I'll follow you until you love me - Andrea

Sans vouloir prendre le melon, notre Jackson commençait à se faire une petite réputation en tant que peintre à Bowen, étrangement, ses tableaux qui avant n’intéressaient personne, commençaient à faire parler les gens, pourquoi, il n’aurait su le dire, quel changement s’était opéré, il l’ignorait au final. Peut-être était-ce parce qu’un certain Mr Emerson avait acheté l’une de ses toiles lors d’une vente de charité, il ne connaissait pas trop les membres de la haute société de Bowen et puis il avait offert cette peinture parce que la cause lui avait parlé, et pas pour faire parler de lui. Mais toujours était-il que maintenant, monsieur Monroe exposait dans une petite galerie du centre-ville et qu’on commençait à lui acheter ses œuvres, le journal local avait même insisté pour faire un article sur lui, il en avait ri sur le coup et puis finalement lorsque le reporter avait frappé à la porte de son atelier il s’était senti bête. Il n’avait rien à raconter lui, il peignait parce qu’il aimait ça, parce que c’était vital, ses pinceaux étaient une extension de lui, sa manière de s’exprimer, d’extérioriser, rien de bien racontable qui, pas de quoi en faire un article ! Et puis non, il n’allait pas faire de longues balades pour chercher l’inspiration dans les feuilles qui volaient, il préférait se faire un shoot d’héro et tout devenait clair, mais ça, il n’allait pas le raconter à la presse ! Finalement voilà qu’un article allait paraitre sur lui et en plus on avait demandé une photo, pas n’importe quelle photo, non messieurs dames, une photo de professionnel ! Et il avait donc rendez-vous avec un certain Andy Rollins, ici, chez lui, dans quelques minutes.
Il avait l’air fin, il n’avait pas su comment s’habiller, que mettre pour une séance photo, allez savoir ! Et puis il avait essayé de ranger son local, d’aménager un minimum pour que l’endroit semble présentable, voilà qu’il avait même les mains moites, il stressait l’idiot, on était bien mal embarqué… Un peu de dope l’aurait bien aidé à se détendre, mais il essayait d’arrêter, du moins il avait arrêté, c’est ce qu’il se disait depuis quelques mois, quelques mois sans toucher à ses aiguilles, c’était fou, c’était difficile, tellement dur, mais il tenait le coup, compensant avec les cigarettes et quelques verres de whisky bien sec lorsque le manque était trop présent. Il fut tenté de s’en servir un, mais on sonna à la porte et il fut stoppé dans son élan. Il soupira lourdement, jeta un œil au bazar dans lequel il vivait et qui, même rangé ressemblait à un hangar désaffecté, il haussa les épaules, désabusé et ouvrit la porte. Il fut surpris lorsqu’il trouva une jolie jeune femme face à lui… ça n’était surement pas monsieur Rollins. « Salut... c’est pourquoi ? »

Jolie, le mot était faible, ce petit bout de femme était tout bonnement canon, c’est ce que se disait Jackson en reluquant sans trop s’en cacher celle qui se trouvait face à lui. Comprenez-le, il n’avait que très rarement des femmes dans son lit, depuis des années ses seules véritables compagnes c’était ses précieuses aiguilles et ses rêveries cotonneuses, pas de qui monter au septième ciel, ou du moins pas de la main d’une femme. Il avait bien eu quelques conquêtes, lorsqu’il mettait de côté son addiction, il y avait même eu cette fille qui avait compté bien plus que les autres, Maxine, mais pas depuis qu’il était en sevrage, il essayait de se construire une vie, un cadre de vie, une existence saine et avouons-le, se mettre dans une relation n’était pas le meilleur moyen pour rester clean, surtout qu’il avait cette fâcheuse tendance à se lancer dans des relations tordues notre beau ténébreux. Alors lorsqu’une superbe rousse frappait à sa porte, il ne pouvait pas nier que c’était agréable à regarder, après tout, il n’était qu’un homme. Celle-ci finit par se présenter, avec un peu moins d’aplomb que lorsqu’il l’avait vu au départ, elle semblait douter. Pourtant c’est lui qui se sentit con, Andrea, Andy, Rollins, pas un homme, évidemment, mais une femme, il avait naturellement fait la mauvaise déduction, pour cause, ils n’avaient jamais eu de