Unexpected encounter ~ ft Chase

« Je suis belle, je suis gentille, je suis heureuse. Je suis belle, je suis gentille, je suis heureuse. Je suis belle, je suis gentille, je suis heureuse. » Se disait-elle tous les jours en se regardant dans le miroir pour se préparer. Et en mettant ses bracelets. L’auto persuasion, il n’y a rien de mieux. A force de se le répéter, peut être finirait-elle par le penser réellement qui sait ? Bon pour le moment c’était pas très efficace, mais qui ne tente rien n’a rien après tout. Ambre était plus douée pour l’auto destruction que pour l’auto persuasion à vrai dire. C’est triste non ? En plus, ces derniers temps, elle se sentait particulièrement seule, particulièrement… mal. Mais comme d’habitude, il n’y a rien de mieux que de le garder pour soi, que de l’enfuir au plus profond de soi même pour que personne n’y est accès. Et le fermer bien à clé. Ces derniers temps, son sourire était moins ravageur, il faiblissait… Et le soir, elle pleurait dans sa chambre. Les yeux rivés vers le plafond et la musique dans les oreilles. Et les larmes qui coulent, qui coulent, sans s’arrêter. Son poignet qui s’ouvre, pour se sentir moins seule, pour moins souffrir ! Infâme poison, de la drogue à l’état pur. Ne jamais commencer, surtout, ne jamais commencer. C’est une tornade infernale, dans laquelle on tombe, puis on retombe, et puis on retombe encore. Tornade autodestructrice. Il faut quand même se haïr à un point phénoménal pour pouvoir se faire du mal comme ça ! Mais au fond d’elle, Ambre savait qu’elle voulait s’en sortir, elle ne savait juste pas comment faire…

Ce matin-là, elle avait besoin de sortir, de prendre l’air, de s’aérer la tête. Elle en pouvait plus. Elle allait craquer, seule chez soi. La jeune femme pris son sac, son portable, y brancha ses écouteurs et mis sa playlist « déprime ». Elle marchait dans les rues, le sourire aux lèvres, le fameux masque qu’elle met tous les jours en sortant de chez elle pour ne pas inquiéter les gens. Elle déambulait donc, l’âme en peine, les yeux tristes, la joie sur le visage. Pourquoi toujours cacher ses sentiments ? Pourquoi avoir honte d’avoir envie de pleurer ? Peut-être que c’est parce que les gens ont peur du malheur, il le fuit comme la peste. A croire que c’était contagieux, ou sexuellement transmissible… Seul ceux qui sont atteint du même « mal » arrivent à le supporter, et encore ! Peu à peu, ses pas l’amenèrent à dans la forêt. La jeune femme aimait bien se promener dans la nature, cela l’apaisait, l’odeur de la nature, le bruit des animaux, tout cela lui était si familier… Plus elle marchait, plus sa tête commençait à lui faire mal… Ambre se sentait… Lourde. Cela devait faire approximativement 2 jours qu’elle n’avait pas pris un vrai repas, et elle commençait à plus tenir sur ses jambes… Merde, elle commençait une baisse de tension. Shit shit shit ! Elle s’appuya contre arbre, et s’écroula, à cause du stress, de la fatigue, de la faim…  C’est un trop plein d’émotions que son corps lui faisait payer aujourd’hui. On ne peut pas lutter contre son corps n’est-ce pas ?

Ambre n’était pas tout à fait inconsciente, mais pas tout à fait consciente non plus, elle se sentit glisser contre l’arbre et tomber sur le sol, mais ne pouvait plus bouger ou parler, elle était comme paralysée, allongée par terre. Son corps était tout engourdi, lourd, si lourd... Puis, la demoiselle sentit une présence à côté d’elle, sans pouvoir réaliser qui c’était, sans pouvoir le regarder, sans pouvoir faire le moindre geste, sans pouvoir lui demander de l’aide. Si ça se trouve, c’est un gros pervers sexuel (et il paraît qu’il y en a beaucoup à Bowen) en manque qui allait abuser d’elle pendant qu’elle ne pouvait pas se débattre ! La jeune femme prit peur, en son for intérieur, elle commençait à se faire des films. La personne commença à lui tapoter les joues. Apparemment, il ne voulait pas la violer. Dans cette ville de fous pervers en manque, c’était déjà un bon point. « Mademoiselle… Mademoiselle… » Oui, oui, elle est là la mademoiselle, mais elle ne peut ni te répondre, ni te faire signe, ni rien… Sa tête tourne beaucoup trop pour essayer quoi que ce soit. Mais au moins, elle pouvait analyser sa voix. Grave, donc c’est bien un homme, et douce à la fois, comme s’il faisait attention à elle.

