sans toi, la vie est moins la vie -r.

Alice et Woody. Woody et Alice. Imprévisibles. Inattendus. Inespérés. Deux mondes tellement différents dont ils provenaient, chacun de leur côté. Deux alliances. À la Roméo et Juliette sans l'amour futile et niais. Une signification bien plus grande que le coeur. L'esprit. La connexion. L'inconditionnalité. Peu importe Jamie, peu importe Sara, peu importe toutes les relations qui gravitaient autour de nous. Ça avait toujours été nous deux, contre le monde. Woody et Alice. Alice et Woody.

J'avais la gorge sèche. De la difficulté à avaler. Mes pas se faisaient lourds, et pour une fois il ne s'agissait pas d'un vilain tour de la part de la maladie qui me grugeait de l'intérieur. Mon angoisse, mon incertitude, ma peur. Elles me ralentissaient, me pesaient, voulaient me faire rebrousser chemin. Parce que dans quelques instants, Alice et Woody ne seraient plus jamais ce qu'ils avaient un jour été. J'appréhendais cette rencontre avec celle qui m'avait toujours ramené à la vie lorsque les racines de la routine me retenaient au sol. Celle qui faisait exploser mon quotidien, celle qui me donnait l'impression d'être tellement important. Ma dépendance. Ma drogue humaine. Mon parfum enivrant. Alice.

Je poussai la porte de ce bar que je ne connaissais que de nom, pour l'avoir cherché sur Google Maps. J'avais cherché un endroit à l'écart, parce que comme toujours, Alice et moi préférions nous évader. Nous évader de nos familles, de nos amis, de tous ces visages connus. Nous avions toujours rêvé d'être seuls au monde. Jusqu'à aujourd'hui. Aujourd'hui, j'avais en quelque sorte rompu ce pacte imaginaire qui régnait entre nous. J'étais tombé amoureux. D'une autre. Un amour que j'avais décidé de taire pendant des années, un amour que je m'étais refusé, trouvant réconfort dans les bras d'Alice. L'amour avait été plus fort que tout, plus fort que nous. Mon regard balaya la salle et je repérai bien rapidement le doux visage d'Alice. Comment une beauté si angélique pouvait-elle être si dangereuse à la fois ? Je souris, déjà triste de la suite des choses. Je m'avançai jusqu'à elle et m'assit en face d'elle. « Bonsoir, Alice. » Lançais-je comme s'il s'agissait de la dernière fois que je la saluerais. Je me demandais si elle savait pourquoi j'étais là. Pourquoi nous étions là.

La colère bouillonnait en moi. La tristesse hurlait dans mon cœur.
Jamie m'avait annoncé que Woody sortait avec Sara. L'épouse de mon frère, comment a-t-elle osé ? Je la considérais comme mon aînée et elle était mon modèle...Elle l'était...
Aujourd'hui, je la voyais sous un autre visage. Elle a brisé le cœur de mon frère et a prit ma dépendance... Qui étais-je sans Woody ? J'étais juste Alice... Alice et Woody, c'était beau, majestueux et nous avions brillé ensemble... Mais là, il n'y avait plus rien. Tout disparaissait après le retour de Sara... Je lui en voulais, énormément...
Qui étais-je sans Woody ?

Peu de temps après avoir apprit la nouvelle, j'ai appelé Woody pour qu'il puisse me rejoindre dans un bar hors de la ville. J'étais arrivée depuis une bonne demie heure. Je ne voulais pas qu'il me voit dans un état pas possible. J'avais envie de hurler et fracasser la tasse, qui se trouvait face à moi, Mais non, Alice était gentille et douce. Elle ne fera pas mal à une mouche. On pouvait se moquer d'elle et s'en servir comme un jouet... J'en voulais à Sara et à Woody. Woody ne m'avait rien dit sur tout ça...Et pourtant, nous n'avions jamais eu de sentiments envers l'un et l'autre. J'avais besoin de lui... Hélas, toute bonnes choses avaient une fin...
Alice et Woody se brisera et disparaîtra... J'étais obligée de défendre mon frère. Il n'avait rien demandé...Et moi ? J'ai voulu jouer et j'ai perdu.

