(#454) i'm the game master -r.

La clé dans la porte se faisait entendre. La voilà, celle que tu attendais depuis maintenant deux heures. Celle que tu voulais voir à tout prix. Elle n'aurait peut-être pas de temps à t'accorder mais tu espérais bien que ce soit le contraire. Tu voulais vraiment passer un moment avec elle. C'était idiot mais tu l'aimais bien. Un peu trop violente à ton goût parfois, elle pouvait te pousser à bout mais elle était pas méchante non plus. Ou alors tu étais maso et tu adorais qu'elle te provoque. Lorsqu'elle allumait la lumière de la cuisine - sûrement pour prendre un verre d'eau, tu pris la parole. Tapis dans l'ombre, tu avais du lui faire peur. Ou peut-être pas, tu n'avais pas vraiment fait attention de savoir si elle avait sursauté ou non. Ça t'étonnerait fortement, mais tu pourrais être surpris. « Alors Blondie, tu m'défies ou tu te défiles ? » Tu hausses un sourcil, sourire en coin et parer à distribuer les cartes. Tu voulais voir ce qu'elle avait dans l'ventre la petite. En parlant de ventre, tu pensais à la cuisine. « J't'ai même préparé un casse-dalle si t'as pas eu l'temps de grignoter un truc. » Tu annonçais la couleur sans trop tarder. Il se faisait déjà tard, toi tu avais toute ta nuit, mais elle, tu n'en étais pas certain. Tu ne tarderais pas à la découvrir de toute façon.

Je rentrais chez moi après une longue journée de travail ennuyeuse, faut dire, en cinq mois de travail là-bas, je ne mettais jamais retrouvé une journée sans chieur ou dépressif de l'autre côté du comptoir à me raconter leurs pauvres vies, ils étaient là pour me conforter que celle que je vivais n'était pas trop pourrie. Il y avait aussi les commères qui manquaient à l'appel aujourd'hui, du coup, je n'avais pas le droit à ma dose de potins et rumeurs quotidiennes, mais dans tous les cas, ça m'avait soulagée de ne pas voir leurs gueules l'instant d'une journée. Je passais les clés dans la serrure, un peu endormie à cause de mon boulot à deux balles puis après avoir fermé après moi je jetais naturellement celles-ci sur le meuble le plus proche. Je parcourrais le couloir avant d'arriver dans ma cuisine, tout était éteint dans cette baraque, je ne sais pas quelle heure il était, mais mes colocataires devaient bien être des enfants pour se coucher aussi tôt, ok, y'a l'travail mais on dirait plus une maison de retraite qu'une maison où y'a que des gens d'la vingtaine. J'allumais la lumière de la cuisine avant de sursauter en voyant CJ, dans l'noir. « CJ ! »  Putain d'somnambule, quoi que, il avait l'air quand même bien réveillé. « Tu m'as fait peur abruti, tiens. »  Je posais mon sac sur une chaise, il devrait me remercier de ne pas l'avoir frappée à cause de la peur, j'en ai toujours le cœur qui bat comme une locomotive en route. « J'ai eu peur que tu m'fasses une déclaration. »  Ça serait pire que la mort, ça. « Tu m'connais mal chéri, j'refuse jamais un défi. »  Un sourire en coin, pensant rapidement qu'il ne fallait pas qu'il se mette à vouloir jouer au strip-poker avec moi parce que j'avais d'un débardeur, un short et des sous-vêtements, puis, même si j'refuse de l'admettre, j'étais très nulle aux jeux. « Tu penses à ma santé, t’es trop mignon. » Bon, c’était quand même louche tout ça. « T’as quelque chose à me demander ? Tu comptes pas payer ce mois-ci ou … ? »

