fucking ascenseur ~ lennox

Tu te réveilles dans une chambre d'hôtel, va savoir pourquoi. Heureusement t'es seule. Des brides de ta soirée te reviennes doucement en mémoire. Tu te souviens avoir picolé au bar avec une jolie fille. Puis tu te souviens avoir perdu tes clés de voiture. Et enfin tu te souviens avoir payé pour la plus grande chambre de l'hôtel. Même si t'as pas forcément les moyens, bravo June. Tu te lèves difficilement, vérifiant que tes clés de voiture sont là et elles le sont heureusement. Tu t'habilles en quatrième vitesse, bien décidée à te barrer sans payer. Après tout, tu te souviens pas avoir donné ta carte d'identité ou ton permis. Heureusement, tu n'as pas fait cette erreur de débutante. Tu attrapes tes lunettes de soleil au vol pour cacher tes yeux fatigués et décide de te barrer le plus vite et le plus discrètement possible. T'es tellement crevée que pour une fois, tu prends l'ascenseur. En règle générale tu détestes ça, tu as toujours peur de rester bloquer dedans. Mais dans un hôtel si luxueux, il n'y a pas de raison que ça coince, si ? Tu essayes de te rassurer tant bien que mal et monte dedans. A l'étage du dessous, un jeune homme entre. Malheureusement pour toi, tu le connais. En temps normal t'aurais été plutôt heureuse de voir une tête connue mais pas dans cet état. Tiens tiens. Que vient faire un bel homme comme toi dans un hôtel ? On se le demande... Dis-tu en lui adressant un sourire malicieux. Tu aimes faire des sous-entendus de ce genre, ça met souvent les gens mal à l'aise. Mais tu sais bien que Lennox s'en fichera sans doute. Il te ressemble tellement qu'avec lui, tu peux être la vraie toi. La fille dévastée, complètement perdue et broyant du noir à longueur de journée.

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 Les raisons me poussant à me trouver dans ce même hôtel étaient bien moins palpitantes que celles de la femme dont je croiserais le chemin dans une petite minute. Les logements dans mon bloc de condos étaient en rénovation pour quelques jours, alors c'était un vrai chantier avec une pollution sonore assez épuisante. L'insomnie étant déjà ma meilleure amie, j'avais décidé que plutôt que de laisser l'irritation atteindre son comble, je ferais mieux de prendre quelques jours de vacances ailleurs que chez moi. Des vacances, pas chez moi, mais à Bowen quand même. Pas l'idéal. Sauf que j'avais du boulot, des clients, des engagements. J'avais malgré tout pris un assez bel hôtel ; de toute façon, avec le train de vie que je menais, tout l'argent que je faisais comme notaire s'empilait dans mon compte en banque. Je n'avais pas beaucoup d'amis avec qui dépenser cet argent. Aussi bien m'offrir ce petit cadeau, même si ce luxe ne me rendrait pas plus heureux.

J'avais enfilé mes pantalons gris foncé, ma chemise blanche et ma cravate ainsi que mon veston tout aussi gris, et après avoir attrapé ma mallette de cuir, j'étais parti vers les ascenseurs.  Comme ça, j'avais l'air d'un homme accompli qui peut avoir tout ce qu'il veut. Pourtant, je n'avais rien et je n'avais personne. Plus malheureux qu'autre chose. Pauvre de tout, sauf d'argent. Je pressai la flèche vers le bas, et plongeai une main dans ma poche, soupirant en regardant les numéros d'étage défiler en haut de la porte jusqu'à ce qu'une sonnette retentisse alors que mon étage s'illuminait. Les portes s'ouvrirent et je découvris une blonde, torchée, amochée, avec ses lunettes de soleil qui ne cachaient malheureusement pas ce que son corps dégageait. Elle avait l'air fatiguée, et son haleine sentait l'alcool.

June Mansfield. Elle me sourit, m'abordant comme si elle n'avait pas l'air de ce qu'elle avait l'air. Avec toute l'assurance qu'elle pouvait avoir. J'entrai dans la cabine, à ses côtés, et j'eus un mince sourire à lui offrir. « Travaux de rénovation au condo. Rien de très rocambolesque. » Parce que j'imaginais bien que June, elle, se trouvait ici pour des raisons toute autre. Bien plus intéressantes que la mienne. Comme toujours. J'étais l'homme inintéressant, désintéressé aussi. « Chewing-gum ? » Lui proposais-je en sortant de ma poche un paquet de gomme à mâcher à la menthe. « Il ne te resterait pas une goutte de ce que tu as pris hier, que je me donne le courage d'aller bosser ? » Demandais-je en essayant de faire passer cela pour une blague, alors qu'en réalité, j'aurais réellement eu besoin de cette motivation malsaine. Les journées se faisaient de plus en plus longues, à mesure que je vieillissais. Je continuais en vain de me chercher une raison de continuer cette mascarade qu'était ma vie.

