END| L.& L. A Whole New World

Mes yeux ne cessaient de faire des allers et des retours entre mon mini-bar et la télévision. J’avais beau être pleinement conscient maintenant de ce vers quoi une bouteille d’alcool allait me conduire, le trou béant dans ma poitrine avait quand même le plus lourd poids dans la balance. Il fallait que je comble le vide, que je dilue ma douleur. Depuis quelques semaines, j’avais fait une croix sur mes principes : gérer ma détresse moi-même, sans intermédiaire. Mes intermédiaires avaient autrefois été des psychologues et autres thérapeutes. J’avais renoncé, comprenant que j’étais le seul à pouvoir comprendre ce qui se passait dans ma tête. L’intermédiaire, depuis un moment, était l’alcool. La culpabilité pénétrait mes veines à chaque fois que j’avalais une gorgée mais, au bout du compte, je me sentais mieux. C’était toutefois une pente dangereuse, une pente que je me savais incapable de remonter.

Je pris ma veste marine qui reposait sur le dossier de mon divan et je me levai d’un bond, fermant la télévision et détournant le regard de mon bar. Je pris mes clés et sortit rapidement de mon logement. À une heure aussi tardive, seuls les fêtards sortant des bars étaient dans les rues, et dans mon quartier résidentiel, ces gens-là se faisaient rares. Je marchai sans trop regarder où j’allais. Je marchai en tentant vainement de ne penser à rien. La Lune me renvoya sur Terre quand mes pieds touchèrent autre chose que l’asphalte des rues. Je relevai les yeux vers ce sentier sablonneux qui menait jusqu’à l’entrée de la forêt qui longeait mon quartier. Les lampadaires se faisaient rares mais de toute façon, j’étais bien habitué à vivre dans ma pénombre.

Mon corps s’enfonça donc dans cette étendue verdâtre et, les yeux clos, je respirai la nature qui m’entourait, tout d’un coup apaisé. Ce n’était pas aussi enivrant que l’alcool, mais pour un bref moment, je pouvais oublier qui j’étais. J’ouvris mes yeux juste assez tôt pour voir, à quelques mètres de moi, une silhouette féminine. La jeune femme n’était pas très loin d’une source de lumière, alors je pouvais discerner son regard tourné vers le ciel. J’aurais voulu repartir de mon côté, mais elle m’interpella. Une phrase toute simple. Pas de formalité inutile. Juste le fond de sa pensée. Je m’approchai d’elle. « C’est une belle façon de voir la chose. » Déclarais-je. Je levai également les yeux au ciel. Cette toile noire était parsemée de petits points lumineux. Il était rare qu’on puisse en voir autant par ici. « Et celles auxquelles on ne prête pas attention, sont-elles alors mortes même si elles ne le sont pas réellement ? » Si c’était le cas, alors j’étais mort depuis tellement longtemps.

Malgré que j’aie marché jusqu’à la jeune femme et que je sois maintenant côte à côte avec elle, celle-ci ne baissa pas les yeux du ciel. Elle était subjuguée par la beauté de l’infini qui se dessinait au-dessus de nos têtes. Je l’aurais été aussi, si les mille étoiles de cette toile noire ne s’étaient pas reflétées dans les yeux d’un bleu électrisant de la jeune femme. Même la faible lumière du lampadaire n’arrivait pas à éteindre l’éclat de ceux-ci. Je restai un moment à la regarder ainsi, puisque de toute façon elle ne semblait même pas vouloir détacher son regard une seule seconde du ciel. Je n’en étais pas choqué. Je comprenais tellement ce sentiment d’attachement envers la nature. Bien plus que l’attachement entre hommes. Probablement était-ce parce que j’avais toujours été incapable de tisser des liens avec les autres, tandis que mon âme semblait naturellement liée à l’environnement qui m’entourait. Comme si l’eau, le vent et les arbres arrivaient davantage à me comprendre que les oreilles d’un humain.

