surfin bird + terrence

Attends, t'as retrouvé ton père !? T'es sérieuse !? La brune s'était exclamée alors que son amie avait l'air pétrifiée. Lena, c'est fou comme histoire. C'est presque impossible. Toute ta vue tu as attendu ce moment, tu imagines ? Certain qu'elle pouvait l'imaginer, elle le vivait même. Mais Lena avait des questions, des questions que seul son père pourrait répondre. Tu as une photo ? Je veux voir d'où tu as hérité de ta beauté ! Quelques mois s'étaient écoulés depuis que Lena avait finalement avoué à son amie l'existence de son père. Ils s'étaient d'ailleurs même rencontrés, une fois, et le contact avait semblé chaleureux. Et même si des centaines de questions planaient encore dans l'univers, Lena avait semblé plus sereine depuis leurs retrouvailles. Bella en était d'ailleurs heureuse, tout ce qu'elle voulait, au fond, c'était de savoir son amie heureuse et elle pouvait témoigner du vide qui régnait en elle avant même d'avoir renoué avec ses racines. Wow, il est trop beau ton père ! Mais qu'est-ce que tu en as de la chance ! Ces mots, c'était ceux qu'elle avait lancés à son amie alors qu'elle lui avait tendu la photo du militaire. Lena lui avait parlé de ce qu'ils faisaient aujourd'hui, maintenant qu'il avait quitté l'armée pour des raisons que Bella ignorait. Lena s'était montrée secrète sur certaines parties de ses retrouvailles avec lui, Terrence, celui qui l'avait fait vivre, celui sans qui elle ne serait pas sa meilleure amie. La brune n'en faisait pas une scène, elle acceptait la discrétion de sa copine qui avait tout un lot d'émotions à digérer. Mais de nature curieuse, l'étudiante ne pouvait pas se résoudre à une photo. Il fallait qu'elle voit, en chair et en os, l'homme qui était le père de son amie. Peut-être que Lena lui en voudrait, peut-être qu'elle serait en colère contre elle, mais la belle saurait expliquer sa motivation. Elle cherchait à protéger, dans un premier temps, celle qu'elle aimait comme sa soeur et s'assurer que cet homme ne lui voulait pas de mal. Bon, ça c'était la première raison. Mais elle voulait aussi assouvir son côté voyeur et voir, de ses propres yeux, s'il était aussi beau en vrai qu'en photo. Elle s'était donc rendu à la boutique qu'il tenait sur Grays Bay, là où les vagues étaient agitées, armée de ses heures de recherches en surf. Le surf, elle n'y connaissait rien, mais elle devait se montrer futée et posséder le sujet le plus possible si elle voulait demeurer subtile. Lorsqu'elle entra dans la boutique, une clochette retentit. Mine de rien, elle parcourut le mur de planches qui trônait près de l'entrée, à la recherche de quelque chose qu'elle avait vu sur le web, quelque chose qui ne la ferait pas sonner comme une idiote. Pardon, vous avez une grande sélection de planches hybrides ? Elle s'était adressée à lui, comme si de rien n’était, mais il était encore trop loin pour qu'elle puisse l'admirer comme il était réellement.

