Undisclosed desires - CJ

Ce soir, l'appartement était relativement vide. Comme quoi vivre avec cinq personnes n'assuraient pas une perpétuelle présence ! Ce qui ne dérangea pas pour autant Tahlia, qui s'empressa de sortir à l'extérieur, les yeux rivés sur son téléphone. Elle avait prévu de rejoindre une amie au bar de la plage. Arrivée sur place, la jeune femme entra à l'intérieur. Elle prit place au comptoir, sur l'un des hauts tabourets et se commanda un mojito, en attendant l'arrivée de son amie. Et forcément, pour patienter, il fallait bien trouver une occupation. Elle regarda alors les gens qui l'entouraient, étant d'une curiosité maladive. Ainsi, elle observa ces quelques couples, ces bandes de jeunes étudiants, ces célibataires qui tentaient de trouver chaussure à leur pied. Et puis ce jeune homme, seul à sa table. Tahlia fronça les sourcils, son regard ne déviant pas de ce dernier. Cela ne pouvait pas être possible ! Cela ne pouvait pas être lui. Voulant en avoir le coeur net, la demoiselle sauta de son siège, mojito en main et avança d'un pas déterminé, jusqu'à une certaine distance qui lui permettrait de mieux voir le jeune homme. Tahlia se mordilla la lèvre, effarée, quand elle constata qu'il était bien celui qu'elle pensait avoir reconnu. "Mais qui vois-je ?! CJ Valentine en personne. C'est... étonnant de te voir ici." Elle s'était approchée de lui, le ton sarcastique. Elle montra d'un signe de la main la chaise en face de lui : "Je peux ? Je préfère te demander. On ne sait jamais, je ne voudrais pas que tu trouves que ça va trop vite." Tahlia lui adressa un grand sourire, même si ces paroles étaient assassines. Tous les deux, ils avaient un passé sentimental commun. Ils s'étaient rencontrés lors d'un voyage à l'autre bout du monde. Ils avaient 21 ans à peine. Cela n'avait duré que quelques semaines, mais cela avait été intense, insaisissable. Incompréhensible. Il avait éveillé en elle une fougue qu'elle ne connaissait pas. Jusqu'à ce qu'il la plante, un beau matin, parce que Monsieur trouvait cela trop fort. Pas étonnant que Tahlia soit devenue aussi affectueuse qu'un poisson rouge après tout cela ! La demoiselle s'installa face à lui, se fichant de savoir s'il attendait quelqu'un ou non. Elle l'observa un instant, muette. Le jeune homme avait laissé place à un homme, un vrai. Et il était toujours aussi beau et charismatique, au grand dam de Tahlia. "Tu as décidé de passer quelques jours de vacances à Bowen ?" Six ans s'étaient écoulés depuis leur dernière rencontre et Tahlia agissait comme si elle l'avait vu trois mois auparavant. Elle voulait jouer la détachée, montrer qu'il n'avait plus aucun impact sur elle. Ce qui était loin d'être le cas. Et cela la dérangeait grandement.