« Travaux de rénovation au condo. Rien de très rocambolesque. » Tu souris en entendant ça. Non, pas très rocambolesque en effet. Tu t'attendais à quelque chose de plus palpitant mais tout le monde ne mène pas ta vie, June. Et ils ont de la chance. Si tu pouvais changer de vie, tu signerais tout de suite. Tu détestes la vie que tu mènes. S'il n'y avait pas le mannequinat, tu serais sans doute déjà allée rejoindre ta maman et ta sœur jumelle là-haut. Mais t'es pas assez courageuse pour en arriver là, sans doute. Tu préfères t'apitoyer sur ton sort dans le monde actuel. Te plaignant et broyant du noir à longueur de journées. Jolie vie. « En effet. » Réponds-tu, amusée. Tu poses ton regard sur Lennox, contrairement à toi, il est très classe. Tu dois faire tache à côté de lui avec ta tenue de la veille. C'est pas très approprié comme tenue pour la journée. Tu portes une petite robe noire assez courte et tes cheveux sont en bataille. Tu n'as pas eu le temps de les coiffer puisque tu voulais te barrer le plus vite possible. Bah oui, tu  n'as pas vraiment l'argent pour payer cette chambre de luxe que tu t'es offerte hier soir. Tu avais sans doute trop bu et tu as dû surestimer ton porte monnaie. Même si mannequin ça paie bien (de temps à autres), tu as tout de même besoin de ton boulot de barmaid pour vivre dignement. Mais vivre dignement ne veut pas dire "se payer une chambre de luxe". « Chewing-gum ? » Demande-t-il tout naturellement. Tu souffles légèrement sur ta main pour sentir ton haleine et c'est vrai que c'est pas terrible. L'alcool ça ne se camoufle pas si facilement que ça, visiblement. Tu attrapes le chewing-gum que Lennox te tends, le remerciant de la tête. « Il ne te resterait pas une goutte de ce que tu as pris hier, que je me donne le courage d'aller bosser ? » Tu lui adresses un clin d'oeil en entendant ça. Tu as toujours une petite flasque dans ton sac mais en général, tu la gardes pour toi. Mais ce matin t'es d'humeur généreuse et puis, avec la gueule de bois que tu te paies, tu n'as pas très envie de consommer de l'alcool maintenant. « Mmmh, qu'est-ce que j'y gagne ? » Demandes-tu pleine d'assurance. Tu n'accordes pas ta flasque fétiche si facilement. Même si on peut dire que Lennox est un très bel homme, tu n'es pas si généreuse. Tu étais prête à lui tendre la flasque lorsque tu sens l'ascenseur trembler et s'arrêter d'un coup sec. Assez fort pour que tu te retrouves contre le torse du beau brun. Tu plonges ton regard dans le sien. Amusée. « On peut dire que ça a des avantages un ascenseur qui tombe en panne. » Tu te redresses, poussant sur le bouton d'alarme. Tu es contente de ne pas être seule. Seule, tu aurais déjà paniqué et tu serais sans doute déjà tombée dans les pommes. Tu hais les ascenseurs. Mais un peu moins en présence d'un si bel homme.

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J'eus un sourire amusé lorsque June confirma que mes raisons d'être (ici) n'étaient pas des plus palpitantes. Ce sourire cachait pourtant l'insoutenable vérité de ce que cette banale vie représentait pour moi. Un fardeau. Un ennui interminable. Je rêvais de tant d'aventures, de tant d'alternatives. Je repensais souvent à mes choix d'autrefois, me demandant si avoir fait différemment aurait changé quelque chose à ma vie actuelle. Si je serais plus heureux, ou bien si j'étais condamné dès le début à ne jamais éprouver un quelconque sentiment de bonheur. La blonde me sortit toutefois de mes pensées en acceptant le chewing-gum que je venais de lui tendre, à moitié dans la lune. Je lui demandai alors s'il ne lui restait pas quelque chose de fort pour me motiver à affronter la journée. La demoiselle m'adressa un clin d'oeil. Un sourire gêné s'afficha sur mon visage. Je n'étais pas du tout habitué à ce qu'on me drague de la sorte - s'il s'agissait de séduction, bien sûr, parce qu'en fait je n'en étais pas très certain.

June me demanda ce qu'elle y gagnait. Une autre réplique à laquelle un séducteur aurait pu répondre à la perfection, par une réponse futée et audacieuse. Je n'avais rien de cela. La jeune femme avait tellement d'assurance, et moi si peu. Comment cela se faisait-il, alors, que nous soyons tout de même toujours sur la même longueur d'ondes face à la vie ? « Je suis ouvert aux propositions. » Répondis-je tout simplement, préférant lui renvoyer la balle et voir ce qu'elle avait à en dire plutôt que de devoir inventer une réponse merdique. Je lui adressé un sourire en coin, alors que sa main refermée sur la flasque s'avançait vers moi. Je tendais également la main vers elle. Puis, déséquilibre total alors que l'ascenseur trembla avant de s'arrêter sec. La flasque tomba au sol, et June se retrouva scotchée à moi. J'avais eu assez de réflexes pour l'attraper et la retenir contre moi alors que ça brassait encore un peu. Quand tout fut enfin calme, sans bruit et sans mouvement, je la laissai retrouver sa liberté. Je regardais autour de moi, en haut, en bas, voir ce qui s'était passé. C'était la première fois que je restais coincé dans un ascenseur. Avant de se remettre sur pieds, June leva ses yeux vers moi et, toujours amusée de la situation, souligna l'avantage de cette panne. Je compris qu'elle parlait de se retrouver dans mes bras. Je rigolai légèrement. « On verra bien ce que t'en diras dans dix minutes, de ces avantages. » Parce que trente secondes, c'était drôle, mais si personne ne répondait rapidement à ce bouton d'alarme, je me doutais fortement que June allait moins rire. Que je sois là ou non. « Mais bon, on se trouve quand même dans un hôtel cinq étoiles. Ça ne devrait pas être très long. » Je restai d'ailleurs droit comme un piquet, ma valise à la main, replaçant ma cravate qui s'était déplacée suite à la panne. Prêt à repartir. Mes yeux tombèrent sur la flasque qui gisait sur le sol. Je me penchai, la ramassai, et la tendis à June. « Je crois que c'est ma vie qui m'envoie un signal qu'il faudrait pas boire à une heure pareille de la journée. » Ma peu chère vie, toujours en train de gâcher le plaisir de tout le monde.

