N&L. Beelzebub has a devil put aside for me

Nelligan ne voulait pas ouvrir les yeux. Il voulait les garder clos pour toujours. Parce qu’il savait fort bien que dès la seconde où il allait les ouvrir, le monde autour de lui allait commencer à tourner. Sa chambre allait se déformer et lui donner un mal de tête atroce. Et dès qu’il refermerait les yeux pour s’apaiser l’esprit, les images de sa chambre qui tournent, elles, ne voudraient pas s’en aller de sa mémoire. Et ce serait la fin de sa journée – il devrait rester cloué au lit jusqu’au lendemain. C’était ça, les lendemains de veille de Malinowski. Il devenait complètement inapte à tout faire. Marcher lui prenait toute sa concentration pour ne pas devoir courir aux toilettes vomir. Alors s’il gardait les yeux fermés, là, pendant encore des heures, peut-être qu’il s’en sortirait pas trop mal. Tout se passait bien de son côté, jusqu’à ce qu’il entende un énorme grognement à ses côtés. Il n’aurait su vraiment dire s’il s’agissait d’un chien, d’un homme ou d’une femme. Ou un croisement entre les trois. Dans tous les cas, le jeune homme, surpris par cette présence à ses côtés, tourna la tête et ouvrit un œil. Tout de suite, il reconnut Lou, l’amie de Ted. Elle était en train d’approcher son visage de son ventre – son ventre à lui, son pauvre ventre de jeune homme confus par les événements. Et elle s’appuya juste par-dessus son nombril, comme s’il était un oreiller humain. Fronçant les sourcils, Nelligan émit lui aussi un bruit non identifiable avant de fermer les yeux de nouveau, sentant déjà le haut-le-cœur monter en lui. Ce n’était pas Lou qui le dégoûtait, c’était le goût de vieille bière dans sa bouche. Quand il rouvrit les yeux, Lou n’était plus sur son ventre, mais elle regardait en sa direction. Ce qui fit légèrement frissonner Nelligan, puisqu’il se souvenait fort bien qu’elle était aveugle – et il était à peu près temps que ça lui rentre dans la tête -. Elle ne le voyait donc pas. Et si elle était dans le même état que lui ce matin, peut-être ne savait-elle-même pas qui il était. « Euh … Bon matin ? » Lâcha-t-il avec une voix rauque et fatiguée. Honnêtement, la situation le laissait plus que perplexe, parce que Lou était en sous-vêtement et lui en boxer. Rien d’autre. Lou tenait son chandail dans sa main. « Je … ne … me sens pas très bien … » Il avait ouvert les yeux, c’était trop tard. Nelligan se tourna avec rapidité sur le côté de son lit, pensant y trouver sa petite poubelle en plastique, mais ce n’était pas chez lui !!! Tout ce qu’il trouva était une petite corbeille en osier, et ne pouvant plus se retenir, il vomit à l’intérieur de celle-ci …

Nelligan fut assez surpris de la réaction de Lou en réalisant que c’était lui à côté d’elle, dans son lit, en sous-vêtements. Bon, évidemment, c’aurait pu être bien pire comme réveil pour l’un et l’autre. Elle aurait pu s’éveiller auprès d’un gros barbu qui sentait le fond de tonneau et qui avait encore quelques résidus d’ailes de poulet dans sa barbe. Il aurait pu s’éveiller auprès d’une vieille dame un peu horny et se faire surprendre par ses petits-enfants un dimanche matin. Oui, d’accord, Nelligan comprenait maintenant pourquoi Lou pouvait être heureuse. Au moins, ils se connaissaient. « Je suis content aussi d’avoir choisi de rentrer avec toi et pas avec … quelqu’un d’autre … » C’est qu’il avait l’image de la vieille femme en tête, là. Et ça n’aidait en rien son envie d’être malade. « Tu t’imaginais quoi ? Qui, plutôt ? » Parce que si lui avait une image bien définie, peut-être que Lou aussi. Et ça pourrait le faire rire un peu, et oublier son malaise corporel.