Installé dans un coin de la salle, tu prends le temps de boire ton verre. La semaine avait été rude. Pour toi, et ton coeur. Trop de visages connus dans ses environs, ça t'embrouillait l'esprit. Ce soir tu voulais être seul et en aucune compagnie, surtout pas féminine, tu en avais assez vu comme ça des femmes. Tu avais besoin d'un contact masculin, ou de solitude. Même si tu semblais avoir attiré l'attention, à l'entente de ton prénom, tu avais levé le regard pour admirer la jeune femme. Visage qui fit remonté un lot de souvenirs. Encore des retrouvailles, tu allais peut-être songé à repartir d'ici, ça t'apportait plus de soucis qu'autre chose. « Hm.. Tara ? Tamina ? » Un fin sourire sur le visage tu laissais quelques secondes planer, histoire de voir sa tête, et elle ne semblait pas très ravie que tu ne te rappelles plus d'elle. Avant qu'elle puisse te le donner, tu te repris. « Non. Tahlia ! » Tu le savais dès la première seconde où elle t'avait parlé. Le son de sa voix, et son visage quand tu avais levé les yeux sur elle. Tu ne pourrais pas l'oublier, pas pour un sou. « Fais-toi plaisir. » Tu avais levé la main pour lui désigner la chaise en face, et lui faisant qu'elle était libre de faire ce que bon lui semblait, mais à ce moment là, elle était déjà assise en face de toi, te lançant la première pique d'une longue série. C'était inévitable, à moins de mourir. « Très mature ça. » Et c'est toi qui disait ça. Tu avais presque honte d'avoir osé dire une chose pareil, mais ça t'était bien égal ce qu'elle pouvait penser. Peut-être qu'elle était prête, mais ce n'était pas ton cas. Après peut-être que tu ne l'avais pas joué finement non plus. Mais tu avais agis, et non réfléchis, sinon les choses auraient pu être différentes. « Je vis ici figure-toi, j'ai même un boulot. Et toi, policière ? » C'était un détail pour toi, mais pas suffisant pour que tu te rappelles si elle avait été diplômé ou non quand elle t'a rencontré, mais tu avais souvenir d'une discussion sur ses envies d'être policière.

Quand CJ releva la tête et qu'il posa son regard sur elle, Tahlia sentit son coeur se serrer légèrement. Elle avait cette boule au ventre hautement désagréable. Elle ne s'était pas préparée à une telle rencontre. Pourtant, elle savait qu'il avait eu de la famille à Bowen, que leurs chemins auraient pu se recroiser à n'importe quel instant. Malgré cela, c'était un choc. Alors qu'il se trompa sur son prénom, la jeune femme arqua un sourcil, se demandant s'il était réellement sérieux ou s'il la cherchait. Le léger sourire qu'il affichait, un poil détestable, poussait Tahlia à croire qu'il la taquinait. Ou du moins, elle l'espérait. Quand il prononça son prénom, la jeune Wates poussa un soupir de soulagement, hautement exagéré, alors qu'elle répliqua : "Tu étais à deux doigts de frôler l'incident diplomatique." Malgré elle, ce fut un sourire taquin qui se dessina sur ses lèvres. Il déclenchait en elle une avalanche de sentiments, tout aussi contradictoires. Elle passait de l'énervement pur et dur, à une joie de le revoir plutôt subtile. Pour autant, alors qu'elle lui demandait si elle pouvait s'installer à sa table, elle ne s'empêcha pas de lui lancer une pique qui, avouons-le, était bien placée. La réponse de CJ la fit sourire. C'était lui qui parlait de maturité ? C'était l'hôpital qui se foutait de la charité. Tahlia leva les yeux au ciel, répondant néanmoins sur un ton léger : "Oh ça va, si on ne peut plus rigoler...". Elle reposa ses yeux verts sur lui et prit soin d'ajouter : "Ne t'inquiètes pas, je viens en paix." C'était important de le préciser. Elle n'avait pas envie d'être dans l'attaque. Tant qu'il ne la cherchait pas, évidemment. Mais alors qu'il lui affirma qu'il vivait désormais ici, qu'il avait un boulot etc., la jeune femme se mordilla la lèvre. Elle risquait de le croiser plus souvent. Ce qui n'était peut-être pas plus mal : CJ avait toujours gardé une place dans son esprit, parce qu'il avait brillé par son absence. Parce qu'il était parti aussi vite qu'il était arrivé. En l'ayant souvent face à elle, elle allait banaliser sa présence. Cela deviendrait normal de le croiser. Et ainsi, il deviendrait comme les autres hommes. "Ah oui, tu bosses où ?" Histoire qu'elle sache l'endroit où ne pas aller ! Elle acquiesça néanmoins d'un signe de la tête, quand il lui retourna la question. "Non seulement, tu te rappelles de mon prénom mais aussi de ma voie professionnelle, j'en suis presque touchée." De nouveau, son regard se fit amusé. Oui, elle le cherchait, le provoquait. "Mais oui, je suis bien policière. Depuis cinq ans maintenant". Elle but une gorgée de mojito à la paille, son regard ne le quittant pas. Les souvenirs remontaient peu à peu. Avec le recul, ils avaient quand même passé un bon moment. Cela était indéniable. "D'ailleurs, qu'est-ce qui t'amènes à Bowen ? Tu étais quand même habitué à des endroits plus exotiques".