En règle générale, Lennox et toi, vous êtes sur la même longueur d'ondes. Vous broyez autant de noir l'un que l'autre et avec la même intensité. Même si les moyens sont sans doute différents. Toi, t'es plutôt du genre à noyer ta peine dans l'alcool et la drogue. Lennox, semble beaucoup plus axé sur son travail et sur la passivité de sa vie. Tout comme toi, il subit sa vie sans vraiment en faire partie. Vous avez plus l'impression d'être des spectateurs que d'être des acteurs et c'est sans doute ça, au fond, qui vous bouffe. L'impression que vous ne contrôlez rien et que quoi que vous fassiez, votre vie sera toujours aussi merdique qu'elle ne l'était déjà avant. Tu ne connais pas réellement la vie que mène Lennox. Tu en connais très peu sur lui en fin de compte. Et le jeune homme en connaît sans doute très peu sur toi. Tu n'es pas du genre à étaler ta vie au grand jour. Seulement une ou deux personnes sont au courant de ton passé. De la perte de ta mère et de ta sœur jumelle. Tout ça par ta faute. Tu te sens tellement fautive que tu as honte d'en parler à qui que ce soit. « Je suis ouvert aux propositions. » Ce sont les paroles du beau brun qui te ramènent à la réalité. Tu as très vite tendance à te perdre dans tes pensées, ressassant le passé dés qu'une occasion se présente. Tu ne peux t'en empêcher, c'est comme ça. C'est comme si tu vivais continuellement dans le temps. Et quelques fois, tu as vraiment l'impression d'être de retour plus de dix ans en arrière. Avec ta famille. Ta mère et ta sœur. Les deux personnes qui comptent le plus pour toi. Mais très vite, tu te rends compte que c'est impossible. Que par ta faute, tu ne les reverras plus jamais. Tu préfères concentrer à nouveau ton attention sur Lennox, sur son doux visage, pour oublier tous tes tourments. « Tu m'offres un verre ? Mais dans un endroit insolite, pas un simple bar. Sois imaginatif. » Réponds-tu, amusée. Tu en as marre de la routine, t'as envie de changement. Car oui, pour toi, être dans un bar c'est clairement la routine, ton quotidien. Et t'as envie d'un peu de fraîcheur dans ta vie si morne. Et bizarrement, c'est avec sa noirceur que Lennox t'apporte tout ça. Tu ne comprends pas pourquoi d'ailleurs. Perdue une seconde fois dans tes pensées - c'est récurrent chez toi - tu sens l'ascenseur trembler et s'arrêter net. Au début, tu trouves ça plutôt amusant et tu te joues de la situation, mais très vite, tu risques de déchanter. Et le beau brun l'a très bien compris. « On verra bien ce que t'en diras dans dix minutes, de ces avantages. » En effet, toi qui déteste être bloquée dans un espace clôt, si ça dure tu ne rigoleras plus. Tu regardes autour de toi, à part ce petit bouton "alarme" vous n'avez rien pour communiquer avec l'extérieur. Tu ramasses ta flasque et bois une grande gorgée, la tendant à Lennox. « Tiens, tu en auras besoin. Car si on reste bloqués trop longtemps je vais finir par devenir dingue. Et c'est pas beau à voir. » Dis-tu en essayant de camoufler ta crainte par l'humour. C'est ton moyen de protection le plus naturel. Mais tu doutes que sur Lennox, ça fonctionne. Il fonctionne un peu comme toi donc il risque de très vite comprendre la supercherie.

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Je me laissais effectivement aller à la dérive, comme si prendre les commandes ne m'intéressait plus. Et ça ne m'intéressait plus, en fait. Parce que quoi que je fasse, ma vie demeurait la même route tordue et sans fin. Une route déroutante. J'avais beau avoir essayé de rester positif, un sentiment quelconque ou un événement quelconque faisait en sorte que je retombais. Alors j'avais tout simplement abandonné. Tout comme June, je crois. Nous avions tous les deux décidé de cesser de nous battre et de tout simplement laisser le "destin" faire ses choses. Sans dire un mot. En subissant tous ses choix. Subir. Voilà ce que je faisais depuis tant d'années ; je subissais ma vie. C'était d'une tristesse pathétique.