Il avait plu ce matin sur Bowen, un temps qui n'était pas pour déplaire à Terrence puisqu'il avait rafraîchit l'air et l'odeur du sable mouillé lui plaisait. En plus qui disait pluie disait moins de clients et ça tombait bien, il avait donc eu le temps de rentrer toute sa commande, tant dans son stock sur son logiciel qu'en magasin, bien rangé pour les futurs acheteurs en quête de nouveauté. Il aimait que sa boutique soit en ordre, il était un tantinet maniaque sur ce point là. Sa tasse de café à la main, la troisième ou quatrième de la journée, il ne les comptait plus à présent, il sortait de son arrière-boutique quand il entendit teinter la petite clochette prévenant d'un visiteur. Le temps s'était radoucit, incitant les clients à se balader sur le front de mer. Sans sauter sur la personne qui venait d'entrer, il s'approcha doucement, lui laissant le temps de faire le tour du magasin, il avait horreur de donner l'impression d'attendre le client ou bien de lui mettre la pression, il fallait qu'on se sente à l'aise chez lui, il y tenait. Finalement il aperçut une jeune brune, de loin il se fit la réflexion qu'elle ne devait pas être beaucoup plus âgée que Lena, sa référence en matière de jeunesse. Elle l'apostropha pour lui poser une question, c'est à ce moment là qu'il s'approcha un peu plus, après tout il était surtout là pour conseiller. Cette gamine était nouvelle, il ne l'avait encore jamais vu chez lui. C'était toujours un peu pareil, les jeunes aimaient la nouveauté, il suffirai qu'elle ait une amie qui se soit mise au surf pour qu'elle soit soudainement intéressée par ce sport, comme si c'était aussi simple. Terrence se méfiait de ce genre de client, généralement il les renvoyait gentiment chez Violet, qui était bien plus patiente que lui avec les novices, lui il aimait travailler avec les passionnés et vu l'allure de la jeune fille qui lui faisait face, il doutait de sa motivation. Pourtant il pouvait se tromper, il devait au moins lui laisser le bénéfice du doute. J'ai une grande sélection de surfs, de tous types. Tout dépend ce que tu recherches. Quelles sont tes attentes ? Il aurait directement pu lui demander si elle était débutante, mais il ne voulait pas la froisser d’emblée.

Si Lena apprenait que Bella s'était aventurée dans la boutique de son père, elle voudrait probablement lui arracher la tête. Et si elle venait à savoir qu'en plus, sa meilleure amie le trouvait bien séduisant, la belle Hispanique aurait signé son arrêt de mort. Il fallait donc se montrer futée, discrète, se rincer l'oeil sans vraiment se permettre de le montrer, sans quoi tout allait foirer. Isabella s'était donc rendue à la boutique avec le prétexte de vouloir acheter une planche, recherches derrière la cravate. Le surf, elle ne connaissait pas, bien qu'elle soit née dans le pays qui vénérait ce sport et qui en avait fait son emblème, ça et les kangourous. Or, elle n'avait jamais mis les pieds sur une planche de sa vie et elle n'avait jamais vu de kangourous traverser la chaussée. Il ne fallait pas se laisser berner par les stéréotypes australiens.
À peine entrée, elle s'était ruée vers un mur pour cacher son improbable connaissance en la matière. Elle faisait sa connaissante, à regarder les modèles et à toucher les textures alors qu'en réalité elle ne savait pas de quoi elle parlait. En abordant le terme hybride, qu'elle avait lu sur internet, la brune pensait que le vendeur lui aurait montré les planches de cette catégorie. Cependant, il se contenta de lui répondre par une nouvelle question. Bella sourit alors qu'intérieurement elle était contrariée, parce qu'en réalité elle ne savait pas réellement quelles étaient ses attentes. Elle n'en avait pas, loin d'elle l'envie d'acheter réellement une planche, elle était ici seulement pour les beaux yeux du propriétaire. Prise dans une impasse, elle se contenta de raconter une demi-vérité. Je suis débutante, mais j'ai lu sur le blogue de Surfer Magazine que les planches hybrides sont vraiment idéales pour commencer. Quelque chose à voir avec le matériel et la flexibilité. Isabella sourit au père de son amie, convaincue de ce qu'elle avançait et pourtant elle aurait pu avoir tort, complètement tort. Enfin, je ne veux pas vous importuner. Vous avez surement bien d'autres clients plus intéressants à servir qu'une jeune débutante. Elle haussa les épaules, faussement malaisée de le déranger. C'est juste que je préfère nettement votre boutique à celle de Horshoe Bay. Elle fait... trop esthétique, si vous voulez mon avis. La votre est rustique, on sent l'essence du sport et sa simplicité. La brune posa ses yeux dans ceux du commerçant, elle tentait de le charmer en complimentant sa boutique, mais elle ne savait pas que sa compétitrice, Violet, était dans le coeur de l'homme. Peut-être avait-elle fait une erreur ?

