Steady (as she goes)

Son portable était dans son sac en bandoulière de Zelda. Le Hyrule Crest y était subtilement dessiné, c’était juste assez discret pour ne pas avoir trop l’air d’un grand gamin, mais aussi assez obvious pour n’importe quel fan de ce jeu vidéo qui y porterait attention. Il poussa la porte du bar-resto le plus proche de son nouveau chez-soi. Pas qu’il ne se sentait pas assez à l’aise dans son nouvel appartement pour y jouer à son aise, mais … enfin voilà, c’était le cas. Il avait eu la « chance » de rencontrer Maisy et Jordan, deux de ses nouvelles colocataires, et disons qu’il avait bien vite compris qu’il n’était pas du même monde qu’elles. Ce soir, elles se faisaient une petite soirée entre elles, et même en étant caché derrière la porte de sa chambre, Nelligan s’était senti de trop, mal à l’aise. Pourtant, elles auraient sans doute bien voulu l’inclure, mais lui ne savait pas trop comment agir avec elles. Il avait l’impression de faire un bond de dix ans en arrière, dans le temps où il était un ermite et qu’il n’avait aucune habileté sociale quelconque. Bref, voilà pourquoi Nelligan était entré dans ce restaurant, dans l’espoir de pouvoir au moins jouer silencieusement sur un de ses jeux solo, sans déranger autour. Malheureusement, c’était plein à craquer. Le jeune homme repéra quelques personnes seules à leur table, et une personne en particulier attira son attention. Une jeune femme, au style assez gothique de ce qu’il connaissait de la mode en général, et elle était devant son ordinateur portable. Il s’avança vers elle, gêné, mais en même temps de tous les gens présents, elle était le spécimen qui l’intimidait le moins. « Euh, bonsoir. Désolé de te déranger. » Il lui sourit quand il arriva enfin à avoir son attention, elle qui était très concentrée sur son écran. « C’est bondé ici, et je cherche juste un petit coin de table pour être sur mon PC … Ça te dérangerait beaucoup ? » Un peu plus et il lui faisait des yeux de petit chat pour la convaincre.

Avant d’acquiescer à sa demande, il avait senti le regard de la jeune femme le détailler de bas en haut. Le tout, avec un morceau de steak contre sa joue. Il se concentra pour ne pas rire, ne voulant pas qu’elle pense qu’il se moquait d’elle. C’était un peu ça, mais pas méchamment. Après qu’elle ait hoché la tête, Nelligan s’installa devant elle et sortit son ordinateur portable de son sac de Zelda pour le poser sur la table, presque accoté à celui de la jeune femme tellement les tables étaient petites. Il tira son ordinateur un peu plus vers lui, pour ne pas incommoder celle qui avait été la première à s’être assise à cette table. Il sourit à la demoiselle quand leurs regards se croisèrent une autre fois, et Nelligan remarqua que le morceau de steak était toujours sur sa joue. Ne se rendait-elle pas compte de sa présence ? Un sourire en coin, le jeune homme se décida finalement à l’en avertir : « Tu as … tu as du steak sur la joue … » Lui dit Nelligan, un peu hésitant, à pointant la joue droite de la jeune femme. Pendant qu’elle s’essuyait, il ouvrit son ordinateur, toujours un petit sourire au coin des lèvres.

Nelligan esquissa un faible sourire en voyant la jeune femme rougir. C’était plus drôle qu’autre chose. Du coin de l’œil, il avait vu qu’elle avait fermé certaines de ses pages ou de ses programmes alors qu’il s’installait, mais il ne se posa pas plus de questions. Lui aussi aimait bien préserver son intimité sur certaines choses alors si la demoiselle était en train de travailler sur un truc plus personnel, il comprenait qu’elle ait fermé ses logiciels. En même temps, ce n’était aucunement le genre de Nelligan d’aller espionner du coin de l’œil ou derrière l’épaule de quelqu’un, mais ça elle ne le savait pas encore. Et sans doute ne le saurait-elle pas – après tout, ils ne faisaient que partager une table. Ça ne les engageait à rien. Même pas à une conversation. Mais Nelligan ne fut pas du tout gêné par la question de la jeune femme, et si elle désirait discuter un peu, il n’était pas contre. « À Rocket League. » Répondit-il avec un petit sourire. Normalement, il streamait ses parties, mais là, comme il était dans un endroit public, il se garderait une petite gêne, quand même. « Tu connais ? » Demanda Nelligan en se tournant vers la gothique.

Nelligan hocha la tête à son tour avec un sourire. De toute façon, avec toutes les nouvelles sorties de jeux au pc, beaucoup de gamers s’étaient tournés vers ces nouveautés. Heureusement qu’il avait encore certains amis qui voulaient bien jouer en ligne avec lui. Ce jeu lui permettait vraiment de décrocher. C’était encore mieux quand ils pouvaient s’envoyer des vannes en se parlant mais là, Nelligan n’avait pas allumé son micro, ne voulant pas se mettre à gueuler n’importe quoi en plein restaurant. « Tu joues à quoi en général ? Enfin, si tu joues … » Mais comme elle avait un ordinateur au top, Nelligan se disait que ce serait du gâchis de ne pas en profiter pour avoir les meilleurs jeux possibles. En même temps, si elle l’utilisait pour programmer ou des trucs dans le genre, alors c’était aussi bien. Il verrait bien si elle était plutôt informatique ou jeux vidéo. Nelligan, de son côté, aurait adoré en connaître plus sur l’informatique mais il aimait trop jouer pour prendre le temps de se former mieux que ça. Avant que la demoiselle ne puisse répondre, un serveur vint s’adresser à Nelligan pour lui demander ce qu’il désirait. « Un panier de frites avec un verre d’eau, s’il-vous-plaît. » Il sourit et le remercia, se tournant vers la jeune femme. « Excuse-moi, tu disais ? » Dit-il en lui souriant et en la regardant avec intérêt.

