(#27) Sweet Dream but reality is coming

Malgré les jours, les mois, l'année passée, la mort de Wallace est resté un événement traumatisant pour Théia. Si il pouvait encore lui parler de là où il est, elle sait très bien qu'il lui dirait de tourner la page et de vivre sa vie comme si chaque jour est le dernier. Malgré ça, elle ne peut s'empêcher d'être nostalgique de leur si grande complicité, du temps où il était encore vivant. Elle se souvient toujours de sa voix, de sa taille, de sa chemise préférée. Quand elle est seule, elle ne peut s'empêcher de repenser à la fois où ils ont pris l'avion pour emménager à Bowen, ou encore celle où ils ont visité un aquarium gigantesque et où un petit garçon avait traité Wallace de tapette parce qu'il portait son pantalon avec les bords retroussés. Sauf que plutôt que de s'énerver, le meilleur ami de Théia avait confirmé qu'en effet, et il était bien une tapette. Et il semblait si heureux, même quand il se faisait insulter par un gamin de dix ans. Cette bonté manque tant à la jeune fille. Ne supportant plus le vide qui règne dans la grande maison due à l'absence de son colocataire, Théia s'est empressée de composer le numéro de son amie de longue date, Milan. Elle est la seule personne ici à avoir connu Wallace, la seule avec qui elle peut en parler si jamais elle en ressent le besoin. Le soir tombé, elle s'empresse donc de se rendre à son appartement pour ne pas être en retard. La seule idée de retrouver cette fille qu'elle n'a plus revue depuis bien trop longtemps et avec qui elle s'est si bien entendue par le passé suffit à lui réchauffer le cœur. Théia toque avec entrain à la porte et n'attend pas longtemps avant de voir Milan apparaître. Elle la prend dans ses bras, et Théia se laisse assez dans cette étreinte remplie d'affection qui lui fait tellement du bien. « Je vais bien, et toi ? » Elle n'a pas tout de suite envie de lui dire qu'elle a passé toute la journée à penser à Wallace, peut-être plus tard. Milan la laisse entrer chez elle, et Théia s'avance en redécouvrant l'appartement qu'elle n'a plus vu depuis déjà une année entière. « Moi aussi je suis ravie, » dit-elle en se tournant vers son amie. Elle prend ensuite place sur le canapé désigné par Milan et détail chaque objet de décoration avec grand intérêt. « Ça a changé ici, quelqu'un s'est occupé de refaire la déco ? » demande-t-elle en la regardant avec un sourire rempli de sous-entendus. Milan et Théia ne se sont plus vues depuis un moment déjà, elle ne sait donc pas si oui ou non elle a maintenant quelqu'un dans sa vie. Elle sait cependant que Milan est et a toujours été attirée par les filles, et c'est un détail qui ne lui a jamais posé de problème. Wallace était bien gay, et ça n'a pas changé l'amour qu'elle lui portait pour autant.

Écouter Milan parler de cette fille dont elle n'a jamais entendu parler suffit quelque peu à réchauffer son petit cœur triste. Théia ne peut s'empêcher de sourire, attendrie par le récit de son amie. Cela ne l'étonne pas vraiment qu'elle dise avoir trouver la femme de sa vie, Milan est une personne tellement extraordinaire. Si gentille, patiente, et remplie d'une bonté qui a de nombreuses fois aidée la jeune Théia. Quand elle réalise que les deux demoiselles se sont rencontrées il y a plus d'un an, elle comprend pouquoi Milan ne lui en a pas parlé. À cause de Wallace. Théia était encore trop fragile à cette époque, instable même. Cependant, jamais elle n'aurait repoussé son amie si celle-ci lui apprenait qu'elle était tombée amoureuse. Elle ne lui en veut évidemment pas, elle est même plus que ravie de la voir si épanouie. « C'est génial Milan, je suis vraiment contente de l'entendre. J'espère que tu me la présenteras par contre, je veux vérifier si elle est effectivement bien à la hauteur ! » Elle esquisse un petit sourire amusé et prend la main de son amie entre les siennes avant de la presser doucement. Théia a toujours été très affectueuse envers les personnes qu'elle apprécie, et l'homosexualité de Milan ne l'a jamais frênée dans cette habitude. Après un nouveau sourire rempli de joie, elle lâche sa main et se recule un peu dans le fond du canapé. « Et moi je suis toujours seule, » dit-elle en riant. « Sauf que... » Elle inspire profondément, ne sachant pas par où commencer pour lui parler de cette fameuse retrouvaille qu'elle a vécue il y a peu. « Je ne pense pas t'en avoir parlé, mais l'année passé, j'ai rencontré un garçon à l'hôpital. » Nerveuse, elle se met à tripoter le bout de son t-shirt. « On a sympathisé, mais il était un peu de ce genre à se foutre de tout, tu vois. Un casse-cou, pas très sérieux. Bref. On rigolait bien ensemble, il était vraiment sympa avec moi, je n'ai même jamais compris pourquoi. Puis... On s'est embrassés. » Théia sent ses joues virer au rouge. « On ne s'est plus vus depuis mais là, je l'ai recroisé par hasard. » Et on ne peut pas dire que les retrouvailles avaient été très festives. Samuel l'avait regardée avec ce visage froid, rempli de colère, un qu'elle ne risque pas d'oublier. Le revoir l'a un peu perturbée, et elle ne peut s'empêcher d'y repenser un peu tous les jours.