contact téléphonique, simplement quelques sms. Etrangement il se sentit tout d’un coup mal à l’aise et tenta de ravaler sa langue pendante de pervers, c’est elle qui allait devoir le photographier ! Déjà qu’il n’était pas à l’aise avec l’exercice en pensant que ça serait un homme photographe, alors comprenez que là il était carrément mal, après tout, se faire tirer le portrait c’était un peu dévoiler de son âme à celui qui prenait les clichés, comme lorsque lui prenait des modèles qui posaient pour lui, on discernait tellement de l’autre à travers ce biais. « Oh, excusez-moi, entrez ! » Il se poussa pour lui laisser le passage. « J’avoue que je ne m’attendais pas à une Andrea mais plutôt à Un… alors comprenez ma surprise… » Non, il n’était pas obligé de le lui avouer, il se sentit d’autant plus idiot. Il la lassa pénétrer dans son antre désordonné, ne disant rien durant une bonne minute, il voulait qu’elle voit l’endroit dans lequel elle devrait travailler. « Bienvenue chez moi. Mettez-vous à l’aise. Vous souhaitez qu’on reste ici ? Où on peut aller en extérieur si vous préférez, après tout ça n’est qu’un atelier bordélique ! » Elle n’était pas bien grande et paressait si jeune physiquement, ses quelques taches de rousseur adorables, sa façon de se mouvoir, pourtant dans ses grands yeux on lisait une sorte de gravité, de ceux qui ont déjà vécu beaucoup, finalement il ne pouvait pas lui donner d’âge, il l’observait et elle l’intimidait presque.

La réflexion de la jeune femme l'intimida d'avantage, elle semblait ne pas se formaliser de sa confusion, mais lui se sentait vraiment con, en plus de l'avoir reluqué de la sorte comme si elle était une vulgaire fille qu'il irait draguer lourdement en soirée. Mais on était au beau milieu de la journée et leur contacte se devrait d'être parfaitement professionnel. Il se gratta l'arrière du crâne pour se donner une contenance. Oui, oui, je vois bien, vous êtes tout ce qu'il y a de féminin... il s'avança un peu, la suivant. Parfaitement féminin... finit-il par lâcher, tout bas, pour lui-même.
Il l'écouta lui énoncer son plan, celui-ci lui convenait, en gros il allait devoir faire comme si elle n'était pas là, l'exercice allait être difficile, évidemment, ne pas surjouer, faire comme s'il l'oubliait, mais peut-être moins que de poser de façon statique. Enfin il verrait bien. Il hocha la tête pour indiquer qu'il était pour, mais la jeune femme flânait déjà dans le logement, découvrant l'espace, curieuse, une curiosité professionnelle ou féminine ? Il n'aurait su le dire. Il savait que les quelques femmes ayant passé les portes de son antre avaient eu la même réaction, tout ce bordel, toutes ces toiles, tous ces objets un mélange hétéroclite qui plaisait ou qui dérangeait mais qui ne les laissait jamais indifférentes. Il l'observait à la dérober, elle s'attachait les cheveux, comme ça, l'air de rien, mais qui pour lui était terriblement sensuelle, elle dévoilait sa nuque et quelques mèches rousses qui s'étaient échappées restaient à courir dans son dos, elle était belle, il ne pouvait détacher son regard d'elle.
Alors qu'Andrea s'attaqua à son travail, elle attrapa un appareil, un argentique, Jax en fut surpris, il pensait qu'on utilisait plus ce genre de boitier, mais l’initiative lui plu, elle était vraiment passionnée, s'en était la preuve. Elle commença à prendre quelques clichés du lieu, de ses toiles, il pourrait s'en offusquer, habituellement il le faisait... mais là il la laissait faire, il lui aurait tout passé à cette fille, du moment qu'elle continue à le regarder. Oui... oui, sans soucis, faites comme chez vous... Il hésita un instant. On va se tutoyer, ça sera plus simple. Il imposait sa proposition, le ton se voulait amical mais franc, pourtant il avait peur qu'elle mette une barrière entre eux. Il lui tournait autour, hésitant à se placer, il ne savait pas vraiment si la séance photo avait déjà commencé, si la belle aimait parler lorsqu'elle travaillait, il ne savait rien en fait. Tu fais ça depuis longtemps ? De la photo je veux dire. Imperceptiblement il s'approchait d'elle, elle l'attirait sans qu'il ne s'en rende totalement compte.