« Je suis un homme sauf alors. » Tu avais souri doucement, parce que tu étais un homme vivant. Même si c'était une petit blague, elle aurait sûrement crié parce que tu étais pas foutu de la reconnaître, mais tu avais évité le drame puisque tu le savais. « Je veux bien te croire » Tu n'allais pas chercher les embrouilles, tu avais eu ton lot, si ce soir tu pouvais parler avec elle, comme à la vieille amie d'une époque lointaine, ça pourrait être agréable. Pourtant, tu avais eu une nouvelle remarque sur ce que tu te souvenais. « Pourquoi aurais-je oublié Tahlia ? Je suis peut-être parti comme un voleur, mais je n'ai rien oublié si tu veux savoir. » Tu haussais doucement les épaules. Ce n'était pas un argument suffisant pour l'oublier. La fuir t'avait aidé à surmonter tout ce qui pouvait s'éveiller en toi, entre autre, tes sentiments. Tu avais attendu cette question, c'était celle qui revenait le plus. Avant "et tu vas rester longtemps ?". Ça devenait presque une routine pour toi. « Un besoin de rentrer à la maison, enfin, une maison. » Parce que ce n'était qu'un foyer secondaire. Mais celui qui comptait le plus à présent. Tu te sentais bien ici, comme si tu étais dans une bulle. C'était réconfortant, tu aimais la chaleur que ça te procurait.

Malgré toute sa bonne volonté et en dépit de ce qu'elle disait, Tahlia était dans l'attaque. Ses sourires et ses regards taquins ne parvenaient pas à cacher cette rancoeur. Pour cause, elle croyait vraiment être insignifiante aux yeux du jeune homme. Vu comment il était parti, sans un mot, sans le moindre au revoir... Elle n'avait été que de passage dans la vie du beau CJ. Mais les paroles de ce dernier furent inattendues. Il n'avait rien oublié. Ah... Foutaise ou pure vérité ? Eh bien, pour le coup, il mettait la jeune femme mal-à-l'aise. Elle avait baissé les yeux, se contentant de répondre : "Désolée d'agir comme ça. J'ai tendance à voir le mal là où il n'y en a pas." Elle lui adressa un doux sourire quand elle releva les yeux sur lui. Il fallait qu'elle se calme avec ses remarques piquantes. Elle tenta donc de radoucir l'atmosphère en lui demandant ce qu'il faisait à Bowen. Il venait souvent ici l'été, mais elle n'aurait jamais pensé le voir s'installer dans le coin. Elle écouta sa réponse, le regard compréhensif. Elle comprenait cette envie de se poser, de retrouver des repères. Mais ce qu'elle retint fut la petite nuance en fin de phrase. "Une maison ? ça veut dire que tu comptes repartir d'ici ?" C'était juste de la pure curiosité. Même si, au fond, elle n'avait pas envie de nourrir l'espoir de le voir ici, de le croiser à chaque coin de rue, de s'habituer à sa présence. "Fais attention, une fois que l'on s'installe vraiment à Bowen, il est difficile d'en repartir." Un léger rire ponctua sa phrase. Et pourtant il y avait du vrai dans ces paroles-là.