Avec patience, Terrence écouta docilement la jeune fille lui parler, elle était donc débutante, il avait vu juste, il avait comme cette capacité à reconnaître le profil des gens, à force de côtoyer la clientèle. Et voilà qu'elle lui parlait de blog, évidemment, une gamine pile dans sa génération, de là à ce qu'elle lui parle d'une Youtubeuse à la mode qui ventait les mérites du surf pour entretenir la silhouette ou pour une quelconque méthode de méditation. Il en aurait presque roulé des yeux mais il resta impassible, correct face à la brunette qui n'avait pas demandé à se faire agresser. Non, tu ne me dérange pas, c'est toujours bien de rencontrer des novices... Allez, un peu d'entrain mon gars, c'est peut-être une future cliente, si ça se trouve elle est douée ! C'est vrai, les hybrides sont plutôt multi-usages et plutôt tendance en ce moment. C'est du bon matériel. Quelque chose n'allait pas, sans savoir pourquoi il sentait qu'elle n'était pas là que pour s'intéresser au sport. Et sa prochaine sortie ne fit que confirmer son sentiment. Voilà qu'elle ventait sa boutique au détriment de celle de Violet, comme s'il y avait une réelle concurrence entre eux. Ils ne vendaient pas le même matériel, ils n'avaient pas les mêmes fournisseurs et donc pas le même public. Et puis Terrence n'allait pas se sentir flatté qu'elle complimente son magasin, il n'avait plus rien à prouver, surtout pas à une gamine comme cette fille. Ouais on sent aussi la testostérone et le mâle. C'est quoi ces conneries ? Franchement j'te vois plus dans une ambiance esthétique et laquée pour ne pas salir tes belles tenues parce qu'avec la graisse qui traîne partout ici t'as intérêt de faire gaffe où tu mets les mains. Il s'approcha encore, sous le spot la brunette pouvait mieux remarquer ses sourcils froncés et son air suspicieux. Qu'est ce que tu veux ? J'ai comme l'impression que t'es pas vraiment là pour l'amour de la vague. Encore une fois il pouvait totalement se tromper et froisser la pauvre fille, mais tant pis, Terrence ne la sentait pas et il marchait à l'instinct.

La conversation s'était engagée plus gaiement qu'elle n'avait commencé, Bella avait finalement trouvé quoi lui dire pour que, en bon vendeur, Terrence la trouve intéressante. Elle avait joué la carte de l'honnêteté, évitant de se brûler les ailes trop rapidement et de se retrouver devant un mur de glace, impossible à transpercer où la discussion aurait été interdite. Elle n'oubliait pas son but premier, outre que la curiosité de le voir en chair et en os, mais bien de se faire une opinion sur le personnage pour mieux protéger son amie. Il faisait des efforts, initiant le dialogue pour cerner ses besoins, mais rien n'était naturel. C'était peut-être elle et son ignorance dans le domaine ou alors lui et ses suspicions, mais quelque chose clochait entre eux. C'est quand la brune osa parler de la boutique de la plage avoisinante qu'il explosa, montra un caractère bien trop sauvage pour un commerçant. Le service à la clientèle, c'était loin d'être son fort et si l'homme avait une page Facebook à son commerce, elle aurait très vite ajouté une mauvaise critique. Bella fronça les sourcils, agressée par la façon dont il s'adressait à elle, insinuant qu'elle était matérialiste et trop sophistiquée pour un tel endroit. Ça n'avait plus rien à voir avec son intérêt envers le surf, ou pas, il s'attaquait à sa personne. Vous vous prenez pour qui ? Lança-t-elle. Vous parlez d'une façon de vous adresser à une cliente. Elle s'avança, n'ayant pas peur de lui. Il avait le visage dur, s'il était mauvais, il aurait pu lui faire du mal. Et elle lui mettait presque au défi de tenter de la toucher, Lena serait la première informée. Vous me jugez sans me connaitre, pourtant vous devriez être le premier à savoir que ce genre de comportements est blessant, vous qui avez été sous les projecteurs de rumeurs. Elle avait fait des recherches, elle s'était renseignée, et partout en ville on parlait d'un Terrence Kelly au lourd passé, trainant dans des histoires pas trop nettes. J'suis pas là pour le surf, j'suis là pour vous. Lui sourit-elle. Il était beau, dommage que son visage, lui, était sévère. Il lui enlevait tout son charme.