Tu lui avait fait peur. Et pourtant, ton corps allait bien. Pas une trace rouge, pas un pic de douleur. Elle n'avait même pas frappé. Comme si elle n'avait pas eu l'temps de réagir en conséquence et que te frapper maintenant serait un peu tard. Tant mieux pour toi, tu n'allais pas t'en plaindre au contraire. « Haha, t'as cru que j'étais le prince charmant ou quoi ? » Tu esquissais une grimace. Tu y penserais la prochaine fois pour la faire chier, ou la faire flipper. Ça pourrait être amusant, tu te voyais bien attraper sa main, et poser un genou par terre. Et finir avec un nez encore éclaté. Mais au moins, tu l'aurais poussé à bout. C'était un peu ta souris et tu étais du genre Tom comme chat. A te faire avoir comme un bleu et subir les petites attaques sournoises de Jerry. C'était peut-être ton dessin animé préféré pour qu'il te marque à ce point d'ailleurs. « Prends place alors. » Tu lui montrais la chaise en face de toi, pour qu'elle s'installe, faisant une remarque sur le fait que tu prenais soin d'elle. Ouais, ouais, peut-être que t'étais un peu trop sympa avec elle. Mais tu n'allais pas changer, tu pourrais la faire chier et te lever pour jeter ce que tu avais préparé, mais tu ne voulais pas gaspiller. Tu détestais ça, étant un peu trop soucieux de la famine dans le monde pour te comporter comme un tel crétin. Elle semblait s'inquiéter, comme si toute cette mise en scène était pour l’appâter. Ce que tu ne comprenais pas, rien de fourbe pourtant dans ta manière d'agir. « Mon loyer a déjà été déposé, j'ai rien à te demander. Juste envie de jouer et j'trouve que t'es la partenaire idéal mais si t'en as pas envie, j'vais pas t'y obliger. » Elle était celle que tu arrivais à moins lire. Elle était sauvage et imprévisible. Tu ne savais jamais à quoi t'attendre avec elle, et donc certain de ne pas savoir si elle avait une meilleure main que toi ou non. Et puis si tu pouvais te rincer l'oeil au passage, tu n'allais pas t'en priver. Coloc ou pas coloc, elle n'en restait pas moins une femme. Et tu aimais jouer avec le feu, elle était un incendie à elle seule.

Je m'étais promise de ne jamais tisser de lien avec CJ, surtout après qu'il ait cassé la porte de ma grand-mère, faisant ressurgir toute la peine que j'avais à vivre dans cette maison qui n'était pas vraiment la mienne. Puis même, j'lui avais cassé le nez et les côtés, il ne pouvait pas m'apprécier. Pourtant, on doit être dingue tous les deux pour réussir à se supporter, ou peut-être que c'est le loyer qu'il me rapportait qui faisait que j'l'aimais bien ─ même si j'doute de cette version. « Toi mon prince, à l'aide. »  Je passais une main sur mon front pour simuler un malaise, puis je soufflais avant de planter mon regard sur ce qu'il me préparait de beau, son jeu de carte. Dans tous les cas, si j'aurais dis oui à sa réponse, j'aurais prise les foudres de Minus et l'autre brunette qui se battait avec elle à la fête de la Mangue, c'n'est pas trop mon délire de m'attaquer à des gonzesses en chaleur qui se battent déjà entre elles. « T'vois, l'prince m'aurait tiré ma chaise. »  Je ne me privais pas pour prendre place sur ma chaise, j'avais envie de m'asseoir après être restée debout toute la journée pour être apte à servir les clients, là j'avais besoin de me reposer les jambes. Mais j'ose lui dire quand, que j'n'avais pas envie de manger ce soir ? Ou alors que je n'aime pas manger parce que j'estime que c'est une perte de temps. En plus, c'est pas très propre de jouer aux cartes et mettre ses doigts pleins de nourritures dessus. « Les autres colocataires dorment déjà ? Ou alors … j’suis bien plus intéressante qu’eux ? »  Je ricanais, je ne connaissais pas vraiment les autres, faut dire que j'préfère casser la gueule de CJ que m'amuser avec Ted, Lola ou Hai Ly, eux devaient bien être ennuyant, mais j'm'avance peut-être trop vite, après tout, je pensais au début que CJ était un gros con. « Et tu me prépares cette surprise depuis quand, mon bichon ? » Je me levais de nouveau, histoire d’aller chercher deux verres. « Tu bois ? » J’pouvais pas jouer sans boire et, c’était peut-être pour ça que j’finissais toujours par perdre, par chance je n’étais pas vraiment mauvaise perdante, tant qu’il y avait de la boisson, j’étais contente ; c’est peut-être l’effet barmaid. Je me servais un verre de whisky, c’était la première boisson qui me passait sous la main.

