Bang bang I shot you down. ➽ LIBRE

Bang bang I shot you down.
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C'était le début d'après-midi et après avoir hésité pendant un moment, Malou avait enfin décidé de se rendre au Woodford Folk Festival. Au départ elle ne voulait en aucun cas y aller, même pas un seul jour, même pas une heure. La foule, les gens, c'était pas son truc. Les nouvelles rencontres encore moins. Mais elle n'allait tout de même pas rester terrée dans son appartement miteux toute sa vie, si ? Bon, peut-être que si en fait, mais elle pouvait bien prendre l'air une fois de temps en temps.

La jeune femme était au stand de tir à la carabine, où en toute honnêteté, elle se défendait plutôt bien. C'était une activité plutôt amusante, et puis ça défoulait. Suffisait de penser aux gens qu'on haïssait. Enfin bref. La rouquine finit par gagner un super chapeau de cowboy, le genre de truc qu'on gagne dans les foires quoi, mais adressa tout de même un sourire au gérant et mis le chapeau sur sa tête. Elle quitta le stand et en faisant volte-face, heurta quelqu'un d'un violent coup d'épaule.

N'importe qui connaissant un tant soit peu Malou aurait su que l'apostropher de cette manière, revenait plus ou moins à signer son arrêt de mort. La flamboyante jeune rousse n'était déjà pas particulièrement aimable et pacifique en temps normal. Mais si on lui parlait comme son interlocutrice blonde venait de le faire... Alors là, c'était comme dégoupiller une grenade.

« Dis-moi, t'es aveugle ou juste idiote ? Avant d'ouvrir ta jolie petite bouche, réfléchis à ce que tu vas dire, si tu ne veux pas que je te la fracasse. »

La réplique avait claqué, sèche et aussi venimeuse que le venin d'une vipère. La jeune femme planta son regard glacial dans celui de la blonde sans une once d'hésitation, la poignardant du regard. Sans s'en rendre compte, Malou avait déjà serré les poings, s'enfonçant les ongles dans les paumes pour se contenir. Elle était impulsive de nature et pouvait même devenir agressive. C'était pas pour rien qu'elle s'était mise à la boxe depuis des années. Elle en avait d'ailleurs appris les rudiments lorsqu'elle était à la rue, il y a bien longtemps. Ça pouvait toujours être utile. Fallait croire qu'aujourd'hui elle utilisait aussi ce sport pour se défouler et se décharger de cette agressivité et de cette amertume qui la bouffait depuis tant de temps.

Malou leva les yeux au ciel avec un soupir exaspéré. C'était quoi, cette mode de se vanter de ne rien ressentir, de pas se laisser diriger par ses émotions ? Les gens avaient tant besoin d'affirmer leur différence, tout en restant en un sens conforme à ce que la société voulait. C'était d'un ridicule... "Ouais regarde-moi, j'suis un rebelle t'approches pas, je ressens rien tu me comprends pas, tu peux rien pour moi j'suis un marginal un être brisé, et j'en suis fier", on aurait dit qu'un certain engouement se diffusait pour cette catégorie de gens.

« Heureuse pour toi, quelle fierté ça doit être. »

Répondit la rouquine sur un ton irrité et avec un certain dédain, finissant par contourner la jeune fille d'un mouvement vif en la bousculant au passage, décidée à ne pas s'emporter et à passer son chemin. Elle ne comprenait vraiment pas pourquoi la blondinette voulait prouver qu'elle ne ressentait rien, comme si c'était son objectif principal dans la vie. On aurait dit une gamine en pleine crise d'adolescence qui veut faire la maligne. Seulement, la petite blonde semblait déterminée à pousser Malou à bout. Et elle n'avait pas l'air de savoir dans quoi elle s'engageait en faisant ça. Ce fut la goutte de trop - il n'en fallait pas beaucoup, des gouttes, pour faire déborder le vase chez Malou -. La rouquine fit volte-face, sa chevelure flamboyante virevoltant devant son visage et vint coller un poing dans la figure de son interlocutrice. Et merde. Voilà, trop tard, fallait pas la provoquer comme ça. Merde merde merde. Elle allait finir par se faire embarquer par les flics. D'habitude, elle collait des pains aux mecs qui la harcelaient à cause de son métier, ceux qui pensaient pouvoir la suivre jusque chez elle ou même s'offrir ses services gratuitement, ou quand ils le souhaitaient. La jeune femme était rarement aussi agressive avec la gente féminine, ou en tout cas elle n'en venait pas aux mains. Visiblement, elle venait de faire une exception.

