work & maybe more -r.

Nouvelle journée, grosse journée. Tu avais des clients à la pelle, des enfants en particulier. C'était la semaine de prévention, alors tu t'occupais de faire des premiers rendez-vous pour voir l'état des dentitions. Avec la fête de la Mangue, il y avait beaucoup de sucre qui pouvait circuler en ville et il fallait rester prudents, les caries arrivent bien trop vite. Tu sortais de ta salle d'opération pour te diriger vers l'accueil. Tu allais voir ta nouvelle réceptionniste médicale. Depuis le temps que tu en cherchais une, tu étais ravie d'en avoir trouvé une compétente et en plus de ça, adorable. Tu ne choisissais pas tes employés en fonction de leur physique, mais celle-là quand tu l'avais vu, tu avais eu envie de l'inviter à dîner. Tu t'étais dit que lui offrir le poste pourrait t'aider en retour à peut-être avoir un rendez-vous avec elle, par la suite. Enfin, si elle était de ce genre là et si elle était intéressée. Ce n'est pas comme si c'était inscrit sur son CV. « Bonjour Milan ! » Tu ne pouvais retenir le sourire qui voulait à tout prix être sur tes lèvres. Tu passais derrière elle pour jeter un coup d'oeil à ton agenda, voir avec qui tu avais rendez-vous. Une fois le nom du nouveau patient en tête, tu repassais de l'autre côté pour lui faire à nouveau face. « Ta première journée se passe bien ? » demandais-tu doucement, un fin sourire aux lèvres. Tu posais une main dans tes cheveux, ne la quittant pas une seconde du regard.

Tu prenais ta première pause depuis le début de la journée, tu aurais pu en profiter pour aller prendre un café mais l'idée avait été moins alléchante que de tourner autour de ta nouvelle secrétaire médicale. Elle te faisait de l’œil avec son prénom qui te donnait des rêves d'Italie et son regard de biche. Et le son de sa voix, tu aimais l'entendre, chaque mot c'était un vrai régal pour toi. Elle aurait pu t'appeler Dr Sawyer, mais elle avait choisit Chef. Tu trouvais ça amusant même si ça ne te plaisait pas vraiment et tu ne manquais pas de le lui faire remarquer, tout en douceur, évidemment. « Tu peux m'appeler Tiffany tu sais, chef c'est un peu trop formel pour moi » déclarais-tu un sourire sur les lèvres. Coquine va. Le fait de t'appeler par ton prénom permettait de créer une certaine proximité, qui tu l'espérais, finirait par la rapprocher de toi. Et pas juste en tant qu'amie ou collègue. Tu voulais plus, bien plus. Et tu n'avais pas honte de penser à ça en plein pendant le boulot. Au contraire, ça t'occupait l'esprit, et ça te donnait une motivation pour trouver des idées afin de mettre ton plan en marche. Elle te remerciait de demander et tu en profitais pour rester à son comptoir cinq minutes encore. De toute façon, tu n'étais pas en retard et encore moins pressée. « Les enfants ne viennent pas trop t'embêter ? Ce sont de vrais petits monstres parfois et pour une première journée ce n'est pas toujours facile d'en gérer autant ! » Tu jetais un coup d'oeil en arrière pour les observer. Quand tu étais de sortie, ils étaient sages, comme s'ils avaient peur de toi. Mais tu n'étais pas sourde, tu pouvais les entendre parler, brailler et parfois crier de l'autre côté de ta salle d'opération. Souvent, ça te faisait sourire c'est vrai, tu avais l'habitude et tu avais un peu oublié de la prévenir, tu n'avais pas trouvé ça utile. Sans prendre en compte son avis et sa personne, si elle avait eu un vrai problème avec ça, ça aurait été la catastrophe, pourtant, là, elle te souriait.

Elle s'y refusait. Elle était catégorique là-dessus et ça te rendait un peu triste. Enfin, non pas vraiment, il n'y avait pas de quoi être triste. Elle souhaitait garder une relation strictement professionnelle pour le moment et tu pouvais bien comprendre ça. Après tout, elle s'inquiétait pour son poste, rien de plus normal. Tu hochais la tête le long de son explication pour bien lui montrer que tu comprenais ses raisons. Il n'y avait pas de mal à ça, au fond. « Très bien, après tout c'est toi qui vois, mais dans ce cas utilise plus Dr Sawyer que Chef ou Madame, c'est un peu trop pour moi. » ajoutais-tu dans un sourire. Tu l'aimais bien, mais tu ne supporterais pas longtemps ces deux appellations. L'une trop formelle et l'autre te donnait l'impression d'être une vieille. Tu ne l'étais pas, certes tu ne rajeunissait pas non plus, mais tu n'avais pas passé le cap des trente ans, tu pouvais encore te faire appeler Mlle quelques années de plus. « Oh oui, les bonbons sont fabuleux ici, ça donne un sacré courage ! » Tu ponctuais son discours d'un petit rire. C'est vrai que tu avais oublié à quel point un enfant pouvait se montrer curieux, ou embêtant d'ailleurs. Tu n'avais pas trop l'habitude d'en avoir plus d'un à ton contact et lorsqu'il était avec toi, dans l'autre pièce, tu n'avais qu'à faire un petit sourire pour les effrayer. Ils n'osaient pas bouger, ni parler. Tu avais le sentiment d'être un bourreau des fois, alors que pour la plupart, ce n'était qu'une simple visite de routine et qu'en cinq minutes, le tour était joué. « Je comprends, ce n'est plus l'affaire que d'une petite heure, après ils seront tous partis et on aura des clients moins peureux. » Enfin, en règle général. Parce que parfois les gens avaient une peur bleue du dentiste. Regarde, toi tu en avais peur et tu en avais fait ta vocation. Comme quoi, c'était un fait amusant parfois.

