(intrigue) a bird without wings, a kite without strings -r.

J’avais reçu un appel ce matin de la part du propriétaire du centre nautique. Il était en dehors de la ville et n’arrivait à rejoindre aucun de ses employés, et comme il savait que j’aimais bien venir les aider, bénévolement, j’étais son dernier recours. Il avait entendu dire qu’une grosse tempête allait frapper les environs plus tard dans la journée, et avait besoin de quelqu’un pour aller ranger les kayaks, canoës et pédalos plus loin de la plage, dans la grande remise en lisière du stationnement. Il m’avait indiqué où se trouvait les clés cachées pour déverrouiller cette remise et m’avait remercié au moins mille fois, me promettant autant de verres d’alcool que je le désirais au bar de la plage – il me connaissait assez bien. Je m’étais donc levé sans plus tarder, laissant Sara continuer à dormir à côté de moi. Je ne voulus pas la réveiller, premièrement parce qu’elle avait l’air bien et deuxièmement parce que je ne voulais pas qu’elle soit fâchée que je la dérange, déjà que nous marchions constamment sur des œufs ces derniers temps.

Je me rendis au centre nautique et j’entrepris le rangement des installations nautiques, ne perdant pas une minute vu le ciel gris qui emprisonnait déjà la ville. Cela me prit beaucoup plus de temps que prévu, étant donné la lourdeur de certaines embarcations et mes muscles fatigués par ma maladie. Dans des moments comme celui-là, la sclérose en plaques ne pardonnait certainement pas. D’ailleurs, en plein dans l’un de mes transports d’un kayak, mes jambes décidèrent comme elles le faisaient de plus en plus depuis quelques mois, que c’en était trop. Alors elles cessèrent de répondre aux signaux que mon cerveau leur envoyait. Sous le poids du kayak et le manque de soutien de mes jambes, je m’écroulai dans le sable, jetant le kayak à ma droite pour ne pas avoir tout son poids sur moi. Je soupirai, râlai, grondai, presque aussi fort que le ciel. Je relevai les yeux vers l’océan et fut pris d’une assez grande panique en voyant qu’avec toute la pluie qui avait commencé à s’abattre, et les grands vents, l’eau montait rapidement. Je voyais les éclairs déchirer le ciel à l’horizon. Et je n’arrivais que difficilement à bouger mes jambes engourdies.

Attendre. C’était la seule chose qu’il me restait à faire. Ce n’était pas la première fois que je vivais cela. Cet état de paralysie, souvent provenant de mes jambes comme à l’instant. Depuis quelques semaines, mon corps entier semblait défaillir, petit peu par petit peu. En même temps, j’approchais la trentaine et jusqu’à maintenant, ma maladie dégénérative n’avait pas trop empiété sur ma vie. Il fallait bien que ça me rattrape un jour. Même si j’aurais préféré continuer à vivre dans le déni pendant encore bien longtemps. Je devais me rendre à l’évidence : j’étais bel et bien malade, et je devais vivre avec les conséquences. L’une de celles-ci était la faiblesse de mes jambes, qui se fatiguaient à rien et qui n’en faisaient qu’à leur tête. Après tous les allers-retours en portant les kayaks, je leur en avais trop demandé, j’aurais dû le savoir. J’aurais dû le prévenir. Mais non. Moi aussi, je n’en faisais qu’à ma tête, et je voulais toujours me prouver que j’allais bien. Que tout était sous contrôle. Sauf que là, alors que l’orage grondait devant moi et que la tempête agitait la mer, je me sentais tout sauf en contrôle.

