welcome to the new age -r.

La réponse de CJ le laisse perplexe. Se pourrait-il qu'il lui mente, ou bien était-ce Jordan qui lui a caché pendant tout ce temps son vrai prénom pour il ne sait quelle raison ? Alfie ne remarque pas son regard interrogateur, le sien est perdu dans le vide, à réfléchir à la question. Son attention finit par se porter sur elle, semblable à une princesse dans les bras de son sauveur. Il lui demande comment lui l'appelle et, sur le coup, la question paraît tellement ridicule aux yeux d'Alfie. « Bah, Jordan, » répond-t-il comme si la réponse était évidente. Peut-être qu'elle fait ça avec tous les hommes qu'elle rencontre, leur donner un faux prénom afin d'éviter qu'ils ne la retrouvent. Sauf qu'il trouve ça tellement bizarre, l'avoir appelée Jordan alors que ce n'est sûrement pas son réel prénom. Et CJ a l'air sérieux, il n'a pas l'air de mentir pour se moquer de lui. Ne sachant pas où Jordan habite, il se contente de le suivre à travers les rues jusqu'à une maison, au moins dix fois plus grande que son propre appartement. Il s'approche de la porte d'entrée et fait aller la poignée. Fermée. « Je suppose qu'elle a la clé sur elle. » Il ne sait plus comment l'appeler, alors il se contente d'un simple elle.

Jordan. Ce nom sonnait étrange à tes oreilles. Tu ne comprenais pas, et tu ne pouvais pas te dire que c'était une farce, vu la façon dont il avait l'air perdu. Il avait eu l'air d'hésiter tout de même. Tu fronçais les sourcils, posant ton regard sur la châtaine. « Je.. Étrange. » Plus que quelques mètres et vous serez à l'abri. Tu pourrais la poser dans son lit, le coucher, lui dans le canapé. Et prendre une chaise pour t'asseoir à son chevet. Elle te faisait une frayeur ce soir, et ton coeur ne s'était pas encore calmé de toutes ces émotions. Tu esquissais un sourire en l'écoutant parler. « Il y a une clé de secours, je n'ai pas spécialement envie de fouiller dans son sac. » Tu lui indiquais de la tête la statue de tortue qui se trouvait sur le rebord de la fenêtre, sous son ventre, il y avait une accroche pour une y cacher une clé. La clé de secours en l'occurrence. Tu la remerciais mentalement pour t'avoir donné ces détails l'autre jour. Il déverrouilla la porte, et tu l'emmenais sans plus attendre dans son lit. Ou du moins dans le premier lit que tu trouvais, sans même savoir si c'était sa chambre ou non. C'était sa maison après tout, donc c'était plus ou moins sa chambre. Peut-être pas l'officielle, mais tu n'allais pas faire le tour de la maison pour savoir ça. Ce n'était qu'un détail.

Même si il ne le laisse pas transparaître, Alfie est sur ses gardes. Il ne connait pas CJ, et il ne lui fait donc pas confiance. Cependant, il n'est pas assez proche de Jordan pour avoir le droit de le jeter et s'offrir le droit de s'occuper d'elle par lui-même. Il ne s'attarde pas plus longtemps sur ce mystère de prénom et entre dans la maison de la demoiselle. Celle-ci est, comme le laisse sous-entendre l'extérieur, immense. Chaque pièce semble correspondre à un appartement entier, et lui fait repenser à cette demeure de riche dans laquelle il a grandi. Les deux garçons entrent dans une pièce au hasard et Alfie regarde CJ la poser sur un lit. Il ne sait pas quoi dire. Il est là, bras croisés contre son torse, appuyé sur la chambranle de la porte. Il le regarde lui, pas elle. Petit à petit, il prend conscience que ce CJ, celui qui méprisait pourtant sans raison, a l'air d'un gars... bien. Pas comme lui. Il est responsable, pas comme lui. Mature, pas comme lui. Intérieurement, Alfie soupire et rêve de se plonger dans la solitude de ses draps vides. « Et toi CJ, comment tu la connais ? » Il s'était perdu dans ses pensées, mais a fini par relever la tête vers lui. Même si la réponse ne l'intéresse qu'à moitié, Alfie se dit que c'est peut-être un moyen de savoir si, oui ou non, ce type est vraiment fiable. Il a vécu avec des menteurs, il sait reconnaître lorsque quelqu'un lui raconte des cracs. Il discerne chaque changement dans le regard, la voix, il a toujours été très attentif pour ce genre de détail. Et même si il ne devrait pas s'attarder autant sur la sécurité de Jordan, il ne peut pas s'empêcher de se sentir coupable. C'est à cause de lui si ils sont sortis, sa faute si elle est dans cet état. Et puis, même si il ne se l'avouera même pas à lui-même, il a du mal à l'imaginer dans une chambre avec un autre type.

