Du soleil dans les yeux | Matthew N. Rollins

Il y avait encore quelques mois, la voisine d'à côté était une dame d'un certain âge toujours agréable et avec qui j'aimais bien parler de temps en temps. Mais je ne l'ai plus vue, et depuis peu, j'ai cru comprendre que Hayden et moi avons de nouveaux voisins. Je n'ai pas encore eu l'occasion de les rencontrer, mais ça ne saurait tarder !

Vêtu d'un jean et d'un t-shirt blanc moulant, j'ai décidé que j'allais m'atteler à quelque chose que je repousse depuis un bon moment : réparer la moto que je me suis offerte d'occasion il y a deux mois. Je n'ai pas grand chose à y faire, juste changer quelques pièces et elle sera comme neuve. Bref, comme je me dis qu'il serait stupide de m'installer dans le garage avec un temps pareil, je décide de le faire à l'extérieur, dans le jardin donnant directement chez les nouveaux voisins. Je vois de l'activité dans la maison, mais seulement passer des ombres rapides. J'imagine que ces nouveaux habitants doivent être encore en train de défaire les cartons. Enfin, si je n'ai pas fini trop tard, j'irai peut-être proposer mon aide.

En attendant, c'est accroupi que je m'occupe de ma bécane. J'en avais une aux USA, mais elle se faisait vieille, et ça m'aurait sûrement coûté trop cher de la faire venir ici. Du coup, j'ai préféré m'en séparer et d'acheter ce nouveau bijou. Bref, il me manque un outil, alors je vais le chercher dans le garage. Bien sûr, Hayden s'est encore amusé à en mettre partout, alors forcément je passe un temps fou à chercher. Mais quand je trouve enfin, et que je sors, je constate qu'une superbe femme est installée sur un transat dans le jardin attenant. Je m'arrête un instant, me disant que c'est quand même une chance d'avoir une aussi belle voisine, avant de réaliser qu'Hayden risque la soûler un peu... Enfin, je m'avance vers ma moto, pose l'outil que je suis allé chercher à côté, et m'essuie les mains sur un torchon avant de m'approcher de la haie basse qui sépare nos deux terrains. Dans un sourire, je dis :

- Bonjour, bienvenue dans le quartier.

Je ne pensais pas que la jeune femme serait aussi gênée alors que je lui souhaite simplement la bienvenue. Bien souvent, je rencontre des femmes sûres d'elles qui n'hésitent parfois même à me faire du rentre dedans. Là, pour le coup, ça change, et ça me plaît bien. Je souris et répond d'une voix douce et avec le sourire :

Avec plaisir.

J'allais me présenter quand j'entends qu'elle me pose une question que je trouve un peu étonnante. Toujours avec le sourire, j'acquiesce.

Oui j'habite ici, je suis dans mon jardin en fait... J'ajoute, amusé. Elle semble un peu perdue et étonnée de me voir venir lui parler, comme ça, sans raison. Pourtant, c'est comme ça que ça se passe ici, en général. Les gens sont plutôt accueillants. Mais, sûrement toujours gênée par ma présence incongrue, la jeune femme me demande si j'ai besoin d'aide. Je me mets à rire doucement.

Vous vous y connaissez en mécanique ? Je demande malicieusement. Parce que sinon, je n'ai pas besoin d'aide, je venais juste faire la conversation. Je m'appelle Matthew.

Je lui souris. Son accent est on-ne-peut plus craquant, et j'espère qu'elle ne m'enverra pas sur les roses. Elle n'a pas l'air d'avoir très envie de parler...

Je regarde la jeune femme, les yeux brillants de malice quand je lui dis être dans mon jardin. Elle m'intrigue, avec sa main en visière et ses jolis yeux plissés. Et puis les femmes maladroites, j'ai toujours trouvé ça charmant. Je ne suis d'ailleurs pas déçu quand elle me fait un sous-entendu qui, visiblement, n'était pas voulu, puisqu'elle se reprend rapidement en me parlant d'évier. J'arque un sourcil, étonné, et dit gentiment :

Non, aucun souci de plomberie, jusque là tout va bien. Enfin, en mécanique aussi, mais je disais ça parce que je suis en plein dedans.

Je souris et répond aux présentations :

Enchanté Aino. Ça n'est pas australien comme prénom, je me trompe ? Je ne lui parle pas de son accent charmant, je ne voudrais pas avoir l'air de l'analyser non plus. Elle semble assez gênée comme ça. Enfin, quand elle me pose une question sur ma moto, je souris à nouveau, et lui dit :

Oui, c'est la mienne. Je l'ai achetée il y a quelques mois d'occasion mais je n'avais encore jamais changé les pièces défectueuses. Mais j'ai vraiment envie de m'y remettre alors je m'y attelle ! Vous en avez déjà fait ? De la moto je veux dire ?

Je la regarde avec attention, déjà charmé par cette beauté étrangère que je vous désormais mieux depuis qu'elle s'est approchée de moi.

La jeune femme en face de moi m'intrigue beaucoup. Elle allie le charme et la maladresse et on peut dire que je suis séduit sans même qu'elle n'essaie de me draguer. Je suis étonné qu'elle me propose son aide en plomberie, mais soit, je ne vais quand même pas laisser une femme s'occuper de ce genre de chose. Je suis un peu macho, je l'avoue. Enfin, non, je n'aime pas ce mot, il implique que j'estime que la femme est inférieure à l'homme. Hors, ce n'est pas le cas. Bien au contraire. Je suis plutôt galant en fait.

Bref, je demande indirectement les origines de mon interlocutrice, et cette dernière ne cesse de m'étonner. Elle est donc suédoise ! Je souris, amusé par la coïncidence.

