first breath after coma (lily-anaëlle)

Les parents Malinowski traversaient une période plus que difficile depuis le séisme. Eux qui étaient partis à l’extérieur de la ville, de la province même, pour quelques jours de vacances, leur retour à la réalité avait été plus que chaotique. Évidemment, ils étaient revenus dès qu’ils avaient appris la tragique nouvelle du séisme dont l’épicentre se trouvait directement sur cette ville où toute leur vie était bâtie. Où leurs enfants grandissaient, s’épanouissaient. À accorder au passé. À leur retour, en s’informant et en consultant les listes de blessés, de portés disparus, de décès, ils avaient retrouvé le nom de leurs deux enfants. Leurs deux seuls enfants. D’abord Lexi, qui n’était plus de ce monde. Son corps inanimé avait été retrouvé sous les décombres de l’endroit où elle faisait son bénévolat. Cet endroit qui, ces derniers temps, avait été sa seule et unique source de bonheur et de délivrance, avait finalement été son bourreau. Au moment d’écrire ces mots, les funérailles avaient déjà eu lieu depuis quelques jours maintenant. Ses cendres n’attendaient que d’être répandues dans l’océan, pour que Lexi recouvre sa liberté, pour qu’elle s’envole là-haut. Mais ses parents attendaient le réveil de Nelligan, parce qu’après le décès de Lexi, il y avait eu les recherches pour leur fils, aussi. Il avait été retrouvé sous les décombres d’un restaurant de la place de la ville, inconscient, mais vivant. Il était dans le coma depuis. Deux semaines s’étaient écoulées. La vie reprenait son cours, peu à peu, dans la ville. Les habitants aidaient à la rebâtir, à la remettre sur pieds, à lui redonner vie. Pour Nelligan, le traumatisme crânien dont il avait souffert avait clairement causé de graves dégâts. Les docteurs relevaient de temps à autre certaines améliorations dans ses activités cérébrales, mais rien de significatif qui arrivait à donner espoir à son entourage.

Pourtant, peu après minuit, il ouvrit les yeux. Enfin. La chambre était plongée dans la noirceur, les chaises à côté de son lit étaient vides. Une simple veilleuse branchée un peu plus loin éclairait les environs, faiblement. Nelligan avait le corps engourdi, endolori, faible. Il avait mal à la tête. Cela faisait au moins une semaine qu’il avait atteint un état de conscience minimale. Il avait été en mesure de penser, de contrôler ses réflexions, de se remémorer. Quand ses parents étaient là, quand Lily-Anaëlle était là, il les entendait. Il arrivait à intégrer leurs paroles, leurs odeurs, leurs touchers. Puis, peu à peu, il bougeait quelques doigts, quelques orteils. Jamais assez pour qu’on le remarque. Jamais assez pour qu’on sache qu’il était là. Jusqu’à aujourd’hui. Nelligan essaya de repérer l’interrupteur pour appeler des infirmières, mais à plusieurs reprises, alors qu’il tentait de l’attraper entre ses doigts, ces derniers rataient la cible. Il dû s’y reprendre à maintes reprises avant de finalement avoir le petit carré dans sa main, et d’appuyer sur l’interrupteur. Après, tout se passa très vite. Les infirmières appelèrent le docteur, ils contrôlèrent ses signes vitaux, lui posèrent des questions, évaluèrent sa situation. Puis appelèrent ses parents, enfin. Nelligan demanda aussi – exigea, même - qu’on téléphone à Lily-Anaëlle. Il avait besoin d’elle plus que quiconque, de sa voix, de son toucher, de son odeur. C’était bien ce à quoi il s’était accroché durant la dernière semaine où il avait été prisonnier de sa tête.

Deux semaines. Cela faisait deux semaines que tu passais tes journées à l'hôpital. Tu avais eu un message de Nelligan, il y a deux semaine, tu devais le retrouver un peu plus tard en ville. Tu te faisais belle lorsque c'était arrivé. Les secousses, la peur, les cris. Tu n'avais pas tout de suite compris ce qu'il se passait. C'est par la suite, dans les médias, qu'en on avait parlé de séisme, de tremblement de terre que tu réalisais les choses. C'était la panique général. Tu avais attrapé ton téléphone pour appeler Nelligan et ça avait sonné dans le vide. Tu avais alors pensé au pire parce que tu étais comme ça. puis tu avais fait tout ton répertoire pour t'assurer que chacun était en sécurité. Tu n'avais pas réussi à joindre Concho, Ally non plus et elle était en panique. tout comme toi elle pensait au pire. Tu avais fini par te rendre en ville, pour faire un tour, pour constater les choses. Ta boutique était en morceaux. Il ne restait rien. Toi qui avais passé des années à la bâtir, toi qui l'avais délaissée pendant presque un an, aujourd'hui il n'y avait que des morceaux de pierres et de la poussière. De la poussière partout, du sang, des cris. Tu ne te sentais pas en sécurité et n'avoir aucune nouvelle de Nelligan n'était pas pour te rassurer. Puis les secours avaient fini par établir une liste des personnes disparues, des personnes blessées et même de ceux qui avaient trépassé. Dans cette liste, tu avais pu voir les deux Malinowski, un blessé, l'autre ayant quitté ce monde. Tu avais fini par te rendre à l'hôpital où on t'avait d'abord refusé l'accès puisque tu ne faisais pas parti de la famille. Puis la mère de Nelligan t'avait vu, t'interpellant, pour te laisser le voir. Depuis deux semaines, tu passais presque toute la journée à son chevet, tu lui parlais. Tu évoquais les souvenirs du passé, tu racontais n'importe quoi espérant avoir le moindre signe de sa part, mais il n'y avait pas de grand changement dans son état. Son cerveau réagissait mais son corps lui ne bougeait pas. Pourtant, tu ne perdais pas espoir, tu n'avais pas le droit d'abandonner. Tu lui avais promis de te battre pour lui, alors tu te battrais. Tu lui rappelais tous les jours cette promesse, retenant tes larmes à chaque fois.

L'appel fut comme une libération. Tu avais cru rêver, puisque depuis deux semaines, à chaque fois que tu fermais les yeux, tu le sentais te caresser la joue, rigolant de toi parce que tu dormais dans une position étrange avant de t'embrasser. A chaque fois que tu te réveillais, tu étais dans ton lit, seule et triste. Pourtant ce soir, ce n'était pas un rêve. Il s'était réveillé. Sans plus attendre tu appelais un taxi pour l'hôpital. Les routes étaient presque toutes rebouchées, le plus compliqué étant de reconstruire tous les bâtiments puisqu'on les faisait un par un. En une dizaine de minutes à peine, tu étais à l'hôpital, rejoignant les parents de ton jules. « Nelligan ! » prononçais-tu faiblement, en le voyant par la vitre, les yeux ouverts. Sans plus attendre, tu poussais la porte alors que le médecin allait sans doute te dire de le ménager, qu'il était encore faible et qu'il fallait y aller doucement. Mais tu le savais déjà. « Nelligan.. » murmurais-tu sans pouvoir retenir tes larmes plus longtemps. Tu étais heureuse de le voir éveillé, heureuse de le voir parler, de le voir vivant. Tu t'approchais de son lit, te posant au bord en attrapant sa main. « Comment tu te sens ? » Tu déposais son regard sur le sien. Le temps qu'il te réponde, tu pouvais entendre le bruit des machines, les bips incessants qui disaient que son cœur battait. Si ce son t'avait longtemps fait peur pendant ces deux semaines, tu étais ravie de l'entendre ce soir.