Je souris à la réponse de June après que je lui ai avoué être ouvert aux propositions. Lui offrir un verre dans un endroit insolite. Elle faisait appel à ce que je n'avais pas : de l'imagination. Enfin, si, j'en avais. Lorsque venait le temps de rêvasser à une vie meilleure, à des projets que je n'accomplirais jamais, à des voyages que je ne ferais jamais. Toutefois, lorsqu'il était question d'amener cette touche d'imagination à la réalité, je figeais. Comme si je n'avais aucune confiance en mes idées. Malgré tout, j'hochai la tête en regardant June, amusé. « Je trouverai bien quelque chose. » Déclarais-je tout simplement. Tout de suite, l'angoisse s'emparait de moi, qui était toujours anxieux devant tout de toute façon. Je songeais déjà à quel endroit je pourrais inviter June. Des noms de bar originaux défilaient dans ma tête, mais je me doutais que ce n'était pas assez. Il fallait quelque chose de plus grand, de plus haut, pour une femme aussi exceptionnelle que June. Je voulais la surprendre. La déstabiliser. Pour l'instant, j'étais trop nerveux pour réfléchir à quoi que ce soit de grandiose.

De toute façon, l'heure n'était plus à la recherche d'idées puisque l'ascenseur se stoppa brusquement, signe d'une panne. Après avoir remis June sur pieds et ramassé sa flasque, la jeune femme en prit une gorgée et me la tendit de nouveau. Je rigolai à sa remarque sur sa tendance à devenir dingue d'une façon pas très jolie. J'attrapai la flasque. « Bon. Juste une gorgée alors. » Je virai la flasque à l'envers dans ma bouche et en bu effectivement une seule gorgée. Mais quelle gorgée. Je fermai les yeux devant le taux d'alcool de ce liquide. Une grimace digne d'un homme qui ne boit pas souvent d'alcool, sachant le danger que cela représente pour lui. « Ah oui, là, je comprends ton haleine de tout à l'heure. » Je tendis de nouveau la flasque à June, puis je m'assis dans l'ascenseur. La blonde me regarda faire. « Bah s'ils étaient pressés de nous sortir de là, ils auraient déjà communiqué avec nous. » J'étais surpris qu'un hôtel comme celui-là ne soit pas doté d'un système d'urgence plus adéquat, mais je lâchai prise face à la situation.

Ta vie était assez morne ces temps-ci. Toujours les mêmes soirées, toujours les mêmes personnes. Bref, rien qui ne te donnais vraiment envie. Ce dont tu as envie, là, tout de suite, c'est de changement, d'inattendu. Mais cela arrive très peu dans ta vie, trop peu même. Et même si tu aimerais que ça change, tu n'as jamais trouvé la force de le faire. Ni même la volonté. Alors c'est sans doute pour ça que tu proposes à Lennox un lieu inattendu. Pour changer un peu. Pour faire bouger vos vies qui ne semblent pas beaucoup changer ces temps-ci. Lennox comme toi, vous êtes pris dans une vie que vous ne voulez pas. C'est comme ça. Mais vous rêvez de bien plus. D'aventure, de changement. Et pourtant, c'est impossible. « Je trouverai bien quelque chose. » Répond-t-il, amusé. Tu lui adresses un léger sourire, curieuse de découvrir ce qu'il va vous concocter. Toi, tu aurais l'imagination nécessaire. Mais Lennox, est-il de taille ? Tu n'en sais rien mais tu risques de le découvrir bien assez vite. « J'ai hâte de voir ça. » Tu tends finalement ta flasque au jeune homme pour qu'il se calme un petit peu. Être bloqué dans un ascenseur, ce n'est jamais agréable. Surtout pour une personne comme toi qui ne supportes pas les espaces clôt. « Bon. Juste une gorgée alors. » Tu regardes Lennox porter la bouteille à ses lèvres et rigole légèrement lorsqu'il termine sa gorgée. Oui, c'est un alcool assez corsé mais c'est ce dont tu as besoin parfois dans la journée. Pour te relaxer. Sinon, tu péterais trop souvent un câble sur tous les gens que tu croises. C'est ton petit cocktail à toi. Chaque soir au bar, tu remplis à nouveau ta flasque avec quelques ingrédients secrets que seule toi connais. « Ah oui, là, je comprends ton haleine de tout à l'heure. » Tu lui adresses un clin d’œil. Cela te fait rire de voir que le jeune homme supporte assez mal ta flasque alors que toi, tu en bois très souvent. Voir même un peu trop souvent. Mais ton haleine de toute à l'heure c'était surtout la flasque mélangée à d'autres alcools consommés durant la soirée. De nombreux alcools. Tu es une vraie fille pour ça. Tu détestes la bière et tu préfères cent fois les cocktails sucrés. Vodka, jus d'orange, Passoa, tout ça à la fois. Les mélanges, tu connais. Et c'est souvent leur faute si tu termines complètement ivre. « Tu n'es pas de taille pour boire ça jeune homme. » Réponds-tu amusée par la situation. Tu regardes Lennox s'installer dans l'ascenseur, s'asseyant sur le sol, dos au mur. Tu en fais autant car toi non plus tu n'es pas certaine qu'ils viendront vous secourir rapidement. Même si tu l'espères plus que tout au monde. Tu commences légèrement à paniquer même si tu préfères ne pas montrer tes faiblesses. Et en particulier devant un homme. « Bah s'ils étaient pressés de nous sortir de là, ils auraient déjà communiqué avec nous. » Tu appuies à nouveau sur la sonnette d'alarme, un peu plus fort et un peu plus vite. Ouvrez cette ascenseur bordel. Tu regardes le jeune homme, assez anxieuse. « Pourquoi ils viennent pas nous ouvrir bordel ?! Faut que tu m'occupes, faisons un jeu. » Dis-tu en l'implorant du regard. Si tu veux pas commencer à t'étouffer sur place, il faut que tu occupes ton esprit. Tu poses ton regard sur le beau brun, attendant qu'il trouve quelque chose à faire, n'importe quel jeu stupide fera l'affaire.