Mon arrière-grand-père était suédois. Mais je n'y suis jamais allé. J'espère avoir l'occasion de visiter ce pays un jour, mais je ne suis arrivé en Australie que depuis quelques mois, alors je prends encore mes marques. Puis, devinant la question que doit sûrement se poser Aino, j'ajoute : Je suis américain.

Cette dernière, après s'être approchée de moi, remarque ma moto, et me demande si elle m'appartient. Je réponds fièrement que oui, et explique ce que j'étais en train de faire avant de venir lui parler. Je demande ensuite si elle a déjà fait de la moto, me disant intérieurement que si ça n'est pas le cas, je pourrais me faire un plaisir de monter derrière moi lorsqu'elle le souhaiterait. Aino me confirme qu'elle n'en a jamais fait, mais je me retiens de lui proposer mon idée. Je sens qu'elle est une femme qu'il faut apprivoiser, et ça aussi ça me plaît. Elle est on-ne-peut plus intrigante, mais je ne souhaite pas la charmer comme je le ferais avec n'importe quelle autre jolie femme. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien. Bref, quand elle me dit qu'elle rêverait en faire seule dans le désert, je souris. Une femme sauvage et indépendante. Voilà qui elle semble être. Tout ce qu'il faut pour me faire tourner la tête. Elle me demande ensuite depuis quand je fais de la moto. Je réfléchis un instant, parce que j'avoue que je ne m'en souviens pas sur le moment.

Hmm... Je dirais que ça fait une dizaine d'année ? Oui, Dix-Quinze ans à peu près. Enfin, depuis que je vis à Bowen, je n'ai pas pratiqué, et ça me manque un peu, ce sentiment de liberté.

Car oui, pour moi, faire de la moto ça n'est pas une mode, ou juste une activité pour « faire bien ». Je n'en ai que faire de ça. Non, pour moi, faire de la moto, c'est se sentir libre. Rouler, que ce soit sur la route ou sur la terre, m’enivre et me procure une joie pour l'instant inégalée. Enfin, c'est exactement comme l'aviation, dont j'ai fait mon métier. Voler si haut qu'on a l'impression d'être seul au monde... C'est tellement grisant ! Enfin, je n'oublie pas que j'ai une magnifique jeune femme en face de moi (comment le pourrais-je ?), et lui fait une proposition anodine.

Est-ce que je peux vous offrir à boire ?

La jeune femme en face de moi me pose pas mal de questions sur mes origines, et j'en suis ravi. Ça prouve quelque part que j'ai bien fait de venir lui parler, vu qu'elle s'intéresse. Du coup je lui souris et réponds :

Je suis né à New York mais j'ai grandi en Ohio. A Cincinnatii plus exactement.

Je ne pense pas qu'elle connaisse, vu qu'elle m'a dit que l'Amérique a "l'air sympa", mais j'aurais répondu à sa question. Quant à la suivante, je souris à nouveau, et je lui dit :

Ah l'Australie... Eh bien j'ai vécu pendant un mois à Sydney, comme dans d'autres villes de pays différents avant, mais c'est vraiment ici que je me suis senti bien. J'aime la mentalité des gens, les décors paradisiaque, et puis j'ai une cousine qui vit ici, à Bowen, alors je suis venu la rejoindre.

Je raconte un peu ma vie, mais elle l'a demandé non ? Je passe mes mains dans les poches avant de mon jean, laissant mes pouces géants à l'extérieur, et je lui retourne la question :

Et vous ? Vous avez vécu cinq ans en Suède, mais après ? L'Australie, directement ?

J'ai envie de connaître Aino, ma jolie nouvelle voisine, en espérant qu'elle ne croise pas de si tôt mon crétin de meilleur ami. Il la ferait sûrement fuir avec ses gros sabots. Enfin, la discussion se tourne ensuite vers la moto et sur ma pratique de longue date. Je me mets à rire à la réflexion d'Aino sur mon âge. Au moins, c'est clair ! Mais je ne le prends pas mal, au contraire, après tout, je n'ai pas honte de mon âge, il montre mon expérience, voilà tout !

C'est vrai que c'est beaucoup. Je n'oublie pas, la question ne me dérange pas. J'ai trente-cinq ans. Je ne suis pas si vieux que ça, si ? J'ajoute en riant doucement, sans quitter la jeune suédoise des yeux. Elle est vraiment envoûtante. Ses beaux yeux bleus me font craquer je dois l'avouer, même si elle les plisse à cause du soleil. D'ailleurs, je lui propose de venir boire un verre, mais cette dernière commence par me rembarrer. Je prends un petit air triste, en regardant la bouteille qu'elle me désigne près de son transat.

Oui, mais chez moi il y a de l'ombre pour reposer vos yeux. Je dis malicieusement. J'ai bien sûr remarqué qu'elle a dû mal à les garder ouverts depuis tout à l'heure. Et finalement, j'affiche un sourire radieux quand elle accepte mon invitation, non sans me demander indirectement si elle ne me dérange pas.

Jamais. Je réponds simplement avant de sortir de mon jardin par le portail pour aller la chercher au sien. Je ne rentre pas, bien sûr, je l'attends à l'extérieur, et lorsqu'elle me rejoint, nous repartons en direction de chez moi. Je l'invite à s'asseoir sur la terrasse, dos au soleil, en lui désignant un fauteuil et demande :

Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ? J'ai des sirops, de la bière, et tout plein d'autres choses. Dites-moi ce qui vous plait et on verra si j'en ai. J'ajoute en lui faisant un clin d’œil.