Un verre ? - Nevaeh & Jake

Invité

Un verre ? La pénombre englobait Bowen, Jake n'était pas d'humeur à jouer de la guitare dans ce bar, à tenir la chandelle aux futurs couples de la soirée, et à être le second-plan musical de bourrés du coin qui, pour la plupart, tentaient des approches plus ou moins douteuses sur des mineures. L'idée même l'épouvantait et le dégoutait au plus haut point. Mais il fallait passer outre, de toute manière il ne voulait pas rompre ce contrat à durée déterminée, surtout à cause d'un coup de tête passager. Vêtu d'un costume, d'un pas actif et vif, il pénétra dans l'enceinte du bar-restaurant. Sur scène, comme d'habitude, il sourit à ses deux/trois fans. Puis la mélodie suivit, celle qui parcourrait l'esprit de chacun, qui modifiait le rythme cardiaque de leurs corps meurtris et attentifs, celle que les gens aiment. Enfin tout du moins, ceux qui écoutent. Car oui, seules quelques personnes l'écoutaient. Les quelques bourrés pervers avaient profité de l'occasion pour embrasser leurs "jeunes conquêtes", quant aux fans, ceux-ci le regardaient surtout pour le séduire sans même prendre le temps de céder à la musique. Tout ceci le déprimait de servir pour une telle sorte. Il lança un dernier regard aux jeunes filles. Le temps semblait se figer sous leurs pas maladroits. Il aurait pu intervenir, il aurait du intervenir. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?

Concert terminé, il se dirigea vers un des sièges modernes du bar. Cela faisait déjà quelques semaines que le trentenaire occupait cette même place dans ce même bar. Il commandait le même whisky au même barman. Les jours se ressemblaient tous. Oui, le musicien mélancolique traversait une vraie période de néant. Vous savez, c'est ce néant qui rythme avec routine, avec mort, avec déprime. C'est ce silence qui comprime toute l'atmosphère, et en fait ressortir de minuscules particules de poussière, prêtes à s'enfuir à tout moment. Il lui arrivait dans ces moments de silence, à songer à l'avant. Il se souvint d'un automne qu'il avait passé en compagnie de sa fille. Le vent berçait les feuilles des platanes qui, impuissantes, rendaient l'âme et s'écroulaient à Terre pour disparaitre dans l'oubli. Lena détestait l'automne, sa saison préférée était le printemps, la saison de la renaissance, de la reconstruction. Et pourtant, elle ramassait ces feuilles perdues en essayant de les rassembler une à une. Peine perdue, vous vous en doutez. L'idée même de se rappeler ce moment le rendait si heureux et si mal en point. Il aurait voulu tant, et il ne reçut que trop peu. J'imagine que tout le monde se trouve dans une situation semblable à la sienne. Il se détourna à demi au moment critique. Vous savez le moment où l'on est tellement bourré qu'on ne sait même pas comment on s'appelle.
Curieusement, son voisin de tabouret était une voisine. Ou alors une chose non identifiée avec des courbes féminines incroyablement féminines et des cheveux long tombant en cascades sur de fines épaules. « Sa..lut toi ! Tu es.. Oh mais on se connaît non ? » Il s'arrêta quelques instants pour exécuter une grande inspiration. Puis d'un mouvement lent et circulaire, il détendit son index pour le placer face à son visage. « Vous savez lui et moi on a partagé beaucoup de choses, dit-il en lui montrant ce doigt, beaucoup.. beaucoup de choses » Ensuite, il tendit ce même index au barman pour commander deux whisky cette fois. Même saoul, Jake savait toujours y faire pour séduire les demoiselles. Enfin presque.« Je paye la tournée » ajouta-t-il d'une voix relativement claire sans mâcher ses mots.© 2981 12289 0

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