Qu'on se le dise, il ne fallait pas l'emmerder, Kelly, il était un très bon commerçant, un conseillé hors paire lorsqu'il s'agissait de son sport favori, mais il avait horreur qu'on lui fasse perdre son temps. Sa réputation d'homme tempétueux le précédait et à juste titre. Seuls les passionnés venaient pousser la porte de son magasin et ceux-là, il les accueillait avec plaisir, même les débutants. Il aimait les curieux, ceux qui avaient envie d'apprendre, ça ne le dérangeait pas, il fallait un début pour tout le monde. Mais ce qu'il détestait par dessus tout c'était les fouineurs et il lui semblait que la jeune fille qu'il avait face à lui en était une. A l'époque des réseaux sociaux et des avis sur tout et pour tout sur le net, il avait déjà essuyé des mauvais commentaires sur son accueil parfois douteux, ou sur les rumeurs qui couraient sur lui et que les gens interprétaient sans savoir. Mais tout ça lui glissait dessus, il n'avait pas besoin de ça pour faire tourner son commerce, les vrais amoureux du surf étaient toujours bien servis et ils savaient à qui ils avaient à faire. En témoignait la poignée de passionnés qui traînaient régulièrement au pied de son escalier pour se griller une clope ou boire un verre tout en discutant avec lui, il entretenait son réseau et ça lui convenait parfaitement comme ça. Qui me dit que tu es vraiment une cliente ? Qu'elle le sache, il se méfiait d'elle, on ne savait jamais, elle pouvait très bien être là pour de mauvaises raisons et il ne comptait pas changer de ton avant de savoir ce qu'elle voulait réellement. Tu sembles être bien renseignée pour quelqu'un qui vient juste prendre des renseignements sur le surf. Si elle avait de l'aplomb, il fallait bien l'admettre, Terry avait du répondant en plus de son mauvais caractère. Pour moi ? C'est sensé me faire peur ? Dis-moi ce que tu fais là avant que je te mette dehors. Ma patience a des limites. Et elle les frôlait clairement à ce moment là. S'il ne comptait évidemment pas employer la force envers cette gamine, il n'était pas violent malgré sa carrure imposante, il pouvait très bien être encore plus désagréable si elle ne parlait pas rapidement.

Il n'y avait pas grand-chose pour faire peur à la Costaricaine. Elle n'avait pas froid aux yeux. Ce qui expliquait bien pourquoi elle s'était rendue dans cette boutique, sachant pertinemment qu'elle ne venait pas pour l'amour du surf, dans le simple but d'en découvrir un peu plus sur les intentions de Terrence vis à vis Lena. Elle avait été aux premières loges quant aux questionnements de sa meilleure amie et aux tourments qu'elle s'était infligés en pensant à son père. En tant que bonne copine, elle voulait s'assurer que son amie ne craignait rien avec lui, qu'il avait de bonnes intentions. Elle ne pourrait supporter de voir Lena détruite par les gestes puérils d'un homme qui n'avait pas eu le courage de s'occuper d'elle durant toute sa vie et qui réapparaissait bêtement maintenant qu'elle eût atteint la majorité comme si à présent il était trop tard pour prendre les responsabilités qui lui étaient dues. Évidemment, Bella ne connaissait pas tout. Elle ne savait pas les réelles raisons derrière cet abandon. Mais elle s'était tout de même promis de ne pas le laisser faire de mal à son amie, quitte à ce qu'il la déteste. Il se méfiait d'elle, voyant clair dans son jeu, devinant qu'elle n'était pas une réelle cliente alors que la brune lui reposait au visage les fausses affirmations qu'il avait eues sur elle et les rumeurs qui circulaient sur lui. Elle s'attirait ses foudres et pourtant, Bella n'avait pas peur. C'était elle qui avait le grand bout du bâton, elle qui tirait les ficelles, sans même qu'il ne le sache. Vous êtes Terrence Kelly, n'est-ce pas ? Demanda-t-elle en attendant sa réponse. Quand il lui confirma, avec ou sans paroles, elle enchaîna. On raconte que vous avez une petite tendance à traîner dans l'illégalité. Sans vraiment savoir si c'était vrai ou non, on racontait plusieurs choses à son sujet. Bella s'en jouait. Je ne suis pas certaine que votre fille serait rassurée d'apprendre qu'en plus d'être un peu louche, son père ne se montre pas très sympathique avec les clientes de sa boutique. Non, même, je dirais, les amies de sa fille. Bella lui sourit angéliquement. Qu'elles sont vos intentions envers Lena ?