Je posai alors ma question existentielle à la belle inconnue. En écoutant sa réponse, je levai les yeux au ciel et me perdit dans la même beauté qu’elle regardait. J’analysai toutes ses paroles avec mon éternel pessimisme. Parce qu’elle parlait bien d’étoiles, à mes yeux. Ce qu’elle décrivait ne s’appliquait tout simplement pas à ma vie. Si je disparaissais un jour, les peu nombreuses plaies se refermeraient bien assez vite. J’haussai les épaules lorsqu’elle me demanda ce que j’en pensais. « Je ne m’y connais pas beaucoup. N’existe-t-il pas d’étoiles solitaires ? Des étoiles qui sont seules. Qui n’appartiennent à rien. » Je me doutais bien que la jeune femme était assez futée pour comprendre que je ne parlais plus, et que je n’avais en fait jamais parlé, d’étoiles.

Les étoiles, les galaxies, j’avais toujours trouvé que ça avait quelque chose de beau et de romantique. Par contre, je ne m’étais jamais plus attardé sur le sujet, parce que plus on me parlait de l’infinité de l’univers, plus j’angoissais à l’idée d’exister. Je réalisais à quel point nous étions tous si petits, et je me sentais déjà à la base tellement inutile, alors ça ne faisait qu’ajouter à mon anxiété de vivre. À chaque fois que je levais les yeux au ciel et que je contemplais l’horizon étoilé, je me perdais dans toute cette grandeur et j’avais le vertige. Pour ce soir, toutefois, je préférais cette vision vertigineuse à l’envie de me noyer au fond d’une bouteille.

Je demandai alors à la jeune inconnue s’il n’existait pas des étoiles solitaires, de qui aucune autre ne dépendait. Comme moi. L’éternel loup errant. La brunette marqua une infime pause, avant de me répondre avec franchise qu’il y en avait, oui. J’hochai la tête en reportant mon regard sur le ciel. « Elles survivent quand même, elles. » Avais-je lâché en balayant le ciel du regard, m’arrêtait sur chaque étoile qui brillait à l’écart. C’est alors que la jeune femme tendit sa délicate main vers moi. D’abord, surpris par ce geste, je ne fis que fixer sa main avec un regard d’incertitude. Puis, relevant les yeux sur le regard insistant de la demoiselle, j’attrapai sa main, dans un élan de confiance aveugle. La belle étrangère initia le mouvement de s’asseoir au sol, ce que je fus forcé de suivre puisqu’elle avait refermé ses doigts sur les miens. Dès que je fus au sol, je sentis les deux mains de la jeune femme se refermer sur mes épaules et me forcer à m’étendre complètement au sol. Me laissant faire devant la douceur de ses gestes, je me retrouvai la tête appuyée sur les cuisses de mon mirage nocturne. Je relevai mes yeux innocents vers elle, maintenant que son visage se trouvait au-dessus de ma tête. Elle était belle sous tous ses angles. Elle me confia ensuite, pour conclure son affirmation d’un peu plus tôt, qu’il y avait certes des étoiles solitaires, mais qu’elles étaient tout aussi importantes. Que quelqu’un n’avait qu’à la regarder pour en faire son étoile. Un silence s’installa. Quelques secondes. « Pour que quelqu’un regarde cette étoile, il faut déjà qu’elle brille pour qu’on puisse seulement l’apercevoir … » Avais-je dit. Puis, dans un murmure, j’ajoutai : « Je ne brille plus depuis longtemps déjà. » Si seulement j’avais déjà, un jour, brillé.

En sortant cette nuit, j’avais pensé seulement fuir mes nouveaux démons. Pas courir en direction de l’ange qui me soulèverait du fond de mon baril pour m’élever vers les étoiles. Ces étoiles desquelles j’étais tellement jaloux, parce qu’elles brillaient et s’assemblaient. Et surtout parce que cette belle inconnue ne se lasserait jamais de poser son doux regard sur elles. J’aurais aimé qu’on me porte une telle attention, qu’on m’estime un peu plus, pour une fois. Sauf que je ne pouvais espérer qu’on m’apprécie si je ne m’appréciais pas moi-même. Je ne leur donnais alors rien à aimer. Je n’étais que tristesse dans mon regard. Et personne ne veut porter un tel fardeau.