Tu la regardais poser sa main sur son front, mimant un malaise. Elle voulait que tu lui tire sa chaise ? Sérieusement ? Et puis quoi encore ? Que tu lui masses les pieds ? Que tu lui baises la main ? Qu'elle aille se faire foutre. Tu ne comptais pas bouger ton petit cul pour elle et elle semblait vite le comprendre. « Dommage Barbie, j'suis pas Ken. » Tu n'y allais pas par quatre chemins. Tu l'aimais bien, mais fallait pas déconner non plus. Déjà qu'elle semblait pas toucher à son assiette alors qu'l'autre soir elle voulait que tu lui fasses à manger à chaque fois qu'elle en aurait envie. Trop compliquée comme fille, et tu n'avais pas envie de rentrer dans l'débat. Tu voulais jouer, sans plus tarder. Et elle s'installait pour prendre part au jeu. « J'sais pas, j'm'en fiche un peu. T'es la seule qui compte à mes yeux Blondie, tu l'sais bien. » Tu lui dessinais un petit sourire en coin. Tu ne savais pas où se trouvais les autres pour être honnête. Depuis que tu les avais rencontré, tu n'avais pas eu l'occasion de leur reparler. Ce n'était pas tant important, de toute façon, comme tu venais de l'dire, c'était elle qui t'intéressait le plus. Allez savoir pourquoi. « Tu m'crois tu si j'te dis 2h ? » demandais-tu, le plus sérieusement du monde. Peut-être un peu plus pour être honnête, mais comme tu ne connaissais pas son planning, tu avais préférais l'attendre le plus possible, être sûr de ne pas la rater. Ça t'aurait fait chier. « Envoies ! » Un whisky serait un petit carburant. Tu réfléchissais toujours mieux avec de l'alcool dans l'sang même si c'est supposé être le contraire. Tu pris ton verre entre tes doigts, le buvant d'une traite. Tu lui donnais ses deux cartes et retournais les trois premières de la rivière. Pas besoin de miser quoique ce soit, ce n'était pas le but du jeu ce soir. « Prête à perdre ? Si tu perds la première, j'te donnerais un gage et t'aurais pas l'choix que t'y plier. » Bien sûr, le choix elle l'aurait toujours. Tu serais bien incapable de la faire céder et elle devait le savoir. Mais tu étais prêt à voir si elle était prête à se mouiller entièrement ou juste un peu.

