out of place ✘ Victoria ♡

   
   

Des lumières aveuglantes, partout. Des voix qui piquent les oreilles, aigües et irritantes. Des couleurs flamboyantes. De la soie, de la dentelle, des talons, des hauteurs, de la poudre brillante, de longs morceaux de traine. Des femmes exposant leur absolue perfection, des hommes aux allures de tentation, un long passage où l'on entend encore les échos d'une musique daignant vous envoûter. Y'avait pas à dire; Nolan était un superbe mouton noir dans un troupeau de béliers. C'était vraiment sa tasse de thé, il avait enfin trouver l'endroit où il pouvait se retrouver, discuter des dernières tendances, partager l'effervescence d'un monde fabriqué, porté sur l'idée de la surconsommation, de la fidélité aveugle, des standards démesurés. Il était à la maison, ici. Son visage tourbillonnait. Tellement de fantaisie. Le sol grouillait de pattes, les murs tremblaient d'entre les voix grincantes, envahissantes, le timbre de la musique rayant la peau jusqu'à la moelle. Nolan s'efforcait de rester vivant, concentant de garder une symétrie dans une cage grouillante de multiplicité. Tous ces regards, ces corps, ces habits, l'allure de gens importants lui montaient à la tête. L'éditeur avait fait un effort, lui aussi, côté habit. Rare étaient les moments où il se peignait d'un habit aussi formel, mais il avait été pris, complétement attrapé entre les griffes de Vic'. Au départ, ça semblait une bonne idée, brûler du temps de qualité avec sa vieille amie, conpenser son désarroi sur chaque verre à sa disposition, y trouver des fumées d'inspiration pour sa revue. Et là, au milieu de tous ces vauteurs de la couture, le pauvre regrettait un peu d'avoir chaussé d'aussi beaux habits. Il gardait sa respiration. Les yeux s'envolaient. Son bras serrait celui de Victoria qui semblait somme toute se fondre dans un élèment qui lui connaissait. Il levait la tête. La baissait. Il regardait très loin. Ramenait les yeux vers Vic'. Il saluait de la tête de parfaits étrangers au visage fabriqué. Hochait la tête pour se convaincre que tout allait très bien se passer. Soupirait silencieusement. Nolan avait sûrement une allure de victime, forcée de feindre avec précision qu'il était lui aussi parmi la meute. Un homme avec de grands apparats l'effleura de la main à son passage. Nolan circula son regard vers cette entité complétement démesurée. Sourire malaisé. Putain, qu'est-ce qu'il foutait ici, déjà?
Nolan envoya un sourire à la diva s'éloignant puis baissa son visage près de l'oreille de Victoria, lui murmurant d'une voix sévère. «Tu sais que je déteste, n'est-ce pas? Profondèment, terriblement. »  lanca-t-il d'un sourire surfait, serrant davantage le bras de sa partenaire à chaque approche d'un parfait inconnu. Ô qu'il avait hâte de serrer la main d'un verre de scotch. Il envoya une salutation perdue. C'était qui d'ailleurs celle-là?