Comme si j’aurais voulu que cette femme fasse de moi ce qu’elle voulait, comme si j’étais prêt à faire n’importe quoi pour elle, je me laissai guider par ses gestes qui menèrent ma tête jusqu’à ses cuisses, où je laissai mes pensées divaguer. J’avais longuement cherché le sommeil et pourtant, là, j’aurais pu m’endormir à tout jamais. Paisible. Serein. Pourtant, la douleur qui tiraillait mes entrailles depuis mes plus jeunes jours ne voulaient déguerpir malgré le doux visage qui me protégeait d’en haut. Je confiai donc à la jeune femme que je ne brillais plus depuis longtemps. Et là, contre toute attente, elle laissa tomber son regard perçant sur mon être tout entier, et me laissa savoir que je brillerais pour elle. Une promesse inespérée. Une promesse peut-être trop difficile à tenir. Une promesse à laquelle j’eus envie de croire. « Ne vois-tu pas à quel point je suis brisé ? » Un simple coup d’œil à mon regard et on comprenait le naufrage. Aucune bouée de sauvetage ne pourrait me ramener. Rien, personne, ne pouvait me sauver. Malgré cela, la belle étrangère posa une main dans mes cheveux et flatta le dessus de ma tête, chose que personne n’avait faite pour moi depuis des années maintenant. Je me sentais comme un enfant qui ne s’endort pas le soir. Un enfant qui n’a besoin que d’un peu d’amour. Et cette jeune femme, sans même me connaître, m’accordait ce que tous les autres redoutaient me donner. Un peu de tendresse.

« Pourquoi ? »Était la seule question qui me venait à l’esprit alors que je prenais conscience de la bonté dont elle faisait preuve à l’égard de cette pauvre âme errante que j’étais.

Je ne me souvenais même plus des paroles exactes que j’avais employées. Le dévoilement soudain de la jeune inconnue ne sonna donc pas de cloche d’alarme concernant ma façon de lui parler, et les termes que j’utilisais en sa présence. Tout ce que je savais, maintenant, c’est que cette jeune femme avait perdu un sens si important, si unique. Voir. Contempler. Apprécier. S’il y avait bien quelque chose qui pouvait me faire ressentir une vague de bien-être, c’était bien un paysage à couper le souffle. Je ne pouvais concevoir le fait de ne plus être capable de voir. Sans doute aurait-ce été la goutte faisant déborder le vase. Le coup fatal. Et pourtant, cette jeune femme semblait bien vivante. Bien plus que moi. Et cela me culpabilisait tellement. « Je suis tellement désolé. Il n’y a pas même pas de mot pour décrire ce à quoi tu as dû être confrontée. » J’aurais pu dire que c’était horrible, injuste, triste, révoltant, mais en vérité rien de cela n’était assez fort.

C’est alors que les gestes de la belle inconnue prirent tout leur sens. Sa façon de dessiner les traits de mon visage du bout de ses doigts, comme si elle pouvait me réinventer. Elle tentait, en réalité, de se créer une image de ce dont je pouvais avoir l’air. Et il me vint cette pensée égoïste. J’étais si content qu’elle ne puisse pas me voir. Parce que les gens ne s’arrêtaient qu’à une chose, chez moi : mon regard toujours triste, mes traits abîmés, mes lèvres qui tiraient vers le bas. La jeune femme ne pouvait rien voir de tout cela, à moi de le deviner du bout de ses doigts. Peut-être en était-elle capable, mais seulement lorsqu’elle me touchait de la sorte. De loin, jamais elle ne pourrait voir la douleur qui m’habitait. Et cela me conforta un peu.