Je me retenais de rire, il pensait vraiment que je m'imaginais une bride de vie avec lui ? Jamais, nous resterons colocataires, ça me va très bien. « Ca me va comme ça. »  Ce n'était pas ma passion, les princes, je préférais largement les hommes qui risquaient un peu trop le danger et qui était beaucoup trop badboy pour ma pauvre vie. Puis, mon aventure avec Blake m'avait un peu dégoûter du monde de Princesse. Je ne redirais plus jamais à quelqu'un que je l'aime, ça fait visiblement plus fuir. « J'n'ai pas une gueule à avoir un Ken, de toute manière. »  Pour être franche avec lui, puis ça pouvait le faire rire s'il voulait, ce n'était que la vérité, ma famille ne me voyait pas en couple et je ne me voyais pas en couple non plus. Je deviens bien trop fillette quand je le suis. Je m'installais sur la chaise en face de lui sans le quitter du regard une seconde. « Tu n'as pas peur que je finisse par me sentir trop importante pour toi ? »  Je riais encore une fois, je riais sans doute un peu trop, il n'en avait pas l'habitude, parce que sourire et rire étaient les dernières de mes occupations, ça ne sert à rien, ça me fait perdre mon temps et puis, je déteste les gens qui me disent que je suis plus jolie quand je montre mes dents. « Deux heures ? T'es fou ! »  Il est resté deux heures dans le noir juste pour me surprendre ? Il pouvait faire tellement de choses en attendant, puis il aurait très bien pu aller dormir parce que j'aurais pu être de mauvaise humeur et ne pas jouer avec lui. Il en avait de la chance, ce soir. « Imagine que j'aurais refusé, ça aurait été tellement con. »  Sur ces paroles, je me levais pour prendre un verre, ou une bouteille, les deux sans doute. Je proposais aussi à mon cher coloc de boire, ce qu'il acceptait rapidement, m'arrachant presque un sourire. Boire et jouer. Rien de plus, il n'y avait rien de mieux. « J'ai peur de ton gage, honey, tu n'veux pas m'en dire plus ? »  Si je pouvais lui soutirer des informations, ça ne pouvait qu'être mieux. Parce que je savais que j'allais perdre, j'étais mauvaise dans ce genre de choses. « Si c'est gore, je ne le fais pas, t'es au courant de ça ? »  Je me reposais sur ma chaise, verre à la main puis j'attendais patiemment. « Que le jeu commence. »  Sourire aux coins des lèvres, je le fixais intensément. Prête à perdre, oui, mais toujours prête à le défoncer si jamais il devenait lourd.

Tu t'étais mis à rire. Elle était amusante, un peu froide, mais c'est ce qui faisait d'elle une personne à part. Tu n'avais pas l'habitude des filles comme ça. « Tu dis n'importe quoi. Tu l'aurais ton Ken, il en aura pas juste l'allure ! » Ou peut-être que si. Mais il risque de se prendre un coup dans les parties et de rentrer chez lui en pleurant. On ne pouvait pas dire qu'Aino était le genre de fille à être charmante. Et encore moins romantique. « Aucun risque, faudrait que tu m'aimes bien pour ça et on en est pas encore rendu là dans notre relation. » Non, on ne pouvait pas dire que c'était l'amour fou entre vous deux. C'était à peine si elle te supportais. Bon, elle devait devoir t'apprécier un minimum pour accepter de passer du temps avec toi, surtout de jouer avec toi, mais tu ne t'attachais pas trop à ce genre de détails, parce que pour le moment, tu voulais juste jouer. « Non, patient. » Tu affichais un sourire satisfait sur le visage. Oui, tu savais être patient quand tu le voulais, surtout si c'était pour toi. Quand tu voulais obtenir un truc, tu savais faire ce qu'il fallait pour l'avoir. Comme attendre assis deux heures dans cette cuisine sombre. « J'serais allé me coucher en te maudissant ! » annonçais-tu en haussant les épaules. Pour le coup, tu l'aurais eu un peu mauvaise, tu devais bien l'admettre mais bon, ce n'aurait pas été la fin du monde. Tu ne pouvais pas la forcer à jouer avec toi, à prendre le risque de se retrouver nue. Tu n'avais peut-être aucune pudeur, mais elle, tu ne savais pas. Peut-être que sous ses airs de fille dure, se cache une fille qui a peur de se montrer telle qu'elle est. « Tu verras en temps et en heure. » Pour le moment, tu n'avais pas encore la moindre idée de ce que tu pourrais lui demander. C'était juste pour la faire flipper un peu, lui mettre un peu de pression, lui donner l'envie de gagner, histoire que le jeu ne soit pas trop facile. « En attendant, t'as qu'à faire ce qu'il faut pour gagner. » Tu arquais un sourcil, un sourire en coin. Et oui, après tout si elle ne voulait pas finir à poil et avoir un gage en plus, elle avait qu'à te battre. Bon c'était de la chance pour les cartes, mais elle pouvait toujours essayer de bluffer et de t'intimider. Tu ne te faisais pas avoir aussi facilement mais tu verrais bien. « Alors, t'annonces quoi ? » Tu avais retourné les cinq cartes de la rivière. Puisqu'il n'y avait pas de mise, autant passer à l'étape intéressante au plus vite. Il y avait présentement un as de pique, un deux de carreau, un six de trèfle, un cinq de coeur et un valet de trèfle.