© charney

Juste avant de revenir de New-York vers Bowen, Victoria avait quand même été contactée par son manager pour continuer à travailler de temps en temps. Et qui dit travailler dit être invitée aux galas qui pourraient se dérouler à Bowen, afin de faire circuler son image. Elle aimait à se faire voir, à se pavaner toute une soirée durant dans une magnifique tenue choisie par l'un de ses stylistes. Et justement ce soir, elle avait choisi de se pavaner aux côtés de Nolan. Elle avait toujours le droit à un cavalier, mais à New-York elle se contentait en général de son styliste le plus proche, le gay complètement barré qui ne faisait que la complimenter et rabaisser les autres femmes qu'ils pouvaient croiser. Victoria l'adorait, elle était toujours sûre de rire avec lui.
Conduite de chez elle jusqu'au casino par l'un des chauffeurs de son père, elle avait pu s'habiller d'une élégance outrageuse, et sortir l'une de ses plus hautes paires d'escarpins. Des noirs, d'une simplicité assortie à sa robe qui, elle, était fendue dans le dos jusqu'aux reins. Le tissu remontait sur chaque épaule, agrémenté d'une volute beaucoup plus légère. Très longue et patineuse, cette robe lui avait été conseillée au début de la saison, et Victoria rêvait depuis son acquisition de la revêtir pour une occasion particulière. Et revoir Nolan après plus d'un an et demi était une occasion toute particulière...
Juste avant de le retrouver devant le casino où, elle l'avait vu par la fenêtre de la voiture, se pressaient un tas de gens tous mieux vêtus les uns que les autres, Victoria s'était mentalement préparée à retrouver l'un de ses meilleurs amis, pour ne pas dire le numéro un. Il lui avait manqué lorsqu'elle était à New-York, mais pas de la façon dont elle s'était attendue...
Une étreinte, quelques mots rapides, et ils purent entrer dans le casino. La salle de spectacle avait été réservée pour l'occasion. Un gala de charité avec un défilé à la clé. Tout ce que Victoria adorait. Elle et Nolan allaient et venaient dans la salle, Victoria toujours un peu inquiète de la proximité des autres personnes avec son corps frêle. Elle serrait le bras de Nolan, et alors qu'un homme venait de leur passer devant de très près, elle entendit son ami lui murmurer à l'oreille qu'il détestait ce genre d'endroit. Elle sourit, et se surprit à se délecter de l'odeur de Nolan. Légèrement choquée d'apprécier soudain plus que de raison le parfum et la senteur corporelle de son ami, Victoria se replaça bien vite à une distance raisonnable de son corps, toujours son bras sous le sien. Elle lui répondit en élevant légèrement la voix.

- Je le sais. J'avais envie de marquer le coup pour nos retrouvailles.

Victoria se mit quelques secondes sur la pointe des pieds, et aperçut le bar, juste près du podium. De son bras qui tenait sa pochette et son châle, elle indiqua l'endroit à Nolan.

- Allons prendre un verre. Il fait très chaud ici, et je commence à mourir de soif.

© charney

   
   

