looking back over the past ~ cj

Ce soir tu aurais pu te rendre au bar ou en boîte. Chasser, observer, draguer. Mais tu n'en avais pas envie, tu ne voulais pas t'enivrer la tête, et encore moins l'esprit. Pas d'alcool ce soir, pas de poison. Tu voulais avoir l'esprit clair pour réfléchir doucement sur ta vie. Elle était en sacrée morceaux, et plus le temps passait, moins tu avais l'impression que ça s'arrangeait. Elle avait volé en éclat et ne faisait que se fracturer d'avantage. Toi qui voulais juste essayer de te reconstruire ici, de reprendre un nouveau départ, tu le sentais te glisser sous les doigts. Pour faire le point sur ta vie, tu avais choisi la plage, pour marcher le long des vagues, compter tes pas doucement, et ne penser à rien d'autres. Enfin ça, ça aurait été possible, si la blonde devant toi, ne te rappelait pas quelqu'un. Tu devais en avoir le coeur net, alors tu pressais le pas, mais pas sans les compter. « Freja ? » avais-tu soufflé dans un murmure, peu sûr de toi. Encore un fantôme du passé. Cette ville savait les attirer comme un aimant. Il fallait qu'elles soient toutes présentes dans cette si grande ville. A croire que Bowen était un point attirant, que tout l'univers voulait que vous vous retrouviez tous là. Même si ce fantôme là était plutôt bon à prendre. C'était une relation particulière que vous aviez, sans sentiments. Jamais, à aucun moment. Mais une relation forte malgré tout.

Plus tu attends et plus les secondes sont vraiment trop longues à passer. Mais lorsqu'elle se retourne, tu sais que tu ne t'es pas trompé. Que c'est elle. C'est elle. Et lorsque son visage apparait enfin sous ton regard, tu te rappelles chaque moment passé avec elle. Elle avait changé, ses traits s'étaient un peu durci, faisant moins enfantin qu'auparavant. Elle était majeure maintenant, et ça restait un détail pour toi. Même si dans ton esprit tu essayais de faire rapidement le compte, pour savoir quel âge ça lui faisait aujourd'hui. Ton esprit s'embrouille et perd le compte dès le moment où son corps percute le tien. Tu écartes les bras pour la serrer dans une accolade. Approchant tes lèvres dans le creux de son cou. Pour respirer son parfum, pour laisser ton esprit vagabonder dans les souvenirs le temps d'une minute. « J'habite ici ! » lui glisses-tu sans plus attendre dans le creux de l'oreille. C'était ta maison, ton foyer. Pas celui où tu avais grandi, puisque tu était canadien de base, mais celui d'adoption. Tu avais passé 19 étés et moitié moins d'hivers, tu pouvais donc te considérer comme chez toi. « Et toi ? » Tu glissais ton regard dans le sien, attrapant sa main dans la tienne pour garder un petit contact, lorsque l'étreinte fut rompue. Tu n'y croyais pas, c'était encore trop beau pour être vrai. Freja avait toujours été un peu spéciale pour toi. Elle te faisait parfois penser à une petite soeur, si ce n'est que tu n'avais pas de rapport sexuels avec ta soeur. Cette idée te donnait envie de vomir, mais c'était pour mettre un peu de l'ordre dans ce que tu ressentais à son égard.