Une dizaine de minutes après ma chute, j’étais complètement trempé et mes jambes ne répondaient toujours pas à l’appel. J’avais laissé mon téléphone portable dans ma voiture pour ne pas qu’il prenne l’eau. Ce fut donc un miracle inespéré quand j’entendis la voix de Freja derrière moi, si près de moi. Elle me tendit la main en me demandant ce qui se passait et en me disant de la laisser m’aider. Je regardai sa main et secouai la tête en signe de négation. « Je pourrai pas me relever, Freja, et je doute que tu sois assez forte pour le faire de force. » J’étais un paquet de muscles et elle avait une silhouette si fine. La blonde regarda alors derrière elle, puis tout autour, et elle sembla tout juste réaliser que quelque chose clochait, non seulement pour moi, mais pour toute la ville. « Euh, peut-être parce qu’une méga tempête approche et que la ville est en état d'alerte ? » Dis-je en levant une main en l’air, la paume levée vers le ciel d’un gris si foncé qu’on se serait cru le jour de l’apocalypse. « Tu peux pas rester ici, ça va devenir violent avec l’océan qui s’agite comme ça … » Je ne pouvais pas non plus rester ici. Il allait falloir que je me traîne jusqu’à quelque part de plus sécuritaire.

Malgré les circonstances, malgré l’orage qui s’approchait d’eux et malgré sa honte d’être ainsi aussi faible devant Freja, cette dernière réussit à lui décocher un sourire. En tentant de lui faire avaler qu’elle était assez musclée pour me traîner, j’avais rigolé légèrement avec de déclarer un : « Ouais, c’est ça ! » des plus sceptiques. Après nos rires partagés, Freja reprit son sérieux et proposa de me tirer par les pieds. Je fronçai les sourcils légèrement, marquant mon mécontentement, et je secouai la tête, tentant de contenir la honte qui donnait une couleur rosée à mes joues. « Non, c’est bon, je vais essayer de me traîner par moi-même. Le résultat sera le même. » Je renvoyais les insultes à Freja pour me protéger de moi-même, et mon ton de voix était tellement vide de méchanceté que la blonde allait sans doute passer par-dessus ce commentaire. Je n’en revenais pas que ma condition physique m’empêchait d’être mobile de la sorte. Si quelqu’un aurait dû venir à la rescousse de quelqu’un, c’était moi à la rescousse de Freja, pas le contraire. J’aurais dû être là, debout et stable, sur mes deux pieds, et la trouver sur la plage et la raccompagner au complexe sportif, ou à l’abri. Mais non. J’étais étendu dans le sable, paralysé, stupide, inutile.

La jeune femme me demanda de plus amples informations sur la situation actuelle, puisqu’elle réalisait peu à peu que ce n’était pas qu’une simple pluie passagère. C’était bien plus gros que cela, bien plus grave que ce que Bowen avait pu vivre dans les dernières années au niveau météorologique. Étant une ville côtière, il y avait souvent des vents forts et des températures intenses, mais jamais à ce point-là. Je lui expliquai donc l’état d’alerte donné par le maire, et lui indiquai qu’elle ne pouvait rester là. Surtout avec l’océan qui s’agitait devant nos yeux. Freja secoua la tête, parce qu’à ses yeux, si elle ne pouvait pas rester là, alors moi non plus. C’était juste, mais, honnêtement, j’aurais préféré vivre ce moment honteux rien qu’avec moi-même. « Moi non plus. » Je n’avais effectivement jamais connu cela, et je ne savais même pas comment réellement réagir. Était-ce grave au point que nous devions réellement nous en faire ? Ou n’était-ce que par simple prévention que le maire avait décidé de couper toute électricité et de réunir tout le monde au centre sportif ? Freja, reprenant ses esprits, me commanda de nouveau de la laisser m’aider. Elle repéra la cabane de rangement de la plage, plus loin, isolée de l’eau. « C’est une bonne idée, la cabane. Je suis d’accord qu’il faut s’y rendre. Mais je vais le faire par moi-même. » Je me retournai donc et me positionnai à plat ventre, et de mes bras, je me tirai dans le sable. « Vas-y, je te rejoins. Je vais y arriver, Freja. Vas-y. » Je ne voulais pas qu’elle me voit comme ça. Je ne voulais pas avoir à soutenir son regard de pitié.