Si cette semaine passée emprisonné dans sa tête, incapable de dire quoi que ce soit aux gens qu’il aimait, incapable de leur signaler d’une quelconque façon qu’il était là, avec eux, qu’il les entendait, ces dernières minutes passées à attendre les gens qu’il aimait semblaient interminables aux yeux de Nelligan. Trop d’infirmières, trop de docteurs, s’affairaient à son cas. Leurs questions incessantes et sans réponse faisaient paniquer Nelligan, qui nageait encore en pleine confusion. Il avait l’impression qu’un trou béant venait de se creuser dans sa vie, dans sa tête. Comme s’il manquait un morceau au casse-tête. Il avait passé deux semaines complètes allongé dans ce lit, l’esprit ailleurs, on ne sait trop où. Et le corps cloué au matelas, inanimé. Maintenant qu’il était réveillé, tout semblait le submerger, l’accabler. Il était chargé d’émotions contraires, de confusion, et s’il n’entendait pas une voix familière dans les prochaines minutes, il allait très certainement exploser. Nelligan était devenu comme une bombe à retardement, endormie pendant tout ce temps, menaçant maintenant de détonner à tout moment. Heureusement, au moment où son médecin attitré quittait la chambre pour un moment, Lily-Anaëlle apparut derrière la vitre de sa chambre. Tous ses muscles se détendirent d’un coup, sa respiration devint plus calme, même si son cœur battait un peu plus vite à l’idée de la retrouver. Contrairement à d’autres, le coma de Nelligan ne lui avait rien enlevé de sa mémoire concernant les derniers moments avant sa perte de conscience. Il avait cette chance de n’avoir perdu que deux semaines de sa vie. C’était déjà cela de gagné. Il se souvenait donc avoir donné rendez-vous à Lily-Anaëlle dans un restaurant de la place de la ville, pour leur premier vrai rendez-vous où ils pourraient être des amoureux. La veille, il avait annoncé à Juliet que c’était terminé entre eux. Il avait suivi les conseils de Lily-Anaëlle et avait tout fait dans les règles de l’art, ne la laissant pas tomber d’aussi haut de son nuage sans pouvoir s’en remettre. Certes, Juliet ne l’avait pas bien pris, le contraire aurait été surprenant. Mais ils ne s’étaient pas crié dessus, ils ne s’étaient pas injuriés. Il y avait des larmes, des questionnements, des déceptions, mais au final, Juliet avait compris que Lily-Anaëlle et lui, c’était une évidence. Juliet avait décidé de quitter Bowen le soir-même, pour des vacances in extremis, question de faire de l’ordre dans sa tête. Nelligan n’avait pas tenté de la retenir. Lui se projetait déjà dans les futures journées, celles qui n’attendaient que sa réunion avec sa toute première flamme.

Le destin en avait visiblement voulu autrement, parce que ce premier rendez-vous n’avait pas eu lieu. Alors qu’il attendait sa douce, le restaurant dans lequel il se trouvait s’était en partie effondré, suite à de vives secousses. Nelligan avait perdu connaissance dès qu’un morceau de la toiture lui était tombé sur la tête. Il n’avait même pas eu le temps de réellement comprendre ce qui s’était passé. Ce fut en se réveillant aujourd’hui, deux semaines après, qu’il comprenait un peu mieux, même si les questions se bousculaient encore dans sa tête. Mais comme Lily-Anaëlle était là, tout irait mieux. Tout irait bien. « Lily-Ana … » Sa voix se bloqua, non pas à cause de l’émotion, mais parce que le prénom de Lily-Anaëlle lui semblait tout d’un coup trop difficile à prononcer, comme si les syllabes ne s’enchaînaient plus aussi aisément. « Lily … » Souffla-t-il à la place, un mince sourire s’installant sur son visage, malgré la confusion, malgré l’anxiété. La brunette s’approcha de lui, de son lit, attrapant doucement sa main alors qu’elle prenait de ses nouvelles. Sa bouche trembla légèrement alors qu’il cherchait ses mots. « Ça … ça va. » Articula-t-il, hochant la tête. Il rit nerveusement. « Il s’est passé … quoi ? » Balbutia-t-il, cherchant des réponses à des questions de base pour commencer. De toute façon, il avait encore du ménage à faire dans ses idées, dans ses souvenirs de la dernière semaine, qui mèneraient tôt ou tard à d’autres questionnements. Comme le fait que de toutes les voix familières entendues, il n’avait jamais reconnue celle de Lexi.
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Tu avais pris le temps d'écouter les recommandations du médecin avant d'entrer dans la pièce et tu avais bien fait. Tu te serais mise à paniquer sinon en voyant qu'il avait du mal à prononcer ton prénom. Tu aurais pu accuser le coup et le mettre sur le dos de l'émotion, mais tu savais que c'était des séquelles de son accident. « Les médecins ont dit que tu aurais peut-être du mal à prononcer certains sons, certains mots, que tu pourrais les chercher ou que tu aurais de la difficulté dans certains gestes mais rien de grave et puis, je suis là si jamais tu as besoin de quoique ce soit, d'accord ? » Tu attendais n'importe quoi, un sourire, un clignement d'oeil, une pression de la main ou simplement un hochement de la tête pour te dire qu'il avait compris. C'était un léger mouvement, à peine perceptible de la tête que tu avais eu, au moins, il était prévenu et toi aussi. Le plus inquiétant serait à venir si tout ça persistait, mais tu allais veiller au grain, tout aller rentrer dans l'ordre, tout devait rentrer dans l'ordre. « Un tremblement de terre, presque 7 de magnitude et la place était l'épicentre. Tout ce qui il y avait dans les alentours a été détruits.. » annonçais-tu doucement. Tu n'allais pas lui faire la liste complète des dégâts, mais il y avait pas mal de bâtiments détruits. Tous les commerces de la place n'étaient qu'un tas de poussière. Même la Big Mango avait été touchée. Elle était toujours de travers, comme la tour de Pise. Mais il avait été décidé de la redressé au moment où la vielle serait entièrement reconstruite, comme un symbole de sa guérison ou quelque chose dans le style.. « Tes parents sont dehors, tu veux leur parler un peu ? » proposais-tu doucement avant de secouer la tête. Tu ne pouvais pas faire ça. Tu ne pouvais pas agir comme si de rien n'était. Peut-être que ça aurait été à ses parents de le lui apprendre, mais c'était toi qui voulait voir, toi qu'il avait demandé. « Et puis merde ! Je sais que les médecins vont pas approuver mais il faut que je te dise quelque chose.. » Ta voix était tremblante, les larmes te montaient déjà aux yeux. Ce n'était pas une annonce facile à faire mais il le fallait. Tu ne quittais pas son regard, serrant un peu plus ta main prenant une grande inspiration avant de te lancer. « Lexi.. Elle était à Head Ahaed lorsque.. Quand le centre s'est effondré.. » Tu voyais bien son regard inquiet, tu voyais bien qu'il voulait te demander où elle était, si elle allait bien, mais elle n'avait pas eu la même chance que lui. peut-être parce qu'il avait fallu 26h pour trouver les dépouilles, et le corps de Concho par la même occasion. Ou bien ça n'avait rien changé, mais ça tu ne pouvais pas le savoir, ce n'était pas le genre de détail qu'on osait demander. On pleurait et on faisait son deuil,voilà tout. « Je suis sincèrement désolée Nelligan... » Tu laissais tes larmes rouler le long de ta joue, t'accrochant comme tu pouvais à sa main. Tu sentais bien que cette nouvelle allait l'abattre mais il aurait fini par poser la question tôt ou tard et tu aurais eu un silence gêné. Tu n'avais pas voulu de ça, plus de secrets, pas de mensonges.