Quelques secondes plus tard, à force de s’imaginer tous ces scénarios qui n’incluaient pas Lou, ou qui ne l’incluaient pas lui-même, Nelligan eut ce haut-le-cœur insoutenable. Il se pencha donc sur le côté et vomit dans la corbeille. Trop concentré à se sortir le mal du corps, il n’avait pas vu Lou se précipiter à la fenêtre, sans doute pour ne pas le suivre dans son mouvement de malade. Alors qu’elle se trouvait toujours la tête dans l’air frais, et après que Nell ait réalisé qu’elle s’y trouvait, elle lui demanda avec espoir si elle avait mis un sac dans la corbeille. Nelligan ouvrit les yeux vers l’objet et, malgré les larmes autour de ses yeux à cause de ses vomissements, il distingua parfaitement que non, il n’y en avait pas. « Oui, oui, il y en avait un, heureusement … » Lâcha le jeune homme, se disant que de toute façon Lou ne verrait jamais que ce n’était pas le cas et qu’il se chargerait d’aller laver la corbeille avec un arrosoir à l’extérieur. Ou alors il lui en achèterait une autre, si jamais c’était impossible de la laver. Lou ne verrait jamais la différence, en fait.

En se relevant sur le lit, se sentant momentanément un peu mieux, il ne vit que Lou, vêtue de son propre chandail, courir jusqu’à la salle de bain. Nelligan n’eut même pas besoin de porter attention aux bruits qu’elle faisait ; il savait qu’elle était dans le même bateau que lui. Il s’allongea donc de nouveau dans le lit, cette fois la tête sur l’oreiller. Trois minutes plus tard, environ, Lou revint avec des lingettes et un verre d’eau, et des sacs, au cas où. « Merci. » Il avala au moins dix gorgées consécutives d’eau. Question de rétablir l’équilibre dans son sang. Puis Lou lui posa la question à laquelle il n’avait pas voulu mentalement répondre depuis son réveil. « Euh … J’espérais que tu saurais m’éclairer … » Il soupira, autant parce qu’ils avaient pu faire des conneries que parce que son mal de cœur revenait. « Je … je me souviens qu’on a dansé. Vraiment beaucoup dansé. Et après ça, c’est le noir total … » Avoua-t-il, avec la crainte d'avoir commis avec Lou une erreur.

Nelligan esquissa un douloureux sourire quand Lou lui répondit qu’elle ne voulait pas imaginer, surtout parce que lui se remémorait encore ce que son imagination débordante lui avait permis à lui de s’imaginer. Le sourire douloureux, lui, provenait de son mal de crâne et de son mal de cœur grandissants. D’ailleurs, après que celui-ci ait vomi dans la corbeille de Lou, il mentit quant au sac présent – ou pas – dans la poubelle. Nelligan ne devrait certainement jamais devenir acteur car même aveugle, la jeune femme avait vite compris qu’il ne lui disait pas la vérité. Il ne répondit rien, se sentant un peu coupable et se promettant de tout nettoyer. Quand même, il n’allait pas laisser une autre personne, aveugle en plus, nettoyer son vomi. Ça, ce serait le boulot d’Ally dans quelques mois, mais il ne le savait pas encore.

Lou ne tarda pas à revenir de sa petite visite surprise à la salle de bain, et elle leur apporta à tous les deux le petit kit de survie pour un lendemain de veille trop arrosée. La brunette lui demanda s’il se souvenait de quoi que ce soit, et Nelligan pouvait lire tout l’espoir qui reposait entre ses mains. Malheureusement, pour lui aussi c’était assez vague. Et pour les événements suivants leur danse, c’était le noir total. Lou se laissa tomber sur le matelas, directement à côté de lui, soupirant en disant qu’elle comptait sur lui pourtant. Il afficha une moue désolée. « J’ai tellement pas l’habitude de boire autant … Fallait pas s’attendre à ce que mon état soit excellent. » Il rigola un peu ; comme elle, son estomac était fragile. Lou lui raconta finalement ce dont elle se souvenait, et il fronça les sourcils. « Des animaux ? What ? » Ça, il ne s’en souvenait pas du tout, et il aurait bien aimé comprendre d’où ils sortaient, ces animaux. La jeune femme voulut finalement s’assurer de la réponse de la question fatidique : avaient-ils couché ensemble ? Nelligan rigola nerveusement. « Je sais pas mais … honnêtement, saoul comme j’étais, je doute fortement que j’aurais été capable de lever … » Nelligan n’en voulait pas à Lou de se poser la question avec terreur. C’est vrai que ce serait assez compliqué comme situation.

