Il était une fois, Noé.

Il ne fait plus assez clair pour dire que c'est l'après-midi, mais pas encore assez sombre pour que ce soit le soir. Il doit être dans les environs de dix-huit heures, et Théia n'avait plus envie de rester enfermer dans sa trop grande maison, ou plutôt celle de Clayton chez qui elle squatte. Elle marche dans le sable, ses chaussures à la main, et laisse le vent de la mer soulever ses longs cheveux bruns. L'air est frais et agréable, ce qui contraste avec les fortes chaleurs du reste de la journée. Alors qu'elle se pensait seule, elle aperçoit un peu plus loin une silhouette, celle d'un homme. Curieuse, Théia s'approche, et reconnait petit à petit ce visage qui ne lui est en réalité pas inconnu. « Noé, » dit-elle simplement, d'une voix douce pour ne pas l'effrayer. Elle n'est pas étonnée de le voir ici, Théia sait qu'il aime raconter ses histoires dans des endroits calme, là où il est sûr de pouvoir être écouté. « J'ai loupé la dernière séance ? » Elle se place à coté de lui et contemple un instant l'océan devant eux avant de se tourner vers lui, un sourire aux lèvres. Théia a toujours apprécié Noé, qui est un homme qu'elle respecte beaucoup. Elle le trouve spécial, parfois un peu à l'ouest, mais tellement différent de toutes les personnes qu'elle a déjà rencontrées.

• Océan. Un mot si doux qui renvoi à la beauté d'un monde aquatique. Un mot qui a lui seul danse sur les lèvres. Il y avait bien un endroit que je n'avais toujours pas visité. L'océan. Ce liquide vital cachait bien des secrets et des histoires que je ne pouvait qu'imaginer. "Dea." Saluais-je une voix qui s'installait à mes côtés. Théia. Fille d’Ouranos et de Gaïa. Ciel et terre. La jeune femme resplendissait de beauté. J'avais véritablement toutes les raisons de lui offrir ce nom latin synonyme de son propre nom. Elle ne venait pas de Grèce. Pour avoir vue le pays plus d'une fois, elle n'avait pas les traits typiques ni même l'accent. Pourtant, il y avait un quelque chose en la jeune femme de très... statuaire qui lui rappelait la beauté d'Aphrodite et l'intelligence d'Athéna. "Tu sais bien que pour toi, il n'y a pas de séance. On pourrait me mettre sur la croix pour favoritisme." J'étais mi sérieux, mi amusé comme toujours. "Non, ce soir les gens fuient la plage. Ils annoncent des orages donc tout le monde est caché. Seulement, personne n'a levé les yeux pour regarder le ciel rose énonciateur de beau temps." Comme d'habitude, la population avait écouté les médias les yeux fermer au lieu de s'en tenir au fait.
  

Sans vraiment savoir pourquoi, Théia a toujours beaucoup respecté Noé. C'est un homme qu'elle admire pour son calme, sa gentillesse, et la façon dont il a de transformer chacune de ses phrases en un court poème qui suffit toujours à apaiser son esprit. Ce qui est amusant, c'est qu'elle a d'abord connu Lily, puis Noé, sans jamais savoir qu'eux-deux avaient été mariés par le passé. Et même si elle est maintenant au courant, cela ne change absolument rien à l'affection qu'elle porte pour ces deux personnes. « Je ne dirai rien, ne t'en fais. » Elle esquisse un fin sourire. Théia a toujours été ravie de le voir, encore plus lorsque rien n'a été prévu. Elle sait que sa seule présence suffit toujours à lui faire passer des moments agréables, comme si Noé avait cette capacité de créer une bulle autour d'eux qui empêchaient les mauvaises ondes de les atteindre. Elle lève les yeux vers le ciel et regarde les couleurs du ciel. « Heureusement que je suis trop têtue pour me limiter à ce que j'entend sans le voir, et heureusement que tu es... toi. » Elle baisse à nouveau les yeux vers lui. Car oui, Noé est Noé. Il sait des choses auxquelles personnes ne songe, et il observe, comme elle.

