I walk a lonely road, the only one that I have ever known. † Léo

Invité

I walk a lonely road, the only one that I have ever known.
Effy & Léo

La chance lui souriait, c'était en tout cas ce dont elle se forçait à se persuader pour faire preuve d'optimisme. Il ne pleuvait pas, bien au contraire, le soleil brillait au-dessus du lac de Mullers Lagoon, chassant par sa force lumineuse les quelques nuages gris qui traînaient paresseusement dans le ciel. Elle venait d'arriver à Bowen, dans l'état du Queensland en Australie. Et jusqu'ici, aucun problème ne pointait le bout de son nez, ce qui la forçait à faire bonne figure. Elle se retrouvait propulsée dans un pays réputé pour être un endroit "jeune". Elle avait été acceptée à l'université pour faire ses études de communication. Et surtout, elle était seule. Une page blanche s'offrait à elle, sur laquelle elle pourrait écrire ce que bon lui semblait. Très lentement, un sourire en coin étira ses lèvres.

Effy s'était rapidement changée en arrivant sur le campus universitaire, troquant ses vêtements relativement chauds pour résister aux températures pas toujours favorables de Bristol, contre des matières beaucoup plus amicales envers le temps qu'il faisait au-dehors. Vêtue d'un short relativement court en jean foncé, elle avait enfilé un top ample kaki mais avait tout de même mis par-dessus sa chemise à carreaux bleu, rouge et blanche. Et évidemment, elle n'avait pu se résigner à retirer ses Doc Martens noires. Sa chevelure brun foncé était encore attachée en une tresse lâche, d'où s'échappaient des mèches folles encadrant son visage pâle.

La jeune fille marchait d'un pas nonchalant, un peu hésitant, laissant son regard captivant parcourir l'étendue de verdure et d'eau qui se trouvait devant elle. Suivant un moment le sentier qui faisait le tour du lac, elle le quitta pour fouler l'herbe, le visage indéchiffrable et l'allure un rien rebelle bien que sa démarche ne montrait aucune impétuosité. Après quelques dizaines de mètres à regarder autour d'elle, analysant le paysage, elle s'assit en tailleur à quelques mètres d'un arbre bien touffu, et sorti son paquet de cigarettes de sa poche pour s'en allumer une, laissant ensuite ses doigts libres jouer avec l'herbe verte, une fumée légère s'échappant de sa bouche avec lenteur.

Come take a walk with me

Il est de ces journées qui vous donnent envie de grand air, de balades, de liberté. Aujourd’hui alors que la chaleur se faisait moins assommante qu’à l'accoutumer à cette période de l’année, Léo avait quitté tôt son bureau, il avait terminé de retoucher quelques clichés et avait décidé de s’accorder une pause. Du travail il en avait par dessus la tête et s’il voulait être consciencieux il ne quitterait jamais son ordinateur pour répondre aux mails de ses employeurs multiples, mais il n’était pas ce genre d’homme. Non pas qu’il ne soit pas consciencieux, il avait une bonne étique professionnelle, mais il savait se détacher de son bureau pour savoir apprécier les choses extérieur. D’ailleurs il était toujours bien mieux dehors, à prendre l’air, à trouver l’inspiration dans toutes choses, même les plus simples, dans les scènes anodines de la vie.

Alors il avait fermé son écran, attrapé son appareil et pris la route. laissant la voiture sur son parking il avait préféré la marche, c’était plus agréable. Ses pas l’avaient amené jusqu’au Muller lagon, un endroit magique qu’il affectionnait particulièrement dans cette ville. C’était un écrin de verdure là où devait normalement régner chaleur et sécheresse, c’était calme et paisible. Et si beau, le grand parc avec ses arbres luxuriants, le lagon, reposant avec ses petites aires de pique-nique autour, un endroit parfait, un peu à l’extérieur de Bowen qui, en semaine et à cette heure de la journée, était quasiment désert. Léo avait déjà pris des milliers de photos ici, à toute période de l’année, mais il ne s’en lassait jamais. C’était ici qu’il avait commencé à être passionné de photographie, ici qu’il avait fait ses premiers essais lorsqu’il était encore gamin, c’était un endroit qui faisait écho dans sa mémoire, l’un de ses favoris. Il commença à mitrailler ça et là, sans vraiment avoir de but, il ne pouvait simplement pas s’en empêcher.
Ce n’est que lorsqu’il commença à jeter un oeil sur ses clichés qu’il remarqua qu’il venait de capturer une jeune fille. Elle était assise sous un arbre, semblant songeuse, elle captait si bien la lumière. Il s’approcha doucement d’elle, remarqua qu’elle fumait tranquillement une cigarette. Lui s’était apprêté à en fumer une quelques minutes plus tôt mais l’avait calé derrière son oreille, la remettant à plus tard pour prendre une photo intéressante. Il l’avait presque oubliée. Délaissant son appareil il cala la clope entre ses lèvres et l’alluma. Léo ne fumait pas beaucoup, en soirée principalement, mais il avait toujours un paquet à disposition, il s’en grillait une de temps en temps, plus par plaisir que par addiction, c’était un luxe qu’il adorait se payer. Il était maintenant tout près d’elle, sous ce grand arbre qui leur faisait de l’ombre. “Pardon de te déranger… je crois que j’ai malencontreusement pris quelques clichés de toi… ils rendent plutôt bien.” C’était un peu maladroit comme approche, mais lorsqu’on ne connaît pas la personne on parait toujours un peu gauche au premier abord.