J'entendis la porte du bar s'ouvrir. C'était lui. À l'instant même, mon cœur se déchirait en deux. Mon monde s'écroulait tel un château de carte. Le son de ses pas étaient de plus en plus intense. J'arrêtais de fixer la tasse fumante et je relevais la tête. J'ai décidé d'arborer la carte habituelle : Alice la gentille. Oh oui... C'était comme ça que tout le monde me voyait. Je n'étais plus cette Alice assoiffée d'amusement, celle qui voudrait changer le monde avec la photographie... Non, j'étais la gentille Alice...
Woody prit place face à moi, un sourire ornait sur ses lèvres ce qui me donnait l'envie de détourner le regard. Woody était magnifique, mais il était le seul à me rendre dans un état pas possible...Enfin pas au point d'en tomber amoureuse ! Non. Je n'étais pas comme ça. Nous deux, ce n'était pas de l'amitié, ni même de l'amour...C'était autre chose...Une chose qui disparaîtra à tout jamais...
- Bonsoir, le saluai-je sur un ton aimable.
Gentille... Je devais le rester jusqu'au bout. Mais j'en ai marre... Je devais rentrer dans le tas une bonne fois pour toute !
- Arrêtes de sourire, je sais ce qui se passe...
Mon dieu... Je suis méchante à ce point ? Je me surprenais moi-même et la nervosité m'effrayait sur place...Comment allait-il réagir ?

Retard :

Une impression étrange. Un pressentiment déplaisant. Quelque chose clochait. Au début, Alice ne me regardait même pas, ce qui ajoutait au malaise qui planait. Puis, quand son regard se posa dans le mien, j’y lu sa gentillesse habituelle, mais ça, ce n’était qu’au premier regard. Qu’aux yeux d’un homme qui ne s’arrêterait qu’à ça. Mais moi, j’avais toujours voulu voir plus que ça en Alice. J’avais toujours voulu voir en elle ce qu’elle était réellement, et non pas seulement ce qu’elle désirait projeter. Pas l’image qu’elle voulait qu’on ait d’elle. La vraie Alice. Et en ce moment, ce regard doux cachait des couteaux, cachait des larmes de verre.

La situation étant ce qu’elle était, c’est-à-dire des plus difficiles à affronter pour moi, j’arborai à mon tour un masque. Je lui souris. Je ne savais pas quoi penser ou faire d’autre. Dans ma tête, Alice n’était toujours au courant de rien. Pourtant, ce qui planait entre nous, cette fausseté, cette hypocrisie, ne présageaient rien de bon. Quelque chose se passait dans sa tête, pire que dans la mienne. Je m’assis tout de même, comme à mon habitude, heureux de la voir. Toutefois, cette joie n’était plus la même, étant donné qu’il s’agissait peut-être de la dernière fois que je la vivrais de la sorte. Alice et Woody ne seraient plus, quand les derniers verres vides seraient posés sur cette table. La jeune femme me salua, aimablement. J’hochai la tête, un sourire en coin. « Bonsoir, Alice. » Étrangement, ces salutations étaient plus solennelles qu’à l’habitude. Comme si Alice savait que ce moment serait sacré, mémorable. Une page marquante de notre histoire. La toute dernière, peut-être.

Mon sourire s’estompa tout d’un coup, laissant place à la peur et à l’incompréhension quand Alice me dit d’arrêter de sourire, qu’elle savait tout. J’avalai difficilement, cherchant d’abord mes mots devant l’humeur massacrante que je ne connaissais pas d’Alice. Je baissai les yeux sur son verre. J’aurais eu envie de le boire cul-sec. Mais elle aussi en aurait besoin. Je ne pouvais lui enlever ça. Je lui enlevais déjà bien trop. « Alice … » Je relevai les yeux vers elle. Elle méritait que je l’affronte yeux dans les yeux. Nous méritions ce respect. « Jamais je n’ai voulu te blesser par cette situation … » Lui assurais-je, même si je savais que cela ne suffirait pas. « Je t’aime, d’un amour qui ne s’explique pas, d’un amour qui n’existe pas vraiment non plus. Tu sais de quoi je parle, toi et moi, c’est indescriptible. Alors crois-moi quand je te dis que plus que tout au monde j’aurais voulu que rien ne change jamais entre nous. » J’haussai les épaules, baissant les yeux de nouveau. « Mais c’est inévitable. » Déclarais-je. Je ne voulais pas nier mon amour pour Sara pour préserver le lien qui m’unissait à Alice. Toutes les deux étaient si spéciales à mes yeux, mais j’aimais Sara d’un amour réel, pur, tangible.