Tu n'avais pas souvenir d'une femme aussi agressive, voire froide. Tu n'avais souvenir de ça peut-être parce qu'elle n'avait pas eu de raison jusqu'à présent de t'en vouloir. La revoir comme ça, après 6 ans, c'était différent. Dans un léger sourire, tu lui posais la question qui brûlait tes lèvres, même si tu pensais déjà connaître la réponse. « Tu es aussi piquante avec tous les hommes, ou c'est juste pour moi ? » Une simple curiosité, rien de plus. Mais si elle était comme ça avec tous, ça pouvait encore se comprendre. Si c'était uniquement avec toi, il fallait te méfier, elle était flic après tout et une condamnation par erreur pouvait vite arriver. Même si tu pensais que sa rancœur ne se ferait pas au détriment de son métier. Elle était une représentante de la loi, et tu aimais croire qu'elle œuvrait pour le bon côté des choses. « Ne t'excuses pas, je comprends très bien. C'est plus facile de m'attaquer, c'est un peu comme une vengeance pour tout le mal que je t'ai fait. » Tu aurais aimé lui dire que si les choses avaient été différentes, tu aurais pu agir différemment, mais ça aurait été un mensonge. Et tu ne voulais pas lui mentir. Tu avais agis comme le dernier des connards avec elle, tu n'allais pas reprendre ce petit jeu. Elle méritait mieux que ça, mieux que toi. « Je ne sais pas vraiment, on ne peut pas vraiment dire que je me sentes comme chez moi ici. » Ce n'était pas vraiment un message pour elle, mais il est vrai qu'une fois de plus tu t'étais senti attaqué sur ta présence ici. Te faisant comprendre que tu n'étais pas vraiment le bienvenu dans cette ville. Alors tu te posais des questions, ce qui te semblait légitime. Pourtant elle semblait te dire que tu serais incapable de repartir si tu y restais trop longtemps. Tu avais eu ce sentiment chaque été que tu y avais passé en te disant que ça devrait durer un mois de plus. Et pourtant, tu repartais toujours aussi léger parce que tu savais que l'été suivant, tu serais à nouveau là. Aujourd'hui, si tu repartais, tu n'étais pas sûr d'y remettre un jour les pieds.

A la question de CJ, un sourire s'afficha sur les lèvres de la jeune femme. Tahlia ne se laissait pas marcher sur les pieds, avait-il oublié ce détail ? "On m'a dit à plusieurs reprises que j'avais un sale caractère, je dois donc être piquante avec tous les hommes. Mais j'admets que je le suis un peu plus avec toi." Autant être honnête, non ? Parce qu'à l'inverse des autres, CJ avait compté pour elle. Elle aurait pu tomber amoureuse de lui - ou peut-être l'avait elle été, leur relation ayant été courte mais très intense - forcément, il n'avait pas la même valeur que les "autres". Pourtant, ce n'était pas une raison pour qu'elle essaye de l'écraser. Aussi piquante soit-elle, elle n'était pas méchante. Raison pour laquelle elle finit par se radoucir en s'excusant. Elle secoua la tête face à sa réponse : "Ce n'est pas une vengeance, CJ. Plutôt une manière d'encaisser le choc." Et un besoin de se protéger aussi, mais ça, elle n'allait pas le dire. "Tu sais, les années ont passé. Même si c'est étrange pour moi de te voir ici, je n'ai pas envie de me venger de toi. J'ai passé ce cap, je crois." Elle lâcha un léger rire de convenance, se replaçant une mèche de cheveux derrière l'oreille, comme à chaque fois qu'elle était gênée. Il l'atteignait encore, malgré les années. Elle fronça néanmoins les sourcils en entendant sa dernière réplique. Il ne se sentait pas chez lui ici ? "Ah bon ? ça ne fait pas si longtemps que tu es ici, c'est peut-être pour ça. Mais dis-toi que tu as des repères ici. Tu connais beaucoup de monde en plus, non ? Laisse le temps faire son boulot." Elle se tut un instant, se demandant si elle devait vraiment lui faire part de la joie qu'elle avait quand même ressenti en le voyant ici. "Pour ma part et même si je ne le montre pas à première vue, ça me fait plaisir que tu sois là. Malgré tout..."