Le jeune homme la prît dans ses bras. La jeune blonde, complètement parano, recommença à se faire des films. Pourquoi la porter ? Et il l’amène où d’abord ? Et surtout, pour quoi faire ? Pour l’agresser sexuellement, pour la soigner et l’aider ? **Non mais n’importe quoi Ambre, calme toi, respire, réfléchis deux minutes. S’il avait vraiment voulu te « prendre », il n’aurait pas eu besoin de te déplacer, y’avais quasi personne dans cette forêt de toute manière. Alors il veut sûrement te soigner. Respire.** La jeune femme se rassura, et se laissa porter. Au fond, ces bras étaient assez rassurants, elle s’y sentait en sécurité, au moins elle avait plus à se cacher. De toute manière, elle était en position de faiblesse, elle ne pouvait rien faire, alors il serait peut-être temps de faire confiance à quelqu’un vous ne croyez pas ? Apparemment, cet homme qui la portait voulait son bien, et c’était rare… Ambre sentit que l’inconnu la posa sur le sol, délicatement, si délicatement qu’on aurait dit qu’il avait peur de la casser. Mais de toute manière, son petit cœur était déjà si cassé, alors bon ! Mais au moins, il prenait soin d’elle.

La demoiselle sentit ses bracelets remonter. **Non, non, noooooooon, non stp, ne touche pas à ça, arrête, pas ce poignet, s’il te plaaaait, arrête, inconnu, n’y touche pas……. Trop tard** Les doigts de l’inconnu avaient décalé ses bracelets de manière à prendre son pouls, sûrement pour voir si elle était encore en vie. Il les avait vu, c’est impossible qu’ils les aient loupées. De grandes traces blanches, moches, si visibles… Ambre se sentait très mal. Cet inconnu connaissait maintenant un de ses plus sombres secrets. Comment allait-il réagir ? Que pensait-il d’elle maintenant ? Sûrement pas grand-chose de bien, sûrement qu’il devait regretter de l’avoir aidé maintenant… La jeune femme était toujours à moitié consciente à moitié inconsciente, elle ne pouvait toujours pas bouger, toujours pas signaler qu’elle était là, bien en vie, mais qu’elle se sentait trop mal pour bouger, trop faible… « Bordel, Alana, reviens ». **Euh… Alana ? Qui est Alana ? Moi c’est Ambre, y’a le même nombre de lettres et ça commence par un A, mais toutes les autres lettres sont complètement différentes…** L’inconnu lui leva les jambes et lui mis un peu de sucre sous la langue sûrement pour la réanimer. Il lui leva son t-shirt (pourquoi ?) **non mais tu vas laisser mon ventre tranquille, bas les pattes cochon !!!** « Bordel »

Peu à peu, la jeune femme repris des forces, et son teint repris ses couleurs… Elle sentait ses membres s’alléger, elle commença à bouger les doigts, puis ouvrit un œil, puis l’autre, et tourna la tête, cherchant du regard l’homme qui l’avait aidé. La bouche encore pâteuse, Ambre chuchota un « merci » à peine compréhensible…