Tu remontais le drap jusqu'à ses épaules, reculant d'un pas puis deux. Tu n'avais pas grand chose à faire de plus dans cette chambre. Tu detournais le regard pour t'intéresser à lui. Pour le regarder plus en détail. Tu sentais bien sur son visage que tu pouvais lire de l'inquiétude. Ca ne devait pas être un simple coup d'un soir comme tu avais pu le penser un peu plus tôt dans la soirée. Peut-être un de ses amis proche, peut-être qu'il était comme toi. Qu'il tenait ton rôle auprès d'elle quand tu ne pouvais pas être là. Tu ne savais pas trop et ce n'était pas lui qui pourrait répondre à cette question. Tu n'avais pas vraiment qu'il rentre dans les détails de sa relation avec elle, ça ne te regardait pas. « Je l'ai connu au Canada, avant qu'elle vienne ici. Avant que je reparte faire mon tour du monde, quelques mois encore. » Tu l'avais mis de côté dans ta vie pendant un an. Mais tu avais partagé presque la moitié de ce temps là avec elle. 6 mois au Canada, à vous chamailler, à vous disputer, à vous apprécier sous différentes manières. A lui faire apprécier la vie de manière simple. Elle s'était un peu livrée à toi, sans pour autant tout te dire. Sa famille avait l'air bien trop complexe pour qu'elle puisse te la décrire en un mot, mais tu avais su en deviner une partie. Tu t'approchais de lui pour sortir de la pièce. Elle semblait dormir paisiblement, et tu serais juste à côté au cas où, pas besoin de se tenir au bord du lit. « Tu devrais dormir un peu, t'as une mauvaise mine. » ajoutais-tu simplement. Tu ne cherchais pas à le virer, mais vu son état, tu te faisais un peu de soucis pour lui aussi. Après tout, lui aussi aurait pu être drogué ce soir, il aurait pu prendre le verre de Naxa et se retrouver dans le même état. Ce n'était peut-être pas ton pote, mais tu étais un peu trop soucis des autres pour t'en n'en avoir rien à foutre.

Ils se connaissent donc depuis longtemps. C'est bizarre, contrairement à CJ, il n'a jamais reconnu l'accent du pays dans la voix de Jordan. Le canadien s'approche de la porte sur laquelle Alfie est appuyé, et ce dernier s'écarte pour le laisser passer. « Toi aussi t'aimes voyager. » C'est plus une remarque qu'une question. Alfie aussi a beaucoup bougé dans sa vie, mais il n'a jamais abandonné qui que ce soit dans un des pays qu'il a visité. Si, une seule. Sa petite soeur. Il efface vite fait cette pensée de son esprit et le suit à travers la maison, laissant Jordan se reposer dans son grand lit. Il la regarde une dernière fois par-dessus son épaule et, malgré ce qu'il s'est passé, aimerait rester à ses cotés. Sauf qu'il ne le peut pas, et qu'il n'est même pas certain que cela ravirait ni CJ, ni Jordan. Il se souvient encore parfaitement de tout ce qu'elle a pu lui dire sur ces marques d'affection qu'elle n'aime pas, et ce regard qu'elle lui a lancé à la soirée de Lily alors qu'il n'avait fait que poser ses mains sur ses hanches. CJ le sort de ses pensées en lui proposant d'aller se reposer, lui aussi. Peut-être, ce serait raisonnable comme idée, il est épuisé après tout. « Je vais bien, je t'assure. Puis je préfère être réveillé si il se passe quelque chose. » Sa voix se fait beaucoup moins froide, et il commence même presque à avoir de la sympathie pour lui. Sauf qu'Alfie ne choisit jamais les bonnes solutions, et il préfère rester debout afin d'éviter quelconque incident. Quitte à s'endormir sur une chaise.