Freja n’était pas l’une de mes meilleures amies pour rien. Elle savait comment gérer ma personnalité des plus machistes, elle savait comment équilibrer mon orgueil avec sa persévérance. Et là, c’était un moment critique, le moment où Freja allait être mise à l’épreuve. De toutes les personnes qui auraient pu me trouver aujourd’hui sur la plage, celle-là était bien la seule qui réussirait à me sortir de ce pétrin. Les autres auraient baissé les bras devant mon acharnement à refuser toute aide. Les autres se seraient dit que de toute façon, Woody Rutkowski n’avait que ce qu’il méritait. Après tout, j’avais beau être l’un des noms les plus connus de Bowen, je m’imaginais bien que je n’étais pas le plus apprécié par tous. Même Sara n’arrivait plus à contenir la bête qui était en moi. Heureusement que Freja était là, aujourd’hui, pour me tendre la main. Et même si, pour le moment, je ne pouvais me résoudre à l’attraper, cela me confortait de savoir qu’elle était bien là. Que je n’étais pas seul. « Alors réfléchis vite. Parce que la tempête, elle, elle semble pas prendre son temps. » Répliquais-je sans méchanceté. C’était un simple constat. Si la plage était déserte cinq minutes plus tôt, c’était maintenant la ville toute entière qui semblait réduite au silence. On n’entendait que le sifflement du vent et le tonnerre déchirer le ciel. Freja proposa alors d’aller se réfugier dans le petit cabanon plus loin, mais je restai sur ma décision de m’y rendre par mes propres moyens. Ceux-ci se réduisaient à mes bras, présentement. Lui demandant de prendre de l’avance pendant que je la rejoignais, Freja resta d’abord à côté de moi, hésitante et en pleine réflexion. J’allais lui crier de nouveau dessus de foutre le camp vers la cabane, mais son sourire m’arrêta. Je fronçai les sourcils alors que la blonde s’allongea ventre dans le sable, remontée sur ses coudes. Exactement comme moi. J’écoutai sa proposition avant d’éclater de rire. « Freja. Tu es vraiment la femme la plus bizarre que je connaisse. » Nous étions en pleine tempête – dangereuse, à ce qu’on pouvait voir – et elle me mettait au défi. Un strip défi, en plus. Mais avant même que je ne puisse vraiment mettre un point à ma phrase, Freja était déjà en train de ramper dans le sable, se hissant à l’aide de ses bras. Sans perdre plus d’une seconde et n’entendant pas le rire de la jeune femme qui se perdait dans le vent, je forçai à mon tour de mes bras pour me tirer jusqu’à la cabane. Ayant récemment commencé à entraîner davantage mes bras afin de compenser pour mes jambes défaillantes, je repris peu à peu le retard causé par ma surprise. Cependant, avec toute cette pluie qui m’aveuglait ainsi que le sable que j’avalais à chaque coup de vent, Freja su être plus agile que moi et arriva à la cabane la première. Le dernier mètre qu’il me restait à franchir le fut sous les rires de mon amie qui se moquait déjà de moi. Je m’adossai au mur intérieur de la cabane, reprenant mon souffle, comme elle. Puis j’esquissai un sourire en la regardant. « Tous mes vêtements ? »