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"Is that alright ?"

Maybe it's time to let the old ways die. It takes a lot to change a man, it takes a lot to change your plans. And a train to change your mind.

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Sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte, les pensées d'Effy avaient dérivé jusqu'au souvenir de son frère. Son complice, son héros. Celui qui mettait la musique à fond le matin en se levant pour aller à l'école, pour que leur naïf de père aille l'engueuler dans sa chambre, tandis qu'Eff' rentrait discrètement dans la maison, de retour d'une longue nuit de déchéance. Ni vu ni connu, et hop, merci frérot. Où était-il en ce moment ? Cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait pas vu, qu'elle n'avait pas entendu le son de sa voix. Elle évitait d'y penser la plupart du temps, pour ne pas ressentir la brûlure du manque, mais son absence lui pesait énormément. Était-il heureux ? Pensait-il encore à eux, à tout ce qu'ils avaient vécu ? Aux nombreuses fois où il l'avait tirée d'un bien mauvais pas ?

Une voix typiquement masculine, légèrement grave, tira la jeune brune de ses pensées. Elle releva la tête, ses yeux bleu azur plongeant dans ceux, ténébreux et profonds, d'un jeune homme inconnu. Elle conserva un visage indéchiffrable tandis qu'elle tirait une longue bouffée de fumée sur sa cigarette, puis l'ombre d'un sourire éclaira son visage, lui donnant un air qu'on ne savait pas bien si il était angélique ou au contraire un rien diabolique.

« Malencontrueusement ? Je ne savais pas que l'appareil photo décidait pour toi. »

Remarqua-t-elle de sa voix indescriptible, ni franchement joviale, mais pas froide non plus. Un petit mélange de curiosité, d'humour et de... On ne sait trop quoi.

« J'ai le droit de les voir ? »

Demanda-t-elle, la tête levée vers ce jeune brun qui semblait avoir tout de même pas mal d'années en plus qu'elle.

Come take a walk with me

Léo n’était pas mal à l’aise quand il s’agissait d’aborder les gens d’ordinaire, lorsqu’il demandait à un enfant ou une jeune fille de les prendre en photo en Thaïlande il lui suffisait de leur offrir une pièce, ça n’était rien pour lui mais eux ça les aidait à manger, à vivre, c’était une petite récompense contre la chance immense de capturer des instants de leur vie. Il avait l’oeil avisé et le contact facile, jamais il ne se faisait pressent ou n’obligeait qui que ce soit, rares étaient les fois où il se voyait essuyer un refus et puis dans des pays comme celui-ci ça faisait partie du jeu. Mais à bien y réfléchir il ne faisait quasiment jamais ça dans des pays occidentaux. Parce qu’on avait appris à se méfier de tout le monde, parce qu’un gars de vingt-neuf ans avec un appareil photo c’était louche et ça pouvait porter à confusion, il ne cherchait jamais le conflit. Et puis avouons le, il aimait l’exotisme, le changement, les beaux paysages et les gens qui porte leur histoire sur eux, qui ont des yeux qui vous transpercent, qui vous bouleversent, qui en disent tellement qu’ils n’ont pas besoin de parler. Dans des pays comme le notre tout le monde paraissait vide et ça l’ennuyait.

Pourtant cette fille… cette parfaite inconnue qu’il n’avait pas voulu capturer au premiers clichés, elle avait une attitude, une façon de se tenir, de pencher la tête, de tirer sur sa clope, cet air si détaché alors que tout son être voulait dire le contraire. Elle semblait ne pas être à sa place sous cet arbre. Alors il avait transgressé la règle et s’était approché de cette fille et tenté une approche. Elle le fixa d’abord d’un air presque froid puis offrit un sourire, un peu énigmatique mais tellement agréable, c’est tout son visage qui s’éclairait et il eut envie de capturer ce sourire. Étrangement il eu une vision du sourire d’Anna, de ceux qu’elle lui offrant lorsqu’elle n’était pas convaincu par ses dires, de ceux qui disaient cause toujours tu m’intéresse… Elle lui manquait, tous les jours et c’était perturbant de la voir dans chaque visage féminin, dans chaque chevelure blonde, dans chaque silhouette au coin de la rue... “Disons que j’étais loin, je me croyais seul à cette heure de la journée, je n’avais pas remarqué que tu étais assise sous l’arbre… j’avoue c’est pas très pro pour un gars qui se dit photographe et donc observateur.”
Il avait ce ton un peu espiègle qui sait qu’il patine dans la semoule mais cherche tout de même à s’en sortir. Léo savait que les femmes le trouvait charmant en général et qu’il n’avait pas grand chose à faire pour en obtenir les faveurs. Il en jouait parfois, lorsqu’il ne voulait pas rentrer seul d’une soirée, mais généralement il se moquait bien d’être le beau gosse de service, il n’attachait pas forcément d’importance à son physique, ni aux physiques en général, il s’intéressait plus à ce que dégageait une personne, sa façon d’être, son aura.
Il n’aimait pas forcément montrer ses clichés aux autres mais avouons qu’il l’avait un peu cherché alors quand la jeune inconnue lui demanda de voir il tira une latte et vint s'asseoir près d’elle. “Je te dois bien ça…” Il lui fit voir les quelques photos sur lesquelles elle apparaissait, dans le coin à droite, sous l’arbre imposant. “Qu’est ce que tu fais là toute seule ?” Léo était curieux, il aimait connaître les histoire des gens.