Le jeune homme rigola à son tour quand Lou énuméra tous les détails qui jouaient contre elle concernant la réelle présence d’animaux ou non dans leur nuit chaotique. « Putain. Faudrait faire comme dans les films Hangover et essayer de retracer tout ce qui s’est passé. Qui sait, peut-être que y’a des photos louches de nous qui circulent sur les réseaux sociaux, en ce moment. » Proposa Nelligan en riant, même si cette idée l’effrayait plus qu’autre chose. Putain, s’il fallait qu’il ait fait une connerie, peu importe de quelle nature, et que n’importe qui de son entourage tombe là-dessus … ce serait la fin. La fin de lui. « On est peut-être rentrés clandestinement au zoo. Peut-être que y’a nos visages collés à l’entrée de la place, et qu’on est bannis de l’endroit. » Une autre hypothèse complètement loufoque de la part du jeune homme. Décidément, son cerveau pondait bien trop d’idées folles pour un homme complètement dans le brouillard. Concernant les interrogations quant à une nuit d’amour entre eux, le jeune homme en doutait fortement. Il doutait surtout de ses capacités à avoir une relation sexuelle avec autant d’alcool dans le sang, en fait. Même son sang devait être trop bourré pour savoir à quel endroit il devait se rendre pour créer une érection. Bref. Lou semblait partager son opinion, en le disant à voix haute d’une façon plus crue. Il avait les images de lui et Lou tentant de s’enligner. Ce n’était pas une bonne image à avoir quand il s’agissait d’une amie. Ou de n’importe qui. « Lou, sérieux. » Il riait. « Ouais, on peut dire ça. » Et qu’il y ait eu quelque chose ou pas, si aucun des deux ne s’en souvenait, alors ça revenait au même que de dire que rien ne s’était passé. En espérant qu’ils se soient protégés et tout, quand même. La jeune femme changea donc de sujet et lui demanda à quel point il avait faim. « Honnêtement, ça dépend de ce qui m’est présenté. Je mangerais pas mes traditionnelles tartines, mais des œufs et du bacon, je pense que ça passerait bien. » Nelligan avait rarement eu la gueule de bois dans sa vie, mais maintenant, il comprenait pourquoi le fast-food était aussi populaire aux petites heures du matin.

Nelligan arqua un sourire alors que Lou disait qu’avec elle, il valait mieux ne pas savoir ce qu’ils avaient fait. « Ah ? Me connaissant c’est plutôt le contraire. Peut-être que puisqu’on est aux deux extrêmes, on s’est en quelque sorte neutralisés, et en fait on a rien fait de trop grave ou de trop fou. » Proposait-il. Parce que Nelligan avait très rarement été ivre dans sa vie, mais les fois où c’était arrivé, il était plutôt resté couché dans son coin, l’alcool ayant tapé si fort qu’il s’endormait à chaque fois. Il n’avait aucune idée d’à quel point cela allait changer, à partir de maintenant. Nelligan avait aussi proposé qu’ils soient allés voir les animaux, et le ton de Lou lui rappela qu’elle ne pouvait pas les voir, en fait. Il haussa les épaules, gêné mais voulant se rattraper. Et surtout faire semblant que ce n’était pas un oubli de sa part. « Ouais, bah, les animaux ils font du bruit, aussi. C’est cool le bruit des animaux. » Au lieu de se rattraper, il se mettait les pieds dans les plats mais ça, c’était du Nelligan tout craché, surtout en compagnie de Lou. Finalement, Lou conclut que rien de trop intime ne devait s’être passé entre eux, utilisant des mots qui étaient encore assez crus pour les chastes oreilles de Nelligan. Malgré ses protestations, Lou continuait à se moquer de lui, battant des cils comme une petite fée. Il secoua la tête en riant.