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Le changement me faisait si peur. L'inconnu me donnait envie de reculer, toujours plus reculer, afin de ne jamais avoir à l'affronter. Que ce soit une nouvelle amitié, un nouveau boulot, un nouveau paysage. Tout m'effrayait. Comme une bête aveuglée par le soleil à chaque fois qu'elle sort le nez de sa tanière. Le moindre changement m'aveuglait et me faisait retourner au fin fond de mon abri. Ma routine. Cette même routine que je détestais également parce que je n'en comprenais pas le sens. Pourquoi vivre si c'était pour faire les mêmes choses, jour après jour ? Dans les deux cas, j'étais baisé par la vie. Angoissé d'essayer quelque chose de nouveau, tourmenté par la monotonie de mon quotidien. J'étais une cause perdue. Ça ne valait même pas la peine d'essayer de m'en sauver. Malgré tout, June sembla, peut-être inconsciemment, tenter de retirer de moi quelque chose d'autre, quelque chose de plus. Trouver qui j'étais réellement. Ce que je cachais aussi bien. Je doutais qu'elle puisse trouver. J'avais beau revirer à l'envers mon fort intérieur, mettre le désordre pour tout remettre à sa place, rien ne semblait jamais compléter le casse-tête. J'étais brisé, voilà tout.

L'alcool m'avait rentré dedans et June ne se retint pas pour se moquer de ma si faible tolérance au goût fortement alcoolisé. Je n'avais pas l'habitude, pas comme elle. Je me protégeais de cette descente abrupte. Je me protégeais de la chute dont je pourrais souffrir si je me laissais aller à cette solution. « Et un si petit être, comme toi, serait de taille ? » Dis-je en levant un sourcil, amusé. June était beaucoup plus petite que moi. Sauf que je la savais bien plus grande, intérieurement. Une tour s'élevant au-dessus de moi, me faisant ombre peu importe où j'allais. Forte de caractère, forte d'esprit, forte de coeur. Tout ce que je n'étais pas.

À son tour, June se laissa glisser le long du mur métallique de l'ascenseur et prit la même position que moi, assise au sol. Elle appuya de nouveau sur le bouton rouge, étendant son bras jusqu'au panneau de commandes. Elle attendit un moment, puis relâcha tout. Ça ne donnait rien. Personne ne nous écoutait. Personne ne nous avait jamais écouté. Nous n'étions rien. La blonde s'énerva un peu, avant de m'ordonner de trouver un jeu pour l'occuper, lui changer les idées. Décidément, June ignorait à quel point j'avais des lacunes au niveau de l'imagination. Je soupirai, plus pour moi-même, déjà mal à l'aise par la situation. Je n'aimais pas avoir à proposer des idées. J'avais toujours peur qu'on se moque de moi, qu'on me trouve idiot, qu'on me rejette. Mais je ne pouvais rien refuser à June. Je baissai donc les yeux vers mes mains, qui jouaient entre elles avec nervosité. « Euhm ... » Force-toi, allez. Trouve un truc bien. Pense à ce qu'on voit dans les films. Bordel, Lennox, allez, elle attend ... J'haussai les épaules. « Bon alors retournons à quand on avait cinq ans, mais avec autre chose que du jus de fruits. » Je souris. « Vérité ou conséquence ? » Demandais-je.