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Si on avait posé la question aux gens, la plupart des connaissances d'Effy auraient affirmé qu'elle possédait cet aura. Ce n'était pas tellement qu'elle était jolie - elle l'était bien sûr, mais elle n'avait rien d'un mannequin qui pose devant les appareils photos -, c'était plutôt l'essence de douce mélancolie et cet éclair de sauvagerie qui flottait autour d'elle. On aurait pu la comparer à un animal, un animal blessé peut-être, mais libre et sauvage, indomptable. Quand elle sortait, on la remarquait tout d'abord parce qu'elle était belle, qu'elle savait se faire sexy, et qu'elle avait même du charme au naturel. Mais quand on creusait plus profond, quand on essayait vraiment de la connaître... C'était autre chose qui vous attirait vers Effy. Quelque chose d'inexplicable et de destructeur. Elle ne le faisait pas exprès. Elle s'en rendait compte elle-même, qu'elle n'agissait pas vraiment comme la plupart des gens. Parfois, la jeune fille se demandait réellement ce qu'elle foutait ici. Ses parents auraient peut-être souhaité une de ces filles types, belles à tomber mais surtout lumineuses, extraverties, ensoleillées, celles qui plaisaient à tout le monde parce qu'elles diffusaient une lumière autour d'elle dans laquelle tout le monde voulait se baigner. Effy, elle brûlait d'une flamme à laquelle les gens venaient se brûler.

Le sourire de la jeune brune s'agrandit et se fit même plus amical devant l'explication un peu maladroite du jeune homme. Elle ne répondit pas, se contentant de son sourire en coin qu'on avait du mal à définir. Ainsi, il était photographe. Cela semblait plutôt intéressant, de passer des journées à se balader pour capturer des moments ou des choses qui nous plaisaient, sans trop de difficultés. Le genre de choses qui plaisait à Eff' : immortaliser, capturer, prendre quelque chose pour elle toute seule. Elle aurait même eu l'impression de voler quelque chose. C'est magique non ? Voler quelqu'un sans même qu'il le sache. Voler le temps, quelques secondes d'une vie. Fascinant.

« C'est vrai qu'elles donnent bien, même si je n'ai rien d'une top-model. Ces photos le doivent plus à ton talent de photographe. »

Affirma-t-elle avec une pointe d'humour dans la voix, après s'être penchée sur l'appareil du jeune brun, analysant avec une certaine fascination les clichés que lui montrait le photographe. Ces photos lui rappelaient pourquoi elle était aussi, comment elle y était arrivé. Le nouveau départ qu'elle était censée prendre. Elle se voyait rarement à travers les yeux des autres et cela la perturbait de se voir ainsi de loin, d'être l'inconnue sur une photo.

« Je viens d'arriver d'Angleterre. J'connais personne, c'est pour ça que je suis toute seule, et il fait beau, c'est pour ça que je suis ici. »

Répondit-elle au jeune homme en tirant une taffe sur sa cigarette, avec laquelle ses doigts fins jouaient inconsciemment. Elle laissait traîner son regard pénétrant sur le lac, avant de revenir vers le jeune homme, ses iris couleur océan croisant ceux, sombres et sympathiques, de l'inconnu.

Come take a walk with me

C’est vrai qu’il adorait ça, ces instants qu’il volait aux autres comme s’il se les appropriait, comme s’il en était lui-même acteur. Léo aimait vivre sa vie par procuration, à travers son objectif, de façon objective, il lui donnait les couleurs qu’il souhaitait et se construisait un monde onirique, une bulle de bien être où son imagination était reine. Il pouvait se venter d’être allé partout, d’avoir tout découvert, des contrées reculées, les plus belles villes, les plus beaux paysage, les personnes les plus intéressantes. Mais lorsqu’il revenait à Bowen il n’était que le Léo solitaire qui n’avait que sa petite bande de pote sur laquelle s’appuyer. Il était pourtant connu ici, fils d’un homme d’affaire ultra reconnu en Australie, qui s’assoit sur une petite fortune. Mais son père et lui ne s’entendaient pas. Il n’avait personne avec qui partager sa vie et son lit restait vide depuis qu’Elle était partie, de toute façon il n’avait pas le coeur à se lancer dans une histoire d’amour, le romantisme c’était fini pour lui. Alors il s’inventait une vie plus colorée, plus belle, à travers celle des autres, un enfant qui joue dans les rues poussiéreuses en Afrique, un couple qui s’embrasse sur un pont parisien, les paysages changeants du sud australien.

