I'm a bit lost, but I guess you're the one I'm looking for ? [PV Nelligan]

Même si je sentais qu’Anna se calmait entre mes bras, je sentais aussi qu’elle n’était pas prête à se retrouver seule de nouveau. Je n’avais aucune idée des images ou des pensées qui habitaient son esprit cette nuit, mais je me doutais fort bien que cela devait être terrifiant pour elle. Changer complètement de pays, laisser tout derrière, sa famille et ses amis, et le tout en le cachant à son père, c’était … irréel. Je ne pouvais même pas imaginer la peur que j’aurais en arrivant dans ce nouveau monde qu’était l’Australie pour elle. Je gardai donc la jeune turque entre mes bras un moment, essayant de calmer moi aussi mon cœur qui se tordait dans ma poitrine par cette proximité avec la jeune femme. C’était si rare pour moi de me retrouver dans une situation semblable avec une personne autre que ma sœur – je ne savais donc plus où me mettre. Dans un chuchotement, Anna me remercia. Je me contentai de sourire et de poser ma tête par-dessus la sienne, façon silencieuse de lui signifier qu’elle n’avait pas à me remercier. Je me laissai légèrement tomber vers l’arrière, afin de me mettre un peu plus confortable, le dos contre le mur à la tête du lit. Anna resta blottie dans mes bras, les yeux fermés, plus calme. En silence, je la caressais doucement du bout des doigts, le long de son bras, afin de l’apaiser. Mon truc devait fonctionner puisque dix minutes plus tard, Anna ronflait juste un peu, légèrement, d’une façon plus qu’adorable. Plus question pour moi de bouger ; je voulais qu’elle puisse reprendre des forces. Après une vingtaine de minutes à essayer d’être confortable sans trop me déplacer, je m’endormis également. Ce ne fut que des heures plus tard, le matin, qu’Anna s’éveilla et qu’elle bougea la première. Nous nous étions légèrement déplacés pendant la nuit, moi d’abord en me couchant complètement dans le lit à ses côtés. Encore trop endormi et incapable de discerner le rêve de la réalité, je ne remarquai pas qu’avec les fesses d’Anna très près de mon bas-ventre, une certaine bosse se faisait sentir dans cette région …

Spoiler:

Anna avait bougé mais, encore une fois, j’étais encore légèrement trop dans les vapes pour que ça me dérange. C’est surtout son cri, quelques secondes après, qui me fit écarquiller les yeux et qui fit battre mon cœur à cent mille à l’heure. Je m’étais donc réveillé en sursaut, me relevant en même temps, et je découvris Anna assise dans le lit. C’est alors que mon regard se baisse vers mon érection, oui, qui était bien là et qui se faisait bien sentir. Je portai mes mains à ma tête, les plaquant contre mon front avant de terminer leur course dans mes cheveux. Je secouais la tête, n’arrivant pas à croire que mon corps pouvait me détester à ce point-là. « Anna ! Anna ..., je suis désolé. Je suis tellement désolé. » J’allais poser ma main sur son épaule pour qu’elle me regarde, mais je m’arrêtai au beau milieu de mon mouvement, me disant que la toucher n’était présentement sans doute pas la meilleure des idées. Anna venait de la Turquie, et du peu que j’en connaissais et de ce que j’avais compris de la situation, elle n’avait sans doute pas été souvent confrontée à cette réaction physiologique de la part d’un homme. Peut-être jamais, même. Wow, Nell, bravo. Belle façon de l’introduire au concept de l’érection matinale, pensais-je. « C’est … ça arrive fréquemment, d’accord ? C’est … je … ne t’imagines pas que je … que je ne te respecte pas … C’était un accident … Ça arrive régulièrement, le matin, à mon réveil … Pas juste à moi, hein. À pas mal d’hommes. » J’avais l’impression d’être dans le sable mouvant, et que chacune de mes paroles équivalait à un pas de plus pour m’enfoncer. J’étais aspiré dans ce trou béant. Je ne pouvais plus m’en sortir. Maintenant, Anna allait penser que j’étais une sorte de prédateur sexuel qui était constamment en érection. « Excuse-moi. Je ne voulais pas te mettre mal à l’aise. C’était vraiment inconscient. » Ajoutais-je. Et là, je décidai de me taire, parce que visiblement rien de ce que je disais ne me semblait adéquat pour la situation dans laquelle je me trouvais.