Comme si elle avait lu dans les yeux de Nelligan toute la panique de ne pas avoir le contrôle sur son corps, sur ses gestes, Lily lui assura qu’il aurait du mal à parler ou à bouger pendant un moment, selon les médecins. Après tout, il avait conservé la même position dans ce lit pendant deux semaines complètes, ce qui forcément entraînait quelques séquelles. Il n’osait même pas imaginer comment devaient se sentir ceux qui se réveillaient au bout de nombreux mois. Suite aux paroles de la brunette, Nelligan hocha la tête, avec cette impression que son mouvement avait été bien clair et perceptible. Ce n’était pas le cas, ce ne fut qu’un bref mouvement, mais Lily-Anaëlle hocha à son tour la tête, ce qui signifiait qu’elle, elle l’avait perçu. Parce qu’elle percevait tout de lui. Le jeune homme lui demanda alors, difficilement, ce qui s’était passé. Lily confirma ses doutes quant à un tremblement de terre, mais jamais il n’aurait songé à une catastrophe aussi grave, avec une magnitude de 7 et l’épicentre à Bowen-même. Exactement là où se trouvait Nelligan, sur la place de la ville. À ce moment précis, il remerciait le ciel que Lily-Anaëlle ait eu un peu de retard à leur rendez-vous. Cinq minutes de plus et peut-être qu’elle aurait été là, avec lui, pendant que tout s’effondrait sur leurs têtes. Et qui sait où elle, elle serait, aujourd’hui ? Nelligan hocha de nouveau la tête, l’émotion se lisant dans ses yeux. Il aurait pu répondre quelque chose, mais qu’y avait-il à dire ? Bowen avait été victime d’une triste tragédie, et le jeune homme n’était pas encore prêt à en entendre toutes les conséquences. Quand Lily parla de ses parents qui attendaient dehors, il tourna automatiquement la tête vers la fenêtre, et il les vit, tous les deux en train de parler avec le médecin. Il n’eut même pas le temps d’acquiescer à cette demande que Lily-Anaëlle secoua la tête, décidant à sa place. Il fronça les sourcils en regardant la jeune femme dont la voix était devenue tremblante et faible, tout d’un coup. Et quand elle prononça le prénom de Lexi, Nelligan comprit. Même s’il ne voulait pas comprendre, même s’il ne voulait pas savoir, il sut. Quand les larmes de Lily-Anaëlle commencèrent à rouler le long de ta joue, celles de Nelligan ne tardèrent pas à suivre. Lui aussi s’accrochait à sa main, du moins comme il le pouvait, laissant ses doigts s’entremêler aux siens alors qu’il n’avait pas la force de les serrer dans sa paume. Pendant une dizaine de minutes, Nelligan pleura en silence, replongeant de plus belle dans les sanglots à chaque fois qu’une accalmie se présentait. « J’voudrais voir mes parents … » Dit-il entre deux sanglots. Mais comme Lily-Anaëlle s’apprêtait à lâcher sa main pour aller les chercher, Nelligan usa du peu de force qu’il avait pour retenir sa main dans la sienne. Il ne voulait pas qu’elle se sente obligée de rester dans le couloir une fois ses parents avertis. La brunette se contenta donc de faire un signe à ses parents, au travers de la vitre. Ils entrèrent et retrouvèrent leur fils. « Maman … » Souffla Nelligan alors que sa mère l’enlaçait. Il garda la main de Lily-Anaëlle dans la sienne, pendant toutes ces longues minutes à pleurer la mort de Lexi. Après tout, si rien n’avait changé, Lily-Anaëlle faisait partie de cette famille, maintenant. Une famille blessée, une famille mutilée, mais une famille quand même. Au bout d’un moment, après avoir parlé de ce que le médecin leur avait dit, de la suite des choses, des funérailles de Lexi qu’il avait manquées, ses parents les laissèrent tous les deux, prétextant que c’était l’heure du repas pour eux. Nelligan se tourna vers Lily-Anaëlle quand la porte se referma. « Toi … tu n’as rien ? » Physiquement, elle avait l’air bien. Mais il n’y avait pas que les blessures visibles à l’œil nu, il le savait bien.