Ce n'était pas une vengeance. C'était plus compliqué que ça, même si ça devait lui faire un peu plaisir de t'enfoncer un clou ou deux, te faire comprendre que tu avais mal agit. Tu le savais, mais tu t'en foutais pas mal à l'époque. Tu ne voulais pas d'attache, elle s'attachait, tu avais juste pris tes jambes à ton cou sans vraiment penser plus loin que ça. Au fond, une simple explication aurait pu faire l'affaire. Les mots et toi, c'étaient juste pas ton fort. Tu apprenais à exprimer tes sentiments aujourd'hui, mais ce n'était pas encore trop ça. « Tu as toujours été d'une extrême sagesse Tahlia. » C'était peut-être à cause de la loi et de son implication dans un tel métier. Tu ne saurais dire si c'était autre chose, tu ne l'avais pas connu dans sa jeunesse. Mais elle avait toujours été plus sage que toi, ça tu pouvais le dire. Elle s'était parfois laissé embarquée pour te faire plaisir et parce qu'elle aimait bien relever des défis, mais ce n'était jamais rien de plus grave qu'une introduction dans une propriété privée. « Le monde n'aide pas vraiment. » Laisser le temps faire ? Tu n'étais pas sûr d'en avoir du temps. Tu devais te rattraper auprès de tellement de personnes que tu ne savais pas si ça valait vraiment la peine. Tu finirais par décevoir tout le monde un jour ou l'autre, de réduire à néant les efforts que tu aurais pu faire. Mais tu allais y songer, parce que si tu venais à t'installer ici, tu ne voulais pas d'un climat de guerre et de tempête. « Merci. » avais-tu marmonné dans un léger sourire. C'était toujours agréable à entendre, c'est vrai. Et un peu inattendu aussi. De toute celles qui pourraient t'en vouloir, elle était au moins dans le top trois. « Je peux t'offrir un verre ? » proposais-tu le plus simplement du monde. Pas de sourire aguicheur, d'air charmeur, tu n'en avais pas besoin, elle te connaissait déjà par cœur et tu n'avais pas forcément envie de lui faire du rentre dedans.

La jeune femme lâcha un léger rire quand il lui affirma qu'elle était d'une grande sagesse. "ça se voit que tu ne m'as pas connu quand j'étais ado. Je t'aurais sûrement fait la misère à cette époque-là. On s'assagit avec le temps, je crois." C'était à croire qu'elle était une ancêtre. Mais il était vrai qu'en comparaison avec CJ, Tahlia était sage. Elle n'avait pas d'autres choix que de l'être. Même s'il ne connaissait pas son côté fougueux. Au moins, elle avait le mérite de n'être pas trop rancunière et c'était sûrement ce qui faisait qu'elle était encore là devant lui, alors qu'elle aurait pu très bien lui hurler dessus et lui balancer le contenu de son verre à la figure. Trop théâtral à son goût, ça. Non, elle avait envie d'en savoir plus sur lui. Et elle voulait profiter un peu de sa présence, malgré tout. Alors qu'elle essayait de le convaincre des bons côtés de Bowen, en évoquant tout le monde qu'il connaissait, elle fut surprise par sa réponse. Voulant plaisanter, elle lança : "Ne me dis pas que tu t'es mis toutes les filles de Bowen à dos ?" Si elle savait qu'il y avait une part de vérité dans ça. Elle lui lança un sourire, avant de se lancer dans une confidence. Elle était contente qu'il soit là. C'était dit. Elle avait toujours été honnête avec lui de toute façon. Quand il lui proposa un verre, une petite voix lui disait de partir. Qu'elle avait dit ce qu'elle avait à dire pour aujourd'hui. Pourtant, elle répondit : "Avec plaisir." Elle l'avait même dit en français, pour lui montrer qu'elle se souvenait des quelques expressions qu'il lui avait apprises. Même s'il lui avait fait croire, pour certaines expressions, à un sens totalement différent. "Alors, qu'est-ce que tu as fait de beau ces dernières années ?" Il avait dû voyager certainement, et c'était ce qui faisait rêver Tahlia. Elle l'avait rencontré durant un voyage. ça avait été la liberté.

