Flightless bird (Ismaël)

Journée vide, ennuyeuse, monotone. Les mains dans les poches de son pantalon, Ezra se balade sans but dans les ruelles de Bowen en direction de sa place principale. Il ne sait pas vraiment pourquoi il est ici, il n'a personne à retrouver ni rien à acheter. Il en a eu marre de son appartement sans vie et a voulu partir faire un tour, sans savoir quoi faire de sa journée de repos. C'est sur la place que son choix s'est finalement porté, se disant que peut-être il pourrait entendre les prouesses de Manu à la guitare, ou d'un autre musicien qui réussirait à un peu animer sa journée pour le moment à mourir. Curieux, il s'amuse à regarder les personnes autour de lui. Des amies occupées à faire les magasins, des couples qui se tiennent la main, ou encore un sportif et son chien. Lui, il est seul. Éternel solitaire, marchant sans but et écoutant les bruits de la ville sans grand intérêt. Il pourrait se sentir mal en voyant toutes ces personnes plus heureuses que lui, et pourtant, il se met à sourire. Ses yeux viennent à l'instant de se poser sur un visage qui ne lui est pas inconnu, une personne familière cependant vêtue d'une tenue particulière. « Jolie combinaison, » lâche-t-il une fois qu'il est assez proche d'Ismaël pour que ce dernier puisse l'entendre. Il lève les yeux jusqu'à son épaisse chevelure bouclée totalement en désordre et ne peut s'empêcher de sourire un peu plus. « Et coiffure, » ajoute-t-il. Ça lui fait toujours bizarre quand il le voit, il ressent encore ce pincement au cœur à cause de sa trop grande ressemblance avec celui qui... Enfin, avec Wes. Sauf qu'Ismaël n'est pas Wes, mais une personne bien plus sympa qu'Ezra a petit à petit réussi à apprécier.

Je porte mon éternelle salopette bleue, un peu trop large pour un corps frêle comme le mien et ce bandana rouge qui maintient mes cheveux en ordre pour éviter un quelconque désastre capillaire.  Depuis ce matin je ne cesse de travailler sans relâche, sans la moindre pause. Je décide d'échapper au bruit incessant du chantier et aux ordres quelques peu insatiables de mon paternel pour m'évader au calme. J'étire longuement mon corps en proie à de douloureuses courbatures avant de m'aventurer dans les ruelles de la vie. Je n'ai pas besoin de demander la permission, je suis l'un des meilleurs employés et même le plus sérieux. Je ne souhaite pas porter préjudice à mon père mais je ressens le besoin de me ressourcer loin des odeurs âcres de la peinture, des coups de marteau et de cet air irrespirable. Je souffle inlassablement de bien-être en retrouvant le calme ambiant de la vielle. Je retire mon bandana pour essuyer cette légère sueur qui marque mon front avant d'acheter une bouteille d'eau dans cette petite cafétéria à l'angle de la rue. Je souris noblement à cette blonde qui glousse négligemment lorsque je passe près d'elle. Je ne souhaite pas m'aventurer davantage à sa table, mon esprit est préoccupé par l'image de quelqu'un. Je retourne sur mes pas afin de retourner à ce destin infernal qu'est mon travail. Toutefois, je suis surpris de la tournure des événements, interloqué de le retrouver face à moi, ce sourire si attirant et son regard marqué par ce bleu océan. Ces compliments me font sourire de nouveau. Je suis mal à l'aise de me montrer ainsi devant lui. J'ai l'air pitoyable. Étonnamment j'essaye de jouer le jeu. "Bonjour Ezraël, heureux de te revoir. Si je te plaît comme ça, je ne devrais pas faire beaucoup d'effort alors." Je ris de bon cœur tout essayant d'arranger mes cheveux. Je les déteste tellement. "Que fais-tu ici ? Tu es perdu ?" Ce garçon aux cheveux ébènes m'interroge tout comme il m'attire.

La réflexion d'Ismaël le perturbe. Il ne devrait pas ressentir ça avec lui, ce stupide nœud dans l'estomac qu'il a à chaque réflexion du jeune homme. Ça l'énerve, et il se dit que ce n'est que lui qui rêve toutes ces fausses impressions. Ezra, ne sachant pas comment réagir face à cette remarque, il se contente simplement d'esquisser un petit sourire gêné en fixant le sol. Nerveusement, il glisse une main dans ses cheveux et passe au-dessus du fait que sur le coup, il pourrait se mettre à rougir comme un ado. C'est étrange, ce que seulement quelques mots de la part de ce garçon arrivent à lui faire ressentir au fond de lui. Il s'efforce d'oublier cette stupide remarque et relève les yeux vers le bouclé quand il l'entend rire. « Moi aussi, ça me fait plaisir de te voir. Tu bossais je suppose, vu ta tenue. » Ezra regarde à nouvelle fois la salopette d'Ismaël, non pas pour se moquer de lui, mais parce que ça lui permet de ne pas croiser son regard qui semble prêt à lire en lui. Il profite de sa question pour s'échapper de ce moment gênant et relève à nouveau les yeux en direction de son visage. « Perdu je dirais pas, je connais trop bien cette ville pour ne plus savoir où je suis. Juste en pleine réflexion sur comment je vais passer le temps. » Ezra se rend alors compte qu'Ismaël vient certainement de passer plusieurs heures sur un chantier, suant à cause de la chaleur et du travail physique. Un sourire étire ses lèvres. « Vu que c'est ta pause, tu veux en profiter pour... grignoter quelque chose ? Boire un café, thé ? » Il remarque alors la bouteille d'eau qu'il a la main. « Ou juste faire un tour, comme tu veux. » Car malgré toutes ces pensées contradictoires qui traversent son esprit lorsqu'ils se retrouvent l'un en face de l'autre, Ezra apprécie assez Ismaël pour avoir envie de passer un peu de temps avec. Et puis, si ils n'ont rien à faire séparément, autant en profiter pour trouver quelque chose à deux.