C’était vrai, c’était pour ça que je l’aimais. Freja me rejoignait sur beaucoup de points et c’était plutôt rare chez une personne de mon entourage. J’avais quand même une personnalité assez unique et qui pouvait faire des frictions avec certains, mais avec Freja c’était comme un engrenage réglé à la perfection. Jamais de frictions ou d’étincelle mauvaise. Que de belles étincelles. Comme son sourire, là, alors qu’elle savourait sa victoire. Je secouai la tête, gardant l’injustice pour moi – de un, elle était partie plus tôt que moi, de deux, elle avait sûrement triché sans même s’en rendre compte en utilisant un minimum ses jambes alors que les miennes étaient toujours paralysées. On riait, là, mais honnêtement, je commençais sérieusement à me demander si j’allais recommencer à les sentir un jour. D’ailleurs, mes doigts pressaient légèrement mes cuisses afin d’essayer de produire une certaine sensation, en vain. Le courant était coupé. Je questionnai alors Freja à propos du défi, ou plutôt de ma punition maintenant, en lui demandant s’il s’agissait de vraiment tous mes vêtements dont je devais me départir. C’était le deal. Elle avait raison. Froid ou pas. Maladie ou pas. Et puis, si elle jouait la carte du courage, elle m’aurait à tout coup. J’étais bien trop orgueilleux pour ne pas me montrer courageux. Surtout devant Freja ; j’avais toujours voulu l’impressionner, rester à ses yeux quelqu’un de fort. Un peu comme avec tout le monde, mais un petit peu plus avec Freja. Probablement parce qu’elle n’était pas au courant pour ma sclérose en plaques – ce qui allait sans doute bientôt changer, vues les circonstances. « Non non non, pas question que je ne respecte pas notre deal. Je suis un homme de parole, Freja. » Lui lançais-je avec conviction et amusement dans la voix. Puis je retirai mon chandail, sans plus attendre. « Allez, rince-toi l’œil, ça ne durera pas longtemps. » Après tout, nous n’avions pas mentionné combien de temps je devrais demeurer nu. Dans dix ou quinze minutes, dépendamment d’à quel point cela ferait rougir Freja (plus elle rougirait, plus je resterais longtemps en mode nature), je me rhabillerais. Petit hic : pour le reste de mes vêtements, j’allais avoir besoin d’un peu d’aide, étant donné que seuls mes bras étaient présentement fonctionnels et que j’aurais bien eu besoin de jambes dans la démarche. Les mains de Freja ferait l’affaire – pour retirer mon pantalon, je veux dire. Rien d’autre. « Bon je sais pas si t’as remarqué mais j’ai momentanément perdu l’usage de mes jambes alors, si tu veux bien … » Lui rappelais-je tout en donnant un coup de menton vers mes pantalons, comme pour lui signifier que c’était là que son aide était requise. En attendant, j’avais descendu ma braguette et j’avais commencé à descendre mes shorts. En temps normal, un homme en couple aurait dû refuser un tel pari ou au moins refuser de réellement se mettre à nu devant une autre femme, j’avoue. Sauf que là, c’était Freja, ma meilleure amie, et je m’en fichais un peu. Faut dire, j’avais toujours été très – trop – proche de mes meilleures amies. Pas pour rien que Sara l’avait longtemps été, et que nous étions maintenant amoureux, en cohabitation, et tout ça. Pour le meilleur comme pour le pire. Et peut-être que là, ce que je faisais en ce moment, ça faisait partie du pire.

J’éclatai de rire en voyant Freja aussi amusée par la situation. On aurait dit un enfant, à la voir taper dans ses mains – et ce côté enfantin rendait la situation plutôt wrong, étant donné que j’étais sur le point de me foutre à poil devant elle. Cependant, quand je lui demandai de l’aide pour retirer le reste de mes vêtements, soit mes pantalons et mes caleçons, le visage de Freja changea du tout au tout. D’amusée et passa à confuse, déconcertée, nerveuse même. Cela déclencha en moi un sentiment plutôt étrange, parce qu’honnêtement j’avais lancé cela d’un ton blagueur parce qu’entre nous il n’y avait jamais eu de gêne. Toutefois, de la voir aussi déboussolée et intimidée me perturba à mon tour. Freja et moi étions tellement proches, intimes, que le fait de savoir qu’elle pouvait être autant troublée par ma nudité – et surtout sa participation à me dévêtir – me fit repenser notre relation. Je troquai mon regard confus pour un visage plus assuré, pour ne pas rendre l’atmosphère encore plus ambiguë. Je souris donc quand Freja s’approcha et leva les yeux vers elle quand elle commença à glisser le pantalon le long de mes jambes. Elle leva pendant quelques secondes son regard vers moi également, et je fuis celui-ci, étrangement. Parce que quelque chose d’intense avait illuminé les siens, et les miens, et j’avais un peu peur d’où cela aurait pu mener. Il fallait que je reprenne le contrôle sur moi. Les derniers événements avec Jamie, Cassandre et Sara avaient fait remonter en moi la bête, mais je ne devais pas la laisser prendre le dessus. Sara était tout ce qui importait. Sara. Ça avait toujours été Sara. Et même si la situation était plus que tendue entre elle et moi depuis l’incident de la grande roue, il ne fallait pas que je perde de vue qui nous étions. Je relevai donc un regard plus détaché vers Freja, même si dans mon corps ce qui se passait était tout autre, et je souris quand elle me demanda si mon boxer devait aussi être retiré. J’haussai les épaules. « C’était ça que tu voulais, non ? C’était le pari. » Un petit sourire en coin se dessina sur mes lèvres, et je la regardai tout aussi intensément, malgré moi. Qu’est-ce qu’il se passerait lorsque je serais mis à nu devant Freja ? Quand plus rien ne me couvrirait, autant physiquement qu’émotionnellement ? Nous étions dans une pente raide, et la chute était imminente. Rien que sa façon de me regarder éveillait tous mes sens. C’était mal. C’était mauvais. Je le savais. Et pourtant, je ne pouvais plus reculer, alors que la voie était belle et bien libre pour que je le puisse. « Ou peut-être que ce n’est plus ce que tu veux … ? » La questionnais-je, voyant toute l’hésitation, toute la tension qui régnait entre nous deux.