Le ton était donné, c'était Dr Sawyer. Au moins c'était moins formel mais sans trop l'être. Ce n'était que ton titre professionnel, tu n'allais pas non plus lui dire qu'elle ne pouvait pas l'utiliser et l'obliger à t'appeler par ton prénom. Elle n'avait peut-être pas envie de faire du copinage avec son boss. Peut-être qu'elle avait peur. Pour toi, tu lui faisais du rentre dedans, et si ça marchait pas, elle pourrait avoir peur de présumées représailles. Ce n'était pas ton cas, mais elle ne le savais pas. Elle ne connaissait rien de toi, tout comme tu ignorais que c'était voué à l'échec puisqu'elle était en couple. « Moins mignon quand ils refusent d'ouvrir la bouche pendant plus de dix minutes et que tu dois marchander avec eux ! » C'était peut-être le moment que tu détestais le plus dans ces cas là, parce qu'il fallait que tu sois gentille et docile. Ce que tu n'aimais pas être devant un gosse, ce n'était pas lui qui était censé avoir le pouvoir, au contraire. « La promesse d'un bonbon change tout, comme si c'était le graal, c'est impressionnant comment ça fonctionne sur eux ! » ajoutais-tu doucement. Il ne fallait pas non plus qu'ils puissent t'entendre. Et puis tu avais déjà eu des enfants qui s'en foutaient d'en avoir un à la fin, parce qu'ils n'en mangeaient pas à cause de leurs parents. A ce moment là, c'était plus difficile de négocier quoique ce soit. Mais c'était peut-être les moins chiant, puisqu'ils avaient moins à craindre. « Tu râles à peine ! » Tu n'étais même pas sûre qu'elle ait dit quelque chose qui pouverait qu'elle râle. Pour toi, tout sonnait bien dans ta tête. C'était peut-être pour lui donner une bonne impression, ou peut-être parce qu'elle ne râlait pas et qu'elle avait juste le sentiment de le faire. Au fond, elle avait raison de râler aussi, si elle le voulait, tant qu'elle ne faisait pas peur aux patients, toi ça t'allait. « Bon, j'reviens vite ! » Tu aurais bien aimé passer ton temps à lui parler en la regardant dans le blanc des yeux mais tu avais des patients qui attendaient un peu après toi. Ça ne prendrait qu'une dizaine de minute et tu aurais une excuse pour revenir la voir très vite.

Tu l'écoutais parler d'elle, de son enfance, de ses visites chez le dentiste. Ce qui avait l'air de bien se passer. L'avantage de travailler dans un cabinet de dentiste, c'est qu'en tant qu'assistante, elle aurait le droit à des soins sans payer, et tu étais prête à t'en charger toi-même. Rien que pour passer un peu plus de temps avec elle. « Oui, pour moi aussi mais aujourd'hui, les enfants semblent plus frileux, plus peureux. » Sans vraiment comprendre pourquoi, tu haussais doucement les épaules. Les enfants que vous étiez étaient différents des enfants que tu avais. Et même vous vous deviez être différents de vos parents.  « Je tâcherais de ne pas oublier ! » Ça non, jamais de la vie. Tu aimais les petits détails comme ça, c'est ce qui te permettait d'avoir des petites attentions. Pour le moment, tu n'avais pas de chocolat, mais si tu voulais la surprendre, la séduire un jour, tu savais ce que tu pourrais faire. Pour le moment, tu devais t'en aller, un patient t'attendait et tu ne pouvais pas discuter infiniment. Tu l'emmenais dans l'autre salle, passant un petit quart d'heure avec lui. Puis ce fut le tour d'un autre et d'un autre. Tu aurais bien été dire deux mots à Milan, mais à chaque fois, elle était au téléphone. Tu ne voulais pas la déranger pendant qu'elle faisait ton travail, alors tu te contentais de lui glisser un léger sourire lorsqu'elle te regardait. Ce qui arriva qu'une seule fois. Tu fus un peu déçus, mais tu n'en laissais rien paraître. Après tout, tu devais être professionnelle, elle était ton employée et tu ne voulais pas agir comme une prédatrice, au contraire. Une fois la dernière enfant raccompagnée à la porte, tu te dirigeais sans plus attendre vers le bureau de Milan. « Tu as faim ? » demandais-tu en souriant. C'était sa première journée, pas question de la laisser seule dans un coin, de ne plus aller la voir. Au contraire, tu voulais passer le plus de temps à la découvrir, en long, en large et en travers. Autant profiter de la pause de midi pour ça.