« Pouti-quoi ? » S’exclama Nelligan en la suivant jusqu’à la cuisine, malgré son mal de cœur. Lou était la première québécoise qu’il rencontrait dans son parcours de vie, et ils ne se connaissaient que depuis la veille. Il n’avait donc jamais entendu parler de poutine avant ce matin. Ou alors il avait oublié. Alors qu’elle fouillait sous son évier, Lou lui demanda de regarder s’il reste de la sauce brune St-Hubert dans l’une des armoires. « St-Hu-quoi ? » Décidément, Lou prononçait trop de mots français qu’en plus de ne pas connaître, Nelligan n’arrivait pas à comprendre. « Euh … Je vais regarder … » Quand elle parla de Ted qui aurait pu prendre la dernière enveloppe, cela donna un indice à Nelligan quant au format d’aliment qu’il devait chercher. Il regarda parmi les sachets que Lou avait, et il tomba sur une photo de sauce brune, écrit St-Hubert dessus. Il n’arrivait toujours pas à le prononcer, mais ça sonnait assez comme ce que Lou avait dit. « J’crois que c’est ça ? » Demanda-t-il avec un peu d’assurance, le montrant à Lou. Il attendit un moment, mais il réalisa qu’elle ne voyait pas ce qu’il lui montrait. « Enfin j’veux dire, c’est une enveloppe jaune et il y a un coq dans le coin ? » Décrivit-il. Ce serait mieux ainsi. Il aurait attendu longtemps, sinon. « D’ailleurs, il est où, Ted ? Il est jamais rentré, hier ? » Après tout, ils avaient tous été à la même soirée. Même qu’eux auraient dû être les derniers à rentrer à la maison.

Nelligan haussa les épaules quand Lou mentionna préférer faire comme s’il n’avait rien dit. Au moins, il avait essayé de se rattraper. Il se mettait facilement les pieds dans les plats, ça il ne pouvait pas le nier, mais au moins il faisait des efforts pour se faire pardonner. C’était sans doute mieux que bien des gens qui pouvaient peut-être s’en foutre. Ou alors il essayait de s’en convaincre afin de se conforter. Dans tous les cas, il se promettait qu’un jour, il arriverait à être un peu moins con et irréfléchi en compagnie de Lou. Après tout, au bout de quelques semaines, il allait bien se rentrer dans la tête qu’elle était aveugle et qu’il y avait une liste de verbes et d’expressions qui étaient à bannir en sa présence, non ? Quitte à se faire sa propre liste et qu’il la consulte en sa présence – ce n’était pas comme si elle s’en rendrait compte.