Elle vivait ici. Dans ta ville. Enfin c'était un peu présomptueux de dire ça, mais tu ne pouvais t'empêcher de te dire qu'elle avait pas fait ce choix par hasard. Le hasard n'existait plus tellement à tes yeux depuis que tu avais recroisé Juliet, Lou, et Jordan dans cette ville. La coïncidence était trop parfaite pour que ça en soit une. « Et pourquoi Bowen ? » avais-tu demandé, alors curieux de savoir pourquoi. C'était une ville intéressante, sur le bord de mer, c'est vrai, mais ce n'était pas la plus connue, pas la ville qui attirait le plus de touriste. Pour ça il y avait Sydney, ou Canberra. Tu remarquais d'ailleurs que tu n'avais même pas réagit à sa question à elle. Tu te reprenais avant qu'elle puisse te donner sa réponse. « Une semaine, deux tout au plus ! » Tu n'avais pas compté les jours. Tu ne voulais pas le faire parce que ça servait à rien, mais tu en avais une idée précise puisque tu avais rencontré presqu'une personne chaque jour et que si tu cherchais un peu, tu pouvais te faire une idée de ta date d'arrivée en ville. Mais au moins tu savais que tu n'avais pas passé plus d'un mois dans cette ville, sans jamais la croiser. Deux semaines ça semblait encore raisonnable. Et c'était une rencontre du hasard, mais la prochaine serait planifiée. Tu comptais bien la revoir, maintenant que tu l'avais retrouvée.

Sa réponse restait pour le moins surprenante. Elle ne voulait pas aller à Sydney parce que c'était une trop grande ville. Elle voulait du calme et de la solitude. Ce n'était pas à Bowen qu'elle risquerait de croiser une émeute, ou alors pas plus de 10 personnes dedans, autant dire qu'elle risquait pas grand chose ici. C'était peut-être ce qui faisait de Bowen, une ville charmante. « Tu sais à part Sydney et Canberra, tu avais l'embarras du choix pour trouver une petite ville proche du littoral où il y a de vrais australiens » lançais-tu, encore amusé de sa réponse. De vrais australiens, pour de vrai ? C'était une réponse assez rare. On ne venait pas souvent pour rencontrer la populace, après tout, c'était quoi un vrai australien ? Qu'est-ce que ça voulait dire, concrètement ? Ils avaient juste ce petit accent quand ils parlaient anglais, mais après, ça restait des personnes humaines, comme elle, comme toi. Rien de bien particulier à tes yeux. « Moi ? Je venais ici quand j'étais gosse, tous les étés, mon grand-père était australien, on avait nos habitudes. » Tu réalisais après coup que tu avais dis le mot "grand-père" sans grande difficulté. Toi qui avait longtemps mis du temps à réaliser qu'il n'était pas ton père. Qu'il n'avait pas ce rôle de nom, mais qu'il le détenait quand même parce qu'il t'avait élevé comme son propre fils. Tu passais rapidement sur ce que ça te faisait pour répondre à sa question. « J'ai trouvé une petite colocation, j'suis le facteur de la ville, enfin, pas le seul parce que la ville est trop grande pour que je la gère seul ! » Tu riais doucement. Tu divaguais, tu te perdais dans un flot de parole inutile. Mais tu étais encore sécoué, encore confus de la trouver là. Elle était bien plus jolie que dans ton souvenir. Avec le temps, les images que tu avais d'elle s'estompaient à mesure que le temps défilait.

Tu l'écoutais raconter son histoire d'aéroport, de nom sur un panneau, souriant bêtement. Elle avait choisi cette ville au pif. Rien qu'au pif. Parmi toutes les villes australiennes qui se trouvaient sur la côte, elle avait choisi la tienne. Celle où tu venais. Comme si elle s'était installée là en ayant l'espoir de te voir revenir un jour vers elle, sans même le savoir. Tu ne savais pas si c'était vraiment comme ça, probablement pas vu sa réaction lorsque tu avais annoncé que tu avais eu de la famille ici. Mais tout de même, le destin était bien fait parfois. « Je ne sais pas si elle est faite pour toi, mais je sais que tu as fait le bon choix ! » ajoutais-tu en souriant. Elle était si belle maintenant. Quand tu l'avais connu, ce n'était encore qu'une enfant, aujourd'hui elle semblait plus adulte, plus mûre et ça te faisait plaisir de la retrouver comme ça. Tu avais eu un peu peur en la quittant à l'époque, parce que tu sentais bien qu'elle comptait beaucoup sur toi, mais elle semblait s'en être remis. « C'est un peu compliqué comme histoire, mais je suis content de retrouver ici, ça me fait tellement plaisir ! » Elle serait une alliée de plus pour toi dans cette ville. En même temps, tu ne l'avais pas quitté sans un mot elle, tu l'avais prévenu et même si ça faisait six années que tu étais parti sans même lui donner un signe de vie, elle semblait ravie de te voir. Ravie de pouvoir compter à nouveau sur toi, comme si vous aviez à nouveau 20 ans, comme si vous pouviez retrouver votre complicité d'antan. « Elles sont mignonnes, l'une un peu timide et l'autre un peu folle, mais ça va. » Aino te faisait un peu peur. Et Lola était charmante mais un peu timide. Elle sortait d'une relation compliqué si tu avais bien compris.