Enfin, enfin elle allait voir le visage du pseudo pervers sexuel qui en fait voulait l’aider. C’était un homme d’une trentaine d’année, aux cheveux courts, bruns, et pas si mal que ça. (Eheh, j’suis vraiment contaminée en fait). Ambre sentait que ses joues rosirent, et que les forces revenaient. Elle se sentait mieux, là, allongée par terre dans la forêt. Ça pouvait paraître assez paradoxal, mais pour une fois, on s’occupait d’elle sans la fuir. Quelqu’un était là, gentil, attentionné… Cet homme lui sourit après qu’elle ait chuchoté son merci, et se rapprocha d’elle avec une bouteille d’eau. « Hey… » dit-il en posant quelque chose de confortable sous la tête. « Est-ce que tu as bien ? » Mmh… Vaste question. De quoi parlait-il ? De son état psychologique ? De ses cicatrices ? Ou de son état physique ? **Voyons débile, il parle de ton état physique, je te rappelle que tu viens de faire un bon gros malaise devant lui, et qu’il t’a porté jusqu’à j’sais pas où juste pour te soigner, alors, maintenant que tu viens de retrouver tes esprits, il te demande comment tu vas, réfléchis un peu ! / Oui oui c’est vrai, pardon pardon**  La jeune femme lui répondit, un peu plus audiblement que tout à l’heure : « Oui, un peu, merci ». L’homme la regardait dans les yeux, et cela gênait Ambre. Très timide, et plutôt que de soutenir ce regard d’un bleu limpide, elle détourna les yeux de l’autre côté. Il commença à prendre son poignet pour prendre son poul. La demoiselle le laissa terminer puis le retira prestement. « Pas mon poignet stp… » . Par contre, la bouteille d’eau c’était pas de refus. Ambre ouvrit la bouteille, la porta à sa bouche, et bu quelques gorgées. Elle était tiède, mais bon, c’était mieux que rien, et ça faisait du bien !

« Je sais pas si tu m’as entendu, mais je t’ai appelé Alana un peu plus tôt… Et j’me doute que c’est pas ton nom. ». La jeune femme esquissa un sourire. En effet, il s’était rendu compte de sa boulette. Mais bon il paraît que vaut mieux tard que jamais. « C’est ma petite sœur et… tu m’as fait pensé à elle. » continua-t-il avec un petit sourire triste. Merde, pourquoi cela semblait l’affecter autant ? Ambre, avec son 6ième sens exceptionnel (ou avec juste un peu d’observation), remarqua que ses yeux étaient devenus tristes à partir du moment où l’inconnu avait prononcé le nom de sa petite sœur… Pourquoi ? La curiosité d’Ambre la torturait… « Je m’appelle Chase, et toi ? » Ah, l’inconnu du lac avait enfin un prénom. La jeune fille avait du mal à s’habituer à tous ces prénoms anglophones… Elle les trouvait très bizarre. Mais bon, avec son nom de famille basque, ils devaient penser la même chose. La jeune femme riait en son for intérieur lorsque les gens prononçaient Edurtzeta avec un accent anglophone. C’était parfois assez comique ! L’avantage, c’est qu’au moins, personne avait le même prénom qu’elle ici, à Bowen ! « Moi, c’est Ambre… » répondit la demoiselle après avoir pris une grande inspiration car elle avait du mal à reprendre son souffle…

« Ta respiration et tes battements me semblent normaux. Tu te sens comment ? ». Chase avait l’air inquiet pour elle, ça en était presque mignon. Ambre, lentement mais surement, se releva et s’asseya, les genoux repliés sur sa poitrine, les bras autour, le dos et la tête appuyé contre l’arbre. Elle regardait l’homme qui l’avait aidé. Apparemment, il avait l’air de s’y connaître un peu en malaise, peut-être était-il infirmier ? Medecin ? Pompier ? En tout cas, la jeune femme vit que l’inconnu avait l’air de s’être « installé » ici. « Je me sens beaucoup mieux merci ! Mais… On est où là ? Qu’est-ce que tu fais là ? Et pourquoi tu es venu m’aider ? Tu n’avais pas d’obligation de le faire… Tu veux quelque chose en échange c’est ça ? Désolée mais c’est non ! » répondit la jeune femme, parano au plus au point, dans ce monde de pervers sexuels… Mais rajouta ensuite, consciente qu’elle allait peut être un peu loin en l’accusant tout de suite de vouloir abuser d’elle et de sa faiblesse : « En tout cas, merci beaucoup de m’avoir aidé… »