Le compliment de la jeune femme était agréable, même si Léo se savait bon dans son travail, c’était toujours bien de l’entendre. Mais elle se trompait, à voir la lumière jouer avec ses iris ou se prendre dans ses cheveux, elle ferait un excellent modèle. Top-model il s’en foutait pas mal, ces filles surfaites avec la peau sur les os étaient ennuyeuses au possible, il aimait les gens avec leur défauts, c’est ce qui les rendait beaux. “Merci c’est gentil. Au pire je te retirerai au montage, c’est pas bien compliqué.” Il lui sourit comme un gosse qui venait de faire une blague et ses yeux se mirent à pétiller. C’était tellement sympa de rencontré quelqu’un de nouveau dans cette ville qu’il connaissait par coeur. “Oh l’Angleterre tu dis. Tu n’as pas l’accent londonien en tout cas ! Ca fait un sacré voyage pour venir t’enterrer à Bowen. Par contre tu vas devoir t’y faire, ici il fait un temps pareil toute l’année, ça peut surprendre au départ !” Vivre ici c’était oublier les pulls, la grisaille et le froid, avec son coefficient de soleil très élevé il était sur que l’anglaise perdrait son tien laiteux d’ici quelques semaines. “Au fait, moi c’est Léo.” il avait le sourire jovial et amical.

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Effy haussa un sourcil, souriant avec toute l'ironie dont elle était capable à la petite boutade du jeune homme. Oh, un sourire. Un vrai, authentique. Libre, léger, dénué de la moindre trace de souffrance. Le genre de sourire qu'elle n'esquissait que bien rarement. Elle en avait oublié à quel point ça pouvait être agréable, d'oublier un instant sa vie terne, ses problèmes d'équilibre psychologique et tout le reste. D'oublier à quel point sa vie était partie en vrille, à quel point elle avait blessé d'autres personnes, certains à qui elle tenait plus que tout et qu'elle avait pourtant rejeté. Ouais, elle avait foutu un beau bordel, ces dernières années. Pas par méchanceté, pas par vengeance, pas par amusement. Non, parce qu'elle était Effy. Et que Effy faisait ce genre de choses, inconsciemment. C'était triste, c'était difficile, c'était dégueulasse. Alors quand elle parvenait à oublier quelques minutes le beau foutoir qu'était réellement son existence sur cette terre, elle avait envie de danser en poirier. C'était maintenant le travail qu'elle avait à faire ici en Australie : se convaincre qu'elle pouvait être heureuse. Normalement heureuse, comme tout un chacun avec des hauts et des bas. Il fallait qu'elle soit heureuse, c'était à elle d'y arriver, son psy le lui avait répété assez souvent. Plus facile à dire qu'à faire.

« Attention, je vais me vexer. »

Répondit-elle au jeune homme brun d'une voix amusée, ses prunelles bleu clair reflétant la pointe de sarcasme qu'elle avait insufflé dans cette réponse.

« Je viens de Bristol. Et mes parents ont décidé que je serais plus heureuse en m'exilant ici. Ils avaient peut-être pas tort, paraît que le soleil c'est bon pour le moral. »

Toujours cette voix un peu moqueuse et pourtant neutre, amicale sans respirer la joie de vivre non plus. Eff' termina sa cigarette, observant la fumée s'élever dans l'air chaud et lourd de Bowen pour disparaître comme un rêve. Elle se pencha légèrement en arrière, mettant les mains dans l'herbe pour s'appuyer dessus, offrant son visage au ciel qui la surplombait.

« Moi c'est Effy. »