La question de la gamine le décontenança légèrement. Evidemment qu'il était Terrence Kelly, qui d'autre ? Elle devait bien le savoir puisqu'elle avait poussé sa porte. Il n'y avait pas beaucoup de vendeurs de surfs dans la ville et l'autre était une femme alors jusqu'à preuve du contraire, elle n'avait aucune chance de se tromper. Alors il ne répondit pas, se disant que c'était inutile, de toute façon la brunette continuait déjà sur sa lancée et il comprit vite où elle voulait en venir. Un demi sourire se dessina sur ses lèvres, un rictus indéchiffrable, était-il amusé, irrité ? Un peu des deux très certainement, les rumeurs allaient bon train sur sa réputation et son commerce, certaines étaient bien fondées, d'autres de pures affabulations, mais dans tous les cas ça ne lui faisait pas bien peur, il savait toujours quoi répondre, il en avait vu d'autre alors cette fille ne l'impressionnait pas avec son air suspicieux. Je vois qu'on est bien loin de l'achat d'une planche finalement... Tu comptes faire qui, me dénoncer à la police pour accueil désagréable ? Il se moquait un peu d'elle, mais cette confrontation devenait ridicule à présent et il avait autre chose à faire. Pourtant elle abattit une carte à laquelle il ne s'attendait pas, peu de personnes savaient qu'il avait une fille alors il écarquilla des yeux, non pas en entendant sa nouvelle menace de lui en parler, mais plus en entendant de sa bouche "votre fille". Mais il comprit mieux lorsqu'elle se présenta enfin comme une de ses amies, c'était donc à ça qu'elle voulait en venir. Elles étaient copines et cette gamine voulait protéger ses arrières, d'une drôle de manière soit, mais finalement ça pouvait presque paraître mignon.  Et elle le sait, Lena que tu fais passer un interrogatoire à son père ? Parce que je pense qu'elle est bien assez grande pour se débrouiller seule et qu'elle n'a pas besoin que tu viennes fouiner dans ses affaire. Nos retrouvailles nous concernent elle et moi, personne d'autre. Et pour ton information je lui ai raconté toute mon histoire, rumeurs ou non je n'ai aucun secret pour elle.
Il se détendit un peu, desserra les mâchoires, elle ne devait pas être bien méchante cette fille si elle était une amie de Lena. Je n'ai aucune mauvaise intention envers elle. C'est ma fille, je ne veux que son bien.