J'me suis peut-être mal exprimée, je ne voulais pas de Ken, ce n'est pas une question d'avoir la gueule. Je préfère traumatiser les mecs que les garder avec moi pendant des semaines voir des années, je ne suis pas prête à trouver l'homme de ma vie, mais ça m'allait très bien. Je l'écoutais ensuite parler de notre relation, il n'avait pas faux, faudrait que j'l'aime bien, puis même si je l'apprécie un peu, il est loin de crier victoire, dans tous les cas, jamais j'assumerais s'il découvre que j'ne le déteste pas. « On n'est rendu nulle part, t'as raison. »  Je ne peux même pas le considérer comme mon ami, parce que quand il commence, il me fait vraiment chier et j'ai bien plus envie de lui arracher les parties plutôt que de rester le papouiller. CJ et moi, c'est plus une histoire difficile, mais j'aime bien l'état. « Ouais, patient du genre bouddhiste. »  Je ne sais pas si ramener la religion en plein milieu de notre conversation était utile, mais ça m'aidait à illustrer mes propos, il était fou, il ne l'assumait pas. On ne peut pas rester deux heures dans le calme sans rien faire, juste attendre sa colocataire qui le maltraite. En plus, je suis certaine qu'il s'attendait à au moins une gifle de ma part ce soir, ça se sentait quand je suis rentrée dans la pièce. « Mais j'te donnerais bien un diplôme pour ta patience, quand j'en aurais l'envie, je t'en ferais un. »  Un papier, un stylo, un gribouillage et le tour était joué. Même si j'sais dessiner, je n'allais pas me faire chier à le faire pour CJ. S'il voulait personnaliser son diplôme c'était son choix. « Quelque chose me dit que ça ne serait pas la première fois que tu me maudirais. » Quand je lui ai cassé le nez et les côtes, il doit bien s'en souvenir, je ne pense pas qu'il allait créer un totem à mon effigie ce soir-là. Je soupirais, c'était parti pour un strip-poker, le jeu où j'n'y connais absolument rien. Je ne sais pas comment les cartes se placent sur une table, je lançais un appel à l'aide avec mes yeux, mais ça ne semblait pas plus affecter CJ.  « Tu m'emmerdes. »  Je ne sais pas ce qu'il manigançait dans son esprit tout étriqué d'idées farfelus. Je ne préférais même pas savoir, mais lui avait un pète au casque, j'en suis certaine depuis qu'il a cassé ma porte, depuis qu'il m'a crié dessus pour rien. Il est con. « Bah … j'annonce ... »  J'suis censée dire quoi là ? Je n'en sais strictement rien. Je lançais un regard à mes cartes, mais ma boisson me faisait plus de l'oeil. Cul sec. « Euuuh. Un neuf de carreau et un sept de cœur. Ça donne quoi ? »  J'sais même pas ce que ça représentait. « Oh en fait, j'ai oublié d'te dire que j'n'y connais rien aux règles. Généralement quand un type veut me voir à poil, il me le demande et j'vois en fonction d'mon humeur. »  Je roulais les yeux, posant mes cartes face extérieur puis me resservant un verre.