[ Oh t'inquiète pas, le but est de respecter le caractère de son personnage, Malou est pas tendre non plus. ]

Malou savait qu'elle y avait été un peu fort, elle avait tendance à se laisser emporter quand l'énervement prenait le dessus. Mais de là à lui casser le nez... Une petite once de remords la submergea quand même. Toute petite hein, cette once de remords. M'enfin. Puis elle n'y pouvait rien si cette minuscule blonde était aussi fragile qu'une brindille.

« Je tremble de peur, comme tu peux le voir. »

Répondit machinalement la rouquine devant les menaces ridicules de la blonde. Si elle avait voulu lui faire quoi que ce soit, elle se serait déjà jetée sur elle. N'empêche, les gens se retournaient avec un air interloqué vers la scène qui se déroulait devant eux. Malou leva les yeux au ciel. Elle avait bien envie de leur faire un gros fuck, qu'ils plongent le nez dans leur assiette et se mêlent de leurs affaires. Toutefois, la jeune femme n'allait pas laisser le pauvre nez ensanglanté de son interlocutrice ainsi. Bon, c'était tentant de se barrer hein. M'enfin. La rousse se dirigea vers le stand où elle alla chercher quelques serviettes, qu'elle apporta sans se presser à la blondinette.

« Allez tiens, arrête de pleurer. Ça se répare, un nez. »

Reprit Malou d'une voix plus posée, avec une touche d'humour. Bon, elle avait assez énervé la blonde pour le moment, non ? Mais c'était quand même pas son genre de jouer les infirmières, elle allait pas la consoler comme une gros bébé non plus. Un peu de dignité, merde. Quelque chose lui soufflait tout de même que cette blonde était plus forte que ce qu'elle n'y paraissait. C'était pas un peu de sang qui allait la faire craquer.

Malou laissa échapper un sourire exaspéré. Savait-elle s'exprimer autrement qu'en insultes et voix aigüe soi-disant agressive parfaitement agaçante, cette blondasse ? La jeune femme avait fait l'effort de se calmer, mais la patience n'était pas son domaine, la retenue encore moins. Elle lui aurait bien remis un deuxième coup de poing dans la figure tiens, ça l'aurait peut-être calmé, la Barbie diva qui voulait se la jouer boxeuse.

« Écoute ma grande, mets ton putain d'ego surdimensionné de côté trente secondes et cesse de brailler comme une gamine de cinq ans. Tes menaces, soit tu les mets à exécution, soit tu t'les gardes. C'est qu'un nez cassé, pas une jambe amputée, alors arrête de chialer. »

Assena la jeune femme sur un ton sans réplique. Putain mais qu'elle pleurnicheuse celle-là. Et elle pensait encore impressionner Malou. Ben tiens. Qu'elle vienne réellement lui en coller une, et là on en reparlera. La jeune fille aux cheveux flamboyants avait vu bien pire, elle avait vécu dans la rue, elle avait fait face à des clients violents qui la harcelaient, alors c'était pas une gamine à la carrure de brindille qui allait lui rabattre le caquet, encore moins la faire flipper. Et si elle voulait un combat de boxe, qu'elle vienne à l'entraînement que Malou pratiquait depuis des années.

La rouquine prit la jeune fille par le bras sans ménagement, et se dirigea d'un pas vif et énervé vers le poste de secours le plus proche. Ça va, elle lui avait pas démoli la gueule non plus. C'était qu'un petit coup envoyé un peu trop fort. Bon, n'empêche faudrait lui remettre son nez. Et Malou espérait que cette histoire n'irait pas trop loin, car elle n'avait absolument pas les moyens de payer. Au pire, elle se barrait en courant.

Malou hausse un sourcil quand la blonde lui parla de ses clients. Finalement, un sourire narquois mais pas méchant étire ses lèvres, et une étincelle rieuse allume son regard. Au final, elle a d'l'humour celle-là.

