The greatest view is you baby. ♦ Mackenzie

The greatest view is you baby.
Felix & Mackenzie

Il n'était pas encore vraiment tard, ou en tout cas pas l'heure où les gens sombrent dans une profonde déchéance débridée - ou dans un coma -, les rapprochant plus de l'animal que de l'homme civilisé. C'était la première soirée de Felix depuis qu'il était revenu à Bowen. Pour tout dire, il avait envie d'une bonne soirée depuis le jour où il avait remis les pieds dans la ville, mais avec toutes les retrouvailles, son emménagement, son nouveau travail, la reprise de ses études, il n'avait vraiment pas eu le temps ni même l'énergie de sortir en boîte. Aujourd'hui, il s'était finalement préparé pour une bonne soirée et était venu avec sa colocataire et quelques amis. Au cours de la soirée, les uns et les autres s'étaient dispersés, Felix était tombé sur de vieux amis qu'il n'avait pas revu depuis son départ un an plus tôt, il avait fait de nouvelles rencontres aussi. Une soirée normale quoi : chacun partait de son côté avec l'une ou l'autre connaissance, voir un inconnu, puis revenait, tout le monde se perdait puis se retrouvait.

Pour l'heure, le jeune blondinet était dans un bel état d'ébriété, il maîtrisait, mais il était plus saoul que d'habitude. D'un autre côté, il fêtait son retour en Australie, ça valait bien une bonne cuite non ? Il était prêt à l'assumer le lendemain matin. Et puis il disposait d'une bonne maîtrise de soi-même, il n'en était pas encore au point de non-retour. Il partit néanmoins vers le bar prendre une tournée pour quelques amis et lui-même, s'accoudant au comptoir pendant que le serveur préparait sa commande.

Le jeune homme châtain ferma un instant les yeux tandis qu'il attendait toujours les verres qu'il avait commandé, et se massa les tempes. Il avait bien conscience qu'il n'allait pas tarder à franchir la ligne, à la prochaine bière qui allait arriver incessamment sous peu, il poserait déjà un orteil sur cette fameuse ligne. Mais bon... C'était pas grave, si ? Après tout, il restait un fêtard, même s'il ne s'imbibait jamais d'alcool jusqu'à oublier son nom, ou en tout cas pratiquement jamais. Il avait bien le droit de se mettre une bonne mine ce soir, il venait de revenir à Bowen, il n'avait rien de prévu le lendemain. Tout allait comme sur des roulettes. Alors tout allait bien, c'était décidé ! Ce fut là-dessus que le barman lui apporta les bières, cocktails et shots qu'il avait commandé. Il régla le serveur et prit immédiatement son shot de tequila, grimaça puis reposa le minuscule verre. Il allait se lever pour prendre ses consommations et les apporter à ses potes, quand une main s'agrippa à son épaule et le fit chanceler, si bien qu'il faillit tomber de son tabouret. Son équilibre n'était apparemment plus au meilleur de sa forme avec l'alcool qui circulait dans son sang. Une voix féminine s'éleva à côté de lui et le blondinet tourna son regard bleu clair vers l'inconnue qui venait de s'excuser. Elle lui parla de son genou, lui expliquant pourquoi elle s'était appuyée sur lui.

« Oh pas de problème ! Ne t'en fais pas, inutile de me payer un verre, tu n'as rien à te faire pardonner. Par contre on peut quand même boire un verre ensemble. »

Répliqua Felix avec l'entrain et la jovialité qui lui était habituelle, le tout accompagné d'un sourire avenant et plutôt craquant. Le jeune homme draguait rarement les filles, préférant le naturel, et puis ce n'était pas spécialement un romantique dans l'âme, encore moins un gros dragueur, au premier abord il voyait la gente féminine comme de potentielles bonnes amies plutôt que des proies. Certains se moquaient de ce manque d'attitude masculine stéréotypée qui consistait à draguer, ou pour le moins charmer, et ce en son âme et conscience, toutes les jolies demoiselles qui passaient devant lui avec un sourire. Il était intéressé par les femmes, comme tout le monde, appréciait leurs courbes et leurs rires, mais il n'éprouvait pas le besoin de sauter tout ce qui bougeait, loin de là. Alors c'était dénué d'arrières-pensées, comme bien souvent, que Felix avait proposé de boire et de discuter à la jeune femme, qui se présenta d'ailleurs.