Tu savais que tu n'aurais pas dû le faire comme ça, que ce n'était pas à toi de le lui annoncer en sachant que ces parents étaient juste de l'autre côté de la porte et qu'ils attendaient juste de pouvoir rentrer pour l'enlacer dans leurs bras. Mais tu n'avais pas pu rester là et ne rien dire. Les mots étaient sortis avec beaucoup de difficultés et tu avais vu son regard, très vite il avait compris où tu voulais en venir. Il s'était mis à pleurer et dans le silence le plus calme, tu l'accompagnais dans sa peine, dans sa douleur. Lexi était assez proche de toi à l'époque où vous étiez ensemble. « Je vais les chercher.. » ajoutais-tu doucement pour le prévenir que tu allais le laisser seul un instant, puis peut-être quelques minutes. Mais il te tenait la main, il te la serrait si fort que tu n'avais pas le cœur à la retirer, pas le cœur à partir. Tu te penchais en avant pour lui déposer un baiser sur le front, te remettant bien assise par la suite. Tu retrouvais son regard et tu tentais de l'apaiser un peu en caressant sa main. « Très bien, je reste avec toi. » Tu serrais un peu plus sa main contre la tienne, te contentant de faire un signe de tête à ses parents. Tu aurais aimé laissé la place à sa mère, à son père mais il ne voulait pas lâcher ta main, comme si s'il avait peur de te perdre. Pourtant tu n'allais pas loin, juste de derrière la porte pour leur laissé un moment d'intimité. Même si vous étiez à nouveau ensemble, même si tu savais toute l'estime que ses parents avaient pour toi. Mais tu restais là en silence, écoutant ses parents lui raconter ce que le médécin avait pu dire sur son état, sur ce qu'il devrait faire une fois sorti ici et les funérailles de Lexi. Une très belle cérémonie, même si vous aviez tous le coeur lourd parce que Nelligan avait été sur un lit d'hôpital, inconscient sans pouvoir dire adieu à sa soeur ce jour là. « Moi je vais bien mais ma boutique a été ravagée.. » Tu haussais les épaules. Deux semaines étaient passées, tu n'avais pas encore pris le temps de te soucier des papiers de l'assurance, ni même de travailler à la reconstruction de ta boutique. Rien n'avait d'importance tant que tu n'avais pas Nelligan dans ta vie. Maintenant qu'il était réveillé, tu songerais peut-être à t'activer à peu. Tout n'était pas perdu puisqu'il était à nouveau là. « Nevaeh a été blessée, Concho aussi, mais Ally va bien et .. » Tu avalais difficilement une fois de plus. Il n'y avait pas eu tant de morts que ça, surtout des blessées parfois gravement mais qui s'en étaient sortis mais sur la liste des personnes qui avaient quitté ce monde, tu avais pu reconnaître trois noms. Lexi, Elijah que tu avais pu connaître lors d'une des soirées de la ville et peut-être celle qui t'avait le plus chagrinée, Opale. « Kol a perdu Opale.. » murmurais-tu en pleurant à nouveau. Tu ignorais pas mal que tous ces noms pouvaient être étranges à ses oreilles. Vous aviez vécu pas mal de choses de vos côtés au cours de ces septs dernières années et tu avais pu faire la connaissance de Kol. Ce papa rigolo qui refusait d'en être un au départ. Tu n'avais pas eu l'occasion de lui parler depuis que tu avais appris pour Opale, tombant toujours sur son répondeur mais tu te faisais pas mal de soucis pour lui, pour chacun d'entre eux. « Nelligan, je sais que le moment n'est pas parfait mais il y a quelque chose qu'il faut que je te demande ! » Tu essuyais ton visage, tentant d'esquisser ce qui se voulait être un sourire en serrant sa main une fois de plus. Ce contact était doux, il était chaud et rassurant.  

Ses parents étaient rentrés, Lily-Anaëlle était restée. Il était entouré des personnes qui comptaient le plus, présentement, dans sa vie. Mais il manquait une présence, il manquait Lexi, et même s’il avait l’impression que son âme était ici, quelque part, avec eux, sa présence physique manquait. Il avait l’impression de l’avoir vue hier pour la dernière fois, puisque dans son esprit à lui c’était un peu comme s’il se réveillait d’une longue nuit cauchemardesque, mais au fond cela faisait déjà deux semaines qu’elle n’était plus de ce monde. Elle lui manquait, peu importe. Elle lui manquait déjà tellement trop. Heureusement qu’il était bien entouré, heureusement qu’ils étaient tous bien entourés. Nelligan laissa pourtant partir ses parents, parce que comme ils le pensaient eux aussi en silence, Lily-Anaëlle et lui avaient besoin de temps seul à seul. Ça lui brisait le cœur de voir sa mère et son père franchir de nouveau le pas de la porte, parce qu’il se disait qu’au final un être aimé pouvait disparaître du jour au lendemain. D’une seconde à l’autre. Mais il ne pouvait vivre dans cette peur continuelle de la mort. Pour le moment, il ferait son deuil de Lexi ; nul besoin de se torturer avec l’éventuel décès des autres. Après avoir demandé faiblement à Lily-Anaëlle comment elle se portait, de son côté, il secoua doucement et presque imperceptiblement la tête une fois qu’elle lui ait appris que sa boutique avait été ravagée. « Tout est à refaire ? » Demanda-t-il avec tristesse, lui qui savait fort bien à quel point elle avait travaillé pour ce petit morceau de sa passion. Ils avaient beau avoir été séparés longtemps, trop longtemps, leurs sentiments voguant sur deux mers différentes, il savait pourtant à quel point cela avait dû laisser un vide en elle. Et il n’avait pas été là, à ses côtés. Pire encore, c’était Lily-Anaëlle qui avait dû rester auprès de lui, à son chevet. L’attendant. Elle le lui avait bien dit. Qu’elle l’attendrait. Enchaînant les nouvelles, la brunette lui dit ensuite que Nevaeh et Concho avaient été blessés. Il ne connaissait que le deuxième, puisqu’il était le patron de sa sœur. « Il était à Head Ahead lui aussi ? » Osa-t-il demander, relevant l’injustice que sa sœur n’ait pas pu survivre. Il n’échangerait pas la place de sa sœur avec celle de son patron, non, il n’était pas aussi cruel. Mais la vie l’était, elle. Nelligan hocha la tête en apprenant qu’Ally se portait bien. Il baissa les yeux quand il apprit que Kol avait perdu Opale. Il n’avait aucune idée de qui il s’agissait, mais l’évocation de la perte de quelqu’un suffisait à le toucher profondément. Alors qu’il était en train de gérer toutes ces nouvelles informations et de se demander si, de son côté et dans son entourage, il y avait d’autres blessés et décès dont Lily n’avait pas connaissance, ne fréquentant pas ces gens. La jeune femme le tira de ses pensées en lui disant qu’elle avait à lui demander quelque chose, même si ce n’était pas le parfait moment. « Vas-y. Je t’écoute. » Peu importe si c’était le bon moment ou non, Nelligan accepterait n’importe quoi qui puisse lui changer les idées. Dès que le silence s’installait, il pensait à Lexi, et même s’il ne voyait rien de mal à se remémorer sa personne, la douleur était encore trop grande pour que ses pensées ne vagabondent que vers elle. Il tomberait trop creux dans le chagrin.