Tu l'écoutais, esquissant un léger sourire. Tu aurais aimé la connaître plus jeune, elle te donnait envie de la connaître. Elle aurait peut-être été du genre moins à cheval sur les règles, sur ce que vous aviez ou non le droit de faire. Elle aurait été un peu plus folle. Ou alors, elle aurait été pareil et en plus embêtante. Tu ne savais pas, tu ne saurais jamais pour le coup. Tu pouvais juste laisser ton esprit vagabonder et te faire une idée. Ton idée, et tu l'aimais bien. Même si tu aimais beaucoup la femme qu'elle était aujourd'hui. Enfin, celle que tu présumais qu'elle était, parce que six ans s'étaient tout de même écoulés et qu'il y a des choses qui pouvaient avoir changé. Peut-être qu'elle n'avait plus son petit ronflement quand elle est ivre aujourd'hui. Peut-être qu'elle fait des efforts pour goûter ce qu'elle dit ne pas aimer. C'était des petits détails que tu ne connaîtrais plus jamais. « Si tu savais. » Tu haussais doucement les épaules en laissant un sourire se dessiner sur tes lèvres. Elle visait en plein dans le mille. Là où ça faisait un peu mal. Tu ne pensais pas avoir tant de relation ici, mais tu avais remarqué avec le temps, qu'elles s'étaient toutes, plus ou moins, concentrées dans cette ville. Comme si elle avait eu une lettre les prévenant de ton retour à Bowen et qu'il fallait absolument qu'elles viennent. C'était un complot, une machination contre toi, sinon, une trop belle coïncidence, même si tu croyais que trop peu en ça. Elle acceptait ta proposition et te répondait même dans un français presque excellent. Elle n'avait pas oublié et cette pensée te faisait sourire. Tu avais l'air d'un gosse à qui on offrait un jouet. Tu étais presque ému de voir qu'elle se souvenait encore ça. Te demandant ce qu'elle avait retenu d'autre. « Hé bien, j'ai voyagé. Pas mal d'ailleurs, j'ai visité toutes l'Asie, sauf la Corée du Nord, c'était encore un peu trop délicat. » ajoutais-tu en cognant ta bière contre la sienne, pour trinquer. Tu t'étais baladé de pays en pays, n'arrêtant pas de bouger. Tu avais besoin de changer d'air, de passer à autre chose. De découvrir autre chose. « Et toi ? » Curieux d'en savoir un peu plus sur elle. Peut-être qu'elle avait une petite famille et tout aujourd'hui, même si tu étais quasi sûr de pas avoir vu d'alliance sur ses doigts en la détaillant plus tôt. Mais peut-être qu'elle avait oubliée de la remettre après le boulot, ou quelque chose comme ça. Peut-être qu'elle n'avait pas de mari non plus. C'était une possibilité qui sonnait plus réelle à tes yeux.

