Finding you home | Jamie

A les voir tous les deux l’un face à l’autre, discutant autour d’un thé, on pourrait croire que le couple d’entant était de nouveau réuni, sauf qu’on en était encore loin. Les paroles étaient empruntées, les mots choisis et réfléchis, on voyait qu’ils se forçaient presque tous les deux à avoir une conversation avec l’autre. Mais pourtant l’atmosphère se détendait doucement, peut-être grâce à ce thé un peu spécial et puis aux regards doux qu’ils se lançaient sans en avoir l’air. Parce qu’ils s’étaient aimés Jamie et Sara, ils avaient été heureux tous les deux, ils avaient eu le genre d’histoire d’amour que tout le monde rêve d’avoir un jour, ils avaient été pour l’autre cette personne qui compte plus que tout et avec laquelle ils voulaient vraiment passer le reste de leurs jours, avoir des enfants, un bel avenir et plein de souvenirs à raconter au coin du feu lorsqu’ils seraient vieux, ils voulaient vieillir ensemble, c’était le plan. Mais le destin en avait décidé autrement, pourtant on ne pouvait pas oublier aussi facilement, on ne pouvait pas laisser au passé un amour pareil, si tendre, si limpide à l’époque, il restait toujours au fond d’eux la tendresse des jours heureux et, qui côtoyait amèrement la douleur d’un amour si violemment arrêté dans sa course, figé dans sa splendeur, ne restait-il que ce souvenir teinté de douleur ? C’était difficile de s’y résoudre et on pouvait voir qu’ils faisaient tous les deux l’effort d’y croire encore.

Sara fut surprise d’entendre que Jamie se débrouillait seul. Mais finalement sa dernière réflexion était peut-être la bonne, il s’était peut-être coupé des autres, de sa sœur aussi, même si c’était difficile à croire, volontairement et à cause de son mutisme il se retrouvait démuni et trop fier pour demander de l’aide, c’était regrettable mais elle n’y pouvait rien. Et voyant qu’il allait encore se fermer comme une huitre, elle n’insista pas. Elle plongea son nez dans sa tasse, osant à peine le regarder par-dessus la fumée qui en sortait. Pourtant une fois encore Jamie la surpris, en bien cette fois, en relançant la conversation, lui demandant comment ça s’était passé pour elle en Indonésie. Elle y répondit avec une franchise teintée d’humour, sa meilleure arme et son mari parut réellement compatissant, lui assurant qu’ils seraient venus la chercher s’ils avaient su. Sara le croyait, évidemment, elle n’en voulait à personne de l’avoir laissé là-bas, elle comprenait que ça n’avait pas dû être simple pour sa famille et ses amis de l’avoir d’abord attendu, fébrilement, puis crue morte, d’avoir dû entamer le long et douloureux processus de deuil puis finalement d’apprendre qu’elle était en vie. Personne n’était à blâmer dans son entourage. « Je sais, je ne vous en veux pas… » Elle glissa délicatement sa main vers celle de Jamie posée sur la table et la caressa du bout de son pouce, un premier geste doux, il se laissa faire un instant, de déridant presque en faisant de l’humour au sujet de ses cicatrices sexy, Sara sourit, amusée et pas gênée le moins du monde. Parce qu’ils étaient comme ça avant, riant de tout, même du pire parce que c’était plus simple et moins déprimant, ils étaient complices, drôles, s’amusaient l’un avec l’autre. Mais lorsque Jamie se rendit compte de sa réflexion il retira cette main que Sara serrait presque et baissa les yeux, visiblement gêné. Elle faillit soupirer, déçue, mais se contenta de le regarder avec de grands yeux surpris, il avait totalement changé, elle s’en rendait compte une nouvelle fois.

Lorsque ce fut au tour de Sara de s’inquiéter de l’état de son amoureux, elle le vit se redresser, rigide, le visage fermer. Il lui répondit sur un ton glacial et elle sut qu’il prenait sur lui pour lui formuler sa réponse, qu’il aurait préférer l’envoyer promener mais qu’il faisait l’effort pour elle. Elle ne comprenait pas, il parlait de chances, minces mais de chances tout de même, il en parlait au passé, donc n’y avait-il donc plus d’espoir ? Elle osa lu poser la question parce qu’après tout s’il pouvait remarcher la brunette était d’avis qu’il ne devait pas perdre espoir. « Il y a peut-être encore une chance que tu remarches un jour non ? Même avec une canne, même si ça prend du temps ? » De l'espoir plein les yeux, telle une gosse qui attend qu'on lui dise que le père Noël existe bien, elle avait peur qu’il l’envoie promener cette fois, mais tant pis, c’était dit.