« Cool, enchanté Kenzie. Moi c'est Felix. »

Répondit le jeune homme en serrant la main de Mackenzie avec un sourire en coin, ses yeux clairs brillant de gentillesse et d'une lueur malicieuse. Il piocha dans un des verres qu'il était censé apporter à ses potes sur la piste de danse, tomba sur un mojito. Tant pis, il lui en recommanderait un. Il but une gorgée du cocktail, avant de reprendre la conversation.

« Alors, qu'est-il arrivé à ce genou ? »

Reprit Felix en désignant la jambe de la jeune femme. C'était tout lui ça. Mettre les pieds dans le plat, il savait faire. Ca ne partait pas d'une mauvaise attention, au contraire, il s'intéressait juste beaucoup à la vie des autres, il était curieux. Mais parfois, il ne comprenait pas qu'il dépassait les limites, il disait pourtant les choses gentiment, mais il pouvait être vu comme envahissant ou un peu brusque.

Felix fut soulagé en voyant au regard de la belle brune qu'elle n'avait pas été offensée par sa question quelque peu indiscrète. Il fallait dire que le jeune homme était déjà assez curieux de nature, mais alors quand il avait bu comme ce soir, il avait tendance à carrément mettre les pieds dans le plat. Heureusement pour lui, sa compagne de bar n'était pas du genre susceptible, de ce qu'il pouvait voir en tout cas. Un éclair de tristesse traversa le regard de Mackenzie quand elle lui expliqua d'une voix qui se voulait détachée, l'histoire de sa jambe. Mais elle semblait préférer opter pour une attitude optimiste et ne pas s'attarder sur les malheurs de la vie, ce qui plaisait beaucoup au blondinet. Lui aussi n'aimait pas se lamenter sur son sort, et il parvenait toujours à trouver du positif dans les pires moments. Son seul problème, c'est que quand c'était quelque chose de vraiment grave qui le touchait profondément, il fuyait. Pour ne pas se laisser emporter par la tristesse, il préférait refouler tout ça au fond de lui et s'éloigner un moment. Comme il l'avait fait avec la maladie de son frère. Bien sûr, il n'avait pas quitté Bowen uniquement pour ça, il était un voyageur dans l'âme et son tour du monde était un rêve de longue date. Mais sclérose de Woody avait un peu poussé les choses, partir un an en voyage était son échappatoire à lui. Il détestait d'ailleurs les hôpitaux, et ne put s'empêcher un frisson quand la brune lui raconta son accident.

« Oh, je vois. Mais bon, ça ne t'empêche pas de sortir en boîte à ce que je vois ! Tu as juste besoin d'une bonne épaule pour monter sur les chaises de bar, mais t'inquiète, je suis prêt à remplir ce rôle. »

Remarqua Felix sur le ton de la plaisanterie, un sourire en coin charmant éclairant son visage si joyeux qu'il pouvait sembler parfois un peu enfantin. Comme elle le disait, il valait mieux se focaliser sur le présent. N'empêche, il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'elle devait avoir eu beaucoup de mal à accepter la fin de sa carrière de danseuse. Quand on fait de sa passion son objectif de vie, ça doit être dévastateur d'apprendre qu'on ne pourra plus le faire.

« Très bien, mais je paye le verre suivant ! Moi je n'ai aucun talent exceptionnel, j'ai toujours vécu à Bowen, là je viens de rentrer en Australie après un voyage d'un an. Ne t'inquiète pas, j'ai le même sentiment que toi, alors que je ne suis pas parti si longtemps ! Et j'ai repris mes études d'art à l'université. Et toi, tu fais quoi ? »

Répondit Felix en essayant de ne pas trop s'étendre. Il avait tendance à monopoliser la conversation quand on lui en donnait l'occasion, et il savait qu'il avait ce défaut. Son entourage l'acceptait, ça en faisait même rire certains, ou en exaspérait d'autres, mais le jeune homme ne préférait pas prendre de risques avec une compagnie aussi agréable que celle qu'était Kenzie. Il reposa discrètement le verre sur le plateau, celui dans lequel il avait bu une gorgée alors qu'il était destiné à un de ces potes, et afficha une moue de petit garçon qui sait qu'il a fait une bêtise, avant de reprendre un grand sourire et de commander deux shots de vodka au barman. Il en glissa un vers la jeune femme, sans vraiment lui laisser le choix, mais c'était accompagné d'un sourire si malicieux et un rien craquant qu'elle ne pouvait refuser.