Come take a walk with me

Cette fille lui souriait, il ne la connaissait pas, ni son passé, ni les raisons qui la faisaient se trouver ici, mais il avait fallu qu’il la croise aujourd’hui, il était venu chercher l’inspiration et la tranquillité et elle avait été mise sur son chemin. Et elle était belle, tant avec cette sorte de moue indescriptible qui semblait être sa marque de fabrique que lorsqu’elle lui souriait avec sincérité, ses yeux s’animant, illuminant tout son visage poupin. Alors lui vint une idée, des plus simples, une requête, mais il avait du mal à la lui formuler, de peur qu’elle ne prenne la fuite, le prenant pour un malade en passant. Pour l’instant ils faisaient tranquillement connaissance et c’était déjà bien. Son discours était assez étrange, exiler sa fille à l’autre bout du monde pour qu’elle se s’y sente plus heureuse, voilà une idée bien tordue de la part de parents, elle semblait si jeune en plus… bien entendu il n’avait pas toute l’histoire mais il ne voulait pas se montrer trop curieux. “Hum… ils ont peut-être raison, qui je suis moi pour juger tes parents hein ?! Enfin t’as aussi besoin de repères pour être heureux… mais bon ça n’est que mon avis.” Il tira nonchalamment sur sa clope déjà presque totalement consumée. Ses pensées allaient à ses propres parents, son père bien-sur, celui qui avait voulu lui dicter sa route, faire de lui son digne héritier bien propret, s’il l’avait écouté il porterait sûrement un costume trois pièces sous cette chaleur, bien calé dans son bureau climatisé à régler une pile de dossiers, tous plus assommants les uns que les autres. Il avait eu une carrière toute tracée mais avait choisi de ne pas la suivre, il était sorti des sentiers battus et ne regrettait pas son choix, pour rien au monde. “Enchanté Effy. Bienvenue à Bowen.” Il avait pris cette voix faussement solennel, presque moqueuse. Puis il se tourna vers elle, il se jeta à l’eau. “On t’a déjà proposé de faire de la photo ? J’veux dire, de poser quoi.” Sa demande n’avait rien de déplacée et il n’y avait aucune arrière pensée perverse, pourtant il savait bien que la jeune anglaise pourrait parfaitement mal le prendre.

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Un léger rire moqueur s'éleva dans l'air du parc quand Léo lui souhaita la bienvenue. Elle ne savait pas encore si elle allait s'habituer à cette ville. Au moins, il y avait autant de boîtes et d'alcool qu'à Bristol. Les gens étaient différents, la ville, le paysage. Mais cela ne voulait pas dire qu'elle ne rencontrerait personne d'intéressant. La preuve, ce Léo semblait assez sympathique et plutôt intriguant.

« J'ai plus de repères depuis un bon bout de temps. »

Commenta la brunette avec un petit sourire sans joie. Que ce soit en Angleterre ou ici, elle était perdue, de toute façon. Ce n'était pas l'endroit qui était important. C'était elle qui devait se retrouver elle-même, et elle doutait de pouvoir y parvenir un jour. Et puis, ça veut dire quoi être heureux ? Qui a réellement une définition du bonheur ? Les vaches sont heureuses et elles finissent en steak tartare.

La proposition du jeune homme la surprit quelque peu. Elle tourna vers lui ses deux iris d'un bleu pénétrant, comme si elle cherchait à sonder les tréfonds de son âme. Faire de la photo ? Effy ne s'était jamais posé la question. Par ailleurs, ce n'était pas le genre de questions qui turlupinaient l'esprit embrumé et chaotique de la jeune fille. Elle était du genre à vivre au jour le jour, pas qu'elle s'en fichait de son avenir, mais elle savait qu'il était de toute manière flou et incertain.

« Non. Comme je te l'ai dit, je n'ai rien d'un mannequin. »

Répondit Effy sur le ton de l'humour. Elle fixa intensément Léo, l'encourageant à poursuivre. Lui demandait-il réellement de poser pour son appareil ?

Come take a walk with me

Il devinait que tout un tas de choses se passaient dans l’esprit de la jolie anglaise, elle se voulait impassible mais ses yeux d’un bleu profond étaient tout sauf inexpressifs, c’est ce qui la trahissait. On a tous une histoire, on traine tous ses casseroles, Léo en savait quelque chose et il en avait fait l’expérience en rencontrant foule de personnes différentes à travers le monde, certaines dont il ne comprenait pas la langue, mais il savait lire dans leurs yeux ce que les mots ne pouvaient exprimer, c’était un langage universel et tellement plus vrai. Cette fille était intrigante et c’est ce qui le poussait à entretenir la discussion avec elle. « C’est l’occasion de t’en recréer des nouveaux, nouveaux amis, nouveaux horizons, nouvelle vie. » Même s’il revenait toujours à Bowen malgré ses nombreux voyages, Léo savait qu’on pouvait se faire à tout, si on allait de l’avant, il était possible de se reconstruire une vie et d’être bien n’importe où. Le bonheur est une notion subjective, chacun trouve le sien et sa propre façon d’être heureux.

Il l’observa un instant, sondait son visage pour comprendre sa réaction suite à sa proposition. Elle avait l’air surprise, pas forcément offensée, c’était déjà bien, elle n’avait pas pris ses jambes à son coup. « J’ai pas besoin d’un mannequin, j’m’en fou pas mal des filles parfaites, j’veux des modèles qui aient du chien, ce petite plus qui fait toute la différence, qui fait que t’as pas besoin de retoucher la photo pour lui donner une lumière, j’veux des gens qui illuminent l’atmosphère, qui me parlent, tu vois ? » Non, bien entendu qu'elle ne voyait pas, elle allait simplement le prendre pour un taré, là c’était bon. Et elle n'aurait pas totalement tord. Oui parce que vous voyez, le Léo, quand il parlait photo il était passionné, il transpirait l’amour de son métier, il pouvait passer pour un fou à en parler comme s’il décrivait une femme à qui il ferait l’amour avec fougue. « C’est pas un tel hasard si on se trouve là toi et moi, tous les deux dans ce parc. La lumière est parfaite, le ciel sans nuage et toi t’es belle comme gamine, j’aimerai faire des photos avec toi. » Voilà qu’il lui faisait la cour, elle n’avait surement jamais eu affaire à un homme pareil à Bristol !

