(Elmo) Des explications dans le fond des yeux

Aujourd'hui, tu allais être occupée à travailler au café, tu avais postulé pour te faire un peu d'argent. Le rêve d'avoir un jour ta propre voiture, bon pour cela fallait déjà passer le permis, mais un rêve reste un rêve. Ton boulot était sans doute le plus parfait du monde, tu servais des cafés et surtout des cafés glacés. Pourtant, ce matin, tu y allais la boule au ventre, Elmo celui avec qui tu bossais était comment dire ? Froid, distant et un peu con sur les bords. Pour toi, c'était impossible que quelqu'un se comporte ainsi, enfilant ta petite veste malgré la chaleur pesante sur la ville, tu montas sur ton vélo. La route n'était pas longue et c'était assez agréable, surtout avant de rentrer dans l'atmosphère pesante du café. Un sourire se dessina sur ton visage pourtant, la journée était parfaite, le soleil tapait bien et les gens avaient l'air heureux. Une fois devant tu garas ton vélo en mettant bien les anti-vols, hors de question de rentrer à pieds ce soir. Rentrant dans le café encore vide, tu poussas un long soupir de soulagement et t'avanças pour te faire ton propre café glacé. Une journée ne commençait jamais sans un café glacé, parole de Kaz . Le silence était parfait, tu pris place sur une des tables, attendant qu'Elmo passe la porte. Il arriva avec toujours la même tête, Tu poussas un long soupire et te redressas pour te placer devant lui avec un grand sourire, toujours ton café glacé à la main "Tu comptes vraiment m'ignorer tous les jours ?". Oui, mettre les pieds dans le plat était clairement ton truc. Tu n'en pouvais plus de son comportement, il avait le droit de savoir "Ne me dis pas que je me fais des films, hier, tu es parti sans même me prévenir, tu ne m'as pas adressé un mot de la journée et encore maintenant, tu allais te changer directement.". Tes yeux étaient plongés dans les siens

Par la petite ouverture séparant le café et l’arrière-boutique, alors qu’Elmo était en train d’enfiler son tablier, il vit Kaz attacher son vélo devant l’établissement. Un soupir s’échappa de ses lèvres puis il recommença à fixer le mur, nouant les lacets noirs dans son dos. C’était généralement Bella qu’il épiait en train d’arriver tôt le matin, c’était Bella qu’il regardait par cette petite fenêtre dans la porte. Mais Bella avait démissionné en début d’année, à son retour de Chamonix, en fait. Elle avait démissionné et avait même quitté Bowen. Elle s’était trouvé un job dans un gros cabinet de Brisbane. Elmo savait qu’elle fréquentait déjà un avocat là-bas, il l’avait suffisamment stalkée sur les réseaux sociaux, via les comptes de ses copines aussi, pour le deviner. Elle passait à autre chose, officiellement. Elmo et elle n’étaient plus ensemble depuis plusieurs mois déjà, mais il avait toujours eu le sentiment qu’ils reviendraient un jour l’un vers l’autre. C’était comme ça, entre eux : ils se disputaient et se réconciliaient constamment. Cette fois, cependant, il n’était pas naïf. C’était terminé, pour de bon. Kaz, elle avait remplacée Bella dès le lendemain de la démission de cette dernière. Un jour c’était les commandes de son ex qu’il préparait, le lendemain celles de Kaz. Ça lui avait fait bizarre, tellement bizarre qu’il avait du mal à se montrer naturel, gentil, drôle, auprès de la nouvelle employée. Et visiblement, ça se ressentait. Dès qu’Elmo passa la porte, arrivant donc derrière le comptoir de commandes du café, elle vint se planter devant lui. « Really ? Aussi tôt le matin ? Laisse-moi au moins m’faire un café d’abord … » Il lui tourna le dos sans rien dire de plus, malgré tout ce qu’elle venait de lui balancer. Il s’en alla vers la machine à café et s’en prépara un en prenant touuuut son temps. Ses cheveux ébouriffés et ses traits fatiguaient laissaient deviner qu’il n’avait pas beaucoup dormi cette nuit. Il revint vers Kaz et s’accouda au comptoir. Le café n’était pas ouvert encore, ils avaient un peu de temps devant eux leur permettant de ne pas s’activer tout de suite. « Déjà, j’t’ai adressé la parole, ce serait pas possible autrement, il faut bien que j’te dise quand tes cafés sont prêts. » Puisqu’elle faisait le service au table, c’était lui qui préparait et elle qui servait. « Et pis, pourquoi faudrait que je te dise que je m’en vais et tout ? On s’connaît même pas, t’as pas à savoir tout ce que je fais. » Il était injuste, Elmo – comme toujours. Kaz n’avait rien à voir avec son humeur, elle ne savait pas qui était la jeune femme qu’elle remplaçait, elle ne savait pas qu’elle contribuait à bouleverser son quotidien.