Peut-être que tu étais un bouddhiste. Tu avais pu intégrer un groupe de moine pendant l'un de tes voyages en Inde, et tu avais beaucoup apprécié l'ambiance qui régnait. Le calme, le côté zen et la façon de prendre la vie. Tu pouvais dire que ta vie était plus ou moins basée sur les mêmes principes. « Un diplôme ? Te donne pas tant de peine, après j'vais croire que tu m'aimes bien. » Bon peut-être pas, quoique si elle se donnait la peine de faire quelque chose pour toi, tu pourrais vraiment penser qu'elle t'aime bien. Et ça te ferait étrange, au fond, tu aimes bien savoir qu'à tout moment, elle peut t'insulter, se lever, partir, te frapper. Elle était un peu comme toi, un peu plus violente par contre, tu en venais rarement aux mains. Tu attrapais ton verre pour le boire d'une traite et soupirer un grand coup. C'était une blague c'est ça ? « Toi tu m'emmerdes. Tu pouvais pas me le dire que tu savais pas jouer ? » T'avais l'air bien con. Attendre après elle pendant deux heures pour jouer parce que tu pensais qu'en tant que barmaid, elle avait cette connaissance. Et c'était une déception de voir que non. Le jeu n'en serait même pas amusant, tu allais pouvoir la griller sans trop de difficulté. « Alors le but est simple, il y a des combinaisons : une paire, une double paire, un brelan, une quinte, une couleur, un full, un carré, une quinte flush, une quinte flush royale ! Le meilleure main l'emporte. » ajoutais-tu d'un ton las. Tu attrapais la bouteille pour vous resservir un verre. Au moins ça aiderait à faire passer les choses. Tu n'étais même pas sûr qu'elle comprennent vite. Ce n'était pas bien compliqué pourtant. « Donc là, si on en suit les règles, et les cartes de la rivière, t'as rien. » Elle n'avait que trois cartes qui se suivaient, pas une paire, rien. Au moins, elle n'avait pas de chance, c'était toujours ça de plus pour toi, même si présentement, le jeu semblait avoir perdu son intérêt. Sa déclaration te laissait encore un goût amer. « Et moi j'ai une paire de six. » tu étalais tes cartes pour lui dévoiler un trois de cœur et un six de carreau. Paire de six, ce n'était pas fabuleux, mais c'était toujours ça, et puis pour gagner, il ne t'en fallait pas beaucoup plus. Au moins pour cette manche là. « Donc techniquement, tu perds. » Tu n'esquissais même pas un sourire. Tu ne savais pas si tu avais vraiment envie de continuer cette partie. Si tu avais envie d'aller plus loin. Ce n'était pas tant pour la voir à poil que tu avais lancé ce jeu, mais pour voir son jeu de bluff et tu devais admettre que tu étais plutôt bien déçu. Elle qui t'avait toujours paru comme une adversaire de taille, le fait qu'elle n'en soit pas une, c'était un peu comme si un mythe s'effondrait. Un mythe que tu avais toi-même construit, mais tout de même un mythe.