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Eff' haussa les épaules avec un petit sourire. Il n'avait pas tort, et c'était également la raison pour laquelle ses parents l'avaient expédiée ici, avec l'appui de son psychologue. Pour repartir à zéro, commencer à écrire une histoire saine sur une page toute blanche. Le problème, c'était que la page d'Effy n'était pas blanche. Elle était d'un gris sombre, qui parfois tirait sur le noir, et partait vers le blanc à certains endroits, illuminant ses rares moments de bonheur où elle ne devenait pas complètement barge. En fait, elle commençait à croire qu'elle était incapable de vivre avec elle-même. Une personne comme elle n'était pas supportable à long terme. C'était sans doute pour ça que tout le monde était parti.

Écoutant le discours enflammé et un rien comique de Léo, la brunette le fixait avec attention, ne perdant pas une miette de ses paroles. Elle voyait ce qu'il voulait dire. C'était le genre de langage qu'elle comprenait. Se serait-il mis à parler de techniques photographiques et de réglages, elle n'y aurait pas compris un traître mot. Ici, elle voyait parfaitement ce qu'il voulait dire. Pour un peu, elle en aurait pleuré tellement ce qu'il disait était beau. Même si elle ne pensait pas être la personne qu'il décrivait.

« Je vais bientôt croire que tu me fais un compliment. »

Ironisa la jeune fille avec un petit sourire en coin moqueur. Cependant, son regard bleu océan se refit sérieux. Elle prenait réellement en considération sa proposition. Après tout, pourquoi refuser ? Cela ne lui coûtait rien à part un peu de son temps, qu'elle utilisait de toute façon en restant seule. Et puis, Léo était le genre de personne à vous mettre en confiance. Pas une seconde elle ne s'était sentie menacée pour harcelée, au contraire, c'était un brin de conversation sympa pour une rencontre. Et en effet, il y avait peu de gens comme lui à Bristol, ou tout du moins, dans l'image qu'Effy avait de son monde là-bas. Certes, des mecs aux belles paroles, ça il y en avait. Mais les gens polis, sophistiqués tout en ayant cette touche décontractée et joviale, elle n'en avait pas croisé des masses.

« C'est d'accord. »

Trancha finalement la jolie brune en se relevant, un petit sourire espiègle illuminant son visage de jeune fille.

Come take a walk with me

Léo était bien persuadé que son petit laïus ferait définitivement fuir la jeune anglaise. Pourtant elle avait cet éclat dans les yeux, ces deux iris qui le fixaient avec attention et qui buvaient ses paroles. S’en rendent compte, d’un coup, il eut l’impression qu’il aurait pu lui faire avaler n’importe quoi. Malgré tout il doutait qu’elle soit le genre de fille naïve qui se laisse embobiner, elle était bien trop intelligente, ça se voyait. Mais peut-être que dans le fond c’était un discours qui lui parlait, peut-être avait-elle besoin d’être mise en valeur. Cette fille un brin chétive physiquement mais qui savait vous transpercer de son regard bleu orage et ainsi vous faire comprendre en un éclair qu’il ne fallait pas la chercher, elle avait peut-être simplement besoin d'un peu d'attention, que quelqu'un lui dise qu'elle est jolie, parce qu'elle l'était, et puis qu'on prenne le temps de discuter avec elle, de l'écouter... enfin qu'en savait-il ?
Il n’était pas tellement un portraitiste, il n’aimait pas passer des heures avec le même modèle à chercher la pause parfaite, pour le brun ça n’était pas de la photo. Non pas qu’il n’aime pas les gens, nous en avions déjà parler d’ailleurs, mais il préférait capturer des instants de vie, c’était bien plus parlant à ses yeux. Pourtant Effy lui avait fait changer d’avis et pour l’heure il avait envie de capturer la lumière de ses yeux. Il n’avait aucune idée de ce qu’il allait lui faire faire, aucun plan en tête, il voulait improviser, comme toujours. “C’est une sorte de compliment si on veut. Enfin j’suis pas non plus le genre de gars qui drague les gamines pour les violer dans un petit bois..” Un brin gêné, il se gratta l’arrière du crâne. Voilà qu’elle allait le prendre pour un pervers.