Elle semblait espérer autant que toi de nouvelles rencontres. Elle pouvait compter là-dessus. Tu avais hâte d'en savoir plus, de découvrir sa vie ici, de connaître les relations qu'elle avait pu développer au fil du temps. De toute connaître d'elle, à nouveau, de découvrir la Freja australienne. Qui était encore plus attrayante que le Freja norvégienne, même si vos nuits dans les Fjords ne pourraient pas être égalées ici. « Crois-moi, cette ville est bien trop petite pour que ça n'arrive pas. On fait des rencontres surprenantes parfois, même ! » Tu lui fis un clin d'oeil, amusé en repensant à elle. Ou à Lou. Toi qui les avait connu de l'autre côté de l'océan, le retrouver là, toutes les deux te laissait penser que la ville était bien trop petite et qu'il y aurait d'autres surprises. Évidemment elle ne serait pas toutes aussi bonnes mais avec le temps, elles pourraient l'être. Comme si Bowen était le point de destination des voyageurs perdus, en recherche d'un coin paradisiaque où se poser. « Hé bien je suis allé en Asie, je l'ai fait en long, en large et en travers. Je suis retourné en Amérique, un peu en France aussi, c'est un pays que j'affectionne beaucoup. En 6 ans, j'ai presque tout vu. » Il restait encore des paysages inconnu, comme l’Antarctique, parce qu'il n'y avait pas de ville où vivre, ni rien pour survivre, mais tu prendrais le temps de te préparer un jour et tu t'y poserais quelques semaines. Et puis la Corée du Nord aussi parce qu'avec les censures, les limites, la fermeture des frontières, c'était encore un pays difficiles d'accès, comme certaines provinces chinoises.

Encore des projets de voyages ? Sûrement, tu repartirais bien dans certains endroits, comme le Japon ou le Chili. Tu t'étais beaucoup plus dans ces endroits, dans ces univers différents d'ici et tu y remettrais bien les pieds. Tu n'avais juste pas décidé de quand. Ce qui te laissait pas mal de temps pour réfléchir, mettre le projet en place, et puis peut-être partir accompagné cette fois. Qui sait ? Tu verrais bien par la suite. A vrai dire, pour maintenant tu ne cherchais pas à élaborer de plan, tu prenais la vie comme elle venait. « Pour le moment j'ai prévu de rester, de me poser un peu peut-être le temps d'un année, peut-être moins. » Rien n'était sûr pour toi. Tu ne voulais pas trop t'avancer, mais toi qui avait voyagé un peu partout, ça te ferait étrange si tu restais à jamais dans la même ville. Pour le moment, tu n'avais pas d'attache, pas de point d'ancrage, mais peut-être que les choses seront différentes dans l'avenir. Tu ne voulais pas parler trop vite. « Et toi alors, que deviens-tu ? » demandais-tu doucement, en lui offrant un grand sourire. Curieux d'en apprendre plus sur sa vie, sur ses choix depuis son départ. Et même sur son départ, il y avait bien quelque chose qui avait du la motiver à quitter la Norvège et tu étais bien asse désireux d'en connaître la raison.