Tu avais littéralement envie de le tuer, de voir sa tête sous la café brulant de la cafetière. Lui enfoncer une tasse dans la bouche pour ne plus l'entendre parler. Pourquoi il avait fallu que tu postules ? Pourquoi il avait fallu que tu fasses tout pour avoir ce boulot ? Maintenant c'était toi que tu voulais voir sous une cafetière brulante, pour te faire payer d'être ici . Poussant un long soupir tu pris une gorgée de ton café glacé, la seule chose qui pouvait clairement te calmer dans les moments comme celui-ci. Un sourire se dessina sur ton visage, un faux sourire mais au moins il avait droit à un sourire. "Et toi tu oses faire la tronche avant même de prononcer un mot". Toi qui avait l'habitude de voir des sourires sur les gens, de donner aussi le sourire aux gens, avec lui cela ne marchait pas vraiment. Quand il te tournas le dos tu relevas les mains vers le ciel pour montrer ton exaspération. Tu aurais pu tomber sur un type sympa non ? Au pire un dragueur mais au moins quelqu'un qui faisait attention à toi, pas comme lui. Posant ton café glacé sur une table tu croisas les bras sous ta poitrine "Vous êtes tous aussi cons les mecs ? Ou vous essayer d'avoir la médaille du plus cons ?". Bon tu étais peut être un peu méchante, passant une main dans tes cheveux blonds tu le regardas "Nous bossons ensemble non ? Il faudrait peut être, apprendre a s'apprécier!". Maintenant tu avais envie de passer tes mains autour de son cou et de serrer le plus fort possible. Tu passas une main sur ton visage pour essayer de te calmer. Putain il avait le don de te faire sortir de tes gonds et de faire disparaître le soleil que tu étais. Sans savoir pourquoi tu rigolas, un rire nerveux, tu réagissais toujours ainsi quand tu étais énervée. Pourquoi il était ainsi ? "Je me fous de ce que tu fais en dehors tu café , je te demande juste de me prévenir quand tu t'en vas, c'est logique ! Nous sommes une équipe". Sans t'en rendre compte tu avais haussée la voix, heureusement les clients n'arrivaient pas tout de suite, sinon tu passerais pour une folle, ainsi que lui. Doucement tu retrouvas un semblant de calme "Je fais mal les choses c'est ca ? Si je travaille pas bien dis le moi, au lieu d'être ainsi merde!". Merde ton calme était en réalité qu'une couverture, l'insulte tu l'avais hurlé plus fort que tu ne le pensais