Nelligan hocha la tête, d’abord silencieusement, quand la gothique lui répondit qu’elle ne jouait pas, mais qu’elle était plutôt dans la programmation. Il avait comme l’impression de la déranger, et il n’était pas certain s’il devait se taire et se mêler de ses affaires les yeux rivés sur son écran, ou s’il pouvait continuer à s’intéresser à ce qu’elle faisait. En vrai, Nelligan était très curieux et intéressé lorsqu’il s’agissait d’ordinateurs, même si lui était peu doué dans ce qui était trop poussé. Donc, la programmation, on oubliait cela pour lui. Sauf qu’il comprenait quand même les termes et les domaines, du coup il n’était jamais trop perdu quand on lui en parlait, et il aimait bien apprendre. D’ailleurs, ce n’était pas pour rien que sa bonne amie Lilas l’avait pris sous son aile pour lui montrer quelques trucs. Comme ça, à l’avenir, il aurait pu entretenir une conversation plus passionnante avec sa voisine de table. Là, il avait l’impression que s’il continuait à s’aventurer sur le sujet, il passerait pour le mec le plus stupide de la planète. Et elle était geek et jolie, donc il préférait plutôt passer soit inaperçu, soit bien paraître. Il ajouta, quand même, pour clore l’affaire : « Ah, c’est cool. J’ai toujours voulu m’y intéresser davantage, mais faut dire je suis pas doué de base. J’aimerais apprendre. J’ai d’ailleurs une amie qui essaie de me montrer un peu. » Il lui sourit. La balle était dans son camp : si elle ne répondait rien que par un sourire, Nelligan allait fermer sa gueule, mais si elle voulait bien discuter un peu, elle n’avait qu’à mordre à l’hameçon.

Nelligan hocha la tête quand la gothique lui dit que la programmation n’était pas si compliquée. Il voulait bien la croire. Il faudrait sans doute qu’il prenne le temps, tout simplement, de se pencher davantage sur la question. Ils avaient prévu, avec Lilas, de réellement prendre le temps de lui montrer toutes les bases. Après, ce serait à lui de s’amuser, de découvrir. « Pour le langage, m’en parle pas ! Lilas, euh enfin, l’amie dont je te parlais, elle me perd à chaque fois qu’elle commence à parler dans ce jargon ! » Nelligan lui sourit. Il ne voulait pas que la jeune femme se sente obligée de répondre à ses commentaires, mais en même temps, à la voir aller avec son attitude, il se doutait bien que si elle avait voulu mettre fin à leur conversation, elle l’aurait déjà fait à l’heure qu’il était. Peut-être que, comme lui, elle s’intéressait aux autres adeptes de l’informatique, peu importe de quel domaine il s’agissait. En tout cas, c’était le cas de Nelligan, et Ivy semblait tellement calée dans le domaine de la programmation, vue son assurance, qu’il se disait qu’elle était une bonne personne à connaître. Enfin, elle avait l’air gentille aussi hein, au final. Il ne l’utilisait pas que pour ses connaissances. « Moi c’est Nelligan. » Déclara-t-il avec un sourire.

Surpris par cette révélation, Nelligan ne put s’empêcher de s’exclamer : « Oh, t’es sérieuse ? » Quand la jeune femme lui révéla être la meilleure amie de Lilas. Le jeune homme avait entendu parler d’elle, via la belle rousse, de cette amie avec qui elle était allée au MIT et qui était maintenant à Bowen avec elle. Il avait donc soudainement l’impression de la connaître sans la connaître, ce qu’il trouvait un peu injuste pour sa compagne de table, puisqu’il savait aussi quelques détails sur sa vie qu’elle n’avait peut-être pas envie qu’il sache. Nelligan tenterait de se montrer discret là-dessus. Après tout, il n’avait pas envie que Lilas se retourne contre lui parce qu’il avait ouvert sa grande gueule. Lilas avait sorti quelques informations à force de parler de tout et de rien comme ils le faisaient si souvent. Ce n’était pas dirigé contre Ivy, au contraire. Parce que oui, Ivy, c’était son nom, et cette dernière confirma les doutes de Nelligan en disant son prénom que Nelligan reconnut. « Oui, Lilas m’a déjà parlé de toi ! Que de belles choses, ne t’inquiètes pas. » Dit-il en riant. Et c’était vrai. Lilas parlait toujours en bien de sa meilleure amie, ce qui avait toujours donné envie à Nelligan de la connaître. « Ça fait un moment qu’elle parlait de me présenter, à toi bien sûr. Du coup c’est chose faite. » Ajouta le trentenaire.