Mais le visage d’Effy se fendit d’un sourire et après une courte réflexion elle accepta enfin qu’il la photographie. Appuyant son accord en se mettant debout, prête à commencer. Léo sourit à son tour grisé par la perspective de beaux clichés à venir. “Ne va pas raconter à toutes tes copines que tu as rencontré un malade en Australie, je suis connu par ici.” Il arqua un sourcil mais sa réflexion n’avait rien de avertissement fondé. Il se leva à son tour et observa un instant l’environnement alentour. “Tu n’es pas mannequin et moi pas photographe de mode. Je veux des clichés naturels, pas de fausse pause lascive, ça ne m’intéresse pas. On peut commencer par marcher au bord de l’eau. Tu peux marcher à quelques mettre devant moi et je mitraille. Ça te va ?”

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Ce qui était certain, c'est qu'Effy était une personne extrêmement complexe, essayer d'analyser ses réactions et son comportement pourrait à coup sûr vous rendre barge. Elle-même ne savait pas vraiment qui elle était au fond. Seules certaines personnes dotées d'un talent d'analyse et de recul particulier parvenaient à faire ressortir certaines facettes de sa personnalité et de lui balancer la vérité en plein visage. L'introspection, Effy y avait souvent recourt mais rien de bon n'en sortait jamais. Ce qui était sûr, c'est qu'elle n'était pas facile à impressionner et qu'elle avait souvent un coup d'avance sur les autres, quand il s'agissait de régler un problème le plus souvent. Discrète, taciturne, mais pas aveugle.

« Tant mieux, parce qu'il y a justement des petits bois pas loin. Me voilà soulagée. »

Ironisa la jeune fille avec un sourire joyeux et un rien moqueur. Elle se leva enfin, se rendant compte que son interlocuteur avait une bonne tête en plus qu'elle, peut-être un peu plus. Elle le transperça à nouveau de son regard azur, haussant un sourcil en entendant sa réflexion.

« Je n'ai pas de copines. »

Répliqua-t-elle sur un ton détaché et neutre, son regard s'étant fait indéchiffrable. C'était une simple remarque, qui n'avait pas besoin de réponse, juste une précision apportée avec détachement et décontraction, de la même manière que quand quelqu'un commande un sandwich au thon.

« Oui chef ! »

S'écria-t-elle d'une voix joyeuse et empreinte d'ironie lorsque Léo lui donna les consignes avec un air si sérieux et plein d'entrain qu'elle ne put s'empêcher de sourire devant ses ordres. Elle lui adressa un regard amusé, puis obtempéra et s'en alla de sa même démarche décontractée et pourtant pleine d'assurance, sans être hautaine en aucune façon. Elle s'approcha du lac, passant d'abord près d'arbre dont elle observa les feuilles transpercées par les rayons du soleil, avant de continuer son chemin vers l'herbe qui longeait la rive. Pas le moins du monde perturbée par l'objectif qui l'avait pour cible derrière elle, Effy esquissa un sourire joyeux et authentique, entamant sa promenade, observant parfois une dame assise sur un banc avec son chien, parfois la longue étendue d'eau à côté d'elle, passant la main dans ses cheveux pour les remettre en place quand le vent venait les coller sur son visage au teint laiteux.

Come take a walk with me

Effy était drôle, pleine de mordant, elle n’avait pas sa langue dans sa poche et c’est ce qui plaisait à Léo, il appréciait sa fraîcheur et son franc parlé, à son âge, beaucoup de gamines se seraient senti pousser des ailes à la demande de Léo, beaucoup auraient sur joué, ce qui l’agaçait, mais Effy restait simple, il voulait faire des photos, ok, sans soucis, allons-y… et ils s’y attelèrent, le plus naturellement du monde. Elle avait du répondant, bien plus que lui au même âge, lui le gamin un peu nonchalant qui ne s’embêtait pas et ne parlait pas beaucoup, certes il avait changé, mais ça n’était pas gagné d’avance. « Tu auras l’occasion de te faire des connaissances par ici, Bowen n’est pas une grande ville, tu vois souvent les mêmes visages partout. » Mais il se doutait que derrière cette phrase la brunette avait désigné le fait de ne pas avoir de copines du tout, ni ici ni en Angleterre. Devait-il creuser le sujet, il n’en savait rien, il n’était pas de genre à remuer la vie des gens, si on voulait lui parler il écoutait, mais il ne forçait jamais la main, c’est peut-être ce qui faisait de lui un bon confident. Effy avait lâché cette mini bombe l’air de rien mais ne semblait pas vouloir s’éterniser sur cette question, alors il choisit de se taire, il verrait plus tard… éventuellement.

Ils se mirent donc à marcher, en vue de la séance photo improvisée, Léo ne savait pas bien ce que ça allait donné, peut-être que le cliché qu’il avait pris d’elle sous l’arbre serait le seul exceptionnel, mais il en doutait, on pouvait dire qu’il avait une sorte de flair pour repérer les bonnes opportunités de prendre de belles photos et concernant Effy il était très confiant. Et il avait raison, elle était parfaite, plus jeune il aurait pu tomber amoureux de cette fille si légère qui savait vous captiver d’un simple regard, qui savait parfaitement quand vous offrir un sourire mutin comme pour vous cueillir puis repartir l’air de rien, elle était séductrice, naturellement, sans en rajouter, tout en elle était charme et c’était un réel plaisir d’être celui qui volait ces instants de grâce pour les immortaliser. « Ta venue ici a tout d’une punition on dirait… qu’est-ce que tu as fait pour que tes parents t’exilent si loin de ta vie ? » Il sentait que l’instant se prêtait à la confidence, ils étaient proches, sans l’être physiquement parce qu’Effy marchait quelques mètres devant lui. Et puis il ne la regardait pas vraiment puisqu’il continuait de la prendre en photo.