Je demandai alors cette question si simple, un seul mot, à l’étrangère. Sa réponse, vague, lointaine, me satisfaisait pourtant. Je n’avais jamais eu besoin de quoi que ce soit de concret. J’avais toujours été quelqu’un d’abstrait, alors je fonctionnais mieux dans ce flou. Je ne croyais pourtant pas au hasard, même si Effy avait tenté de me convaincre du contraire. Sauf que là, avec cette femme, j’avais l’impression que c’était la seule réponse qui pouvait être véridique. Le hasard nous avait mis sur le chemin l’un de l’autre, mais le hasard l’avait aussi fait pour une raison particulière. Nous ne savions juste pas laquelle encore. Quand la jeune femme reprit parole, je pu enfin mettre un prénom sur son doux visage, puisqu’elle parla d’elle à la troisième personne, invoquant aussi la présence d’un renard : moi. « Le Petit Prince. » Avais-je laissé s’échapper d’entre mes lèvres. Je ne m’étais jamais vraiment comparé au renard de cette histoire, de toute façon la dernière fois où j’avais lu ce livre remontait à mon enfance, mais je me souvenais quand même de ce renard. Et cette Lou m’associait à lui. « Je le pense aussi. Et ça me fait tout drôle, là, parce que j’ai moi aussi cette impression qu’on t’a mise sur mon chemin pour une raison, mais je ne sais même pas si on saura un jour pourquoi. » N’était-elle qu’une étoile filante qui allait apaiser cette nuit et d’autres à venir quand son souvenir habiterait mes pensées ? Ou était-elle là pour rester, telle Orion que je pourrais voir peu importe d’où je me trouvais ? « Mais pour cette nuit, y’a aucun doute : tu m’as sauvé. » Parce que les gouttes enivrante qui auraient pu remplacer sa présence étaient maintenant bien loin dans mon désir.

La jeune femme posa sa douce main sur mes yeux, les couvrant totalement. S’il faisait sombre quelques secondes plus tôt, j’étais maintenant totalement plongé dans la pénombre. Je n’aimais pas particulièrement ce sentiment, me sentant vulnérable et perdu, et confronté à moi-même. Parce que je n’avais alors nulle part où m’évader autre que dans mes propres pensées, mes propres souvenirs. Alors pour m’apaiser, je tentai de dessiner dans ma mémoire les traits de cette belle inconnue qui me privait de ma vue. Ses yeux d’un bleu unique, son visage rond, ses lèvres pâles et légèrement charnues, son nez qui pointait vers moi, ses cheveux vagués qui retombaient sur moi. Cette image m’apaisa, et tout mon corps se détendit tout d’un coup, malgré que je ne voyais plus rien. Alors je l’écoutai me parler, et je tentai, à mon tour, de sentir cette beauté dont elle parlait. Au même moment, elle baissa sa tête de sorte à ce que ses cheveux parfumés me chatouillent le visage, le cou, le creux des épaules. Je souris légèrement, enivré par l’odeur et la sensation qu’elle laissait sur ma peau. Et je levai, instinctivement, une main que j’allai déposer sur son visage. À mon tour, je laissai le bout de mes doigts dessiner chaque trait de son visage, et chaque centimètre de plus parcouru ne venait que confirmer le dessin d’elle que j’avais gravé dans ma mémoire. « Tu es unique. Tellement que j’ai l’impression de rêver. » C’était peut-être ça, en fait. Après tout, nous étions au beau milieu de la nuit. Cette jeune femme n’était sans doute qu’un rêve, et moi un somnambule. Mais quand je recouvris la vue, une fois que la demoiselle ait enlevé sa main, je ne pouvais que réaliser à quel point tout cela était bien réel.

