle se retrouvait avec sa bande d'amis. Il est vrai que je n'avais jusqu'à maintenant rencontré aucun de ses amis - peut-être était-elle gênée de ramener des gens ici ? Pourtant, je n'y voyais aucun inconvénient. Je lui en glisserais un mot plus tard. « Ouais bon, ce soir on y repassera pour le jeu de la bouteille ... à deux ça risque d'être plutôt bizarre ... » Dis-je en rigolant, les joues légèrement teintées tout d'un coup. Hanaé ne sortait donc pas beaucoup. Pourtant, à mes yeux, boire un coup ne rimait pas avec perdre le contrôle et tout oublier. Je connaissais mes limites. Je me rendais jusqu'à ce point où tout est tellement plus drôle, mais que j'ai encore une tête sur les épaules. « Bah des soirées tranquilles ça fait toujours du bien. Je crois que ça s'enligne pour ça ce soir aussi. » Mais j'allais devoir dévergonder ma colocataire un peu. La sortir avec quelques-uns de mes amis, peut-être. Question de lui montrer qu'on peut faire la fête tout en restant sage ... un minimum.