Ce fut un soulagement qu’Andrea accepte qu’ils se tutoient, Jackson n’était pas à son aise avec les courbettes, il lui sourit donc, plus détendu finalement. Il doutait toujours de sa capacité à être un bon modèle, mais au moins la séance allait peut-être se passer dans la convivialité. Pris un peu au dépourvu lors du premier déclenchement de l’appareil, il n’avait pas l’habitude, clairement, il tenta de rester naturel, ça pouvait aller très vite, trois photos et c’était dans la boite. Mais Andrea ne semblait pas du même avis, elle était lancée et avait l’air de prendre plaisir à jouer la paparazzi. C’était étrange de voir une si jolie fille lui tourner autour de la sorte, restant professionnelle bien entendu, mais il sentait tout de même une sorte de tension… à moins que ça ne soit que dans son imagination perverse.
Il en vint à lui demander si elle faisait de la photo depuis longtemps et la jolie rousse s’ouvrit à lui. Lorsqu’elle se mit à parler il tourna la tête vers elle, incapable de faire autre chose que de l’écouter, de plonger son regard azure dans ses yeux espiègles, il l’aurait écouté parler de sa passion durant des heures, elle semblait tellement aimer son métier. Lui ne pouvait pas en dire autant, il était tombé dans la peinture comme on se fracasse à un mur, c’était sa seule façon de s’exprimer, de sortir cette rage et cette tristesse qui dormait en lui et qu’il n’arrivait pas à confier, il s’était fait tout seul, ne s’était pas chercher, il ne peignait pas par choix, ne cherchait pas à faire parti d’un courant artistique, il laissait ses mains exprimer ce que la parole ne pouvait sortir de lui et c’était parfois violant et douloureux, autant que ses toiles étaient poignantes.
Jackson était pendu aux lèvres d’Andrea et se rapprochait d’elle comme pour capter son essence, sa passion, il voulait en savoir plus sur ses rencontres, sur ses voyages, c’était tellement étrange comme sensation. Alors même qu’il allait se trouver tout proche d’elle, elle mis son appareil entre eux, comme une barrière, et saisit l’instant. Il se stoppa net, avant qu’elle ne baisse son argentique et relève ses yeux vers lui avec un sourire adorable. “Moi ? Moi j’aimerai en apprendre plus sur toi…” Il ne pu s’empêcher de sourire lui aussi, gêné de draguer cette fille de façon si nulle, gêner de craquer sur elle alors qu’il n’avait posé qu’un regard sur elle et d’avoir probablement l’air d’un roméo de pacotille. Et puis surtout embêter parce qu’il n’avait rien à raconter de lui, il n’était personne, il revenait à peine à la vie après des années terré dans son trou, il n’avait aucune envie d’en parler, à qui que ce soit.