La belle inconnue me confia sa curiosité de savoir ce que nous réservait le temps. « Je n’ai pas envie d’attendre. J’ai trop attendu. » Avais-je lâché, sans vraiment réfléchir à mes paroles. J’aurais maintenant l’air de vouloir défier le temps, de vouloir que la jeune femme trouve réponse à tout avant même qu’on nous donne une chance de nous trouver. Mais j’avais été honnête. Je n’avais pas envie d’attendre avant de comprendre ce que cette brunette venait faire dans ma vie. Elle hantait déjà mes pensées et je ne voulais pas qu’elle reparte sans que je sache ce que nous étions l’un pour l’autre. Je ne comprenais pas ce sentiment qui m’habitait. Ce confort que je ressentais en étant là, allongé sur ses cuisses, moi qui était habituellement toujours gêné dans ces situations. Je confiai finalement à la jeune femme que pour cette nuit, son rôle avait été de me sauver. Sa réponse me chamboula intérieurement. Je souris. Puis je me relevai, délaissant à contre-cœur cette position dans laquelle je me sentais si bien. Je m’assis à côté d’elle, un genou retroussé contre mon corps. « Que viens-tu faire ici ? » À son accent prononcé, on remarquait bien qu’elle n’était pas d’ici. Et je voulais tout savoir de cette étrangère. Aussi bien commencer à quelque part. De n’importe où. Tant que je la connaissais sur le bout de mes doigts au lever du soleil.

Ce moment irréel allait certainement tirer à sa fin. L’air nocturne faisait de moi un homme un peu moins sauvage, un peu moins froid. Habituellement indomptable, voilà que je me laissais faire par une inconnue, la laissant me guider, la laissant me toucher, la laissant voir en moi comme dans un livre ouvert. Il n’était pas dans mes habitudes de baisser la garde aussi facilement. Je n’avais jamais aimé les interactions sociales, surtout les toutes premières avec quelqu’un. J’étais trop timide, trop maladroit, trop nerveux, trop vide. J’avais l’impression d’être ennuyant et de ne rien pouvoir amener à l’autre, alors je préférais rester dans l’ombre et regarder avec douleur comme ça pouvait avoir l’air facile pour d’autres. Cette nuit, par contre, cette jeune femme avait tout de suite été chercher quelque chose en moi ; quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant. Une sorte de lumière. Un éclat d’étoile brillant qui me guidait. C’était indescriptible, c’était inimaginable. Et il était certain que demain, tout ça allait s’envoler. Je fuirais, comme je fuyais toujours. Cette lumière m’aveuglerait, réduisant notre bulle pourtant si intime en poussière. Parce que tout ce que je touchais finissait par mourir.

Cette nuit, j’allais donc profiter de chaque seconde passée auprès de cette belle inconnue. J’allais apprécier chaque trait de son visage, chaque parcelle de son corps découvert. Elle était ma porte de sortie, elle était ma bouteille de fort, elle était mon oubli. Mon exutoire. La jeune femme me demanda alors après quoi j’avais si longtemps attendu, usant de ce passage du Petit Prince pour me nommer. En temps normal, ce surnom m’aurait sonné faux, m’aurait déplu, déboussolé, mais là, sorti d’entre ses lèvres, il pénétrait mon âme comme une douce mélodie. « Après la lumière. » Et j’espérais qu’elle comprendrait que cette lumière, elle émanait d’elle. Et que je n’étais pas prêt de retomber dans la noirceur dès que ses pas s’éloigneraient de moi. Je ne voulais plus connaître le noir, maintenant que je savais de quoi avait l’air le blanc.

Je me relevai ensuite, pour m’asseoir aux côtés de ma sauveuse, et en apprendre un peu plus sur elle. Elle m’apprit qu’elle fuyait sa propre histoire, son état, sa tragédie. Je fronçai les sourcils. « Une tragédie … ? » La questionnais-je davantage. Je me sentis alors si coupable d’être plongé dans mes idées noires alors que mon ange avait vécu un événement horrible la coupant de sa vue. Je voulus donc lui donner tout le temps qu’elle avait pour m’en parler. Pour se confier. Pour partager sa peine. Puis, elle étira son bras vers moi et posa une main sur mon cœur, ce cœur esseulé, brisé, écrasé entre mes mains. « Elle a toujours été là. C’est moi l’intrus. C’est moi qui me suis construit autour d’elle. » Alors je n’avais toujours été que ça. Douleur, misère, tristesse. Parce que c’était à l’origine de ma personne. C’était le tout début.