Bella le savait, elle le savait bien qu'il était Terrence Kelly. Ses recherches le lui avaient confirmé. Propriétaire de la boutique sur le sable de Grays Bay, ça lui avait été simple de le localiser. Et dans cette petite ville, des Terrence Kelly, il n'y en avait pas mille. Qui plus ait, des Terrence Kelly ayant fait l'armée non plus. Les recherches de Bella l'avaient mené vers lui et vers toutes les choses que l'ont racontait à son sujet. Des ragots, des histoires de ventes illégales, de prêt d'argent, de prison, de trahison que la brune ne comprenait qu'à moitié, parce que toutes ces histoires manquaient d'éléments pour faire du sens, pour se retrouver être la vérité. Cependant, elle était certaine que quelques éléments des ragots que l'on racontait à son sujet, étaient tout de même vrais. Tout ne pouvait pas être faux, il avait fallu se baser sur des éléments de vérités pour en arriver à ce genre de réputation. Et bien même, ça ne regardait pas Bella, en somme. Seulement, lorsque ça concernait Lena, la brune devenait plus que protectrice. Cet homme, Terrence, bien qu'il soit son père, elles ne savaient pas ses réelles intentions. Serait-il là pour faire encore plus de mal à son amie que son absence lui en avait déjà fait ? Il fallait s'en assurer. C'est pour cette raison que Bella s'était rendue à la boutique, feintant de s'y connaître en surf, sans quoi il ne lui aurait pas adressé la parole en premier lieu. Je m'en fiche de votre accueil désagréable, lâcha-t-elle quand il sembla se moquer d'elle. N'avait-il pas encore compris qu'en un seul coup de fil, Lena serait au courant de toutes ses fautes ? Et quand il mentionna l'affront que l'étudiante venait de faire en se présentant ici, tentant de lui tirer les vers du nez, Bella sourit en hochant la tête. Lena aurait fait la même chose si s'était moi, affirma-t-elle en croisa ses bras sur sa poitrine. Il ne la connaissait pas aussi bien qu'elle, Lena. Vous voyez, Terrence, Lena et moi sommes amies depuis toujours. Je la connais par coeur. Et surement bien mieux que vous. Ici, j'ai l'avantage, pointa la brune avec arrogance. S'il voulait jouer à ce jeu, elle aussi pouvait bien le faire. Et je la connais assez pour savoir que le genre de trucs dans lequel vous trainez, c'est lourd à digérer pour elle. Sa douce Lena, si droite, ne pouvait pas avoir un père au si lourd passé. Pour ça, on est sur la même longueur d'onde. Je ne veux que son bien. C'est d'ailleurs pour ça que je suis venue m'assurer de vos intentions avec elle. Vous êtes peut-être son père, mais vous n'avez pas été là durant toutes ces années. Qu'est-ce qui nous dit que vous ne prendrez pas la fuite quand ce sera trop dur ? Ou que vous ne favoriserez pas vos autres enfants au dépit d'elle ? Ou que vous ne ferez pas passer votre copine avant votre propre fille ? Des suppositions dont la brune ignorait la véracité.

hors jeu : sorry, j'ai dû changer la couleur des paroles de bella. avec le fond, l'ancienne ne se voyait pas trop avec

Terrence n'avait pas souvent de clients aussi pénibles que cette gamine et heureusement. Les pires clients étaient peut-être ceux qui venaient pour le commerce d'armes, mais ceux-là il savait les remettre à leur place sans ménagement, ça n'avait rien à voir avec sa boutique de surf et quand il passait de ce côté là du comptoir il devenait un homme bien différent du commerçant passionné et généreux en conseils, il se montrait froid et détaché, les clients savaient ce qu'ils voulaient, ils payaient, lui fournissait, point final. Mais tout ça était derrière lui à présent, il n'y avait aucune arme à feux dans cette boutique mis à part la sienne, qu'il cachait précieusement et dont il espérait ne jamais avoir à se servir. Mais finalement il comprit qu'elle venait en tant qu'amie de Lena et la pression redescendit d'un cran, ce n'était qu'une gamine qui cherchait à se renseigner sur le père de sa copine. Il roula des yeux à sa réponse, les trucs de filles, amies pour la vie, tout ça le dépassait, ça l'avait toujours dépassé, déjà quand il était jeune, mais à présent c'était encore pire. Il soupira en haussant les sourcils, bras croisés, adossé contre l'étagère derrière lui, il attendait qu'elle en dise plus. Et c'est sensé m'impressionner ? Je ne compte pas copiner avec elle, je suis son père. Alors t'as peut-être l'avantage mais c'est elle qui est venue vers moi pour nouer des liens, je fais c'que je peux. Elle se prenait pour quoi, la brunette, pour lui faire des leçons de morale, il n'avait pas besoin d'elle pour savoir qu'il n'avait pas intérêt à décevoir sa fille sinon il la perdrait définitivement et c’était déjà suffisamment de pression comme ça sans que quelqu'un vienne se mêler de cette histoire. Et qu'est ce qui te dit que tu ne vas pas trop loin là ? Je ne vois pas en quoi tout ça te regarde, encore une fois ce ne sont pas tes histoires. Je sais ce que j'ai à faire et je ne compte pas tout foutre en l'air. Puis t'es une future flic ou quoi ? J'ai pas signé pour un interrogatoire en bonne et due forme, j'vois pas pourquoi je répondrais à tes questions. Terrence ne comptait pas entrer dans le jeu de cette fille, il ne voulait pas parler de Violet ni de quoi que ce soit, la seule à qui il parlerait ce sera Lena.