C'est vrai qu'elle avait un accent particulier mais il n'aurait pas su dire d'où, lui aussi était américain, il  n'y pensait pas beaucoup, à ses origines, il vivait à Bowen depuis suffisamment d'années pour se sentir ici chez lui et puis les ravages de la drogue avaient fait leur oeuvre aussi, surement. Pourtant il gardait quelques souvenirs enfouis, ceux qui faisaient mal lorsqu'ils lui revenaient de plein fouet dans la figure, des souvenirs d'enfance heureuse, plus ou moins, avec sa mère, des souvenirs de plateau de tournage lorsqu'elle avait sa petite côte de popularité, la Marilyn de seconde zone... ou simplement des moments de tendresse parce qu'il y en avait eu, elle l'aimait, cette mère qui l'avait pourtant lâchement abandonné en mettant fin à ses jours, elle l'avait aimé, il le savait au fond... Mais repenser à cette époque, à ce triste matin où il avait posé sa main d'enfant sur ce corps froid d'où la vie s'était déjà échappée, c'était mauvais, il le savait, c'était faire ressortir le pire en lui, le Jackson dépressif, celui qui prenait l'eau et qui ne trouvait que ses aiguilles comme bouées de sauvetage et il ne voulait plus. Voilà, en partie, pourquoi il restait si taciturne au sujet de son enfance, de son inspiration première parce que c'était elle, sa muse, sa mère, évidemment. En vrai il était bien mieux ici qu'à Hollywood, la ville où tout semble possible mais où tant de rêves se brisaient chaque jour, tant d'âmes en peine d'amour ou de reconnaissance, en manque d'un bout de gloire, tellement éphémère, il détestait l'Amérique avec ses fausses promesse de nouveau départ, c'était une connerie, un attrape touriste. Tu viens de quel coin des Etats-Unis ? En vrai il s'en moquait, mais il ne voulait pas qu'elle se taise.
Il partit fouiller dans un des ses placards, ils regorgeaient d'affaires plus ou moins rangées, enfin c'était le bordel quoi, mais il trouvai ce qu'il cherchait, dans le frigo, une bouteille d'un vin blanc sucré particulièrement fruité. On était au beau milieu de l'après midi, et alors ? Il entreprit de l'ouvrir alors qu'elle continuait à le questionner sur lui, sur son inspiration, évidemment. Il aurait pu répliquer qu'un journaliste avait déjà toute les réponses et que dans quelques jours elle pourrait lire l'article sur le journal, pourtant il ne dit rien. Il versa un peu du liquide doré, il avait une couleur magnifique ce vin, gorgé de soleil et de sucre, avant de tendre un verre à Andrea. Il parait que tu n'y résiste pas ! Il me vient d'un client qui est amateur de vins français, je pense qu'il est bon. Il prit le temps d'hésiter encore un peu avant de soupirer pour lui-même et de se lancer dans le grand bain. Mon inspiration principale c'est ma mère, elle est morte lorsque j'avais treize ans, elle était belle et torturée, une muse parfaite. Et puis quelques autres femmes en fait une seule, Max, mais il n'en dirait rien. Mais ça n'est pas forcément intéressant je t'assure, d'ailleurs le sujet est clôt. Tu aimes le vin ? Encore une fois il s'approchait d'elle presque trop prêt il s'en rendait compte. Tu avais déjà vu mon travail ? Tu as dû remarquer qu'elles sont toutes blondes, les figurines de mes tableaux... peut-être qu'une rousse apporterait un peu de nouveauté. Il posa son verre sur la table en même temps qu'il posait une main sur le visage d'Andrea, laissant ses doigts parcourir les traits fins de la jeune femme, on aurait su dire s'il la draguait lourdement ou si c'était l'artiste qui dessinait déjà une toile dans sa tête tellement son regard perçant semblait sonder chaque parcelle de la jeune femme, à cet instant, les rôles s'étaient inversés et Andrea était devenu le model que Jackson étudiait, il s'arrêta sur ses yeux et la fixa. Tu n'as pas idée à quel point tu es intriguante toi aussi. Et il se pencha sur elle pour l'embrasser.

Jackson était touché qu’Andrea se dévoile à lui si rapidement, il voyait que l’exercice n’était pourtant pas des plus naturels pour elle et il s’en voulait presque de n ‘écouter que d’une oreille, distrait par son physique, son essence et l’attraction qu’elle avait sur lui et qu’il avait du mal à dissimuler.