J'ai vraiment une tête de quelqu'un qui n'aime personne ? Parce que même si je refuse de dire ç CJ que je l'apprécie, rien qu'un peu, j'ai plus l'impression qu'en me regardant il doit se dire que j'suis le genre de personne qui déteste tout le monde, qui vit comme une ermite alors que j'essaye de passer la plupart de mon temps dehors, avec les autres pour oublier que dans cette maison, il fût un temps régnait tout l'amour qu'une grand-mère pouvait offrir, tous ces sourires qu'elle donnait même si ça n'allait pas bien, cette voix qui ne cesse de me hanter. Je déteste cette maison. Je déteste vivre sans elle dans cette maison. « J'ajouterais une mention spéciale dessus … Pour que tu t'enlèves ça d'la tête. » Je haussais une épaule, j'pourrais m'emparer d'une feuille dès maintenant pour ne pas oublier mon idée, parce que j'en avais plusieurs par minute surtout avec l'alcool. Mais je n'étais qu'à mon deuxième verre, tout allait bien se passer. Je regardais mes cartes en ne comprenant pas vraiment ce que je devais dire, faire, montrer, puis je les étalais finalement face extérieure sur la table avant de regarder CJ. Qui ne semblait pas vraiment ravi que je ne comprenne rien. D'ailleurs il semblait clairement faire la gueule. « Ça te chiffonne autant qu'ça ? Bah bordel. »  Il ne pouvait pas plus gâcher ma soirée que ça, déjà que c'était de la merde ce soir au bar, alors si lui aussi s'y mettait, je pense que j'irais finir ma soirée dans ma chambre avec ma bouteille puis demain tout ira mieux et je n'aurais plus qu'à ignorer CJ pendant quelque temps, histoire que ça passe, histoire qu'il ne me saoule plus. « Et tu ne m'as pas vraiment proposé de jeu, à vrai dire … Tu m'imposes quelque chose et tu fais la gueule. »  D'ailleurs il était clairement moins sexy quand il faisait la gueule. Il m’énumérait quand même les règles … du moins, je n’espère pas que c’était ça, parce que je n’avais pas retenu la moitié de ce qu’il m’avait dit. Tout ce que je comprenais c’est que j’avais perdue et, ça ne me faisait pas franchement plaisir. « Putain, tente au moins de sourire. » Je buvais mon deuxième  verre d’une traite, c’était sans doute la pire idée que j’avais eu de la soirée. Ou peut-être celle-ci était d’avoir accepté de jouer. « Ooook. J’en ai marre de jouer. » Je hausse les épaules en reprenant la bouteille, encore une autre idée à éviter. « Si ton jeu était de m’énerver, t’as gagné. »

Mention spéciale ? Tu attendais de voir ça, tant que tu ne l'aurais pas sous les yeux, tu n'en croirais pas un mot. Pour le moment, tu étais concentré sur tes cartes jusqu'à ce qu'elle t'apprenne qu'elle savait pas jouer, et que tu lui expliques les règles, un peu brièvement, un peu sèchement. Ce qu'elle ne semblait pas apprécier. « C'est inutile de jouer avec quelqu'un qui n'y connait rien. » déclarais-tu doucement en haussant les épaules. A la limite, pour apprendre quelqu'un à jouer, ça pouvait être pas mal, mais elle ne semblait pas vraiment enclin à comprendre les règles, enclin à vraiment jouer. On pouvait dire qu'elle te retournait bien la tête celle-là. « Je t'ai imposé de jouer ? J'crois pas, je t'ai demandé si t'étais partante et t'as dit oui ! » Elle abusait un peu. Elle abusait carrément en fait. Elle ne savait pas doser ces mots, elle montait un peu trop sur ses grands chevaux et ça te dérangeait pas mal. Mais tu essayais de garder ton calme, jusqu'à ce qu'elle décide d'abandonner de jouer. Patience, zéro aussi. Tu haussais les sourcils en la regardant se servir un autre verre. Elle était énervée ? Ça tombe bien, toi aussi. « Mon but était de tester ton bluff mais il est clairement à chier ! » crachais-tu soudain avec dédain. Pourquoi elle réagissait comme ça ? Pourquoi devait-elle être toujours aussi chiante ? Aussi froide ? Elle te demandait de sourire alors qu'elle-même était pas foutu de le faire sans que ça fasse un peu peur.