Les deux jeunes comparses se retrouvèrent bien vite dans la cuisine afin de se remplir un peu l’estomac. Avec un peu de chance, la nourriture voudrait bien y rester et ils pourraient reprendre des forces afin d’affronter cette journée qui s’étalait devant eux. Avec son état actuel, Nelligan n’était pas certain de pouvoir accomplir quoi que ce soit, et pourtant l’idée de rester à dormir toute la journée dans son lit ne l’égayait guère. Il avait un tas de trucs à faire. « Euh, oui, je m’en occupe, si y’a des instructions en anglais. » Nelligan consulta l’enveloppe et la tourna de l’autre côté pour finalement y trouver les instructions dans une langue qu’il comprenait. « Ah, voilà ! » S’exclama-t-il, heureux. Il attrapa donc un chaudron qu’il mit sur le poêle, et il mélangea l’enveloppe de poudre avec de l’eau. Enfin, juste la poudre, hein, pas l’enveloppe. L’enveloppe, elle était dans les poubelles, à l’heure qu’il est. Nelligan se demanda alors où se trouvait Ted, et Lou lui apprit qu’il disparaissait souvent comme ça, durant des semaines entières parfois. Nelligan fronça les sourcils, surtout quand elle parla d’une certaine Adélaïde. « Hein ? J’suis pas du tout au courant de ça. Pourquoi Ted me cacherait un truc comme ça ? » Se demanda Nelligan tout en mélangeant le contenu de son chaudron. « Tu en sais pas plus que ça ? » Demanda-t-il à Lou. C’était un peu moche de la part de Ted de disparaître comme ça, surtout qu’il laissait Lou seule ici alors qu’elle aurait peut-être besoin d’un peu d’aide. Il ne savait pas comment elle faisait pour se débrouiller ici sans voir quoi que ce soit.

• Malgré son mal de cœur persistant, Lou s'amusait beaucoup trop des réactions de Nelligan. Le pauvre était complètement perdue. Évidement, il n'avait aucune idée de ce à quoi elle faisait allusion puisqu'il était Australien. La québécoise s'était souvent demandée comment le reste de la planète survivait sans le médicament que représentait la poutine pour un cœur sur la flotte. « Nous sommes sauvés par une traduction!. » Taquinait la brunette. Lou avait définitivement beaucoup trop de plaisir à le faire tourner en bourrique, mais bon comme dans toute les guerres il n'y avait pas de repos. Pourtant, Nell' avait réussi à faire fuir le sourire de l'aveugle en parlant de son colocataire. Elle appréciait véritablement Ted et ses escapades l’inquiétait beaucoup. Au moins, avec son partenaire de cuisine Lou pouvait partager ses craintes. « Je crois qu'il se sens coupable envers cette fille pour une raison que je ne connais pas. »  Le peu dont elle était au courant, elle avait du le tirer du nez de son colocataire. «  Si je me souviens bien, votre relation n'est plus ce qu'elle était. » Lou avait lâché ça sans malice. C'était seulement un fait qu'elle apportait au tableau. La brune était douée pour lire entre les lignes et elle avait compris qu'une femme devait avoir mi le nez dans leurs relations, sûrement Lola. « Ted n'es pas du genre à se plaindre de ses tourments malheureusement. Je n'ai même pas réussi à savoir qui était cette fille. » Lou continuait de couper ses pommes de terres en languette pour faire des frites. « Tu devrais essayé de lui en parler. Tu aurais peut-être plus de chance. » Ajoutait-elle naïvement pour le faire réfléchir. Après tout, ils étaient assez proches. Ted risquait d'avoir besoin de soutient. Toujours concentré sur la cuisine, Lou sortait une tasse à mesurer pour mettre de l'huile. Elle avait poser un doigt sur une petite ligne de la tasse enfin de sentir le liquide le touché et de cette façon avoir la bonne quantité. Ensuite, elle mi le liquide sur le feu avec un chaudron pour faire cuire le tout. «  Tu va voir. La poutine c'est la meilleure chose de la planète. »