Contrairement à ce que la majorité des gens pensent, tu n'es pas forte. Tu es faible. Si faible et si peu sûre de toi que ça en deviendrait presque maladif. C'est maladif, en fait. Cela te ronge de l'intérieur et te ronge si fort que parfois, tu paniques. Les crises de panique ne sont pas rares chez toi, seulement, personne n'a jamais assisté à ça. Et si vous restez bloqués trop longtemps, Lennox et toi, tu risques d'en faire une, ici, dans cet ascenseur. C'est pas tant l'espace clôt qui te fait peur, c'est plutôt cette impression d'impuissance. Tu détestes ça, être liée au destin de quelqu'un d'autre. Tu détestes que quelqu'un prenne en main ton sort, ta vie. Car ici, c'est ce gars, qui répare les ascenseurs qui viendra vous délivrer. Mais Dieu seul sait dans combien de temps. Et ça, cette sensation, tu la détestes. Plus que tout. C'est sans doute pour ça que tu essaies de compenser ta peur par l'alcool. Mais ta flasque risque de ne pas tenir bien longtemps le coup, elle non plus. Surtout si vous la consommé à deux. Même si le jeune homme, lui, ne semble pas supporter ton "doux" breuvage. « Et un si petit être, comme toi, serait de taille ? » C'est vrai qu'à côté de Lennox, tu ne fais pas vraiment le poids. Tu as tout juste la taille mannequin en fait. Un centimètre de moins et ton destin n'aurait jamais été d'être mannequin de renommée. Un centimètre et ta vie se serait simplement résumée à un bar. Rien d'autre. Pas de shooting, pas de défilés, rien. Le néant. Et même si ta vie quotidienne est un réel néant, certains jours, grâce au mannequinat, le néant s'éloigne un tout petit peu. Pour mieux revenir par la suite, certes, mais il s'éloigne un petit peu. Te laissant respirer le temps de quelques heures. « En tout cas, je ne tousse pas en buvant une simple gorgée, moi. » Réponds-tu, amusée par la situation. On dit souvent que tes cocktails sont forts voire traitres mais ça vient souvent de la bouche des femmes. Et non des hommes. Alors ça t'amuse de savoir que Lennox ne résiste pas vraiment à un de tes délicieux mélanges. Finalement, quand tu te rends compte que personne ne risque de venir. Du moins pas dans l'immédiat, tu commences réellement à paniquer. Essayant d'abord de défoncer le bouton d'alarme, tu te rends bien vite compte que ça n'est pas très efficace. Alors tu supplies le beau brun de trouver quelque chose pour t'occuper. Et il ne te déçoit pas. « Euhm ... Bon alors retournons à quand on avait cinq ans, mais avec autre chose que du jus de fruits. Vérité ou conséquence ? » C'est pile ce qu'il te fallait. Et si vous mettez de l'alcool en jeu, c'est encore mieux. Et même si ta flasque n'est pas très grande, cela devrait être suffisant pour tenir jusqu'à ce qu'un technicien arrive. D'habitude, tu es plutôt joueuse donc tu aurais dit sans hésiter "conséquence" mais là, vu ton état, ce n'est pas une très bonne idée. Du moins, pas tant que tu seras aussi nerveuse. « Vérité. » Dis-tu en lui adressant un léger sourire. D'habitude, tu n'aimes pas parler de toi, parler de tes nombreux secrets, etc. Mais avec Lennox, c'est différent. Vous vous ressemblez pas mal tous les deux alors cela ne te dérange pas de te confier à lui. Évidemment, tu n'entreras pas dans les plus sombres détails mais tu n'hésiteras pas à être sincère. Espérons pour toi que le jeune homme en fasse autant.

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La blondinette sembla contente de ma proposition d'activités. Cela me mit un peu plus en confiance et à l'aise. Je n'avais pas l'habitude qu'on accepte aussi facilement mes idées. Je demandai donc le choix que faisait June, et lorsqu'elle me répondit vérité, je marquai une pause. À mes yeux, le jeu d'actions et de vérités n'existait pas pour connaître la couleur préférée de notre interlocuteur. Je me fichais bien, pour le moment, de si June préférait le rouge au bleu. Je me fichais aussi de quel animal la représentait le plus, ou toute autre question stupide de ce genre. Ce qui m'importait, c'était de réellement apprendre à la connaître, et pas que superficiellement par des questions nulles. Même si nous semblions communiquer rien que par le regard parfois, j'avais tout de même l'impression qu'un mystère planait autour d'elle. Je la comprenais sans la comprendre. Je pouvais m'imaginer ce qu'elle ressentait mais je ne savais pas pourquoi elle le ressentait. Et autant n'aimais-je pas vraiment que les autres sachent la source de mes souffrances, autant voulais-je toujours comprendre celle des autres. Comme si j'espérais trouver, un jour, quelqu'un qui mettrait les mots exacts sur ce que je ressentais moi-même. Parce que je n'avais jamais été tout à fait capable de mettre le doigt sur le pourquoi de ma tristesse infinie. Après un moment, je relevai les yeux vers June tout en appuyant ma tête contre le mur de l'ascenseur. « Quelle est la plus grosse erreur que tu as faite dans ta vie ? » Bon, pour quelqu'un ne voulant pas se dévoiler, se sortir facilement de cette question était facile. Sauf que je savais que June allait jouer honnêtement, et donc que sa réponse serait beaucoup plus sentie. Si elle était bonne joueuse, j'allais comprendre un peu mieux son personnage grâce à sa réponse. Une fois que June se soit dévoilée à moi, j'hochai la tête, puis je dis à mon tour : « Vérité. »

Oui, tu es quelqu'un de mystérieux qui se dévoile très peu et oui tu détestes parler de ton passé. Mais parfois, avec certaines personnes, tu te sens assez en confiance pour en dévoiler un peu plus sur toi. Et là, en l’occurrence, face à Lennox, tu te sens plus à l'aise. Tu ne sais pas vraiment pourquoi, au fond. Peut-être parce qu'il te ressemble un peu. Sa vie semble aussi compliquée que la tienne et sans doute aussi morne et noire. Peut-être aussi parce que tu as l'impression qu'entre vous, parfois, il n'y a pas besoin de mots. Tu ne peux pas vraiment répondre à cette question. Tu n'expliques pas vraiment ce qu'il se passe entre vous. Mais ça se passe, c'est tout. Vous entamez ensuite votre jeu d'actions ou vérités. Cela change de tes jeux habituels, mais pourquoi pas. Cela t'aidera sans doute à comprendre et à cerner un peu plus le jeune homme. Car lui aussi, est très mystérieux. Il ne s'ouvre pas aussi facilement. Tout comme toi. Vous vous ressemblez sur de nombreux points. « Quelle est la plus grosse erreur que tu as faite dans ta vie ? » Question intéressante. Et bien posée. La plupart des gens inventerait sans doute quelque chose mais pas toi. Tu as envie d'être sincère car si tu l'es, Lennox le sera en retour. Et puis, tu ne vois pas vraiment l'intérêt de mentir. C'est quelque chose que tu évites, le mensonge. Car tu détestes lorsque quelqu'un te mens. « Faire confiance à un homme qui voulait simplement profiter de mon corps et de ma "popularité" dans le monde de la mode. » Réponds-tu franchement. Et oui, tu as fait confiance à cet homme, à ce styliste qui t'as trahis et t'as détruite. Mais pas que. Il a aussi détruit ta carrière en Europe et ça, tu ne l'oubliera jamais. Lennox suit ton exemple et réponds vérité par la suite également. Tu réfléchis à ta question puis tu poses ton regard et demandes doucement : « Quel est ton plus grand regret ? » Question sans doute un peu complexe mais abordable pour le jeune homme. Tu es certaine qu'il trouvera quelque chose de sincère à répondre à cette question. Cela rejoint un peu sa question à lui mais ça t'intrigue. Tu aimerais beaucoup connaître la réponse.