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"Is that alright ?"

Maybe it's time to let the old ways die. It takes a lot to change a man, it takes a lot to change your plans. And a train to change your mind.

Invité

Il était certain que la brunette n'était pas de ce genre de filles à s'exciter pour un rien, à se trémousser en boîte de nuit dès qu'un appareil photo pointait le bout de son objectif, ni à se jeter devant une caméra lors d'un festival. Elle préférait rester dans son monde, elle n'avait pas besoin qu'on la regarde pour s'amuser. Bien sûr, ce n'était pas non plus son style de se dénigrer, elle repérait certains regards envieux ou même pervers qui glissaient sur elle quand elle dansait, quand elle marchait dans la rue en mini-short. La différence avec la majorité des autres, c'était qu'elle s'en fichait éperdument. Elle pouvait en jouer si ça l'amusait, si elle en avait envie, mais sûrement pas parce qu'elle en avait besoin pour renforcer sa confiance en elle. Certains la pensaient sûrement hautaine et même trop sûre d'elle. Peut-être était-ce vrai, peut-être que non, Effy avait bien d'autres aspects d'elle-même à analyser que pour se préoccuper des petits défauts qui habitaient tout un chacun. Elle laissait cette analyse aux autres, elle pensait juste avoir un regard objectif et réaliste sur elle-même. Mais savoir si oui ou non elle s'habillait de manière trop provocante, si oui ou non elle manipulait les gens, non, pour ça elle ne voulait pas perdre de temps à y réfléchir. De toute façon, on n'était jamais entièrement satisfait de soi-même. Et puis, rien n'est jamais parfait, si ? Elle ne se considérait pas forcément comme quelqu'un de bien, mais pour bien d'autres raisons, qui se cachaient profondément sous la surface de son visage impénétrable, à des kilomètres de ce que les autres pouvaient s'imaginer en la voyant au premier abord. Oui, elle était belle, rien d'exceptionnel, oui elle savait user un peu de son charme quand elle en avait besoin, sans doute, et elle n'en avait strictement rien à foutre. Elle existait, comme tout le monde, elle était elle-même, inutile de s'en vanter ou d'en être complexée. Ses démons étaient tout autres que ces petites questions futiles. C'était peut-être ce qui la rendait attirante, ce naturel, ce je-m'en-foutisme qui n'avait rien de dénigrant ou de hautain. Elle était Effy, tout simplement. Dans toute sa splendeur et sa complexité, parfois au top de sa forme, parfois au plus bas, pathétique.

La jeune femme ne répondit pas à la remarque de Léo qui lui affirma qu'elle allait se faire des amies, se contentant de conserver un sourire énigmatique. Elle n'avait pas d'amies. Mais il avait peut-être raison, qui sait. Eff' était une solitaire, ce n'était pas une raison pour vivre en ermite. La preuve, elle faisait la conversation au jeune homme, non ? Elle avait beau aimer se renfermer sur elle-même et vivre dans sa bulle, sous le regard des autres sans leur prêter d'attention, elle savait se montrer sociable, même si ce n'était que le strict minimum. Tandis qu'elle marchait, elle sortit une autre cigarette, l'alluma machinalement puis laissa la fumée sortir de ses poumons sûrement déjà trop encrassés par le poison quotidien. Léo entreprit de lui faire la conversation, ce qui arracha un nouveau sourire à Effy, qui avait froncé les sourcils face au soleil de Bowen. Sa question ne la dérangeait pas, mais elle n'était juste pas sûre de la façon dont elle devait répondre. Après tout, elle venait d'arriver en Australie. Fallait-il y aller avec des pincettes, ou se laisser aller à son humeur du moment et y aller franchement ? Au pire, Léo serait choqué. Ce qui n'était pas bien grave.

« J'ai essayé de mourir. »

Souffla la jeune femme d'une voix toujours aussi détachée, sans interrompre sa marche et conservant son regard devant elle, tirant une nouvelle bouffée de cigarette sans paraître perturbée le moins du monde. Elle n'ajouta rien d'autre, jugeant que cette réplique était suffisante et que son interlocuteur en faisait ce qu'il voulait. Il avait demandé, elle répondait. Ce n'était sans doute pas le genre d'explication qu'on entendait dans une conversation entre deux personnes normalement constituées, mais Eff' n'était pas une personne qui entrait dans la norme. Pour elle, ça n'avait rien de choquant.

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