Pénible ? Bella l'était sans doute un peu. Est-ce que ça lui dérangeait ? Pas du tout. Elle avait des craintes et des doutes et rien ne pourrait l'arrêter de vouloir trouver des réponses à ses questions. Pas même l'attitude froide et fermée de Terrence. Il n'était pas accueillant avec elle depuis qu'elle avait mis les pieds dans son commerce. Encore heureux qu'elle n'était pas une réelle cliente, finalement, parce qu'elle n'en aurait pas eu pour son argent. Autrement, il l'envoyait chez sa collègue, Violet, où les débutants avaient l'habitude de trainer. Bella ne savait pas ce qui se passait entre lui et elle, les rumeurs étaient qu'il y avait une histoire entre eux, mais rien ne s'était jamais réellement concrétisé, et donc elle se permettait de parler de l'endroit comme trop artificiel pour elle, qu'elle désirait sentir le surf à l'état brut. Si elle avait été une réelle cliente, Bella aurait mieux fait de rebrousser chemin et d'aller faire un tour chez cette Violet, parce que Terrence, à l'instant, n'avait ni envie de la servir ni de s'ouvrir sur ses intentions envers Lena. Copiner... Non, affirma la brune aux justifications du trentenaire. Mais le temps est passé et il est impossible à retrouver. Toutes ces situations père-fille vous les avez perdues. Bella soutenait le regard de Terrence. Son but, ce n'était pas d'être méchante, mais seulement de lui faire comprendre qu'il y avait eu dix-neuf années qui s'étaient écoulées depuis la naissance de Lena et sur ces dix-neuf années, combien d'entre elles avait-il vécu à ses côtés ? Alors, copiner, non, mais il est trop tard pour jouer à la dinette et l'amener à Disneyworld, ajouta-t-elle pour préciser sa pensée. Elle ne vous connait pas, tout comme vous ne la connaissez pas. Mais moi, si, affirma-t-elle en appuyant sur ses mots. Et je sais qu'elle est beaucoup trop sensible pour se faire briser le coeur par un homme qui se dit être son père, mais dont on ne sait pas s'il souhaite rester dans sa vie. C'était bien ça, le problème, c'est qu'on ne savait pas trop où irait cette relation. Il disait faire ce qu'il pouvait, mais cela ne voulait pas dire qu'il resterait même dans les pires moments. C'est facile de vouloir être là quand tout va bien, mais la réalité, quand on a des enfants, c'est que ça peut mal tourner. Bella, elle, elle avait été mise entre la vie et la mort à sa naissance. Et ses parents ne l'avaient pas abandonné. C'était tout ce qu'elle souhaitait pour Lena. Vous n'avez pas à répondre à mes questions, c'est vrai, soupira la brune. J'vous ait mis en garde, c'est tout ce qui compte pour moi à présent. Elle s'avança vers les planches. J'vais prendre celle-là, dit-elle en pointant celle qu'elle avait regardée dès le départ.