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 Je n’aimais pas particulièrement être forcé à parler de moi, mais le contexte actuel dans lequel June était aussi brisée que moi et dans lequel personne ne nous entendait mis à part nous deux, je ne me sentais pas autant attaqué. J’avais juste l’impression que nous allions enfin nous découvrir l’un et l’autre et cesser de nous apprivoiser superficiellement. J’avais toujours trouvé que June était une personne qui valait la peine d’être abordée, maintenant j’allais pouvoir en avoir la confirmation. Peut-être même nous rapprocherions-nous, et peut-être irais-je jusqu’à espérer la considérer comme une chère amie, de ces amis qu’on ne compte que sur les doigts d’une seule main. Bref, June répondit finalement à ma question sur sa plus grosse erreur. Elle resta très vague, ne rentrant pas dans les détails de ce qui semblait être une histoire très malheureuse pour elle. Cette phrase, restée en surface, me faisait seulement comprendre que la jeune femme avait fait l’erreur de se donner à un homme qui ne la méritait pas. J’hochai discrètement la tête, ne la quittant pas du regard. Je ne posai pas plus de questions par rapport à sa vérité. Je n’avais droit qu’à une seule question, de toute façon. Alors ce fut à mon tour de choisir la vérité.

Mon plus grand regret. Je baissai les yeux, hésitant à dire la première idée qui m’était venue en tête. Pourtant, si c’était ma première pensée, probablement était-ce parce qu’il s’agissait de la vérité. La vraie vérité, voyez. Pas une réponse qui conforterait nos deux âmes, pas une réponse qui dirait à moitié le fond de ma pensée. Pas une réponse socialement acceptable. Juste la vérité. « De m’être raté il y a un peu moins de vingt ans. J’aurais dû choisir une méthode plus radicale. » Avouais-je. Je n’avais pas explicitement dit de quoi il s’agissait, mais June et moi étions tous les deux assez vieux pour savoir de quoi il en retournait. Peut-être pour alléger l’atmosphère, la blonde choisit alors une conséquence. Je détestais inventer des conséquences. De ce que j’avais vu de ce jeu, la plupart de celles-ci étaient en lien avec la sexualité ou la déchéance. Montre-moi tes seins. Fais-moi une fellation. Avale d’un trait tout ce qui reste de ta fiole. Fais-moi un striptease. Cours nue dans la rue, lorsqu’on sera sorti de cet endroit clos. Non. Très peu pour moi. « Dîne avec moi. Ce soir. » Fut la seule idée qui me vint à l’esprit. Et je ne regrettais pas mes paroles. Cela me semblait être la meilleure conséquence de laquelle je pouvais profiter. En espérant qu’il ne s’agissait pas d’une réelle conséquence pour June.