J’avais mis les deux options face à Freja. C’était ce qu’elle voulait, ou ça ne l’était pas. C’était aussi simple que cela. Pourtant, pour ma meilleure amie, le dilemme interne semblait être bien plus complexe, comme si une infinité d’autres options se présentaient à elle. Ou alors comme si chaque option avait son lot de conséquences bien définies et lourdes d’impacts dans le futur. Je ne me cassais jamais autant la tête. Freja non plus, habituellement. J’étais impulsif. J’en vivais d’ailleurs toutes les répercussions par la suite, aussi bonnes que mauvaises. Là, je sentais que l’impulsivité et l’insouciance que j’avais aujourd’hui en compagnie de Freja, allaient m’amener bien du mal. Pas avec elle. Plutôt avec Sara. Après tout, n’étais-je pas en train de demander de l’aide à une autre femme qu’elle pour me retirer mes derniers vêtements ? Tout était confus, dans ma tête. Je ne savais plus discerner le bien du mal. Je ne l’avais jamais vraiment su, d’ailleurs.

Freja répondit finalement que c’était bien ce qu’elle voulait, que c’était le pari. J’hochai la tête, comme pour la conforter dans sa décision. Lui montrer qu’il n’y avait rien de mal à cela, puisque comme elle l’avait dit, c’était le résultat d’un défi qu’elle avait fièrement gagné. À moi de vivre l’humiliation même si, honnêtement, ce n’en était pas vraiment une. Freja s’approcha donc de moi et posa ses mains sur mes cuisses, ce qui me fit frissonner et elle le sentit d’ailleurs très probablement. Même mes poils de jambes s’étaient légèrement hérissés suite à ce contact. Honnêtement, pendant que Freja faisait glisser mon caleçon le long de mes jambes, je me concentrais davantage sur le fait de ne pas avoir d’érection plutôt que sur le moment. Freja était belle, vraiment belle, et le moment était plus qu’intime, alors il fallait que je réfléchisse fort à des images beaucoup moins excitantes. Pour le coup, c’était plus ou moins réussi. Ma respiration avait changée, mais j’essayais de le cacher à ma meilleure amie en soutenant son regard et en arborant mon éternel sourire amusé. Ce dernier s’effaçait peu à peu, toutefois, laissant place à un regard et à un visage plus troublé, plus intense. Perdu dans ses iris. Freja détendit un peu mon corps lorsqu’elle afficha un sourire malicieux en brisant le silence. Je souris à mon tour. « Pas trop déçue ? » En même temps, par respect ou par gêne, je n’aurais su dire, Freja n’avait jamais baissé le regard depuis que je m’étais retrouvé complètement nu devant elle. Ce n’était pourtant pas comme si je l’en empêchais. Bien des hommes auraient placé leurs mains sur leur sexe afin de cacher celui-ci. Pas moi. « Faudra que je gagne le prochain défi pour que tu aies la même conséquence. Comme ça, on sera quitte. » Ajoutais-je avec un sourire.