Ce qui voulait être une plaisanterie s'avéra être bien plus véridique que prévu. Le "si tu savais" de CJ voulait tout dire. Tahlia savait qu'il était souvent venu à Bowen pour les vacances. Elle, elle ne l'avait jamais vu. Il avait fallu qu'ils se rencontrent à l'autre bout du monde pour cela. Mais, vu sa réponse, il avait dû construire pas mal de relations avec les représentantes de la gente féminine bowenienne. Elle souffla simplement dans un murmure : "CJ..." Ce n'était en aucun cas un murmure réprobateur. C'était juste que cela ne l'étonnait pas. Le jeune homme avait son charme. Il pouvait toutes les faire tomber. Tahlia ne pouvait se permettre de juger, parce qu'elle était aussi tombée dans ses bras. Elle se contenta juste de répondre : "Bon courage, dans ce cas." Gérer une fille, ce n'était pas facile. Encore plus quand cette fille a des sentiments. Mais alors deux, trois, quatre, voire plus, c'était mission impossible. Il ne valait mieux pas s'étaler sur le sujet. Elle n'était pas la mieux placée pour l'écouter parler de ces conquêtes. Elle préféra en savoir plus sur ce qu'il avait fait ces dernières années. Elle trinqua avec lui et l'écouta avec attention, ses grands yeux verts rivés sur lui. Elle était captivée par ses propos. CJ, c'était l'électron libre, le nomade et c'était ce qu'elle lui enviait le plus. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, alors qu'elle répondit doucement : "C'est sûr, la Corée du Nord, ce n'est pas la destination la plus attractive. Mais tu as dû voir des paysages magnifiques. Rien qu'avec la Thaïlande ou le Japon, tu as dû être gâté." Lors de son année sabbatique, Tahlia n'avait pas eu le temps de partir en Asie. Elle s'était surtout arrêtée en Europe. CJ savait que l'Asie faisait partie des projets de la jeune femme. Seulement, elle avait dû rentrer plus tôt que prévu pour raisons professionnelles. Elle sortit de ses pensées quand il lui retourna la question : "Moi ? J'ai voyagé aussi... entre le quartier de la plage et le centre-ville de Bowen." Elle lâcha un léger rire, en haussant les épaules. "Tu sais, ma vie n'a pas été des plus palpitantes, ces dernières années. Je suis surtout restée ici. Je me suis faite ma petite place au commissariat, ce qui m'a pris beaucoup de temps. Forcément, ça laisse moins de temps pour les escapades. Mais je ne regrette rien, j'ai trouvé tout ce qu'il me fallait dans cette ville." Ou presque tout, mais elle se gardait bien de le dire.

Bon courage qu'elle te disait. Tu allais en avoir besoin et pas qu'un peu. Tu ne savais pas encore comment tu allais pouvoir te dépatouiller de cette situation. Sûrement en prenant les choses comme elles venaient, une par une et en faisant tout ce qu'il faudrait pour t'excuser et te racheter auprès des personnes qui comptaient vraiment pour toi. Tu ne voulais pas forcément les décevoir une nouvelles fois et tu avais le sentiment qu'elles attendaient beaucoup de toi en retour. Tu ne savais pas encore quoi, mais tu ne tarderais pas à le découvrir de toute façon. Tu préfèrais changer de sujet, passer sur tes voyages, tes nombreux voyages. « Le Japon est un endroit fabuleux, la manière dont ils intègrent la technologie à leur vie, le respect qu'ils ont des autres. Là-bas, il n'y aurait pas une voiture qui va te doubler à la dernière minute en te faisant une queue de poisson et déclenchant une émeute de klaxon. Ils ont une telle politesse envers les autres et c'est propre. Pas un graffitis, pas un papier au sol. » Tu n'arrêtais plus. Tu avais tellement de choses à dire sur le Japon. Ça t'en avait foutu pleins les yeux, tu avais aimait la ville, toutes les villes, les temples, les biches, la mer. La civilisation, la culture. C'était tout un art, toute une façon de vivre et pour les quelques mois que tu avais pu y passer, tu en était comblé. Ton tour était fini, c'était à elle de parler et dès le début de sa phrase, tu ne pouvais retenir un rire amusé. Elle était charmante et n'avait pas perdu son trait d'humour qui te plaisait tant chez elle. « Si ta vie te convient telle qu'elle est, c'est le plus important, parfois il ne suffit pas de faire le tour du monde pour être heureux, ça dépend de chacun. » Tu te sentais très philosophe ce soit, comme si tu étais inspiré par tout ça.