Sûrement oui, pensais-tu en retournant vers ta salle. Le reste de la matinée était passée rapidement. Même pas trois enfants à t'occuper et pour une fois, ils n'étaient pas trop réticents à ouvrir la bouche, à se laisser faire. Tu ne faisais que jeter un coup d'oeil, plus vite ils ouvraient la bouche, plus vite ils pouvaient repartir. D'autant plus que tu n'avais rien vu d'inquiétants chez eux. Une fois de retour vers Milan, elle attrapait son sac et sa veste, s'exclamant qu'il était tant de rentrer chez elle. « Je t'invite à déjeuner, il y a un petit restaurant juste à côté qui propose des très bons morceaux de viande ! » Et pas question qu'elle refuse. Après tout, le repas était un moment essentiel, tu ne voulais pas qu'elle aille manger un petit sandwich ou une salade dans son coin, au contraire, tu voulais qu'elle profite d'un bon repas et toi tu voulais profiter d'elle. Au moins d'un moment en tête à tête avec elle tant que tu le pouvais, pour apprendre à la connaître un peu plus. Parce que c'était une très belle femme, très intéressante et tu étais poussée par ta curiosité à vouloir tout savoir d'elle. Tout dans les moindres détails, même sur sa vie privée, au moins tu saurais si tu pouvais passer à l'attaque ou juste la dévorer des yeux chaque jours que Dieu ferait. « Tu es à Bowen depuis longtemps ? » demandais-tu curieuse. Il est vrai qu'elle s'était présentée à toi rapidement et qu'elle semblait avoir les compétences requises pour être secrétaire médicale. Alors tu l'avais embauchée sans plus attendre, mais avant cette rencontre il y a quelques jours, tu n'avais jamais eu l'occasion de la croiser en ville. Bon il fallait dire que ce n'était pas avec tes centres d'intérêts que tu allais rencontrer du monde puisque tu les pratiquais souvent seule.

Tu ne pensais pas qu'elle refuserait pourtant un non s'était fait entendre. Tu étais un peu déçue c'est vrai mais tu ne comptais pas lui montrer. Peut-être que ton sourire avait permis de changer la donne puisque finalement elle avait acceptée de venir avec toi. Peut-être pour te faire plaisir et ne pas te donner l'impression d'être rabat-joie. Mais tu ne voulais pas non plus lui forcer la main, tu ne voulais pas qu'elle accepte ça parce que tu étais sa patronne et qu'elle était obligée de dire oui. Ce n'était pas ton intention. Ce n'était pas parce qu'elle te plaisait un peu que tu devais forcer les choses. Tu ne devais pas y aller aussi vite. Prendre ton temps, la mettre à l'aise et lui donner la confiance nécessaire envers toi. Tu marchais doucement dans les rues de la ville, l'écoutant parler de son enfance. DE son départ, de son besoin de partir. « Alors tu as eu raison de partir ! » ajoutais-tu avec un fin sourire. Tu étais bien trop curieuse pour connaitre la raison de son départ, mais tu ne l'étais pas assez pour les lui demander. Tu ne voulais pas lui donner l'impression de vouloir violer sa vie privée. Tu en faisais déjà trop rien qu'en l'invitant à manger, en lui demander de te tutoyer. « Je suis née ici, j'ai grandi ici et je rêve d'en partir mais la seule fois où j'ai quitté la ville pour une autre, je me suis sentie comme une étrangère. » avouais-tu doucement. Tu te souvenais de Londres, de ton voyage avec Zéphyr. De cette envie que tu avais eu de visiter la ville et de la déception que tu avais connu lorsque tu t'étais rendue compte qu'elle n'était pas ce que tu attendais. Rien ne pourrait égaler Bowen puisque tu y avais ta famille, tes activités et tes amis. « Je rêve d'ailleurs mais je suis incapable de partir. » Tu haussais doucement les épaules t'arrêtant alors devant le petit restaurant dont tu lui avais parlé. Ce n'était vraiment pas loin, tu ne lui avais pas menti sur ce point. Et puis quitte à parler de vous, autant le faire avec un verre d'alcool à la main pour faire passer les histoires tristes ou difficiles.