J’aurais aimé pouvoir mettre de côté Sara, aussi. J’aurais aimé pouvoir mettre de côté le fait que si nous allions juste un peu trop loin, notre amitié pourrait en être changée pour toujours, aussi. Freja semblait avoir tout d’un coup complètement changé d’attitude, passant d’une Freja intimidée à Freja de nouveau, dans toute son assurance et sa malice. Comme si elle, elle avait vraiment réussi à faire fi de tout le reste, pour nous enfermer tous les deux dans une petite bulle bien intime, bien isolée du monde. Même en cette tempête des plus dangereuses, et malgré notre emplacement plus que risqué malgré les quatre murs qui nous entouraient. L’eau risquait quand même de monter, le vent de taper contre le mince bois de la cabane, et la foudre de frapper. Tout ça, c’était bien loin de Freja. Et j’aurais aimé pouvoir en être tout aussi loin, aussi. Plutôt que de nous ramener tous les deux dans une réalité dont nous ne voulions présentement pas, je décidai de jouer le jeu. D’être moi aussi le Woody plein d’assurance et de fierté. Je rigolai donc quand Freja m’assura qu’elle n’était pas du tout déçue, et que j’en cachais beaucoup dans mon pantalon. Je ne pense pas avoir rougi ; car même s’il s’agissait d’un compliment de Freja, ce qui était bien différent comme compliment, je demeurais plutôt sûr de moi. En même temps, mon corps était mon plus grand investissement. Quand j’étais champion de vélo de montagne, mon corps était ma machine, mon gagne-pain, alors je m’entraînais six jours sur sept pendant des heures. C’est probablement la raison pour laquelle la sclérose en plaques m’atteignait tellement dans mon orgueil. Ma forme physique avait toujours été la base de qui j’étais. Alors de la voir s’envoler jour après jour, ça me tuait à petit feu en même temps. Bref, tout cela pour dire que mon corps, j’en étais fier, parce que je travaillais fort pour être dans cet état. J’avais donc pleinement conscience de quoi j’avais l’air.

Je me demandais si Freja savait à quel point elle avait un corps à faire rêver, elle aussi. Je ne manquai d’ailleurs pas de souligner qu’il faudrait que nous soyons quittes, un de ces jours. Je ne parlais pas forcément d’ici, maintenant, mais ma meilleure amie sembla le prendre de cette façon, elle. Me disant qu’il ne suffisait que de demander, elle enleva alors ses vêtements principaux, se retrouvant en sous-vêtements devant moi. Des sous-vêtements agencés, qui plus est. J’haussai les sourcils, clairement impressionné par son courage et surtout par son corps. « Tu t’attendais à rencontrer quelqu’un dans la tempête ou quoi ? » Dis-je en détaillant son beau soutien-gorge avec de la dentelle et la culotte du même matériel. En tout cas, c’était pour le plus grand plaisir de ses yeux. Puis, Freja lui proposa de la défier et d’enlever le reste si elle perdait. Je souris. Il fallait que je choisisse quelque chose dans lequel j’étais certain de gagner. S’il n’avait pas été question de mes jambes, n’importe quelle compétition sportive aurait été de mise. Mais là, nous devions rester immobiles. Et je voulais à tout prix voir tout le reste du corps de Freja. Parce que là, ce n’était que de me tenter sans me donner tout ce que je voulais. L’aperçu que j’avais ne suffisait plus ; j’avais besoin de voir davantage de Freja. « Celui qui retient son souffle le plus longtemps ? » C’était la seule chose à laquelle j’avais pu songer et qui n’impliquait rien de physique qui aurait pu me désavantager.