Il n’avait aucune intention de parvenir à ses fins en lui faisant tourner la tête grâce au vin, loin de là, il marchait au feeling et si la jolie rousse aimait le vin, alors il lui faisait plaisir en ouvrant une  bouteille. Recevoir une inconnue chez lui, redécouvrir ce que c’était que de flirter, c’était nouveau pour notre artiste un peu rouillé, qui avait passé plus de temps aux côtés de ses aiguilles que des femmes, il pensait être mauvais, il pensait qu’elle l’enverrait gentiment promener, après tout le rendez-vous initial était parfaitement professionnel. Mais elle le laissait déborder sans le freiner et accepta le verre avec un plaisir non feint. Il sourit lorsque la photographe complimenta le vin, elle avait raison, il était vraiment bon. Pour lui, sentir l’alcool couler dans sa gorge, même sans qu’il ne soit très fort, c’était très agréable, ça réduisait presque le manque de sa drogue, il empêchait ses mains de trembler et c’était déjà bien. On ne dira pas qu’il avait remplacé son adiction par une autre, il n’était pas alcoolique, mais il avouait volontiers que ça aidait.
Il avait du mal à accepter les compliments sur son travail, il ne peignait pas pour faire plaisir aux autres, c’était un besoin, primaire, instinctif, presque animal, il ne comprenait pas bien que l’on aime ses oeuvres, celles-ci n’avaient aucun sens pour les autres finalement, on disait qu’on les aimait, lui en détestait certaines, d’autres, il n’arrivait juste pas à les regarder sans sentir un coup de poignard dans sa chaire, ses tableaux c’était son âme mise à nue. Montrée au monde aujourd’hui, et par pudeur ou par honte, il n’assumait toujours pas cette célébrité. Et ces gens qui cherchaient à analyser son travail, ceux qui pensaient trouver un sens à ces portraits, ils se trompaient tous, ces gens là il les exécraient au plus au point, mais il avait accepté de vendre se oeuvres, il devait faire avec le succès et le succès impliquait la curiosité et le jugement, bon ou mauvais, c’était le prix à payer. Il regarda alors Andrea, un mince sourire aux lèvres, l’air mélancolique. “Merci.”
Ils étaient tout proches maintenant et alors que la belle indiquait qu’elle était blonde au naturel, Jackson retrouva un sourire véritable, il parcourait son visage du bout de ses doigts d’artistes, abîmés et rugueux. “Moi c’est l’Andrea rousse, incendiaire, qui m’intéresse aujourd’hui, c’est celle que j’ai devant moi.” souffla-t-il avait de lui avouer à quel point il la trouvait intrigante et de se pencher sur elle pour goutter ses lèvres. Encore une fois il s’attendait à ce qu’elle le repousse, qu’elle stoppe ce petite jeu des moins professionnels. Et encore une fois il fut surpris qu’elle se laisser aller, elle combla le vide qu’il y avait entre eux en se serrant contre lui, prolongeant l’instant magique. Parce qu’il était magique ce baiser, plein d’électricité. Depuis combien de temps Jackson n’avait-il pas embrassé une femme de cette façon, piqué par l’envie de découvrir une autre, de se dévoiler lui aussi, de sortir de sa réserve naturelle, d’aller de l’avant, tout simplement ? Il en avait fait du chemin depuis l’époque pas si lointaine où il ne voulait voir personne, ou sa seule compagne était son héroïne, où il repoussait tout, ses proches, les nouvelles rencontres, ou simplement de voir la vie avancer, il restait sur la touche, conscient qu’il manquait son tour, mais il s’en moquait. Depuis quelques mois il allait de l’avant, il s’était soigné, il allait mieux, pas encore bien, mais mieux, et c’était déjà beaucoup, Tahlia et Giulia étaient fières de lui, sa mère aussi le serait, il en était sur. Et il embrassait cette fille, sûrement que ça ne mènerait nul part, ou du moins pas bien loin, que ça ne resterait qu’un moment suspendu dans son atelier, ils retrouveraient bien vite leurs vies et peut-être qu’ils ne se recroiseraient jamais, mais il la remerciait déjà d’avoir passé cette porte, de lui avoir offert son sourire et ses lèvres pour qu’il puisse s’ouvrir au monde à nouveau, prêt à découvrir à nouveau.

