Règle numéro 1 : ne jamais coucher avec le marié.

La journée avait été longue et intense. En l’espace de deux semaines j’avais récolté pas moins de quatre contrats : l’anniversaire d’une gamine de seize ans, une baby shower, une soirée d’entreprise et surtout le mariage d’un couple que je trouvais tout à fait charmant. Lou St-Vincent et Lennox Nowakowski me donnaient envie de créer des merveilles et accessoirement de me marier tant ils ne faisaient aucun doute que l’amour existait entre eux. Mais ça c’était une autre histoire. Et au vu de mes dernières aventures, j’étais carrément loin de ce cas précis.

A vingt-heures trente, je quittais enfin mon bureau afin de rejoindre le domicile de mon père. Depuis quelques temps déjà, il fréquentait une femme, qui plus est mère d’un de mes possibles clients. Je n’étais pas pour le mélange entre vie privée et vie professionnelle, encore moins lorsque ça concernait mon père. Autant dire que j’étais loin d’être heureuse. Connaissant mon père, je m’attendais à une rupture imminente qui se répercuterait sur ma vie pro.
Bref, ce soir, je devais dîner avec le « couple » et cela ne me disait rien qui vaille. Une vingtaine de minutes plus tard, ayant échappée aux embouteillage, j’arrivais à destination. La maison de mon père était loin d’être repoussante et bon nombre de femme qui passait par là avait du mal à quitter le cocon. Ce qui, inévitablement, me poussait à les détester toutes. Malgré tout, j’affichais mon plus beau sourire et pénétrait dans la maison de mon enfance.

- Papa ? Je suis là ! dis-je en claironnant.

Au lieu de la voix grave et profonde de mon paternel, la voix un peu plus aigu et quelque peu désagréable à mon oreille de Madame Winchester me répondit.

- Nous sommes dans le salon Noa.

Je levais les yeux au ciel, pas vraiment satisfaite de cette utilisation du « nous » comme si elle était en terrain conquis. Malgré tout, je rejoignais mon père et sa copine. Serrant mon père dans mes bras, je restais les bras ballants face à ma belle-mère du moment. Cette dernière semblait, tout comme moi, incapable de choisir la bonne chose à faire. Finalement elle opta pour une poignée de main avant de m’inviter à m’installer sur mon propre canapé.

Les minutes qui suivirent furent les plus longues de ma vie. Outre le fait que madame Winchester se considérait comme la maitresse de maison, elle ne cessait de parler d’elle. Elle et son travail, elle et son fils, elle et le mariage de son fils. Elle et le mariage annulé de son fils et « tiens d’ailleurs, nous vous avons jamais recontacté car mon idiot de fils a eu l’indélicatesse de tromper sa future épouse, cet idiot ! ». Car oui, le deuxième sujet préféré de cette femme c’était son fils. Son fils qui a eut l’audace de coucher avec « la première trainée du coin qui se moquait de fiche un mariage en l’air ».

Sur cette dernière anecdote , je faillais m’étouffer mais ma toux passa totalement inaperçue notamment parce que la sonnette de l’entrée nous annonçait l’arrivé d’un nouvel invité.

Quelles étaient les probabilités pour que je couche avec un homme marié ou dans le cas présent un homme fiancé ? E réalité, ce n’était pas si rare que ça. Certaines filles se moquaient totalement de « ça ». Mais pas moi. Je n’étais certes pas bouddhiste mais je croyais au karma, au revers de la médaille, au coup du sort, bref vous voyez le genre.
Aussi quand cette fille bafouée nous avait découvert au lit, son fiancé et moi, je n’avais eu de cesse de me demander quelle serait ma punition divine. Ça m’avait travaillé. Tant et si bien que je m’attendais toujours à voir le ciel me tomber sur la tête.
Et apparemment ce jour était arrivé. J’avais manqué de m’étouffer en entendant la campagne de mon père. Je crus faire une crise cardiaque lorsque son fils apparu devant moi. Comment avais-je réussir le tour de force de ne pas percuter. Aaron, le fils qui avait fichu en l’air son mariage. Le fils qui avait couché avec une trainée. Mais c’était MOI la trainée !

Oh. Mon. Dieu.

Qu’est-ce que j’allais faire ? Dire la vérité ? Faire comme si de rien n’était ? Mon cerveau semblait surchauffer tellement je réfléchissais à toute vitesse. Aaron lui semblait parfaitement détendu. Après avoir serré la main de mon père, ce dragueur de pacotille afficha un sourire colgate, style magasin de mode, et s’approcha de moi. Sa main posé sur mon coude, il se rapprocha de moi avant de me faire la bise, comme si de rien n’était.