Un caméléon. C'est ce qu'il devait être en ce moment précis. Se fondre dans le décor, ne faire qu'un avec la situation dans laquelle il était forcée de se dissimuler. C'est ce qu'il voulait, après, tout, pouvoir se montrer capable de ne poser aucune barrière, rien qui ne le retienne de se mouver dans tous les mondes qu'il allait rencontrer au cours de sa vie. Tout ici différait, de toutes part, de ce qu'il était, de ce qu'il connaissait; tout se crevait comme une bulle que l'on éclate d'une drastique façon, Nolan était, justement, malgré l'inconfort qui lui frottait son esprit, attiré par l'idée de grandir, de se mouver d'une autre façon, entouré de gens nouveaux, différents, tout de même communs, mais disparates. Il jetait les yeux sur tous les points d'appui qu'il pouvait trouver, autant par curiosité que par nécessité. Nolan devait trouver ce qu'il connaissait. Ainsi, il variait d'un sourire à une moue confuse à chaque différents mouvements qui s'opérait à ses côtés, les gens mouvants, les voix s'élèvant, il tendait l'oreille, perchait les yeux, serrant de plus en plus le bras de son amie. Victoria. Toujours connue comme une perle bien à elle, une beauté hors-pair, une amie rare comme on connaissait qu'une fois dans sa vie. C'était une personne, une des seules qu'il avait rencontré, avec qui Nolan pouvait se sentir entier, complet, n'ayant nul besoin de revêtir un masque ou de jouer un jeu brûlant. Vic' était simple, mais excellait dans cette simplicité, elle était un fleur qui couvre toutes les plaines, mais dont on ne se lasse jamais. Ce soir, d'ailleurs, elle resplendissait. Nolan avait tout vu, avait admiré en secret, dès qu’il l’avait aperçue au loin, la splendeur et l’effort dans sa tenue. Sa longue robe noir qui lui caressait les chevilles, ses yeux saupoudrés, ces longs cheveux ébènes,son sourire luminant, Victoria dans sa toute simplicité, une beauté sans qu’elle ne se force à l’être terriblement. Maudissant sa venue parmi des mortels dont il connaissait rien, Nolan se consolait par la présence de son amie, sachant que le temps s’écoulait toujours agréablement en sa compagnie. Dès lors, le bras dessus-dessous, Nolan grattait la pièce de son regard, tentant, pour le jeu et le défi, d’être un homme qu’il n’était pas réellement, cet homme important qui accompagnait une femme d’une haute importance. Son sourire était chaleureux, mais d’une haute allure, ses yeux se baladaient à tout vent. Il tentait de reprendre la main .Après avoir murmuré dans l’oreille de Vic’, il posa ses yeux sur elle, amusé lui-même par l’idée de subir, de faiblit pour une amitié qu’il ne pourrait sacrifier. Il l’aimait, malgré tout, cette enfant, sa gamine, son amie depuis la fin du temps, on dirait. Il ne put s’empêcher de penser, un peu maladroitement, malaisé par cette simple idée, qu’elle était d’une beauté telle que les autres femmes l’entourant lui semblait de vagues fantômes ambulants, déchirées par cette triste obsession de plaire. Victoria n’avait pas à forcer la nature pour se distinguer. Il lui arracha un sourire tout en hochant la tête, visiblement destiné à endurer un supplice nouveau. Les yeux sur des femmes d’une haute voix. «Pour se retrouver, y’a pas à dire, t’as mis le paquet. Dis, tu connais tous ces gens, vraiment?» demanda-t-il plus par dépit que curiosité. Il y avait des voix qui s’envolaient, tellement qu’il s’y perdait. L’idée de connaitre toutes ces entités vivantes le dépassait. Tous ces gens semblaient comme de pâles copies de ce que la société leur dictait d’être, des gens qui croient profondément à la tenue qu’on leur avait donnée une fois nés. Nolan se cherchait lui aussi, à travers tous ces gens déformés et ressemblants. À sa proposition, Nolan se sentit tout à coup soulagé, interpellé par ce qu’il connaissait le mieux. De plus, il sentait que ce ne pouvait qu’être une nouvelle fonction de détente, la boisson, l’ivresse, la possibilité de se c camoufler dans la peau d’un élixir qui, depuis longtemps, l’avait converti. « J’attendais que tu le proposes.» lança-t-il, encore en murmure, admirant par la même occasion sa chevelure effleurant ses pâles épaules dévêtues. Alors que les deux s’avançaient,  Nolan reposa sa voix vers elle, vers son oreille, la voix soufflant. «D’ailleurs, puis-je préciser la magnificence de ta beauté ce soir? S’il te plait, dis que t’as tout fait ça pour moi.» lança-t-il dans un rire qui cachait tout de fois une simple et modeste vérité. Les yeux de Victoria s’illuminaient contre les faisceaux de la pièce. Un moment de fierté de porter son bras, parmi tous les mortels se mouvant.  

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Victoria ne s'était pas perchée sur des talons hauts depuis son retour de New-York, aussi elle commençait à avoir légèrement mal à la plante des pieds. Elle espérait qu'ils pourraient rapidement s'asseoir pour assister au défilé dans la salle de spectacle attenant celle de réception du casino. Sa robe était tellement longue qu'elle était sûre que même si elle retirait ses escarpins pour les glisser discrètement au garçon du vestiaire contre un billet, personne ne le remarquerait. Sauf peut-être Nolan, qui était plus grand qu'elle et qui ferait certainement attention aux quelques centimètres qu'elle aurait perdus.
Ce dernier lui demanda si elle connaissait tous les gens qui gravitaient autour d'eux, ce à quoi elle secoua la tête avant de répondre en se penchant de nouveau vers lui.

- Non. Je ne connais personne. C'est mon agent qui m'a conseillé de venir me montrer ici. Mais bon, ajouta-t-elle, même s'il ne m'en avait pas parlé, j'aurais été au courant et je serais venue quand même. Ce genre d'événement permet de faire circuler mon image, c'est important pour décrocher de possibles contrats.