Puis merde, comment il voulait que j'connaisse tout ? J'n'ai pas appris ça, c'est carrément inutile dans mon cas, normalement on donne son argent pour jouer à ce genre de jeux, et j'en ai pas, je ne peux pas en inventer. Quand j'étais adolescente, je préférais faire d'autres trucs amusaient que jouer à des strip-poker. Clairement. Donc il me faisait chier sur le coup et ce n'était pas la première fois, comme s'il l'avait fait exprès, encore une fois. « S'cuse, pour apprendre à jouer, faut peut-être commencer à jouer, mais j'l'ai jamais fait. »  Je roulais des yeux, buvant une nouvelle fois une petite gorgée, je devrais sans doute me calmer sur l'alcool, surtout qu'avec CJ ça ne semble pas bien partir et, que généralement, je ne sais pas ce que je fais quand je suis pompette. « Il existe pleins d'autres jeux de carte monsieur connard. »  Lançais-je de manière nonchalante, au fond, j'en avais marre de m'énerver contre lui, mais il ne faisait que me lancer des piques et j'étais de bonne humeur avant de rentrer dans cette maison, je ne voulais pas qu'à chaque fois que je passe le pas de la porte je tombe de mauvaise humeur à cause d'un con qui était buté. Mais rien qu'en pensant à ça, ça m'énervait encore plus et je ne voyais qu'en CJ un type à embrouille, un punching-ball, un défouloir en ce moment, alors je poussais la bouteille et finissait mon verre avant d'écouter ce qu'il avait à me dire. Je fronçais les sourcils, mon bluff est nul à chier ?  « Tu sais ce qui est nul à chier ? Ton caractère CJ ! »  C'était clairement lui qui avait refroidit la pièce avec son comportement à deux balles, il aurait pu me proposer autre chose, j'sais pas, il aurait pu éviter de faire la gueule, maintenant j'commençais à m'énerver pour rien. Je posais ma tête entre mes bras, poser sur la table, me disant deux secondes que ça devait être sa tête à lui que j'devrais exploser sur la table. « Va t'faire voir. » Mes paroles devaient sans doute être étouffées entre mes bras, à cause de la manière dont je l’avais dite, soupirant à moitié.

Au "connard" ton sang n'avait fait qu'un tour. Toi aussi tu en avais marre d'elle. Tu voulais juste jouer aux cartes sans te prendre la tête. Elle était pas foutue de dire qu'elle savait pas jouer et te l'annoncer comme si c'était une chose évidente que tu aurais dû savoir. Tu la trouvais agaçante quand elle agissait de la sorte. « Oh pardonnez-moi mademoiselle je râle pour un rien. Si mon caractère est à chier, j'imagine même pas comment on peut décrire le tien. » Non, tu ne pouvais pas mettre de mot dessus. Même un caractère de merde c'était pas assez fort pour elle. Il faudrait lui trouver un mot rien qu'à elle. Trouver le truc qui t'insupporte le plus et le transformer en qualificatif pour elle. Mais là, ce qui t’insupportait le plus c'était Aino. Un caractère de Aino, voilà qui ferait l'affaire. « Ouais, j'y vais de ce pas. » Tu te levais, repoussant ta chaise le plus bruyamment possible. Elle te mettait hors de toi, tu avais le sentiment de perdre le contrôle sur la personne que tu étais. Sans plus attendre tu allais dans le couloir pour attraper ta veste ainsi que ton trousseau de clés. Tu n'avais plus envie de voir sa tête, ni même d'entendre sa voix. Tu aurais pu te réfugier dans ta chambre mais il y avait un risque que ça puisse arriver, donc tu préférais aller marcher. Te changer les idées, respirer l'air frais et oublier. « Bonne soirée. » criais-tu en claquant la porte. Pourquoi fallait-il toujours que ça finisse ainsi entre vous ? A croire que tu faisais exprès de la pousser à bout. Pourtant, tu aurais aimé pouvoir jouer avec elle, tu aurais aimé pouvoir passer un bon moment sans que tout ne partes en couilles. Maintenant tu marchais dans les rues de Bowen, pour te changer les idées. Il était clair que dans les jours à venir tu n'allais pas la calculer.