Sa remarque avait sonné comme un reproche. Ou peut-être que tu l'avais imaginé comme ça. Tu n'aimais pas la façon dont tu l'avait entendu, ni ce que ça pouvait sous-entendre. A croire que c'était une mauvaise chose de vouloir vivre et découvrir le monde. Certes, tu n'avais pas toujours bien agit parfois, mais Naxa était une des rares à qui tu avais dit que tu allais repartir. Tu ne t'étais pas enfuis du jour au lendemain sans lui laisser la moindre explication. Elle le savait, elle savait tout ou presque de toi. Tu n'avais jamais eu aucun secret pour elle, c'est peut-être pour ça que tu te sentais aussi attaché à elle. « J'aimais ça. Je crois que j'avais besoin de me retrouver un peu, de retrouver mes racines, si je puis dire. » Tu t'étais senti obligé de te justifié. Même si tu n'avais rien à prouver à cette réplique parfaite de Ken. Tu sortais de la chambre sans plus attendre, pour aller dans le salon qui se trouvait juste à côté. Il ne semblait pas vouloir se reposer, comme s'il avait peur qu'elle s'évapore. Tu eus l'idée de retourner le canapé pour qu'il puisse donner une vue sur la chambre et tu te laissais glisser dedans. « Viens t'asseoir au moins, on est à moins de trois mètres de sa chambre, vu son état, elle risque pas de s'enfuir, et tu pourras l'entendre, si elle t'appelle. » ajoutais-tu doucement. Au moins, il serait assis un peu. Il allait finir par s'endormir debout contre le cadran de la porte et pour peu qu'il ne tienne pas la position, il finirait pas tomber et s'éclater la gueule. Tu n'avais pas envie de l'emmener à l'hôpital, alors au moins qu'il vienne s'asseoir. Après s'il malgré tout ça, il refusait, tu n'allais pas insister. Tu n'étais pas sa mère non plus.

De plus en plus, Alfie baisse les armes. Il ne pense pas à devenir son meilleur pote non plus, mais il pourrait presque finir par ne pas détester cet  homme. La remarque sur les voyages n'était pas un reproche, elle était plus pour lui une réflexion prononcée tout haut, une constatation. Finalement, peut-être qu'ils ne sont pas aussi différents qu'Alfie se l'est imaginé. Il se justifie, comme si il avait mal pris les quelques mots prononcées par le brun. Alfie ne lui répond pas tout de suite, il le regarde s'installer et ne réfléchit pas longtemps quand il lui propose de le rejoindre avant de venir prendre place à coté de lui. Sa réflexion lui tire un petit sourire, et il en profite pour poser sa tête contre le dos du canapé une fois assis. Il profite d'un court silence pour effacer toutes les pensées qui tournent sans cesse dans sa tête. Sur CJ, sur Jordan. Il les met une bonne fois pour toutes sur le coté avant de parler d'une voix beaucoup moins agressive que celle qu'il avait jusqu'à présent. « Tu sais, c'est pas vraiment mon genre d'assumer ce genre de responsabilité. » Il ne sait pas vraiment pourquoi il a dit ça. C'est sorti tout seul, comme si ces quelques paroles allaient suffire à justifier son comportement. Il parle sans regarder CJ, ses yeux perdus dans le vide. Il ressent la fatigue, mais pas assez pour réussir à s'endormir. « Moi aussi j'ai beaucoup voyagé. Pendant cinq ans, j'ai parcouru le monde. J'ai jamais vraiment eu d'attache, et encore moins de concurrence. » Alfie lève enfin les yeux vers son interlocuteur et sourit à nouveau d'un léger rictus qui soulève à peine le coin de ses lèvres.