S’il lui avait dit qu’il la voyait comme une gamine, elle aurait été vexée. Du haut de ses 19ans, la jeune fille se sentait beaucoup plus mature que son âge, et elle aurait aimé qu’on la prenne un peu plus en considération. C’est vrai quoi ! A Bowen, la jeune femme n’avait que des contacts plus vieux qu’elle, mais ils la prenaient tous pour une enfant, pour une petite fille. Pourtant, elle, elle voulait devenir une adulte ! Et qu’enfin on la prenne comme tel ! Malgré le fait que la jeune blonde affirmait qu’elle allait mieux, Chase, inquiet, voulu s’en assurer. Alors il proposa, avec un petit sourire : « Un peu mieux ? Dis-moi si ça ne va pas et on va à l’hôpital. » la jeune femme secoua la tête pour montrer qu’elle n’avait pas besoin d’arriver jusque-là… Lorsqu’elle se releva, l’inconnu de la forêt lui conseilla d’y aller doucement, et il avait bien fait, car sa tête lui tourna un petit peu.

Après l’avoir accusé de tout et de rien, Chase lui demanda de s’assoir. Après quelques instants de réflexion, elle décida de rester, et de l’écouter. Enfin surtout par curiosité d’ailleurs. Qu’allait-il lui répondre ? « On est dans la même forêt, j’avais envie d’être seul parce qu’une personne s’est suicidée et ça m’a fait mal. » Ah… Le suicide. Quelqu’un qui avait réussi, quelqu’un qui avait réussi son objectif, pas comme Ambre, qui avait essayé plusieurs fois, sans jamais arriver à ses fins… La demoiselle faillit sortir un « Comment a-t-elle réussi bordel ? », mais elle sentait bien que ce n’était pas vraiment le bon moment, surtout que Chase semblait beaucoup affecté par la perte de cette personne ! Comment cela se faisait-il ? S’il connaissait cette personne, il aurait cité qui c’était, pas là. Donc il ne la connaissait pas. Alors pourquoi souffrait-il ? Ambre n’allait cependant pas remuer le couteau dans la plaie et lui adressa un sourire compatissant…

« J’suis venu t’aider parce que... depuis quand ça prend une raison pour aider quelqu’un en détresse ? » Ben depuis que l’humanité toute entière préfère prendre en compte son propre plaisir avant d’aller aider les autres. Dans la société actuelle, les gens sont égoïstes, ils ne vont pas spontanément aider les autres, ils préfèrent faire sembler de n’avoir rien vu. C’est dégueulasse, mais c’est vrai. C’est la nature humaine dans toute sa splendeur. Mais Chase n’était pas comme ça, apparemment. Il n’était pas comme tous ces autres connards qui l’ont détruite en ne lui accordant que la plus totale des indifférences. « J’suis pompier, c’est pas une question d’obligation. C’est un rendu intuitif, quasiment vital, Ambre ». Ah, tout d’un coup, la demoiselle comprit pourquoi il était venu, c’était son métier d’aider les gens. Il n’avait pas le choix.  Il exprima d’ailleurs cela avec un bête haussement d’épaules.

« Et j’veux rien de ce que tu penses en échange. J’aurais l’impression d’coucher avec ma sœur et tu ne dois même pas être majeure » **Pardooon ? Tu peux répéter s’il te plaît ? Pas majeure ? Je vais bientôt avoir 20 ans gros débile !** Pensa-t-elle peut-être un peu trop fort. Cela devait sûrement se voir sur son visage qu’elle l’avait mal pris. Pas le fais qu’il ne voulait pas coucher avec hein, ça, c’était plutôt cool, mais le fait qu’il pense qu’elle soit mineure. C’était plus une gamine, mince ! « Enfin, t’es très jolie, oui. Te vexe pas, mais t’es beaucoup trop jeune. » Ouais, c’est ça, rattrape toi au branche. La jeune femme tourna la tête pour bien montrer qu’elle était un peu vexée, et répondit « J’ai bientôt 20 ans j’te signale, j’suis pas une gamine. C'est comme si j't'appelais papi. » Puis, plus gentiment car Ambre se rappela qu’il avait passé une sale journée, et avec son empathie innée : « Mais … Pourquoi tu m’as amenée là ? C’est quoi cet endroit ? J’espère quand même que ça va toi… »