Tout ce que je disais ne semblait pas du tout avoir l’effet voulu, au contraire, je lisais la frayeur s’installer encore un peu plus sur le visage de la jeune turque. Je m’arrêtai donc enfin de parler, voyant bien que rien ne pardonnerait ce manque total de respect envers la personne d’Anna, qui n’était encore qu’une étrangère dans ce pays, et surtout dans cette chambre. Avec moi, le parfait étranger. Je m’étais démené, la veille, à être le plus poli et respectueux possible, et voilà que mon corps venait de tout foutre en l’air mes efforts. Déjà que je n’étais pas socialement très doué, comment rattraper cette gaffe, maintenant ? Visiblement, ça attendrait, puisque Anna se leva finalement, enfin après avoir rampé jusqu’au bas du lit. Elle ramassait ses choses, et tout de suite, je pensai qu’elle allait juste carrément foutre le camp et ne plus jamais me parler. « Attends, Anna, pars pas comme ça … » J’allais lui dire que ça ne changeait rien au fait que je voulais l’aider à se poser à Bowen et à mieux comprendre comment tout fonctionnait en Australie, mais la jeune femme m’interrompit en me disant qu’elle allait s’habiller. J’hochai la tête. « Ok. » Je lui laisserais l’espace et le temps dont elle avait besoin. Tant qu’elle revenait et qu’elle acceptait mon aide, j’allais vivre avec le reste. J’avais fait une promesse à la mère d’Anna : prendre soin de sa fille. S’assurer qu’elle était heureuse et en sécurité. Je ne comptais pas briser cette promesse.

La porte de mon dortoir se referma et je me laissai retomber lourdement dans mon lit, la tête sur mon oreiller. « Putain que t’es con, Nell. » M’insultais-je. Je soupirai. Puis j’allai m’habiller, moi aussi, faisant cela très rapidement pour être bien certain qu’Anna ne reviendrait pas et me découvrirait nu. Franchement, ce serait vraiment le bout du rouleau. Je m’assis sur le bout de mon lit après avoir enfilé des vêtements propres. Je croisai les mains devant moi, les coudes posés sur mes cuisses. Je relevai la tête, cessant de fixer le tapis de ma chambre, quand Anna revint, toute fraîche. Et elle s’excusa. Oui, c’était elle qui s’excusait. Alors que c’était moi qui lui devais des excuses à l’infini. « Et tu ne devrais pas en avoir l’habitude. » Lâchais-je. « Enfin … pas avec un homme que tu ne connais pas vraiment … » Oui parce que bon, si Anna rencontrait un jour un homme et qu’ils s’aimaient plus que tout, peut-être que ça se reproduirait et là, ce serait bien moins dramatique. Mais là, pour ce matin, je lui avais manqué de respect et Anna n’avait pas à s’excuser de sa réaction. « J’aimerais vraiment qu’on essaie d’oublier ce qui vient de se passer … ou du moins ne plus en parler … C’est gênant. Tu crois que tu pourras me pardonner ? » Demandais-je avec culpabilité dans la voix.

Malgré la catastrophe que j’avais causée ce matin, tout semblait rentrer dans l’ordre peu à peu. Anna était revenue et semblait beaucoup plus calme qu’à son départ. Moins offusquée, si on veut. Même si je sentais que je méritais plus de colère de sa part, j’étais quand même soulagé que ce malentendu s’achève déjà. Ce serait plus facile pour la suite des choses. Après tout, si j’étais le guide d’Anna dans cette ville, il fallait qu’on puisse se parler librement, sans gêne, sans honte. De la honte, après un moment comme celui-là, j’en aurais toujours un peu, mais tant pis. Je passerais éventuellement par-dessus. Dans quelques années, peut-être pourrions-nous en rire. Bref, je demandai à Anna de bien vouloir me pardonner. Sa réponse était satisfaisante, même si elle ne tournait pas la page complètement à cause de son manque de compréhension. Mais non, je n’avais vraiment pas envie d’expliquer à la jeune turque ce mécanisme du corps qui s’était produit ce matin. « Je vais t’amener manger, à la place. Un bon petit-déjeuner à l’australienne. Et après je te ferai visite les endroits importants de la ville, et tout ce que tu voudras voir. » Anna acquiesça, sans doute enjouée à l’idée d’affronter cette première vraie journée en Australie. Je laissai le temps à Anna de terminer de se préparer à sortir, pendant que je préparais ce dont j’aurais besoin pour la journée, et puis nous partîmes, les deux ensembles, vers cette ville inconnue pour Anna. Et je restai avec elle pour toutes les prochaines journées. Jusqu’à ce qu’elle s’intègre encore mieux que moi à Bowen, à ses habitants. Jusqu’à ce qu’elle en fasse partie intégrante. Sans jamais qu’on ne se quitte malgré tout.