Il avait fini par craquer, s'installer à côté de toi. C'était sûrement le fait qu'il puisse accéder à la porte qui l'avait motivé. Tu ne savais pas et ce n'était pas vraiment le genre de question que tu allais poser. Au fond, tu t'en foutais un peu. Il était assez grand pour se gérer tout seul, tant qu'il ne faisait pas une espèce de coma ou quoique ce soit d'autres. Tu posais ton regard sur lui, fronçant les sourcils en te demandant pourquoi tu avais le droit à une telle confession. Ce n'était pas non plus le genre de chose à dire. Si tu n'avais pas été là, qu'aurait-il fait ? « Et pourtant, t'es encore là, à ce que je saches. Les gens changent parfois. » ajoutais-tu, en haussant les épaules. Au fond, il avait eu l'occasion de se barrer, de ne pas se soucier de ça et pourtant, il était resté. Il t'avait demandé conseil et t'avais donné des directives. Alors peut-être que pour elle, il serait prêt à plus. Et cette pensée te décrochait un sourire. « De concurrence ? » Tu arquais un sourcil. Pas tellement sûr de comprendre si c'était bien à elle, et à ta relation avec elle qu'il faisait allusion. Si c'était le cas, il étais à côté de la plaque. Mais genre, vraiment. Tu n'avais jamais imaginé plus que ça avec elle, et même si c'était une très belle femme, avec un cœur bien caché, elle avait toujours été comme ta sœur. « Si t'en pinces pour Naxa, t'as rien à craindre de moi. Mais saches que c'est pas le genre de filles à ressentir les choses aussi facilement. » Tu esquissais un fin sourire sur le visage. Tu ne pouvais pas dire qu'il avait choisi la facilité. Clairement, il allait devoir batailler pour qu'elle s'ouvre à lui, pour qu'elle lui fasse confiance, comme elle le faisait avec toi. Vous aviez eu des mois avant de pouvoir établir une vraie relation, une vraie complicité. Tu lui souhaitais bien du courage, et surtout qu'il s'accroche. Elle en valait la peine.

Sa réflexion le fait réfléchir. C'est vrai, il est encore là. Mais de là à dire qu'il a changé ? Alfie n'irait pas jusque là. D'ailleurs, il ne saurait même pas dire pourquoi, en réalité, il est encore là. À parler avec CJ pendant que Jordan dort, totalement hors de danger. Il ne le sait pas. Plutôt que de lui répondre, il se contente de hausser les épaules, mais ne peut s'empêcher de faire tourner cette phrase dans sa tête. Il ne voit pas en quoi il est différent du gars stupide qu'il a toujours été. Il agit sans réfléchir, il ne pense pas aux conséquences de ses actes, et il n'assume jamais aucune responsabilité. Sauf qu'il est encore là. Peut-être que CJ a raison, les gens changent, parfois. Mais cela s'applique-t-il à Alfie également ? Lui qui n'y a jamais cru, voilà qu'il se met à douter. La suite de ses paroles suffit cependant à le ramener sur Terre. « En pincer pour elle ? » Il ne peut s'empêcher de lâcher un rire nerveux. Oui, nerveux, parce que la question l'a pris de court. Il ne s'y attendait pas, et ça lui a fait l'effet d'une fléchette plantée en plein cœur. « Je n'en pince pas pour elle. On s'est vus plusieurs fois. Beaucoup de fois même. Mais rien de sérieux. Non. » Il évite son regard. Jamais Alfie n'en a pincé pour qui que ce soit, encore moins pour une fille déjà attachée à un garçon et qui semble porter sur les épaules des secrets bien trop compliqués pour le pauvre esprit irréfléchi d'Alfie. Pendant plusieurs secondes, il regarde ses pieds sans savoir où se mettre. Sérieusement, comment peut-on croire qu'un type comme lui peut en pincer pour une fille comme elle ? Sa tête se met à tourner, et il se lève d'un bond hors du canapé. « Je vais prendre l'air, » souffle-t-il avant de s'éloigner vers la porte d'entrée.

( HJ : on l'arrête ? sauf si une de vous a de l'inspi de la mort )