Victoria exerçait le métier de mannequin depuis plusieurs années, dans la lignée de sa mère, aussi elle connaissait que trop bien les ficelles de cette branche et savait qu'elle devait être présente à un maximum d'événements publics. Pour le moment, personne ne s'était encore arrêté pour lui parler, et cela lui convenait très bien. Elle pouvait ainsi profiter de la présence de Nolan à ses côtés.
Après avoir remarqué le bar, Nolan lui lança qu'il attendait qu'elle propose d'aller prendre un verre. Victoria espérait qu'il y aurait du champagne. Cette boisson dorée lui permettait de se retrouver très rapidement dans un état jovial, ce dont elle avait cruellement besoin ces derniers temps.
Alors qu'ils se dirigeaient vers le buffet et le bar qui avait été installé sur un côté de la grande salle, Nolan se pencha à l'oreille de Victoria et lui souffla qu'il la trouvait magnifique, ajoutant qu'il espérait qu'elle avait fait tout ça pour lui. En entendant cela, Victoria sentit son coeur manquer un battement. Elle ne laissa rien paraître et se contenta de sourire.

- Tu aimerais bien ?

© charney

Il n'aurait jamais mis les pieds à cet endroit si ça n'avait été d'elle justement. Leur vieille et longue amitié valait bien que Nolan se déplace, qu'il s'immerge dans ce monde qu'il ne connaissait absolument pas. Tout autour de lui différait de sa propre personne, tout cet excentrisme, les paillettes, la mode; un univers opposé à celui de Nolan qui ne connaissait que les mots, les lettres, le papier. Son regard se jetait sur tout ce qui passait à ses alentours, toutes ces femmes aussi belles les une que les autres. C'était impressionnant d'y être, cela dit, il n'allait pas s'en cacher. C'était peut-être même une source d'inspiration plus grande que tout, en fait. Serrant son bras contre celui de Vic', son amie lui avoua ne pas connaitre tous ces gens ici, heureusement. Il y avait tellement de visage inconnus pour lui, du moins. Nolan écouta avec attention son image resplissante sans pour autant comprendre à quoi se résumait ce métier, tout ce que ça impliquait et bien sûr, la complexité. Ses yeux se posaient autour de lui comme un simple observateur impassif, sans jugement de quelques façons. Nolan n'était pas comme ça, de toute façon. Il n'avait rien à faire de la vie des autres et encore moins de s'en immiscer avec l'idée de les changer. De temps en temps, son regard se perchait sur celui de sa copine. Ses longs cheveux bruns, ses yeux brillants, elle s'était paufinée, plus qu'à l'habitude. Un certain sentiment de confiance s'installait en lui, accroché à son bras. «Ah. T'sais, je comprends rien à ce métier. Ton image? C'timportant que tu viennes à ce genre de trucs? Genre tu fais semblant de trouver drôle les blagues de merde qu'un je-sais-pas-trop-qui d'une agence va te vomir dessus? Faut que je boives.» lâcha-t-il dans un sourire, croisant les yeux de son amie. Ensemble, ils s'approchèrent du bar, l'endroit où Nolan devait être mené depuis le départ, son nuage réconfortant. Une fois-là, il se prit un verre de fort sur glace, sa boisson à lui. Il connaissait Vic' et son goût pour les boissons légères, mais c'tait pas pour lui. La boisson, le vice qui lui était encore permis d'abuser, c'était l'alcool fort. Les voix étaient lourdes et sourdes, les femmes semblaient toutes dans un rôle pour autrui, tout semblait obsèlete, un éditeur se perdant dans une jungle de mode. Il posa son attention sur son amie, justement, avec qui l'aisant était plus facile. À ses mots, son sourire, sa réaction à son compliment, Nolan esquissa également un air ravi. Elle était de toute beautée, il l'avait remarqué de la seconde où il l'avait aperçu. Une gorgée d'alcool lui caressant la gorge. «J'aimerais tu me dises que tu as tout fait ça pour moi.» lanca-t-il d'une voix plus assurée, dans un sourire, tentant de mimer un certain sérieux. Victoria était une fille hors-pair, difficile à comprendre, mais facile d'approche. Entre eux, ça avait toujours été facile, simple, mais la voir ce soir, c'était tout un autre effet. Un prince et sa reine aux bals des arrièrés. Oh, une gorgée pour ferma sa gueule. Ses yeux se baladent entre les robes et les rires frabriqués. «Bon, alors, dis-moi, c'est quoi le rôle que je dois tenir, moi?»

© charney