Tu regardais ses parents partir, lançant un dernier regard à sa mère, elle était en paix. Elle n'avait pas de soucis à se faire puisque avec toi il était entre de bonnes mains, tant que tu ne touchait à rien. Connaissant ta maladresse, tu serais capable d'appuyer au mauvais endroit. Même si tu préférais vite chasser cette pensée de ton esprit. Tu te devais d'être positive, il y avait déjà assez de malheur et de peine dans cette pièce pour que tu te mettes à paniquer pour tout et n'importe quoi. Chacun de vous allez devoir surmonter sa peine, faire son deuil de chacune des personnes que vous avez perdus. « Tout, mais tu m'connais, je ne pouvais pas me lancer dedans tant que je ne savais pas que tu allais bien. Maintenant, tu vas te reconstruire et moi je vais rebâtir ma librairie ! » ajoutais-tu avec un peu plus d'enthousiasme que l'instant d'avant. Tu avais séché tes larmes, ce n'était pas le bon moment pour te laisser aller. Il avait besoin de toi, de pouvoir compter sur toi. Et tu voulais être là pour lui, là pour le faire sourire, là pour l'aider à remonter la pente. « Oui, ils sont restés coincé 26h avant qu'on ne les trouve.. » 26h de panique. Tu avais eu Ally au téléphone, complément angoissée, elle était allée voir à Head Ahead mais n'avait rien entendu, finalement c'était Noé qui avait prévenu les secours, il avait partagé les dernières heures d'une femme turque avant qu'elle ne pousse son dernier soupir et qu'elle lui demande de sauver Concho et Lexi. Pour Lexi, ça avait été trop tard, mais pour Concho, il respirait à peine lorsqu'on le sorti des débris. Même lui, tu n'étais pas encore passé le voir, tu n'avais d'yeux que pour ton homme à toi. C'était ce qui t'importait le plus durant ces deux dernières semaines, au point que tu avais pris une décision s'il se réveillait. Et là, il était réveillé. Alors tu te jetais à l'eau. « Est-ce que tu veux m'épouser Nelligan Malinowski ? » demandais-tu doucement, un léger sourire sur le visage. C'était soudain, c'était contraire à tout ce que tu avais toujours voulu. En tant qu'amoureuse de l'amour, gaga de la romance tu avais une demande en mariage bien clichée en tête et tu envoyais tout valser parce que ce n'était pas le plus important. Le plus important, c'était lui et ça l'avait toujours été. « Je t'aime, je sais que c'est réciproque, je sais ce qu'on est l'un pour l'autre. Je veux fonder une famille avec toi, je ne veux plus attendre, la vie est bien trop courte.. Alors quand tu iras mieux, est-ce qu'on pourra se marier, s'installer ensemble et sauter toutes les étapes d'un coup ? Ça fait sept ans que je t'attends, je n'en voudrais jamais un autre. » Tu serrais sa main dans la tienne, tu n'attendais qu'une seule réponse, même si tu comprendrais parfaitement qu'il refuse.

C’était injuste, ce séisme qui s’abattait sur toutes ces personnes qui n’avaient rien demandé, et surtout qui n’avaient rien fait de mal. Certes, il serait insensé de souhaiter une telle catastrophe à n’importe qui, mais Nelligan n’arrivait pas à raisonner les raisons pour lesquelles Bowen avait pu en être victime. Parce qu’il n’y avait aucune raison derrière ce tremblement de terre. Aucune logique spirituelle. Que des faits scientifiques. Qui n’expliquaient que le fond du problème, mais rien d’assez probant pour apaiser la conscience de Nelligan. Il avait perdu Lexi, Lily-Anaëlle avait perdu sa boutique. Était-ce une punition quelconque pour les mauvais actes qu’ils avaient pu commettre ? Lily-Anaëlle avait des regrets, des reproches à se faire, elle les lui avait tous avoués à la plage. Nelligan vivait avec les siens depuis des années déjà. Mais c’était déraisonnable de croire que tout ce chaos n’arrivait qu’à cause du karma. Rien n’était raisonnable dans les pensées actuelles de Nelligan. Tout était si confus. La seule chose qui lui permettait d’y voir plus clair, c’était Lily-Anaëlle, parce qu’elle agissait sur lui comme un phare dans la tempête. « Je vais t’aider. Je veux t’aider, Lily. Quand tu iras mieux, je t’aiderai, comme tu m’aides déjà juste en étant là. » La preuve, à force de lui parler, Nelligan reprenait bien vite sa facilité d’élocution. Ce ne serait sans doute pas aussi facile dans tous les domaines mais, au moins, ils avaient tellement de choses à se dire que Nelligan ne se permettait pas de ne pas savoir lui transmettre toutes ces paroles. Lily-Anaëlle en termina avec les mauvaises nouvelles en parlant des autres décès qu’elle avait pu constater dans son entourage, et en parlant de Head Ahead et des vingt-six heures passées pendant que les victimes étaient prisonnières des décombres, Nelligan eut un frisson. Dans sa tête, l’image du corps inerte de sa sœur, sous les débris, le hantait. Peut-être qu’au début de ce compte à rebours, elle vivait encore. Que les services d’urgence avaient failli à leur tâche en les laissant tous crever là-dessous. Nelligan ravala ses larmes, cette fois. C’était la colère qui le lui dictait. Il la ravala, elle aussi, parce que Lily-Anaëlle était là, avec sa douceur contagieuse. C’est alors que la brunette lui avoua qu’elle avait quelque chose à lui demander, attendant l’autorisation du jeune homme avant de se lancer. Ce qu’elle fit sans attendre dès que Nelligan manifesta son accord. La suite des événements se déroula tellement vite que Nelligan n’eut même pas le temps de profiter de cet instant qu’il avait attendu toute sa vie. Certes, ce n’était pas le déroulement qu’il s’était joué et rejoué dans sa tête pour se consoler parfois, mais c’était tout aussi beau. Tout aussi vrai. Lily-Anaëlle voulait l’épouser. Lily-Anaëlle voulait que lui l’épouse. Il la fixa un moment, les sourcils haussés, le regard ému, incapable de dire quoi que ce soit. Elle compléta donc son fil de pensée en lui disant qu’ils avaient assez attendu, qu’ils ne devaient pas attendre qu’il soit trop tard. Elle avait raison. Les dernières semaines prouvaient à quel point la vie ne tenait à un fil. Ils l’avaient déjà assez usé avec d’autres, ce fil. Il était temps, plus que jamais, que les leurs ne fassent qu’un. « Oh. » Lâcha-t-il avec bégaiements et sanglots, pour si peu de paroles. Les larmes recommencèrent à rouler le long de ses joues. « Ce sont des larmes de joie, cette fois. » Lui assura-t-il avec un léger rire, portant sa main à ses yeux pour les essuyer – sa main se portant d’abord à son front par manque de coordination, et arrivant finalement à ses yeux pour en effacer les larmes. « Ou-oui, Lily. Oui. Je veux tout vivre avec toi. Tout. Je veux qu’on se marie. Je le veux depuis tellement longtemps. » Il serra encore plus fort la main de la jeune femme et l’attira contre lui. Il l’embrassa une fois qu’elle eut penché sa tête suffisamment pour atteindre ses lèvres. C’était la première fois qu’ils s’embrassaient depuis cette fois avant qu’elle ne soit avec Zach. La première fois qu’ils s’embrassaient en sachant fort bien que c’était la suite de leur histoire épique. Et ce baiser servait à sceller leur promesse de mariage.

Sa réponse était sans appel. tu aurais du te douter qu'il voudrait te donner un coup de main, qu'il serait prêt à mettre sa vie de côté pour t'aider dans la tienne. C'était touchant de voir qu'il était prêt à t'aider à te reconstruire, à reconstruire chaque brique de ta boutique. Pourtant, tu n'avais pas oublié votre conversation à l'église il y a quelques semaines de ça. Et tu n'allais pas non plus oublier de le lui rappeler. « Il faut que tu penses à toi, à tes rêves Nelligan, tu avais prévu de retourner à l'université pour étudier et je ne veux pas te retarder dans ton apprentissage ! » Tu avais prévu de le soutenir, de le laisser prendre le large le temps de quelques mois pour accomplir ses rêves. De toute façon, Mackay n'était pas si loin que ça vous auriez l'occasion de vous revoir les week-ends ou peut-être que tu pourrais partir vivre là-bas le temps de ses études et reconstruire ta boutique par la suite. Pour le moment, tu n'avais pas grand chose qui te retenais à Bowen, tout ce que tu voulais c'était partager ta vie avec lui. Tout serait encore à décider par la suite, rien n'était pressé puisqu'il fallait d'abord qu'il se rétablisse. Tu le regardais ensuite pleurer de joie, heureuse alors à ton tour de le voir réagir ainsi. Il te voulait lui aussi. C'était une évidence, tu n'en avais jamais douté. Bien qu'il y avait une ombre au tableau : tu devais d'abord divorcer de Noé. Même si ça ne te paraissait pas insurmontable. « Je t'aime Nell. » Il t'attirait à lui pour t'embrasser et tu te laissais faire en fermant les yeux. La dernière fois que ça s'était produit, c'était avant de te mettre avec Zach, ça avait été un baiser surprenant parce que tu ne l'avais pas vu venir. Cette fois, tu l'avais attendu, tu l'avais espéré pendant ces deux dernières semaines. Tu lui avais déposé des baisers sur le front et les joues pendant quinze jours, mais le fait de pouvoir à nouveau goûter ses lèvres  c'était mieux que tout. Un frisson te traversait le corps. « Qu'est-ce que tu penses de cet été ? Peut-être à Noël ? » demandais-tu doucement, un léger sourire sur les lèvres. Tu avais toujours aimé la saison, ça te rappelait la famille, même si ces dernières années, tes fêtes n'avaient pas toujours été très heureuses. Tu en avais passé une partie seule, cette fois ce serait l'occasion de construire ta famille, d'être heureuse. Même si pour le coup, tu n'aurais pas un mariage sous la neige puisque ce serait l'été à Bowen. L'occasion rêvée pour une cérémonie sur la plage, ou dans un jardin public avec un belvédère et un orchestre jouant pour vous. De toute façon, vous aviez le temps d'organiser tout ça, le temps de planifier chaque détail jusqu'au dernier. C'était votre mariage et vous prendrez chaque décision ensemble.

Quand Lily-Anaëlle évoqua son retour aux études, la nécessité de penser à lui, Nelligan eut un léger rire, attristé et résilié. Ses rêves s’écroulaient les uns après les autres, pour ne laisser qu’une seule personne debout, devant lui, plus forte que le reste, plus stable que tout : Lily-Anaëlle. Le seul rêve qui lui semblait maintenant réalisable, alors que ça lui avait semblé être le plus fou pendant toutes ces années. Un rêve de réunion, un rêve de retrouvailles, de réconciliation. D’amour. Comme une fleur qui prenait vie au milieu de nulle part. Comme le premier arbre qui naissait après un feu de forêt ravageur. Belle et brillante au beau milieu des ténèbres. « J’y étais presque, tu sais. Je n’ai pas renoncé. J’ai eu deux semaines de cours. Et puis … » Il baissa les yeux sur son corps, son corps faible et fatigué. Endolori par le repos forcé. Las d’exister. « Et puis le séisme … le séisme s’est produit, on dirait. Et … ça fait … ça fait combien de temps, déjà, que je suis ici ? » Demanda-t-il, alors que son médecin lui avait donné l’information, en plus de ses parents qui l’avaient répété à leur arrivée, mais Nelligan avait trop de nouvelles à gérer, à assimiler, et à peine réveillé qu’il se sentait vidé. « Je ne pense pas pouvoir y retourner cette année … » Non seulement il avait déjà raté trop de cours, mais en plus, Nelligan ne s’imaginait franchement pas retourner à MacKay alors que son deuil ne serait pas encore fait. Sa sœur ne quitterait pas ses pensées. Et puis, son corps n’allait sans doute pas suivre à la lettre tout ce que son cerveau tentait de lui dicter, pas dès demain du moins. La vie de Nelligan était trop incertaine pour qu’il songe à retourner aux études bientôt. Il attendrait, encore. Même si le temps passait, et le pressait. Encore plus maintenant qu’il disait oui à Lily-Anaëlle. C’était certainement la plus belle nouvelle, la seule bonne nouvelle, ressortant de cette journée. Mais cette nouvelle avait aussi son lot de doutes derrière elle. Le bonheur de Nelligan était teinté de quelques noirceurs, mais pour le moment l’effet de surprise arrivait encore à les dissimuler, même de lui-même. « Je t’aime aussi, mon amour. » Il l’embrassa, ce baiser dont il avait tellement rêvé ces dernières semaines. D’une toute autre façon, certes. Mais ce n’était que le début. Il pourrait goûter à ses lèvres, encore et encore. Le temps ne leur manquerait plus. Du moins, il l’espérait de tout son cœur. Avec les récents événements, il n’avait aucune certitude sur quoi que ce soit, mais l’espoir lui était bien là. Lily-Anaëlle proposa alors cet été, à Noël. C’était dans quelques semaines. Un événement heureux, certes, mais Nelligan ignorait si c’était le bon moment. Pourtant, il avait tellement envie de la marier le plus tôt possible, sa Lily, parce qu’il l’avait tellement attendue. « Nous aurions le temps de tout planifier ? Je veux qu’on ait le mariage dont on a toujours rêvé, chacun de notre côté … Mais je n’ai pas l’argent pour te l’offrir … je n’ai pas … je ne suis pas en état de prendre en charge quoi que ce soit, et je ne sais pas quand je le serai … et puis … » Et puis Lexi n’y serait pas. Mais elle n’y serait pas que ce soit dans deux mois ou dans un an. Elle ne serait jamais à son mariage, sa sœur, sa confidente. Nelligan pourrait l’attendre pour l’éternité, plus jamais il ne verrait son visage. Heureuse que son frère ait enfin trouvé le bonheur qu’il attendait. « Et puis je veux tellement te rendre heureuse. Te combler. » Il secoua légèrement la tête, réalisant bien que pour le moment, il n’avait pas grand-chose à lui offrir excepté son amour. Mais c’était l’amour le plus fort et le plus grand.

« Ça va faire un peu plus de deux semaines.. » C'était déjà son seizième jour, tu les avais compté lentement, attendant un peu plus qu'il se réveille tout simplement. Lorsque tu l'avais quitté la veille, les médecins ne savaient pas trop quand ça pourrait se produire. Et tu avais prié, une fois de plus, pour qu'on te le rende, tu avais déjà assez perdu pendant ce séisme, tu ne voulais pas le perdre lui, tu ne t'en serais jamais remise. Peut-être que ta prière avait été entendu, quoiqu'il en soit, il était réveillé à présent. « Si tu ne t'en sens pas capable, je ne veux pas t'y forcer, je veux juste que tu prennes bien le temps d'y penser ! » Tu savais que la réalité serait difficile à encaisser. Tu savais qu'il lui faudrait le temps pour faire son deuil, pour surmonter cette épreuve, mais tu serais là, derrière lui, prête à le rattraper s'il venait à chuter parce que tu l'aimais. Parce que dans un couple il faut se serrer les coudes. Il ne faut pas avoir peur d'être faible devant l'autre, pas avoir peur de se confier à l'autre. Avec Nelligan les choses étaient toujours simples, il n'y avait pas de disputes pour n'importe quoi, vous arriviez à vous faire comprendre. Fallait pas chercher plus loin pour comprendre que tu devais l'épouser sans plus attendre. C'est d'ailleurs ce que tu avais proposé, même si ça semblait le faire paniquer un peu. « Si c'est trop tôt on attendra, je ne veux pas non plus presser trop les choses. » ajoutais-tu doucement, esquissant un sourire. De toute façon, maintenant il avait dit oui, plus rien ne pressait. Sauf peut-être pour officialisé les choses, mais dans ton esprit, tu étais déjà Lily-Anaëlle Malinowski. « Je ne veux pas d'un grand mariage, je te veux toi. Je connais un ami qui pourra nous marier, il prône l'amour à tout va, il sera heureux d'officier, si on n'invite pas trop de monde, on pourra faire ça dans le jardin et puis Sara connait un très bon tailleur qui fait des robes pour pas cher sauf si ta mère accepte que je prennes sa robe. » Tu avais longtemps rêvé d'un mariage parfait, avec une grande allée, des demoiselles d'honneurs jetant des fleurs, des millions d'invités, tu étais prête à écrire une lettre au monde entier pour ton mariage. Mais aujourd'hui, ce qui comptait vraiment c'était lui, vos amis les plus proches, sa famille et peut-être que tu avais le droit de rêver un peu en pensant que ton père et Zara seraient aussi de la partie. « Tu me rends heureuse rien qu'en ayant dit oui. » Tu retirais tes chaussures, pour t'allonger à ses côtés, faisant attention de ne pas trop t'appuyer dessus puisque tu ne voulais pas prendre le risque de lui faire mal. Tu voulais juste le sentir contre toi le temps d'un câlin. Tu gardais sa main dans la tienne, imaginant vos alliances à présent. Tu laissais un silence planer quelques minutes avant de reprendre doucement. « Tu sais quoi ? Mettons ça de côté pour aujourd'hui, concentrons-nous sur ton rétablissement et le reste viendra petit à petit ! » Tu allais finir par lui mettre une pression monstre sur le dos alors que ce n'était pas du tout ton but.

Un peu plus de deux semaines. Il hocha la tête, le regard troublé, perdu un peu plus bas que le regard de Lily-Anaëlle. On aurait pu croire qu’il regardait son visage mais non, il regardait bien plus loin que ça, dans sa tourmente, dans la confusion que représentait les deux dernières semaines. Entre le rêve et la réalité, il ne savait plus ce qui était vrai. Les paroles réellement prononcées et les voix imaginées. Tout était désorganisé. Plus rien n’avait de sens. Exceptée Lily-Anaëlle et les mots qu’elle venait de lui dire. La grande demande. Ça, plus que jamais, voulait dire quelque chose aux oreilles de Nelligan. Une douce berceuse qui avait sans doute le pouvoir de panser toutes ses blessures, à la longue. Il était encore trop tôt pour dire que son « oui » avait effacé tout le reste, mais au moins il arriva à sourire malgré le sombre brouillard qui le submergeait. Malgré tout, malgré cet amour quasi-inconditionnel qu’il avait toujours éprouvé à l’égard de la brune, il chercha tout de même à prendre son temps. Leur temps. Afin qu’il puisse offrir à Lily-Anaëlle tout ce dont elle avait un jour pu rêver. Mais, visiblement, ce n’était pas tant que ça. Juste elle et lui. Unis. « Non, ce n’est pas ça, ce n’est pas trop tôt, même que … il était temps. » Il eut un léger sourire, accompagné d’un faible rire. « J’veux juste bien faire les choses, pour toi … » C’est à ce moment que la jeune femme lui révéla son désir pour un petit mariage, dans le jardin, avec une robe pas trop chère ou alors la robe de la mère de Nelligan. Il leva un regard surpris vers elle. Il se souvenait de la robe de sa mère pour l’avoir vue sur de vieilles photographies, mais il ne l’avait jamais vraiment vue physiquement. Elle était dans la garde-robe de sa mère, dans une housse, et sa mère ne l’ouvrait plus depuis bien longtemps. Il rigola faiblement, encore une fois. « Je ne sais pas si tu veux vraiment mettre la robe de ma mère … Même si elle en serait … honorée … » Sa voix se cassa juste un peu, parce qu’il venait d’imaginer la réaction que sa mère aurait. Et ça le touchait droit au cœur. Sans doute aurait-elle tenté de convaincre Lexi de la porter à son propre mariage, mais Lexi n’aurait jamais de mariage. Lexi ne vivrait jamais ces étapes si importantes d’une vie que Nelligan s’apprêtait à vivre avec la femme de sa vie. Ce serait un geste si symbolique que Lily-Anaëlle la porte. La jeune femme retira alors ses chaussures et vint s’allonger, sans prévenir, aux côtés du blessé. Il aurait voulu lever le bras pour le passer autour des épaules de la brunette, mais il était si lourd, Nelligan n’arriva même pas à le bouger. Alors que l’homme était encore en train de songer à tout ce qui s’annonçait, pensant même à la suite, à leur petite famille, Lily proposa de laisser cela de côté pour le moment, en attendant son rétablissement. Nelligan hocha la tête. « Faudra quand même que je songe à qui seront mes garçons d’honneur. » Il s’imagina de qui leur cortège pourrait être composé. Si Lexi avait toujours été parmi eux, sans doute que Lily-Anaëlle le lui aurait proposé. Il chassa bien vite cette pensée et pensa plutôt à Jayson, à Jay, à Asriel ou encore à un ami proche de Lily-Anaëlle, pourquoi pas, par exemple Conchobahr. Peut-être que ça ferait plaisir à Lily d’avoir d’autres hommes importants dans son cortège. « Peut-être que de me lancer dans la planification m’aiderait à ne plus penser au reste, aussi … » Déclara-t-il, se faisant de plus en plus à l’idée de marier Lily-Anaëlle durant le temps des Fêtes.

Il était plus que temps, oh ça oui, tu ne pouvais pas être plus d'accord. Ton mariage serait une étape importante dans ta vie parce que tu avais toujours pensé qu'il se ferait avec Nelligan, que tu vieillirais à ses côtés après avoir eu une jolie et grande famille. Tu avais été prête à te marier avec lui alors que tu n'avais que 16 ans. Tu avais dit vouloir reprendre les choses doucement, mais tu savais ce que tu voulais. Alors pourquoi attendre plus que nécessaire ? Et même si ce n'était pas parfait, tu épouserais l'homme que tu voulais, le reste n'avait aucune importance pour toi, ce n'était qu'un longue liste de détails. « On va faire les choses bien et si on manque de temps, on décalera le temps de tout finir mais on sera marié avant la fin de l'année prochaine, ça c'est une promesse ! » En un an et demi il pouvait s'en passer des choses, mais à présent, rien ne pouvait vous arriver à vous. Maintenant que vous étiez ensemble, vous étiez plus fort que jamais. Une sale période à traverser, un peu de rééducation pour lui et un deuil à surmonter, mais rien que vous ne puissiez franchir. Il n'y avait pas de montagne à l'horizon, juste un grand espace vert, au soleil avec des papillons et des oiseaux chantant à tue-tête. Une vision sûrement trop féerique de la vie, mais tu ne voulais pas l'imaginer autrement. Pas maintenant en tout cas. « La mienne ne s'est jamais mariée, j'ai toujours aimé cette tradition.. Alors bien sûr que j'en serais ravie ! » Ça te faisait mal au cœur de penser que ça aurait dû être Lexi dans ce rôle et non toi. Bien que tu ne voyais pas Lexi se marier un jour, elle était trop sauvage pour se laisser passer la corde au cou, pourtant la vie était bien surprenante à des égards parfois que tu avais toujours pensé que ça pouvait arriver. Maintenant ce n'était plus le cas et tu avais parfois l'impression d'être si bien intégrée dans la famille que tu pouvais oser ce genre de demande. Tu n'aurais qu'à voir avec sa mère, au moment venu. « Il y a une limite sur les demoiselles d'honneurs ? » demandais-tu en rigolant. Tu essayais de faire une liste mentalement des personnes à qui tu pourrais demander de t'accompagner le jour J. Il y avait Ally, mais étant donné qu'elle avait embrassé Nelligan, tu te voyais mal lui demander. Malgré tout, tu avais encore cette histoire sur le coeur. Après il y avait Nevaeh, Concho et même Léo. Tu aimerais les avoir tous avec toi le jour où tu dirais enfin oui à l'homme que tu aimes mais tu savais que c'était impossible. Tout comme il était impossible pour toi de choisir. « A quoi tu pensais ? » Peut-être qu'il avait déjà des idées pour la décoration, pour le bouquet de fleurs ou encore pour le repas. Tu étais curieuse de savoir ce qu'il imaginait, ce qu'il attendait de ce jour là, mais tu ne voulais pas non plus qu'il se jette à corps perdu dedans parce qu'une fois que tout serait fini, la douleur qu'il avait mis du temps à mettre de côté finirait peut-être par revenir, le faisant chuter encore plus bas que présentement. C'était un risque et tu ne cacherais pas ta peur. « Est-ce que tu as faim ? » Vu l'heure, tu avais un doute, mais ça faisait des semaines qu'il était nourri par un câble, maintenant qu'il était réveillé peut-être qu'il aurait envie de manger quelque chose, de croquer dans un carré de chocolat, même si ça devait être défendu pour l'instant.

Mariés avant la fin de l’année prochaine. Cette promesse lui réchauffait le cœur, cette promesse lui redonnait de l’espoir. C’était un sentiment étrange que d’être à la fois atterré par le décès d’une des personnes les plus chères à son cœur et complètement réjoui par la nouvelle de son union avec Lily-Anaëlle. Le pire joint au meilleur. Son cœur n’arrivait pas à trouver l’équilibre entre les deux : soit il s’emballait à s’imaginer marier la femme de sa vie, soit il se rappelait l’absence de sa sœur et en souffrait. Il se sentait d’ailleurs coupable de pouvoir s’imaginer son futur heureux alors que Lexi n’en aurait pas. La confusion le fatiguait, mais le regard illuminé de Lily-Anaëlle et son sourire rassurant le convainquait de garder ses larmes pour plus tard. Ils vivaient un moment intime et unique, et Nelligan voulait s’y accrocher plus que tout au monde. « Mais il faut réserver un endroit, il faut réserver … tout ! Il faut choisir une date à l’avance, non ? » Nelligan n’était pas le plus informé sur les mariages, mais de ce qu’il avait compris des films ou de ses amis qui s’étaient mariés, l’organisation était bien complexe. Le fleuriste, le traiteur, l’endroit, l’officier, les invités, le gâteau, la lune de miel … Un tas de choses à penser, à prévoir. Pour les tenir occupés, ça les tiendrait occupés. Lexi aurait été folle de joie de participer à cette organisation. Elle aurait passé des journées entières avec Lily-Anaëlle, à parcourir les catalogues et les magasins. Cette image arracha un sourire à Nelligan. Puis ils parlèrent de la robe que porterait sa future épouse, et quand elle évoqua la robe de la mère Malinowski, le jeune homme fut plus que ravi malgré ses mises en garde. Lily les repoussa bien vite. « Tu seras tellement belle … » Bon, une fois la robe ajustée et mise au goût du jour, évidemment. Il y aurait quelques détails de couture ici et là à refaire, mais l’essence de la robe serait gardée et sa mère serait tellement fière. Surtout parce que ce serait Lily-Anaëlle Hadley qui marierait son fils dans cette robe. Même si Nelligan savait qu’elle aurait aimé n’importe quelle femme qui aurait aimé son fils, le trentenaire savait qu’elle avait toujours porté la brunette dans son cœur. Tout comme Nelligan. Emporté par la situation, ce dernier parla des garçons et demoiselles d’honneur. « Je crois qu’on peut choisir mais … j’n’imagine pas ce que ça donnera si on en a dix de chaque côté … » Avoua-t-il avec un rire. Ça ferait de belles photos bien garnies. Remplies d’amour. Lily-Anaëlle lui demanda alors à quoi il pensait niveau planification. Nelligan haussa les épaules. « J’sais pas trop. J’pense qu’il faudra qu’on s’assoit ensemble et qu’on parcourt des catalogues ou des tableaux de Pinterest ensemble. » Il sourit et caressa la main de Lily-Anaëlle, malgré ses doigts engourdis. « Je suis avec toi là-dedans. Je veux qu’on le fasse ensemble. » Il resterait sans doute à l’hôpital pour encore quelques jours, alors ça pourrait occuper leurs heures d’attente. La jeune femme lui demanda alors s’il avait faim, ce à quoi Nelligan répondit par un hochement de tête. « Je sais pas si je dois respecter un horaire ou d’quoi, par contre … » Habituellement, c’était les infirmières qui amenaient les plateaux quand venait le temps de manger pour les patients, selon une diète préétablie.