Il n’avait peut-être pas des pensées aussi violentes que Kaz à son égard mais il est vrai qu’à chaque fois qu’Elmo passait devant le gros rouleau de ruban adhésif gris et tenace à l’arrière du café – utilisé pour réparer temporairement les divers bris -, il avait de ces envies de le scotcher aux lèvres de Kaz quand elle lui faisait des remarques sur son air bougon. Ce matin cependant, c’aurait pris pas mal plus que du ruban adhésif, parce que plutôt que des critiques, elle demandait des explications. Des explications, Elmo n’en avait pas, ou plutôt il ne voulait pas les donner. De quoi aurait-il l’air, d’agir en grand bébé qui n’a pas eu ce qu’il veut parce que son ex-copine est partie à l’autre bout de la côte ? Il savait, Elmo, que son attitude envers Kaz était particulièrement injuste et immature, mais il n’avait jamais prétendu être l’opposé de ces qualificatifs-là. « J’suis pas une personne matinale. » Avait répliqué l’italien qui pourtant s’assurait de toujours avoir les quarts de travail du matin. C’est qu’il aimait bien avoir ses soirées libres, ‘Mo, pour pouvoir les passer avec ses potes. Le jeune homme s’attela donc à la préparation de son café, qui l’aiderait probablement à passer à travers cette conversation imprévue. Quelques minutes plus tard, il revint vers la blonde avec sa tasse bien chaude en main et ses sourcils toujours aussi froncés. « Bon, bon, bon, c’est parce qu’y’a un gars qui t’a ghosté hier soir que t’as une vendetta ce matin ? » À sa réponse par rapport au fait qu’ils bossaient ensemble et devaient bien s’entendre, Elmo haussa les épaules. « J’ai eu pas mal de collègues que j’arrivais pas à sentir. J’suis encore là. » Mais pas eux, uh. Et puis, Kaz, c’est pas vraiment qu’Elmo n’arrivait pas à la sentir, en vérité elle était plutôt sympa en plus d’être jolie. C’est ce qu’elle représentait, que le brun ne pouvait endurer : le départ de Bella. « Yo, t’as qu’à regarder mon horaire, Kaz, j’peux t’assurer que je reste jamais une seule seconde de plus que ce qui y est indiqué. » Elle n’aurait pas de mal à le croire, ça, elle avait sans doute déjà compris qu’Elmo était le plus grand des flemmards. La jeune femme haussait de plus en plus le ton et ça prenait le barista par surprise, lui qui ne l’avait vue que calme jusqu’à maintenant. « C’pas ça ! Tu travailles bien. Mieux que celle que tu remplaces, en vrai. » Dit-il en baissant les yeux, serrant la mâchoire.

« Ouais, bah c’est pas tout le monde qui a ce choix. » Lâcha Elmo, se posant en victime alors que c’était un peu de mauvaise foi. C’est vrai qu’il aurait pu se trouver un emploi dans n’importe quel autre restaurant pour pouvoir travailler d’après-midi ou de soir, ou même il aurait juste pu demander les quarts de travail les plus tardifs au café, mais non. Il voulait juste pouvoir avoir du temps libre pour sortir et pas être celui derrière le bar pendant que tout le monde s’amuse. Y’avait aucune victimisation à faire ici. Pour en ajouter à sa première impression de merde, Elmo demanda à Kaz si elle s’était fait ghoster la veille. Au moins, ça expliquerait son haut niveau de désagréable. Évidemment, ce commentaire énerva encore plus la blonde, il aurait dû s’en douter et se taire … sauf qu’Elmo n’apprenait que rarement de ses erreurs et les répliques du genre, elles sortaient de sa bouche encore et encore. « Ben s’il fallait que tu les aies en plus, Dear Lord, have mercy on me ! » Lâcha-t-il en levant les yeux au ciel, les mains en prière pour deux ou trois secondes à peine avant qu’il ne relâche les bras le long de son corps fatigué. L’italien ignora la jeune femme qui sembla s’être brûlée avec son café et recommença plutôt à parler de son horaire qu’elle n’avait qu’à suivre sur le tableau d’affichage, et qu’elle bossait bien, que c’était pas ça le problème, qu’il n’en avait pas vraiment de problème – même si clairement, il en avait un. « T’as qu’à m’ignorer c’est tout, la plupart des gens trouvent assez bien le moyen de le faire. » Parce qu’Elmo avait beau avoir des potes quand il en trouvait capables de l’endurer, mais il y en avait aussi un paquet qui le trouvait bien trop immature, irrespectueux, tout ça. Le jeune homme se referma complètement quand Kaz parla de l’ancienne collègue qui l’aurait ghosté. « Pas du tout. J’me suis jamais fait ghoster, tu sauras. » Répondit-il, l’air renfrogné. Ne l’écoutant visiblement pas trop, elle avait renchérit en disant qu’elle la comprenait, vu le caractère du barista. « Shut the fuck up, Kaz, t’as aucune idée de quoi tu parles. » Il lui tourna le dos et s’en alla vers les cuisines, pour faire semblant de faire quelque chose alors qu’il faisait pas mal juste des trucs dans le vide. Il revint une dizaine de minutes plus tard et retourna vers la serveuse. « C’est mon ex. On a été ensemble deux ans. Elle est juste partie, comme ça, pour Brisbane. » Bon, elle n’était pas juste partie, comme ça, y’avait eu des mois de rupture entre tout ça. Mais elle lui avait quand même brisé le cœur, au final.