Après les filles de Bowen, la conversation avait dévié sur les voyages. Cela n'avait rien à voir, mais il fallait dire que cela caractérisait malgré tout CJ. La brunette l'écouta avec une grande attention, s'abreuvant de ses paroles, le regard envieux et un sourire pensif sur les lèvres. Ah le Japon, c'était l'un des grands rêves de Tahlia. L'entendre parler de ce pays avec une telle ferveur l'encourageait doublement à s'organiser rapidement un voyage dans ce beau pays. Elle se contenta alors de répondre : "Tu me fais rêver, CJ. A ce rythme-là, je vais finir par m'acheter un billet d'avion pour le Japon en sortant d'ici." La jeune femme lui adressa un grand sourire, buvant une nouvelle gorgée de sa boisson. Alors qu'il lui avait retourné la question, Tahlia lui avait fait un bref état des lieux de sa vie. Qui semblait bien plate à côté de celle de CJ. Pourtant, les paroles du jeune homme la firent sourire. "C'est vrai, chacun trouve son bonheur à sa façon. Mais je t'avoue que le trouver en faisant le tour du monde est une chance incroyable. Ne perds jamais ton côté nomade, CJ. Conseil d'amie." Même si Tahlia aimait profondément son train de vie, elle n'oublierait jamais son année sabbatique. Voir d'autres pays, d'autres cultures étaient enrichissants. Au contact des autres populations, Tahlia avait grandi, tout en gardant une touche de folie et d'insouciance. C'était peut-être cela qui lui manquait le plus aujourd'hui. Alors que son téléphone vibra pour la énième fois, la jeune femme daigna enfin lire ses textos. Ses amis commençaient à s'impatienter. Alors qu'elle redressa le regard vers CJ, elle lança : "Il va falloir que j'y aille. Mes amis se demandent où je suis passée." Elle esquissa un léger sourire et se releva, en rassemblant ses affaires. "On a prévu de se faire un petit feu de camp sur la plage. Un truc simple, bon enfant. Tu veux peut-être venir ?"

Spoiler:

Rien qu'à t'entendre en parler, tu revoyais les images s'afficher dans ta tête, doucement, et te donnant l'envie d'y retourner. Tu le ferais probablement, mais pas maintenant. Tu avais encore la vie devant toi. « Je te dirais bien de foncer, mais un voyage au Japon est un voyage qui se doit d'être préparé, c'est tellement la folie et il y a tellement de choses à voir, qu'il faut savoir faire un programme sinon ça part dans tous les sens ! » tu en avais un peu fais les frais en voulant faire ça à l'arrache, comme tu avais souvent l'habitude de faire. Et tu avais traversé la ville trois fois, tu t'étais perdu, retombant sur tes pas et visitant toujours les mêmes choses puis tu avais pris les choses en main pour rattraper ce long séjour. Heureusement que tu avais pu y passer quelques semaines. « Je tâcherais de ne pas l'oublier. » Tu aimais trop voyager pour rester quelque part. Et même si tu te posais un moment, tu finirais pas trouver un moyen de t'évader, en prenant des vacances, en faisant en sorte de découvrir la fin du monde, il était vaste et bougeait à chaque seconde que tout pouvait changer en un seul battement de cils. « Peut-être une autre fois. Il se fait tard et demain, j'ai vos courriers qui comptent sur ma forme pour ne pas être perdus ou mal livrés ! » Tu n'étais pas tellement fatigué pourtant, mais tu savais que si tu ne dormais pas, tu serais un vrai zombie demain, et tu ferais sûrement n'importe quoi. En tant que fonctionnaire pour la ville, tu te devais d'être sérieux. « Mais ce fut un plaisir de te revoir Thalia. » Tu te levais pour faire deux pas vers elle, deux petits pas, presque tu avais reculé pour pouvoir les avoir à peu près à distance égale. Ridicule, mais tu haussais les épaules, ça t'étais bien égal. Une fois face à elle, tu lui fis la bise. « Bonne fin de soirée à toi ! » Tu lui offrais un ultime sourire avant de te retourner, de compter tes pas et de disparaître parmi la foule. Une sourire satisfait sur les lèvres, tu étais vraiment heureux de l'avoir vu. Elle t'ouvrait un peu les yeux, tu avais vraiment mal agit avec elle et elle ne méritait pas ça. Aucunes femmes ne méritaient quoique ce soit de la sorte et tu veillerais à être moins un connard la prochaine fois.

Spoiler: