A chase would be nice for a few. kozra

• Ce n'était pas la première fois que je stationnais mon jeep devant la bibliothèque. Je devais même avouer que depuis ma première venue, j'abusais. J'avais des fiches à faire imprimés, mais c'était surtout une excuse. Normalement, j'aurais refilé le travail à ma secrétaire, mais j'avais pris goût aux livres. Ou pas. Bref, je me dirigeais fièrement vers le bâtiment papier en main, chemise roulée sur mes avant bras et sourire provocateur aux lèvres avec l'espoir de rencontrer le petit employé des dernières fois. Ezraël. À notre première rencontre, je n'étais pas de très bonne humeur et je lui avais pratiquement grondé des ordres. Il m'avait aussi tôt fait regretter avec un regard timide et un calme olympien. J'adorais autant que je détestais ce sentiment appréciateur que je ressentais en regardant ce visage poupins. J'entrais dans la bibliothèque comme un Roi dans la cours de ses sujets avant de chercher mon petit employé préféré du regard. Évidement, il était là. Il faisait sagement son travail alors que j'avançais comme un prédateur vers lui. "Je suis heureux de voir que vous n'êtes pas encore fermés." Dis-je comme seule salutation en déposant les quatre fiches et le document à réimprimer où trônait l'insigne d'Hugo Boss. J'avais besoin de 40 copies, comme toujours. Ma demande directe nous épargnait les banalités mensongères. Je m'appuyais sur le comptoir pour suivre chacun des mouvements du jeune homme. "Ça été une grosse journée?" Demandais-je naïvement en espérant lancer une conversation.

Ranger des bouquins a fini par devenir un geste monotone pour lui. Il ne lit même plus les titres, il lui suffit de regarder l'image sur le devant et, immédiatement, Ezra sait où le placer. Étant seul dans la bibliothèque, il profite pour monter tout en haut de l'échelle et se pousse en prenant appui sur le meuble en bois gigantesque. Il se propulse le long du rayon comme un gamin, ses cheveux noirs gigotant dans tous les sens au rythme du vent. En entendant la sonnette de la porte d'entrée s'enclencher, il se dépêche de descendre de l'échelle et va jeter un coup d'oeil curieux en direction du hall pour voir qui est ce nouvel arrivant. En découvrant Kol, un coup de chaleur l'envahit. Le gérant de la célèbre marque a toujours impressionné le jeune Ezra qui ne peut s'empêcher de l'admirer, et ça malgré la froideur qu'il a pu lui montrer durant leurs dernières rencontres. « J'allais fermer justement, mais je peux laisser ouvert encore un peu pour vous. » Ezra sert la mâchoire, se sentant stupide. Ce n'est qu'une bête phrase lâchée par pure politesse, pourtant il craint que ses mots ne soient mal interprétés. Il sait pourquoi Kol est là, il s'est déjà chargé de ses copies à plusieurs reprises. Sans le regarder, il prend ses documents et les places dans la photocopies avant de taper le code dont lui seul connait l'existence. Enfin, lui et sa patronne. La question de l'homme fait lever le regard d'Ezra dans sa direction. « Pas vraiment, les gens ne viennent plus autant qu'avant dans les bibliothèques. Je pense que la vôtre a dû être bien plus éprouvante. » Il le regarde, un peu trop longtemps, puis finit par baisser les yeux et se concentrer sur son travail.

• Devant moi, le jeune homme serrait la mâchoire comme s'il avait lâché une bêtise alors que ce n'était pas le cas. Malgré qu'avec son attitude et un peu de réflexion, je pouvais interpréter ses mots de différente façon. Dire que je n'aurais pas prêté attention à ses mots sans sa réaction. Cela aurait été dommage. « Vous m'en voyez terriblement... » Je prenais une longue pose pour faire mine de chercher le mot exact. «  Reconnaissant que vous acceptiez d'allongés vos heures de travail pour moi. » Dis-je d'un ton amusé avant de le suivre vers les photocopieuses. J'avais l'impression que ma fascination avers ce Bambi des temps moderne n'avait rien de sain, mais je m'en foutais littéralement. J'aimais beaucoup trop le tester toutes ses réactions. « C'est bien dommage. Ils manquent quelque chose. » continuais-je mystérieux. « Oh vous pensez? » Me voyait-il comme l'un de ses hommes d'affaire qui rentre à la maison épuisé et qui s’effondre sur une chaise avec un verre de whisky onéreux à la main? Il serait sûrement déçu d'apprendre que je n'avais pas bu une goûte d'alcool depuis près de 10 ans. « Sinon, que pensez vous d'autre de moi. Vous m'intriguez » continuais-je joueur alors que le ronronnement de la machine faisait office de musique de fond.

Il écoute attentivement ses paroles sans vraiment savoir que répondre, se contentant de simplement hocher la tête par politesse. Face à ses remerciements, Ezra hausse nonchalamment les épaules et se concentre sur le boulot qu'on lui a fourgué. Cependant, la réponse de Kol ne peut empêcher un petit sourire discret de venir étirer ses lèvres. Il prend ça pour un compliment, et il se trouve immédiatement stupide d'avoir osé songer à ça. Il se retourne et fait face à cet impressionnant homme qui se tient à présent debout devant lui. « Que pensez-vous, que les gens font la file pour seulement avoir la chance de toucher un livre ? Il y a internet maintenant. » Il conclut la fin de sa phrase par un petit rire étouffé. Sans détourner le regard, un exploit pour ce garçon trop asocial que pour réussir à fixer quelqu'un plus de deux secondes, il écoute la réponse transformée en question par son interlocuteur. En réalité, Ezra n'a aucune idée de comment peut se dérouler une journée type dans ses bureaux. Il imagine beaucoup de remue-ménage, des papiers qui volent, et des petites blondes en tailleur qui le suivent à la trace telle une horde de chiens. Sa deuxième question suffit cependant à le déstabiliser. N'y étant pas préparé, Ezra fixe le sol pour réfléchir aux mots qu'il a le droit de dire ou non. Il a toujours été très observateur, à imaginer une vie à n'importe qui rien qu'en s'attardant sur sa démarche, sa façon de parler, les expressions de son visage. Avant de répondre, il passe une main dans ses cheveux qui s'y attarde quelques secondes avant de retomber le long de son bras. « Je pense que vous êtes un homme très occupé, mais aussi très entouré. Vous avez une image à garder, alors vous utilisez l'autorité que vous offre votre poste pour satisfaire à cette image. Vous êtes cependant doté soit d'une grande bonté d'âme, soit d'une étrange curiosité pour les bibliothèques car sinon, vous auriez envoyé quelqu'un faire ces photocopies à votre place. Une secrétaire, peut-être. » Après son discours, Ezra relève la tête et plante ses yeux bleus dans ceux foncés de Kol Hunter Butterworth.