« T'inquiète, tu vas pas leur manquer. »

Réplique avec sarcasme la jeune fille aux cheveux flamboyants, mais il s'agit clairement d'une pique amicale plutôt que d'une réelle provocation. En même temps, vu le caractère de merde de cette petite blonde, c'est clair que les clients vont pas chialer qu'elle soit partie.

« Oh pauvre chou, t'inquiète j'te laisserai pas toute seule, flippe pas. »

Se moque à nouveau gentiment Malou. Finalement, elles sont peut-être pas si différentes, à avoir le sang chaud et à faire pleuvoir des insultes dès la plus petite accroche. Toutefois, la rouquine n'en mène pas tellement large, parce qu'elle aimerait vraiment se barrer si cette histoire tourne au vinaigre. Elle n'avait pas un rond en poche, impossible de rembourser quoi que ce soit. Même pour se permettre d'être impulsive et agressive fallait être riche, apparemment. Les médecins arrivèrent à ce moment pour examiner le nez ensanglanté de la blonde. "Ca va, ce n'est qu'une petite fracture, rien n'a bougé, l'intervention chirurgicale n'est pas nécessaire." Ouf, bah c'était déjà ça de gagné.

Misère, elle lui pompait l'air quand même. Comment une aussi petite chose de la taille d'un lilliputien pouvait se montrer aussi agaçante ? Ça relevait de l'extraordinaire, avouez. On aurait pu croire qu'un poing dans la gueule l'aurait calmée, mais non, la blonde se sentait obligée d'en rajouter une couche. Étonnant qu'elle soit parvenue à cet âge sans être défigurée, vu comme elle était casse-couilles. Et Malou ne disposait pas de couilles, alors c'est vous dire.

« Oh arrête de te plaindre deux secondes tu veux ? »

Soupira la rouquine en levant les yeux au ciel à son tour. Les médecins, eux, semblaient plutôt amusés par la querelle entre les deux jeunes femmes, même s'ils tentaient bien de le masquer. Bah quoi, ils fantasmaient sur un combat entre meufs ? Pffff. Sérieusement quoi.

« Bon, t'as fini de faire la princesse ? Tu seras juste pas sélectionnable pour un défilé de mode dans les prochains jours, alors arrête de chialer. Putain, t'es si attardée sur ta belle gueule que t'as peur d'un petit pansement ? Merde alors. »

Répliqua sèchement Malou en fusillant la blonde du regard. C'était quand même pas la fin du monde, ouais désolée ma belle t'auras peut-être juste pas draguer pendant dix jours. Y a que ça qui t'intéresses dans la vie ? Dix jours, c'était pas la mort. La rousse se tourna vers les médecins d'un mouvement vif, plantant son regard de glace dans celui du docteur.

« C'est bon, vous avez fini, j'peux y aller donc ? »

Ah ouais, ça ça la foutait mal quand même. Et cette connasse allait pas se priver pour la laisser en plan avec une putain de facture à payer, ah bah ça non bien sûr, pensez-vous, elle allait même en rajouter trois couches comme si Malou était une fucking psychopathe qui l'avait sauvagement attaquée. Sauf que sur le coup, la rouquine gardait totalement le silence. Parce qu'elle savait bien que maintenant était le moment où elle se retrouvait dans la merde. Parce qu'elle était loin d'avoir les moyens de payer. Elle galérait déjà à joindre les deux bouts, se tapait un job de merde et largement discutable d'un point de vue moral parce qu'elle ne savait rien faire d'autre, et maintenant elle devait couvrir des frais supplémentaires. Comme si le loyer de son petit appart' miteux et sa bouffe n'étaient pas déjà assez difficiles à payer. Putain de merde. Pour le coup, elle aurait mieux fait de garder son poing tranquille.

« Hum... Sûr à quel point ? Disons que j'ai pas forcément le luxe de m'occuper de ces frais... »

Reprit Malou à mi-voix à l'attention des médecins. Putain, là elle avait vraiment envie de dégommer la belle petite gueule de cette fille. Elle faisait pas le poids de toute façon, c'était clair. Bon là par contre, elle finirait peut-être en taule et non pas devant des médecins lui parlant de facture.