C’était tellement simple, entre Lou et Nelligan, et pourtant ils ne se connaissaient que depuis la veille. Assez surprenant, quand même, de voir qu’aucun malaise ne planait au-dessus de leur tête, les forçant à agir d’une façon awkward ou bien à s’éviter alors qu’ils s’étaient réveillés dans le même lit. Pourtant, à la base, c’était exactement le genre de situation qui aurait mis Nelligan dans une attitude beaucoup trop timide pour une Lou aussi sociable. Heureusement, elle avait su le mettre à l’aise bien vite et ce, dès leurs premiers échanges. Même s’il se souvenait peu de leur nuit alcoolisée, Nelligan gardait quand même ce sentiment qu’avec elle, tout n’avait qu’à être normal. Tout n’était que normal, en fait. Naturel. Ça coulait comme une rivière tranquille, paisible. Ça lui faisait du bien, cette sorte d’amitié sans ambiguïté et ce malgré l’état dans lequel ils s’étaient retrouvés ce matin. Nelligan se surprenait à espérer que peu importe ce qu’il advenait de son amitié avec Ted, Lou et lui pourraient continuer à se parler. Malheureusement, pour le moment, Nelligan avait un peu gâché ce petit moment de simplicité en abordant le cas de Ted, justement. Lou lui apprit qu’il se sentait coupable envers une fille, pour une raison x. Le jeune homme fronça de nouveau les sourcils, posant les mains sur le comptoir, les épaules courbées vers l’avant. « Je ne pensais pas qu’il était impliqué avec une autre fille que Lola. » Lâcha-t-il, ne sachant pas vraiment si Lou était au courant de toute cette histoire avec Lola, justement. Ted et elle qui s’étaient laissés, Nelligan qui avait en quelque sorte pris sa place. Lou confirma sa connaissance en relevant le fait que leur relation n’était plus ce qu’elle était. Nelligan soupira. « C’est vrai … J’avoue qu’on a merdé, on a laissé une fille se glisser entre nous, ce que des amis devraient jamais faire. » Déclara le jeune homme, regrettant tout de même d’avoir merdé à ce point. Lou ajouta finalement qu’elle n’avait même pas réussi à savoir qui était cette fille, et qu’il devrait essayer de lui en parler. Il haussa les épaules. « Je ne sais pas … je ne pense pas que Ted ait vraiment envie de me parler de ses histoires de cœur, en ce moment … » Et peut-être plus jamais, même. Nelligan ne voulait pas y songer. Le jeune homme se concentra alors sur les techniques de Lou et souriait doucement en la regardant aller, et davantage quand elle lui dit que la poutine était la meilleure chose de la planète. « En tout cas, à te voir aller avec autant d’aisance, je me doute que t’as l’habitude de t’en cuisiner. » Tiens, première fois qu’il n’oubliait pas qu’elle était aveugle !

• 
  L'épluchette de patates allaient de bon trait pendant la discussion qui tournait autour de leur ami commun. Il y avait quelque chose dans l'attitude de Ted qui laissait présager le pire. Un petit coin d’instinct criait qu'il ne reviendrait pas nécessairement et Lou était loin de réaliser à quel point elle avait raison. Cette fois-ci, malgré la veille, l'homme ne reviendrait pas à Bowen. « L'amitié est drôlement compliqué parfois. » La brune n'avait qu'à regarder leur situations pour confirmer ses dires. À peine ami qu'ils s'étaient retrouvés en sous-vêtement dans son lit et pourtant, la jeune femme n'avait pas envisagé Nelligan comme un coup, sex friend, friend with benefict, ++ or whatever le nombre de synonyme qu'elle pouvait trouver. « Je dois avouer qu'habituellement je la commande dans le restaurant le plus près, mais considérant que nous sommes en Australie et que le restaurant le plus proche est à quelques milliers de milles...Je sors l'artillerie lourde! » Lou s'amusait de ses propres paroles alors qu'un couteau coupait soigneusement les pommes de terre en petites languettes. Évidement, l'aveugle y allait particulièrement doucement afin de garder tout ses doigts. «  J'envisage de te faire un câlin pour ta formulation de phrase. Je suis presque émue. » Il était tellement facile de taquiner le jeune homme que c'était plus fort que la pianiste. Un sourire en coin, Lou avait lancé une morceau de patate vers Nell'. Les chances que l'objet arrive à bon port frôlait le nul, mais ça lui importait peu. Il comprendrait le principe de la taquinerie. Sous un meuble, Lou sortie la friteuse qui de base appartenait à son colocataire pour terminer les frites. Elle laissait l'homme de la cuisiner gérer la sauce. «  Je suis une gourmande donc cuisiner a été la première chose que j'ai réappris à faire seule. » avouait-elle doucement l'air de rien.