Terrence n’avait pas encore pensé à tout concernant sa fille. Il n’avait pas encore pris conscience de tout ce qu’elle apportait avec elle, sa vie dont il ne savait rien, sa mère et leur passé compliqué et aussi ses amis, qui avaient finalement bien plus de légitimité que lui dans leur rôle auprès d’elle. Lena avait tout une vie, tout un tissu social auquel le surfeur devrait se rattacher tant bien que mal, à sa façon, sans froisser personne. Il n’avait rien demandé, il ne demandait rien, sauf avoir une petite place, même infime, dans la vie de Lena. Il n’était pas contre rencontrer ceux qui faisaient sa vie, ses amies, son copain même, si vraiment il devait en passer par là, mais il n’avait pas songé qu’il doive subir un interrogatoire de passage pour être accepté dans le cercle. En un sens ça le rassurait, qu’elle soit aussi bien entourée, mais cette gamine face à lui le faisait royalement suer, pour être poli, avec ses questions et son air suspicieux de fille qui en savait un peu trop. Ce n’était que des suppositions, comme tout le monde, mais il n’avait aucune envie de se justifier auprès d’une brunette d’à peine vingt ans. Il roula des yeux en l’écoutant. Merci, ta sollicitude m’aident beaucoup. Qu’il grogna, comme s’il ne savait pas qu’il avait déjà perdu bien trop d’instants précieux auprès de sa fille. Il n’avait pas demandé à être éloigné d’elle durant toutes ces années, on l’en avait privé, à plus ou moins juste titre, mais Bella ignorait tout de cette histoire là et il ne comptait pas lui en parler. Je n’ai pas l’intention de fuir, j’ai déjà attendu trop longtemps et perdu trop de temps. Seule confession qu’il lui concédait, avouant sans le dire vraiment que Lena lui avait manqué durant toutes ces années. Puis Kelly refusa simplement et catégoriquement de continuer sur cette voie là, il n’en dirait pas plus à cette fille qu’il ne connaissait pas et elle le comprit, acceptant bon gré mal gré. Lorsqu’elle désigna la planche il esquissa un rictus presque amusé. Il en attrapa une autre. Celle-ci sera mieux pour commencer. L'idéal c'est de prendre des cours, si tu veux vraiment faire ça sérieusement. Il sortit la planche du rayonnage et la lui tendit. C’est pour moi. Terrence ne le montrait pas, sous ses airs bourrus et mal dégrossi. Mais il était généreux et même s’il ne l’avouerait pas, par soucis de fierté, il était reconnaissait à cette salle gosse qui lui tapait sur les nerfs d’être une amie si prévenante pour Lena. Alors il lui offrait la planche avec plaisir, sans aucune arrière pensée. Et un peu en espérant qu’elle déguerpirait vite et qu’il en aurait fini avec cet interrogatoire désagréable.

Elle n'avait rien demandé, Lena. Elle lui avait à peine parlé de son père, à peine parlé de comment elle se sentait dans toute cette situation chaotique. Mais c'était du Bella tout craché, d'agir avant qu'on lui demande, de vouloir contrôler l'incontrôlable. Elle avait peur. Peur que sa meilleure amie soit à ramasser à la petite cuillère dans l'éventuelle possibilité qu'il ne puisse pas répondre à son rôle de père, que Terrence l'abandonne encore. Avant, c'était moins grave, elle n'avait que son imagination pour se forger un souvenir de lui. Mais, maintenant, ça la tuerait. Et ses souvenirs, bien que peu soient-ils, la hanteraient jusqu'à la fin de ses jours. Elle verrait son visage, elle se souviendrait de sa voix, elle saurait son odeur. Et c'était impensable, pour la Costaricaine, qu'il daigne lui faire le coup à nouveau. Bella ne pouvait contrôler la situation, ni l'homme qui se tenait face à elle. Tout ce qui lui restait, c'était de le mettre en garde, de le prévenir. Et, ainsi, peut-être qu'elle limiterait les dégâts. C'était tout ce qu'elle avait tenté de faire. Il finit par lui faire une confession, par avouer qu'il avait déjà bien assez perdu de temps comme ça loin de sa fille, loin de son sang, et qu'il ne comptait pas l'abandonner. Bella hocha la tête. C'était tout ce qu'elle voulait. À présent, Terrence devait respecter ces dernières paroles. Bien, conclut-elle avant de pointer la planche du départ. À défaut de lui avoir fait perdre son temps ce matin, Bella lui achèterait une planche. Non pas parce qu'elle souhaitait se mettre au surf, loin de là même, elle allait sûrement l'offrir à Lena, cette planche, mais c'était le moindre qu'elle puisse faire. Le vendeur lui montra une planche différente, expliquant qu'elle était bien meilleure pour les débutants mais que, dans tous les cas, les cours seraient une bonne façon de bien s'y mettre. Bella gloussa. Oui, mais pour ça, j'ai compris, je dois demander à votre collègue, Violet. Parce qu'il lui avait déjà précisé que les débutants, lui, ce n'était pas sa tasse de thé. Jamais elle n'irait voir cette Violet, cependant. Le surf, ça ne l'intéressait pas du tout. J'vais prendre celle-là alors, dit-elle alors qu'il s'avançait pour lui offrir. Non. Je tiens à payer comme tous les clients le font, annonça la jeune fille. L'intention lui fit quand même plaisir, elle n'aurait pas que de mauvaises choses à raconter à sa meilleure amie quand elle lui avouerait s'être rendue à la boutique de son père.

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