Il ne fut pas aisé pour Jackson de se détacher de la jolie rousse, mais celle-ci avait interrompu leur étreinte. Il l’observait, d’un coup elle ne semblait plus sereine du tout, alors qu’il y a quelques minutes encore il l’aurait crue prête à entreprendre bien plus avec lui, là elle avait l’air effrayée et lui se senti mal à l’aise. Elle commença par s’excuser et il comprit réellement que quelque chose clochait, en même temps c’était trop beau, qu’avait-il cru, qu’avec ses airs d’artiste écorché, de brun ténébreux il réussirait à mettre cette fille à ses pieds, qu’il réussirait à l’amener jusqu’à son lit alors qu’il ne connaissait rien d’elle, il aurait été bien présomptueux. Et puis il avait senti dès le départ que ça n’était pas une fille comme les autres, si elle aimait le peintre qu’il était ça n’était pas telle une groupie, elle-même était artiste à sa façon, il s’imaginait bien qu’elle n’était pas du genre à se jeter dans la gueule du loup de façon si frivole, il avait bien vu qu’elle était intelligente mais qu’elle avait cette part de mystère, cette fêlure, peut-être avait-il réussi à s’insinuer dans la faille, mais elle restait sauvage et maîtresse d’elle-même. Étrangement, il respecta cela et la trouva très forte de s’égarer un instant pour finalement retrouver ses esprits avant de succomber, lui-même aurait été plus faible, il était faible, il le savait, c'était son plus gros défaut. Il la gardait contre lui alors qu’elle continuait à se justifier et alors qu’il saisissait ses mots, il se sentit d’un coup très mal. Comment avait-il pu être si idiot ? Il ne lui avait jamais demandé si elle avait quelqu’un dans sa vie, évidemment qu’elle avait quelqu’un, elle avait même deux hommes pour le prix d’un. Il la lâcha rapidement, s’en voulant presque d’être objet de tentation alors que sa vie semblait si compliquée. Je comprend, ça n’est rien. Il était blessé dans son amour propre, bien entendu, mais il ne le lui avouerai pas. Cet instant volé c’était déjà beaucoup, elle avait réveillé l’homme qui sommeillait en cette bête sauvage qu’il montrait au monde, elle lui avait rappelé qu’il avait un cœur capable de succomber, même le temps d’un baiser. Et même si ça n’était en rien comparable à ce qu’il avait pu éprouvé pour sa Tamsin, son amour perdu, parce que rien ne serait comparable à ça, personne ne serait jamais à la hauteur, il avait au moins touché du doigt le désir et l’envie de plaire à nouveau, de séduire et d’être séduit, c’était déjà beaucoup.
Ils s’éloignèrent un peu l’un de l’autre et Jackson termina son verre, il avait la gorge sèche. Andrea s’excusa à sa façon, c’était joliment dit et ça fit sourire notre artiste. J’espère qu’il en vaut le coup, le père de ton fils. Et qu’il sera à la hauteur de l’attente que tu sembles avoir. Parce que ça serait gâcher que de briser le cœur de quelqu’un comme toi. Elle lui inspirait tellement de mélancolie, étrangement il se dit qu’ils avaient peut-être pas mal en commun tous les deux, niveau histoire de cœur tortueuses, même si dans le fond il n’en savait rien du tout. Elle lui donnait envie de peindre, des fleurs dans les cheveux roux d’une fille au regard de chaton, une fille au regard pétillant mais au sourire triste. Il voyait déjà le contours de son tableau et machinalement il attrapa un carnet qui traînait par là, il en avait plein qu’il laissait un peu partout dans l’atelier, avec un crayon de bois il commença à griffonner ce qu’elle l’inspirait, avant que cette sensation ne disparaisse. Si tout à l’heure il parlait de la peindre à la manière d’un séducteur qui cherche à impressionner une fille, maintenant l’inspiration lui brûlait les doigts et ça serait un tableau bien plus coloré que les toiles qu’il peignait d’habitude. La vie n’est pas fini jolie rouquine, qui sait, un jour on aura peut-être droit à un autre moment, quand tu te rendras compte que cet ex aurait bien fait de le rester ! Il n’était pas vraiment sérieux et releva la tête pour lui faire un clin d’oeil théâtral pour le lui prouver. Tu as encore besoin de clichés ? Il n’avait plus vraiment envie d’être pris en photos, mais si c’était nécessaire elle pourrait continuer.