- Enchanté Noa…
- De même, dis-je sur la défensive.

J’avais envie de le gifler, de lui envoyer un truc sur la tête ou de lui réduire en miette ce qu’il avait dans le pantalon et qu’il ne semblait pas maitriser.

- Venez vous asseoir, dit mon père, totalement indifférent au drame qui se jouait dans ma tête et entre Aaron et moi.

Je suivais le mouvement et m’installais sur un fauteuil, mon père préférant s’asseoir sur le canapé à côté de sa dulcinée. Berk. Aaron s’installa sur le fauteuil qui me faisait face mais je préférais regarder le mignon et dégoutant petit couple que cet homme, ordure, crétin et tout autre qualificatif qui pouvait lui convenir.
Je n’écoutais pas vraiment la discussion qui se jouait jusqu’à entendre mon prénom.

- Nous nous sommes rencontrés à la sortie du bureau de Noa. J’étais venue me renseigner sur les prix qu’elle pratiquait pour ton mariage Aaron, d’ailleurs je les trouve un poil trop élevé au vu de ton expérience, et puis Jack est arrivé. Il venait voir sa fille. Nous nous sommes bien entendu immédiatement. Il m’a d’ailleurs convaincu de donner ta carte à ma belle-fille, Noa. Enfin mon ex belle-fille.

Génial. Je foutais un mariage en l’air et en plus je me tirais une balle dans le pied pour les affaires. Oh et apparamment, au vu de mon expérience, mes prix étaient trop élevés. Telle mère, tel fils. Deux têtes à claques.

- Heureusement que tu étais là papa. Même si mes prix ne semblent pas convenir.

Moi, mal élevé ? Si peu. Sans un mot de plus, je décidais de me lever pour aller dans la cuisine. Chaque fois c’était la même chose. Mon père tombait sous le charme d’une idiote, qui se permettait de me critiquer. Enervée par elle, par son fils, par mon père  et par la situation, je cherchais sans succès un verre.

- Cool ! Elle a déjà marqué son territoire. Et ça sert à rien de discuter, je ne présenterai pas mes excuses dis-je, presque en criant, tandis que quelqu’un pénétrait dans la cuisine.

Est-ce que j'étais du genre à mériter le gourou du ciel ? Peut-être que plus jeune j'avais été une horrible personne sans réellement m'en rendre compte ? Sinon comment expliquer cette soirée ? Entre ma "belle-mère" et son fils avec lequel j'avais couché, c'était la cerise sur le gâteau, le pompom sur la Garonne, la merde dans lequel j'avais mis le nez ! Et le pire dans tout ça, c'est qu'il, à savoir Aaron, semblait prendre un certain plaisir.

Qu'est-ce qui me faisait penser ça ?

Et bien, après ma remise à niveau dans la cuisine où j'avais espéré mettre les points sur les I et la barre sur les T, Aaron n'avait rien trouvé de mieux que de laisser sa main vagabonder sur mon genoux d'abord puis sur ma cuisse. Plus précisément sous ma jupe.
Ce mec était sournois. Pire encore mais je ne trouvais pas de mot adéquat pour le décrire. Peu importe. Même si je regrettais de m'être étouffée à moitié sans avoir pu lui planter la fourchette ou le couteau dans la main, je comptais bien me venger.

Le repas se passa sans réel autre soucis même si je sentais l'homme, que dis-je l'enfant installé à côté de moi, tout faire pour me mettre à mal entre coup de coude, de jambe, de mains sur la cuisse. Bien entendu, nos parents étaient dans un tel état "d'amourosité" qu'ils ne se rendaient pas compte le moins du monde du combat silencieux que je menais face à Aaron. Soit.

Lorsque tout le monde eut fini, je me précipitais pour débarrasser et me proposais même pour apporter le dessert. Sans même leur laisser le temps de réagir, j'emportais assiettes et couverts dans la cuisine. J'abandonnais le tout sur le comptoir puis ouvrait le frigo pour en sortir un magnifique gâteau, remplis de crème. Un petit sourire machiavélique peint sur le visage, je retournais auprès de la tablée non sans feindre un petit trébuchement qui eut pour effet d'envoyer le dit gâteau sur Aaron Winchester, le recouvrant ainsi généreusement de la génoise et de la crème qui allait avec.

- Oh je suis ... Désolée, dis-je, mimant à la perfection la carte des regrets.