Chaque blessure laisse une cicatrice. Et chaque cicatrice raconte une histoire, une histoire qui dit : j’ai survécu, j’me suis battue, j’suis encore là. Sur le bras de la jeune femme, les cicatrices se mélangeait, s’entrelaçaient du coude au poignet. Il y avait celles liées au couteau, celles liées au cutter, et celles liées au rasoir, et Ambre savait exactement lesquelles correspondaient à quoi. Des traits doit, nets pour le cutter, des traits droits épais pour le couteau, des traits très fins, confus, formant une masse blanche bizarre pour le rasoir. Et chaque soir, elle repassait le doigt sur chacune, comme pour se rappeler qu’elle avait toujours survécu, et que chaque cicatrice avait une signification, une histoire, une souffrance qu’elle avait enfouie au fond d’elle. Parfois, elle comparait ses deux avant-bras, et regardait le droit avec envie. Lui, au moins, il était beau, normal, tout doux, tout beau, sans affreuses traces blanches… L’autre était tout simplement identique à un champ labouré, dégueulasse quoi. Heureusement que les gilets fins et les bracelets existaient. Mais, parfois, comme c’était le cas aujourd’hui, il était impossible de cacher tout cela. Les bracelets et les gilets devenaient dérisoires. De toute manière, il avait vu. Rien ne sera plus jamais « normal » entre eux.

Chase se montra complètement indifférent à sa remarque sur leur âge et répondit : « Appelle moi papi si tu veux ». Ok, la jeune femme s’en souviendrait. Elle avait parfois des réactions immatures, mais c’était pour compenser toute la souffrance qu’elle endurait. Elle en avait marre d’être adulte, de supporter des problèmes d’adultes depuis toute jeune, alors, tout en grandissant, elle se complaisait dans le peu de son enfance qui lui restait, la seule part qu’elle avait réussi à protéger. C’est grâce à ça qu’elle arrivait à mettre son masque de sourire tous les matins, sinon, elle n’aurait pas pu. Le jour où elle perdra cette petite part de gaminerie, elle n’aura plus rien d’autre que les noirceurs de son âme. Mais ça, elle ne pouvait pas l’expliquer, les gens ne comprendraient pas.  Alors elle préférait passer pour une petite gamine innocente, ça faisait fuir les profiteurs et les baiseurs en tout genre. Au moins, pas besoin d’expliquer ses peurs, ses cauchemars, les cicatrices, les choses importantes. Valait mieux parler d’arcs en ciel et de caca papillons, c’est déjà bien plus joyeux, et moins difficile.

« J’m’installe. Je veux passer quelques jours, seul, loin de la bêtise humaine » Lui dit Chase, avec un petit sourire mal à l’aise. La bêtise humaine, ça, c’était un truc que connaissais la jeune femme. Qu’est-ce que les gens étaient cons sur cette planète ! « Oui, oui, moi ça va. T’en fais pas. C’est toi qui m’inquiètes » Ajouta-t-il en désignant de la tête ses poignets. Ambre baissa les yeux, baissa son pull, et se sentit très gênée. Comment expliquer ? Comment en parler ? C’était… Délicat. Surtout qu’il venait de vivre un suicide le pauvre, elle ne pouvait pas lui balancer tout ce qu’elle avait traversé, et puis, elle n’en avait absolument pas besoin. Enfin, presque pas. Ce genre de confidences gâchait les relations des gens, après, ils la prenaient en pitié… Et elle détestait le regard de chien battu qu’ils pouvaient lui lancer quand elle commençait à s’ouvrir, alors elle avait très vite arrêté. « Oh, ne t’inquiètes pas pour moi, c’est rien ça, je vais super bien, je pète la forme depuis que tu m’as donné du sucre, et ça, c’est très vieux, c’est pas important, c’est du passé » enchaîna rapidement la blonde assez mal à l’aise. Elle regardait le paysage, car elle savait qu’il verrait qu’elle ment dans ses yeux… Mais pour cacher sa gêne, elle se ressaisi, et lui adressa un grand sourire, espérant qu’il ne lui pose pas plus de questions « Ne t’inquiètes pas ».

**Laissez-moi, laissez-moi prendre une pause, crier, danser si j’en ai envie, laissez-moi exprimer ma joie, ma colère, les profondeurs de mon cœur ! Laissez-moi libre de me manger le sol en pleine face, ou de courir me prendre un mur. Laissez-moi mordre dans la vie à pleine dents, et laissez mes noirceurs m’envahir à petit feu. Laisser-moi m’enflammer, vivre, pleurer, ou rire, vivre chaque jour comme si c’était le dernier, et laissez-moi espérer que ce soit le dernier. Laissez-moi aimer, espérer, et m’auto détruire dans des relations qui m’enfonceront encore plus bas que je ne le suis déjà. Laissez-moi écrire, coucher sur le papier ce que mon cœur voudrait signer de son sang, me libérer d’un fardeau trop lourd à porter, d’une manière où personne ne me trahira. Laissez-moi me poser des milliers de questions, m’interroger sur la pluie, le beau temps, le pourquoi de la vie, et les souffrances d’antan. Laissez-moi courir sous la pluie en pleurant, laissez-moi fuir le soleil brulant. Laissez-moi libre d’être qui je suis, et croire en qui je veux être, et non pas en qui je DOIS être. Laissez-moi vivre en paix, mourir en souffrance, avoir tant de rancœur, de noirceurs qu’elles ont remplis mon cœur. Laissez-moi être jalouse, possessive, tout donner, trop donner, trop aimer, et me détruire à petit feu. Laissez-moi y croire encore et encore, jusqu’à en crever. Laissez-moi maître de ma liberté. **

La jeune femme sentait bien que Chase ne lâcherait pas l’affaire comme ça. Pas qu’il soit particulièrement têtu ou attentionné, mais il avait l’air d’avoir un peu de tendresse pour elle, car elle ressemblait à sa petite sœur. Que dire ? Est-ce qu’elle pouvait lui faire confiance, ou est-ce qu’il fuirait, comme tous les autres auparavant ? Ambre avait dit que ses cicatrices dataient. En fait, c’était à moitié vrai. La multitude de cicatrices sur son avant-bras s’étalaient sur plusieurs années. Elle avait commencé un peu avant ses treize ans. C’était si jeune pour se blesser si violemment… Et pourtant. Les dernières datait d’il y a quelques jours, on pouvait le remarquer car elles étaient plus roses que les autres. Les croûtes venaient de partir, alors c’était une peau toute neuve, rose, qui se voyait. Peu à peu, ces nouvelles cicatrices allaient blanchir, pour se fondre parmi les autres… Avant que d’autres prennent le relai. Généralement, cela se voyait peu, mais un œil avertit pouvait voir la différence. C’était apparemment le cas de Chase, même si tout n’était pas juste : « Tu peux berner bien des gens, Ambre. Pas moi. Ces cicatrices sont fraiches d’environ une semaine pour la plupart, d’autres sont un peu plus vieilles, pas plus d’un mois et la plus pâle doit avoir un maximum de deux ans. » S’il savait… Bon en fait, il allait vite savoir vu que la jeune femme lui lâcha le morceau, trop fatiguée par son malaise pour lutter contre ses propres tourments et ses propres réponses : « A vrai dire, la plus vieille date d’il y a un tout petit plus de 7ans… J’en avais 12, presque 13… » répondit la jeune femme dans un souffle. Son visage se durcit, ses yeux s’assombrirent. Elle avait honte, honte d’elle-même, et de sa misérable faiblesse. Ambre serra les poings, de rage, contre l’imbécile qu’elle était, et persuadée qu’elle ne s’en sortirait jamais.

Quelle tristesse de voir une si jeune femme brisée par la vie, accablée par le poids de sa souffrance. Devant Chase, la blonde se recroquevilla, les jambes contre sa poitrine, les bras autour, la tête entre ses genoux, comme pour oublier toute présence humaine. Elle était trop faible, elle ne pourrait pas garder tout ce qu’elle ressentait encore longtemps. Mais elle ne voulait pas craquer, alors elle trouva un peu de force bien caché en elle pour se resaisir, et pour tenter de montrer que cela ne l’atteignait pas. « J’te forcerai pas, Ambre. Par contre, je te tends une main. T’es pas forcément obligée de la mordre, ni de l’envoyer balader. Elle est là, tout simplement. » La jeune femme sourit faiblement. C’était rare, une proposition si désintéressée. Et puis, il avait déjà prévu le coup, le malin, en l’empêchant plus ou moins de l’envoyer balader comme elle avait l’habitude de le faire. Elle releva la tête, et fixa la nature autour d’elle, ne sachant pas trop quoi répondre. Il l’avait prise de cours. Et puis, serait-il capable de tout entendre ? De tout comprendre ? Pas qu’il soit nul, non non, mais seules les personnes qui ressentaient le même mal être pouvaient saisir l’ampleur du problème. La jeune femme se savait même pas ce qu’elle désirait réellement, et ce qui la rendrait heureuse… En même temps, l’avait-elle déjà été ? Elle avait oublié. Ambre était complètement perdue au milieu de ses désirs, de ses peurs, et de ses tourments… « Je veux bien ne pas la mordre, ni l’envoyer balader, mais j’avoue ne pas savoir comment faire pour m’en empêcher… Ni pour arrêter… » avait-elle répondu, faisant allusion au triste massacre sur son avant bras. Ambre esquissa un petit sourire gêné...

Souvent, dans la vie, il faut se battre, se battre pour avancer, se battre pour survivre. C’est un combat incessant, que la jeune femme menait depuis bien trop longtemps à ses yeux. Comment peut-on perdre tout espoir de vie à seulement 12 années et des poussières ? Elle n’avait eu qu’une tendre enfance, avant de devenir adulte bien trop tôt. Avant de perdre tout ce qu’elle avait de plus cher : ses rêves, ses envies… Normalement, si jeune, on rêve de prince charmant, de vivre d’amour et d’eau fraiche, de se faire pleins de copines à qui raconter nos vies, avec qui partager les bouleversements de l’adolescence. Mais la minie Ambre avait découvert les insultes, les moqueries, le harcèlement. Elle avait commencé à faire des cauchemars de mort, et même à le souhaiter, elle avait commencé à s’auto détruire en silence, pendant que ses camarades riaient haut et fort. En fait, c’est à cet âge-là que son cœur s’était fermé au bonheur, et à ce moment-là qu’elle avait commencé à porter un masque quotidien, ses bracelets, et des pulls à manche longue. La blondinette avait commencé à voir tout en noir, et surtout à voir la moche réalité de l’âme humaine, poussée à l’égoïsme et au vice. Si jeune… Enfance détruire.

Lorsque la jeune femme parla de ses plus vieilles cicatrices, le visage de Chase se décomposa. Malgré tous les efforts du monde qu’il faisait pour essayer de le cacher, et malgré sa gêne, Ambre savait très bien ce qu’il pensait… Après tout, sûrement qu’elle l’aurait pensé aussi, dans d’autres circonstances, ce « Pourquoi » qui ne franchissait pas les lèvres de l’homme qui l’écoutait si gentiment. « Tu veux en parler? » lui proposa le pompier, sûrement habitué à écouter les confidences des uns et des autres. Cela toucha la jeune blonde, qu’il prenne du temps pour elle, qu’il l’écoute, qu’il soit là, sans arrières pensées… Bon, c’était sûrement par déformation professionnelle, sinon pourquoi perdrait-il son temps ? La jeune femme n’avait pas l’habitude qu’on soit gentille avec elle par pur désintérêt, alors elle avait beaucoup de mal à y croire… « Merci, c’est très gentil ! Mais si je commençais à t’en parler, on serait encore là demain matin, et je ne pense pas que tu aies particulièrement envie de passer ta nuit à m’écouter me plaindre… » lui répondit la jeune fille avec un petit sourire. Après tout, il avait déjà donné assez de son temps non ? Et pourtant, cela ne l’aurait pas dérangé. Il était gentil, alors pourquoi ne pas apprendre à le connaître ? Même s’il la considérait comme une gamine, il était encore là. Et Ambre ne voulait pas cracher sur une main tendue…

« Je te donne mon numéro et lorsque tu as envie de le faire, tu m’appelles ou tu m’envoies un texto et je te rejoins. On discutera du pourquoi t’en as envie ou alors on fera autre chose. » Proposa l’homme des bois avec simplicité. La jeune femme continua de regarder la nature qui l’entourait. Elle ne pouvait pas refuser. Ce serait idiot de sa part. Mais en même temps, pouvait-elle vraiment lui faire confiance ? Pouvait-elle partager une partie de sa vie, alors qu’ils ne se connaissaient même pas ? Et est-ce qu’il allait réellement l’aider, ou la faire souffrir, de quelque manière que ce soit ? Après tout, qui ne tente rien n’a rien n’est-ce pas ? Alors elle pouvait toujours accepter, de toute manière, ce n’était qu’un numéro de téléphone, rien de plus. Et puis si finalement, elle se confiait et que ça se passait mal, que pourrait-il lui faire ? Sa réputation était déjà détruite en France, alors que ça arrive jusqu’à Bowen lui était bien égal, elle ne pouvait pas aller plus mal ! « Bah écoute… Pourquoi pas ? Tant que tu ne me harcèles pas parce que tu as peur pour moi... » Dit Ambre sans oser regarder son interlocuteur dans les yeux, puis ajouta rapidement : « Je rigole bien sûr ! » parce qu’après tout, pourquoi aurait-il peur pour elle, l’inconnue au malaise… ?

Souvent, on avance sans trop se demander pourquoi, pour ne pas s’arrêter en chemin. Parce qu’à force de trop chercher des raisons pour avancer, ben, on recule. Alors dans la vie, faut pas trop réfléchir, faut foncer, pour aller toujours de l’avant. Des baffes, on va s’en prendre de toute manière, mais il ne faut pas se laisser faire, il faut continuer, se battre, et tenter par tous les moyens, même les plus fourbes, de gagner face à cette connerie qu’est la vie. Elle ne vous fera pas de cadeaux, et usera de moyens pas forcément dans les règles pour vous battre, alors foncez, sans vous poser de questions. La jeune femme, elle, avait perdu l’espoir, car à force de voir que rien ne fonctionnait, alors elle avait laissé tomber. Elle s’était totalement épuisée pour enfin prendre le dessus sur ses problèmes, mais rien n’y fait, elle n’a pas réussi, alors à quoi bon se tuer d’espoir ? Mais bon, elle ne demandait que ça, que quelqu’un la relève, et lui redonne foi en l’avenir.

Chase lui fit remarquer qu’elle ne se plaignait pas vraiment, vu que sa vie avait été plutôt difficile et peu commune, mais pour Ambre, c’était pas une raison. Tout le monde a des hauts et des bas dans la vie, des difficultés à sa hauteur, et pourtant, les gens sont heureux malgré tout, alors que la jeune blonde s’enferme dans ses propres soucis. Pas la bonne méthode me direz-vous, mais bon, un jour, peut-être, la jeune femme trouvera quelqu’un qui la tirera vers le haut ! « Et si ça t’intéresse, je suis en congé demain aussi ». La jeune fille sourit, apparemment, il n’avait pas peur, et il voulait l’aider, vraiment ! Ambre n’osa pas trop réagir, mais elle se sentait bien, Chase lui inspirait confiance. Il aurait pu lui faire tout ce qu’il voulait, et il n’a été que gentillesse et soutien. « J’suis loin d’être harceleur, je l’ai vécu trop souvent » La jeune blonde poussa un soupir de soulagement. Après tout, le soutien le plus important n’est-il pas celui d’un ami silencieux, qui attend les confidences au lieu de les forcer, qui est là quand on a besoin ?

La jeune femme tourna la tête vers Chase. Après tout, pour nouer une relation, ne faut-il pas commencer à s’ouvrir peu à peu, au lieu de se cacher au milieu de la nature ? Elle plongea ses yeux bleus dans ceux du pompier, de la même couleur que les siens. Elle essayait d’y lire son histoire, son caractère, ou au moins sa sincérité, mais son récent malaise et sa fatigue lui empêchait de voir quoi que ce soit d’autre que ses iris. « Merci, merci pour tout ce que tu fais » souffla-t-elle. Puis, elle posa son regard sur le sac à de Chase, posé pas très loin d’eux. Curieuse, elle se demandait bien ce qu’il y avait dedans. Mais bon, cela ne se faisait pas de poser la question… Par contre, elle ne se sentait pas de rentrer à pied chez elle, alors, le rouge aux joues, elle demanda « Dis, tu rentres chez toi ? Parce que j’suis encore très fatiguée, et je me sens vraiment pas de rentrer toute seule, à pieds… ».