L'entendre et la voir si heureuse, ça fait sourire Théia. Elle qui a toujours été très soucieuse du bonheur des personnes qu'elle aime, elle ne peut qu'être contente lorsqu'elle apprend que Milan est actuellement en train de flotter sur un petit nuage. Même si une part d'elle ne peut s'empêcher d'être un peu jalouse, elle reste ravie pour elle. Milan le mérite tellement, elle qui a toujours été un grand soutient pour elle. Son enthousiasme par rapport à sa vie amoureuse à elle la fait sourire. En réalité, il n'y a pas tant à dire que ça. Théia a toujours été une solitaire, surtout depuis ces dernières années. Sa maladie et Wallace l'ont empêchée de rencontrer des garçons, et jamais ça ne l'a dérangée. Sauf qu'aujourd'hui, elle ressent presque le besoin de lâcher une bonne fois pour toute ce qu'elle a sur le coeur. « Merci mais ça ira pour le moment, je me servirai en cas de besoin. Je sais où se situent les bonnes choses, » ajoute-t-elle avec un petit rire. Elle se concentre ensuite sur ce qu'elle va dire, comment elle pourrait commencer le récit de sa vie. Même si Théia n'a pas une vie amoureuse compliquée, ce qui se passe dans sa tête et dans son coeur est quelque peu devenu brouillon depuis plusieurs semaines déjà. « Je te préviens, ce n'est pas aussi simple que ce que tu peux penser. » À nouveau, elle rit avant de pousser un léger soupir. Elle pourrait parler de Sam, de leurs retrouvailles et de leur soirée à la boîte. Sauf qu'il n'y a pas que lui. Ce n'est pas lui qui hante ses pensées, qui la fait sourire parfois sans raison, ou qui fait jaillir en elle une vague d'émotions incontrôlable. Même si elle aimerait que tout ceci soit faux, elle ne peut empêcher son coeur de battre pour cet être étrange aux cheveux bouclés. « Tu sais, revoir Sam m'a vraiment fait plaisir. On s'entendait très bien, et je remarque bien sa façon de me regarder comme si rien n'avait jamais changé entre nous. Sauf que... » Théia se met à sourire bêtement. « Il y a ce garçon. Il s'appelle Oliver, il est photographe, et on a toujours été sur la même longueur d'onde vu que, comme quoi, il est passionné par l'art. Être avec Oliver, c'est tellement différent que d'être avec Sam. Il est différent, plus sérieux et plus... Je ne sais pas, intriguant. Il a quelque chose de particulier. » En sentant ses joues s'empourprer, elle baisse les yeux. « C'est stupide, » dit-elle en souriant comme une enfant.

Théia l'écoute sans répondre, se contentant de simplement hocher la tête. Elle ne sait pas si elle appellerait ça "se remettre en selle", après tout elle n'a pas vraiment choisi d'en pincer pour un garçon plus âgé qu'elle et qui n'en a sûrement rien à faire d'elle. Sam, elle l'a rejeté comme elle a rejeté les autres. Elle a eu peur, elle a fui, et elle se rend bien compte que ce sont des choses que Milan arrive à comprendre sans même qu'elle n'aie besoin d'en parler. À sa question, elle ne peut cependant s'empêcher de rire. Cette réflexion l'amuse, même si ce n'est que de l'humour. Théia n'est tellement pas comme ça, à jongler entre deux hommes pour le plaisir d'avoir un peu d'affection. Même si les deux ont une grande place dans son coeur, elle ne peut mentir en avouant qu'il penche plus d'un coté que de l'autre. « Pas du tout ! Voyons, pour qui tu me prends ? » demande-t-elle en essuyant une larme au coin de son oeil à force de rire. « Disons plutôt que Sam appartient au passé, et Oliver est... Enfin, c'est Oliver. » Un homme passionné, mystérieux, différent. Il y a tellement de choses à dire sur lui que Théia ne saurait même pas par où commencer. Pourtant, elle n'a pas envie d'en dire plus. Elle a l'impression que le dire à voix haute rendra tout ça trop réel, et c'est une situation pour laquelle elle ne se sent pas encore prête. À la requête de Milan, Théia la regarde avec un sourire avant de secouer la tête de gauche à droite. « Bien sûr, pour qu'ils me prennent pour une tarée ? Je peux t'en faire un portrait robot si tu veux, ce sera plus simple. » Elle s'imagine mal débarquer auprès des deux garçons avec son amie pour la simple raison qu'elle a la soudaine envie de les comparer entre eux.