 

L’espoir, un bien joli mot, un grand mot qui en disait long, qui vous maintenait en vie mais qui pouvait aussi vous briser. Quand les espoirs des uns sont éteints ou brisés par les autres, quand ils vous font languir plus que de raison. L’espoir c’est une drogue, le carburant d’une vie ou bien de celles qui qui vous brisent petit à petit. Sara était ce genre de personnes qui vivait d’espoir, animée par une foi en la vie, en les autres, en la chance peut-être aussi. Lorsque Jamie lui avait parlé de cette chance, même infime, qu’il puisse remarcher un jour, elle s’était engouffré dans la brèche, elle voulait y croire, pour lui bien entendu, mais aussi pour eux, pour le couple qu’ils avaient formé et qui se démantelait lentement depuis des mois, elle avait vite compris aujourd’hui que le noyau du problème, ce qui rendait son mari si dur, c’était ses jambes, c’était ce handicap qui le bouffait littéralement, probablement chaque jour un peu plus. Mais lui ne voulait rien entendre, il lui fit comprendre, de façon très claire et sans appel, d’une façon qui lui brisa le cœur, que même s’il restait un espoir, celui-ci était trop mince pour qu’il se risque à des efforts peut-être inutiles. Cette réponse bouleversa Sara, parce qu’elle sentait la peur dans la voix et dans les yeux de Jamie lorsqu’il se confiait à ce sujet, elle sentait qu’il avait rendu les armes, qu’il battait en retraite, contre le mal, contre la vie, contre l’espoir. Et elle était en colère, elle lui en voulu tellement d’être si lâche. Elle ne reconnaissait plus cet homme qu’elle avait tant aimé, qui avait comme elle foi en la vie et qui savait se battre contre l’adversité. Ou était cet homme, ou était son Jamie, elle eut l’impression qu’il était mort dans le crash et qu’elle n’avait plus la même personne en face d’elle aujourd’hui. Elle plongea son regard dans sa tasse de thé à moitié vide, n’arrivant plus à soutenir le regard de cet étranger. Elle voulait hurler, lui donner le fond de sa pensée, lui dire qu’elle était de retour maintenant et que s’il restait un espoir elle pourrait se battre pour deux s’il le fallait, lui dire qu’il devait remarcher, ne pas renoncer, le supplier de le faire pour elle éventuellement… Mais elle sentait bien que toute tentative serait inutile alors à son tour elle battit en retraite et sous l’orage qui grondait encore elle sut qu’elle avait perdu Jamie. Déçue, triste, abattue, elle releva doucement la tête lorsqu’il lui demanda si elle restait chez ses parents. « Oui, pour quelques temps, histoire de me retourner, de savoir quoi faire… et puis ils ne me laissent pas tellement le choix. » Elle sourit tristement à la remarque de Jamie, qui semblait mettre doucement fin à leurs retrouvailles. « Bowen est une petite ville… » Ca voulait tout dire. Bien sûr qu’ils se recroiseraient, ils avaient encore beaucoup à régler tous les deux, peu importe qu’ils décident de continuer ensemble ou séparément. Sara termina son thé d’une traite. « Je te laisse. Tu sais ou me joindre si tu as besoin… de quoi que ce soit. » L’espoir, toujours celui-ci, qui la poussait encore à croire, malgré tout, que Jamie était perdu et que peut-être… peut-être qu’une fois le choc passé, il se rendrait compte que sa femme était de retour à Bowen et dans sa vie s’il le souhaitait, peut-être qu’il finirait par se rendre compte que ce qu’il manquait à sa vie c’était elle, sa présence, son amour, peut-être qu’il se souviendrait de cet amour qu’il lui portait et qui l’avait poussé à l’épouser un an auparavant. En attendant elle se leva, vint l’embrasser doucement, goûtant peut-être pour la dernière fois ces lèvres qu’elle avait adoré embrasser. « Au revoir Jamie. ». Et puis elle quitta cette maison qui n’était plus sienne.