• J'admirais les traits de la jeune femme alors que je lui parlais de mon favoritisme. La ligne fine de son sourire m'avait appris que ma petite tirade avait atteins son but. Les femmes n'avaient pas conscience du pouvoir qu'un sourire pouvait avoir sur un faible homme comme nous étions tous. « Je suis chanceux de pouvoir éviter le lancer de cailloux. » Toujours un sourire collé sur mes lèvres, j'avais tapoté le sable à mes côtés pour avertir la jeune femme mon souhait. Si nous nous étions rencontrés ce soir cela faisait mon bonheur et je comptais bien profiter de sa présence. Lorsque Théia était présente, j'étais prêt à affronter tout les dragons de mon imaginaire pour obtenir un regard amusé. J'étais le bouffon de la déesse. « Tu n'es pas têtue. Seulement, tu as quelque chose entre ici. » Je posais l'une de mes mains sous son menton avant de la déplacer sur le dessus de sa tête. « Et ici. En plus, tu sais t'en servir! Fait attention qu'un savant fou n'essaye pas de te le voler. » Dis-je avec le plus grand sérieux malgré que mes phrases dérapaient dans le monde imaginaire. «  Et pour ma part...Je suis épargné. » J'adressais à Théia un sourire digne du Chapelier fou d'Alice au Pays des merveilles avant de glisser mon regard sur l'horizon.

Suite à son invitation, Théia prend place à coté de Noé, dans le sable chaud qui vient gratter sa peau sans pour autant être une sensation désagréable. De manière involontaire, elle profite du calme de sa présence associée au cadre déjà apaisant en lui-même. Lui et la plage forment un parfait mélange, comme si il avait été crée rien que pour venir embellir cet endroit et éclairer les âmes sombres qui le traversent. Il est particulier, presque trop pour être humain. Une spécialité qui plaît à Théia et à ses idées farfelues. Elle laisse les doigts du conteur d'histoires entrer en contact avec son menton, puis avec sont front, un sourire amusé aux lèvres. « Je crois surtout qu'il voudrait le voler à cause de toutes les pensées insensées qui le traversent à longueur de journée, » dit-elle en riant légèrement. Ce sourire dément qu'il lui offre alimente un peu plus son rire sincère, puis elle finit par retrouver le calme qui l'anime quand elle se trouve en sa présence. On pourrait le trouver fou, mais Théia s'est toujours un peu identifiée à Noé. Deux êtres à part, aux rêves trop fous que pour être acceptables. « Justement, je crois que tu les attirerais comme des mouettes autour d'un poisson rare si ils connaissaient ton existence. »

• Une fois installée dans le sable et l'échange de paroles bien entamées, j'avais reporté rapidement mon attention sur l'horizon. Le peu de temps que j'avais passé comme matelot me manquait, mais il était hors de question de repartir en vadrouille. J'avais promis à Lily-Anaëlle de rester et pour une fois, j'allais respecter mes engagements. Chassant mes idées de voyage de mon esprit, je me concentrais sur la jeune femme à mes côtés.  Insensé rimait avec normalité à mes yeux. De plus, le mot avait un goût réconfortant de marshmallow tout comme le rire de la jeune Dea. « C'est pour cette raison que je fuis depuis 21 ans. C'est pour qu'on ne me trouve pas. » chuchotais-je comme un secret. À peine une idée avait traversé mon cerveau, que j'étais déjà debout. La main tendue vers Théia, j'espérais qu'elle accepte de me suivre. Je voulais la guider un peu plus loin sur la plage à l'endroit même où la mer et des îlots rocailleux se rencontraient. «  Soyons insensés jolie Dea. Amusons-nous comme si les mouettes pouvaient venir nous chercher ici. » Souriais-je un air théâtrale peint sur mon visage. D'un coup d'épaule, je me débarrassais de mon imperméable et mes souliers pour les sauver de ma folie. « Me suis-tu? » espérais-je dans l'idée d'aller sauté d'un caillou à l'autre.
  

Au fond, l'histoire de cet être à part l'a toujours intriguée. Elle n'a jamais osé lui en demander trop, Théia a toujours peur de casser un beau moment en sa compagnie à cause de questions qui ne la concernent même pas. Elle ne veut pas le faire fuir, elle veut continuer à le voir comme une luciole dans un ciel noir et, au final, préfère lui laisser ses petits secrets si Noé arrive à les enterrer assez profondément pour les empêcher qu'ils ne le blessent. Il est d'ailleurs peut-être la seule personne qu'elle ne connait pas sur le bout des doigts et qu'elle arrive tout de même à fréquenter sans que cela ne la dérange. En le voyant se lever, Théia le regarde d'un air intrigué mais n'hésite pas longtemps avant d'attraper sa main. Immédiatement après ses paroles, un sourire étire ses lèvres. « Allons-y, fuyons le réel ! » s'exclame-t-elle en se redressant à l'aide de cette main tendue. Comme lui, elle se débarrasse de ses sandales qu'elle abandonne dans le sable et trottine pour le dépasser, un sourire plus grand encore qui illumine son visage en plus de ses yeux remplis de joie. « Dépêche-toi, tu deviens lent Noé. » Elle lui offre un regard amusé puis se met à rire, marchant à reculons en direction des cailloux tout en le tirant par sa main qu'elle vient de ré-agripper. Elle n'a pas peur d'être mouillée car ce soir, elle n'a peur de rien.