Ton comportement en boîte de nuit pourrait laisser penser que tu es une vie facile qui fait tout ce qu'on lui demande. Mais c'est tout l'inverse. En règle générale, c'est toi qui invite les hommes chez toi et c'est toi qui tient les ficelles. Tu ne dévoiles que ce que tu as envie de dévoiler et pas plus. Si un homme te pose trop de questions, tu n'hésites pas à le dégager même s'il est à moitié nu dans ton lit. Tu t'en fiches, tu les utilises pour ton simple plaisir. Un homme t'a brisé une fois, tu ne laisseras pas un deuxième le faire. Jamais. C'est pourquoi, en général, tu as beaucoup de mal à parler de ton passé. Mais en compagnie de Lennox, tu ne sais pas vraiment pourquoi, tu te laisses aller. Tu lui donnes même une brève explication sur ta relation destructrice avec Louis. Personne n'est au courant de cela, sauf peut-être Cassandre mais elle ne connaît pas beaucoup de détails. Cela prouve à quel point tu fais confiance à Lennox et ce, même si vous vous connaissez peu. « De m’être raté il y a un peu moins de vingt ans. J’aurais dû choisir une méthode plus radicale. » Tu es étonné de sa réponse mais tu ne le montre pas. Tu préfères rester de marbre, ne pas montrer que cela t'atteint. Car tu savais, au fond, que le jeune homme était dévasté mais pas à ce point. Il est presque même pire que toi. Certes, tu as déjà pensé à mettre fin à tes jours mais tu n'as jamais osé. Tu manquais de courage. Visiblement, le beau brun, lui, n'a pas hésité. « Et bien je suis contente que tu te sois raté. Sinon, tu ne serais pas là pour m'accompagner dans cette terrible épreuve. » Dis-tu, un léger sourire aux lèvres. Tu essaies de tourner ce qu'il vient de te dire d'une façon un peu moins dramatique. Même si au fond, tu te sens triste par ses dernières paroles. Finalement, c'est ton tour et tu choisis "conséquence". Pourquoi ? Tout simplement pour alléger l'atmosphère et sortir de cette conversation sombre et morbide. « Dîne avec moi. Ce soir. » Tu souris en entendant la proposition du jeune homme. Cela te plaît, tu ne peux le nier. Dîner avec lui t'enchante car tu n'avais pas vraiment de plan de toute façon. Enfin si mais des plans habituels tels que sortir en boîte de nuit, rencontrer un homme, passer la nuit avec lui et le dégager au petit matin. Rien de plus. Rien d'intéressant. Alors tu acceptes sa proposition sans hésiter. « J'accepte mais seulement si tu offres. » Dis-tu en lui lançant un clin d’œil taquin. Tu entends finalement un technicien et les portes s'ouvrent enfin. Ni d'une, ni deux tu fonces vers l'extérieur pour respirer l'air libre. Heureusement que Lennox était là sinon tu n'aurais jamais supporté d'être enfermée. Heureusement que tu étais là, sinon je serais déjà morte asphyxiée. Faut croire qu'on s'aide dans les situations les plus sombres. Réponds-tu sans vraiment y réfléchir. Mais au fond, c'est ça. Vous vous aidez inconsciemment dans les situations les plus sombres et morbides. C'est sans doute parce que vous partagez les mêmes démons, ou presque.

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À cette révélation, la plupart des gens auraient réagi d'une toute autre façon. Ne pas savoir quoi répondre, trop gêné par la situation. Essayer de réconforter sans pourtant y arriver. Baisser les yeux et ne plus jamais adresser la parole à l'autre. Les hommes trouvaient le suicide si tabou qu'ils en perdaient leurs mots dès que le sujet était abordé. Pourtant, il fallait en parler. Taire ce mot et laisser sous silence la souffrance de tant de personnes n'aidait en rien ceux qui y songeait également. Évidemment, je ne serais jamais porte-parole non plus pour venir en aide aux plus jeunes qui auraient des idées noirs. Parce que je leur dirais d'aller de l'avant avec leur envie de mourir. Je leur dirais que ça ne s'arrange jamais, que ce n'est pas plus facile avec le temps. Je n'étais définitivement pas le bon candidat pour une campagne de prévention du suicide. Mais certaines personnes pouvaient l'être, et même si leurs paroles ne changeraient rien à ma vision de la vie, elles pouvaient peut-être avoir un effet plus positif pour d'autres. Bref, tout cela pour dire que la réaction de June m'avait énormément plu. Elle n'avait pas tenté de se défiler, de passer à autre chose, ou ce genre de réaction qui m'aurait découragé. Non. Elle avait, avec humour, remercié le fait que je sois encore en vie pour être avec elle, là, en ce moment. Je souris à mon tour. « T'es une femme forte et courageuse, June, tu t'en serais très bien sortie même sans moi. » Je souris un peu plus, au coin de mes lèvres.

Puis vint le moment où sa conséquence fut d'accepter un dîner avec moi, ce soir-même. La blonde n'hésita même pas une seconde avant d'acquiescer au défi. Visiblement, il ne s'agissait pas tant d'une corvée pour elle. Ce n'était donc pas le meilleur choix de conséquence, mais je m'en fichais. Je ne sortais quasiment jamais, n'ayant pas ou très peu d'amis. Et June me comprenait, d'une certaine façon. Tout en me faisait du bien. Parce que son sourire et son humour m'apaisaient. Ils me faisaient oublier. Et elle était belle, aussi. Terriblement belle. Cela aidait à vouloir obtenir un tête à tête avec elle. « Ce n'est pas une conséquence si j'offre ! » Je rigolai. « Mais je le ferai avec plaisir quand même. » Mon sourire, tranquillement, s'effaça, alors que je la regardais. Il ne restait qu'un coin de mes lèvres légèrement relevé alors que je la regardais, pensif. Je ne connaissais pas grand chose de June mais elle était déjà si unique à mes yeux. C'était étrange, ce sentiment.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent à ce moment précis, et June se rua vers l'extérieur alors que les employés se fondaient en excuses. Je ne fis que leur lancer un regard sans haine ni reproches, juste un regard échangé, et je rejoignis la blonde. Ses remerciements me semblèrent tellement plus profonds que la situation actuelle. J'hochai la tête, les sourcils légèrement froncés de par le sérieux du moment, selon moi. « Oui. » Répondis-je tout simplement. Ça ne se voulait pas brusque ou abrupte. Juste qu'il n'y avait rien de plus à dire pour le moment. « Alors euhm ... Je passerai te prendre à 19 hrs ? Tu peux euhm ... me texter ton adresse à ce numéro ... » Je fouillai dans ma valise et, après quelques secondes, je lui tendis ma carte d'affaires sur laquelle était inscrite mon numéro de portable. Il s'agissait du même numéro pour les clients que pour mon entourage, puisque je n'avais pas vraiment d'entourage.