my shadow comes with me as we leave it all behind (lily-anaëlle)

Dans toute sa vie, Nelligan n’avait jamais été se promener à l’extérieur aussi souvent que depuis la sortie de Pokémon Go. Qu’il soit accompagné d’amis, de Juliet ou tout seul, il ne ratait jamais une occasion d’aller remplir son Pokédex et d’acquérir un peu plus de points d’expérience. S’il ne pouvait pas être le plus grand dresseur du monde, il serait au moins celui de Bowen. Et puis, il allait se raffermir les muscles et perdre un peu de poids, ce qui ne lui ferait pas de tort vu le petit ventre qui commençait à se former depuis qu’il sortait avec Juliet. Ils enchaînaient les sorties au restaurant juste pour le plaisir de rendre chaque soirée spéciale, mais ça jouait autant sur le portefeuille que sur le poids de Nelligan. Ils s’étaient promis de faire plus attention. D’autant plus qu’à force de jouer à Pokémon Go, justement, le jeune homme ferait exploser son compte à la fin du mois, utilisant trop de données. Bref, le futur universitaire déambulait dans les rues de la ville, cherchant non seulement à avoir plus d’œufs mais aussi à attraper de nouveaux pokémons, quand il arriva sur le terrain de l’église. Il ne réalisa pas tout de suite, trop occupé à attraper le Rattata qui le regardait avec toutes ses dents, semblant le narguer, mais rira bien qui rira le dernier. Et ce fut Nelligan, quand la Pokéball se referma sur le petit rongeur mauve. Il sourit, satisfait, puis releva la tête vers l’église et c’est là que le malaise s’empara de lui. Il avala de travers en se remémorant les funérailles de Maisy qui avait eu lieu ici, même s’il ignorait où son corps avait ensuite été transporté. Chez elle, peu importe où cela était ? Les habitants de Bowen, du moins ceux qui avaient croisé le chemin de la blonde, étaient venu lui offrir ce moment de silence en son honneur. Nelligan était venu, lui aussi, évidemment. Ils n’avaient peut-être pas eu le temps de se connaître énormément, et parfois pas toujours de la façon à laquelle Nelligan se serait attendu, mais ils avaient passé quelques semaines entre les mêmes murs. Il ne pouvait pas écarter ce détail. Et le voilà, quelques jours plus tard, de retour ici. Il monta lentement les marches, l’une après l’autre, et pénétra dans l’église qui était presque vide. Ses bancs vides s’étendaient jusque devant, et Nelligan repensa au cercueil mais, surtout, à quel point la vie ne tenait qu’à un fil.

Tu marchais dans les rues de Bowen, en direction de la librairie parce que tu devais ouvrir boutique dans moins d'une demie-heure et que dans moins de deux minutes tu y serais. Tu aimais bien y être en avance, comme ça tu pouvais t'occuper de tout remettre en place et ouvrir plus tôt, tu aimais bien être ouverte avant l'heure, les gens n'attendaient pas comme des cons, que les dernières minutes passent. Non, ils pouvaient entrer presque aussi vite et ça te faisait gagner de la sympathie. Les cloches se fit entendre et tu laissais ton regard dévier de ton téléphone où tu tapait un message à l'attention de Zach. Ton regard se perdait sur l’Église. Celle que tu fréquentais petite, lorsque tu participais à la messe le dimanche matin avec ta mère. Lorsque tu avais enterré ta mère, lorsque tu venais prendre des cours de catéchisme. Lorsque tu t'es mariée. Tu repensais à Noé. C'était sous ce porche là que tu lui avais dit oui, dans la plus grande intimité. Tu ne voulais pas que ton mariage s'ébruite, parce que ça ne concernait personne d'autre que vous. Et tu avais aussi peur que si Nelligan ou un autre se pointe et te fasses les yeux doux, que tu craques et que tu balances toute la vérité. Ton mariage était ton plus gros secret, ou alors le plus discret, au point que même toi, tu l'avais oublié. Effacé de ton esprit jusqu'à ce que le marié fasse à nouveau irruption dans ta vie. Tu secouais la tête pour chasser toutes ces idées. Tu fixais à nouveau l’Église pendant quelques minutes avant de te décider à bouger et tu passais la porte après avoir monté les marches. Comme si tu avais ressenti le besoin de venir allumer un cierge pour ta mère. Tu pensais beaucoup à elle en ce moment surtout parce que tu avais un père prêt à débarquer dans ta vie pour te prendre un morceau de toi. Et peut-être disparaître à nouveau. Tu aurais aimé qu'elle soit là pour t'aider à prendre une décision, pour te guider et peut-être t'aider à nouer une véritable relation avec lui. Même si tu sentais que ça déplaisait pas mal à ta sœur. Demi-sœur, soit dit en passant. Tu fis un pas vers l'autel, et tu entendais le son de tes talons faire un écho monstre. Tu avais eu le sentiment d'être un éléphant tellement ça faisait de bruit. Discrétion, zéro, en tentant de faire demi-tour, tu accrochais un portant en métal qui s'écrasait bien lourdement au sol. Et merde. Maintenant, tu étais grillée et tu n'allais pas vraiment pouvoir te cacher, pourtant, tu t’accroupissais au sol, essayant de te cacher derrière un banc. Mais tu entendais déjà des pas venir en ta direction.

Elle était entrée dans l’église, sans remarquer sa silhouette adossée au cadre de porte. Elle n’avait pas tourné la tête pour voir Nelligan qui lui, n’avait pas raté son entrée. Lily-Anaëlle marchait, ses talons-hauts claquant à chaque pas contre le sol. Le jeune homme avait senti son cœur se serrer en la voyant ainsi dans ce lieu où une telle rencontre était si inopinée. On aurait dit un signe quelconque, mais Nelligan ne voulait plus penser à ces signes. Il ne voulait plus se laisser guider par des illusions qu’il s’inventait lui-même. Lily-Anaëlle était avec Zach, lui était avec Juliet, et sans doute était-ce ainsi que ça devait se terminer pour eux. Probablement n’y avait-il même plus de eux depuis un moment déjà. Alors elle avait beau être entrée dans la même église que lui, alors qu’aucune raison particulière ne les y emmenait, du moins pas lui, cela ne voulait rien dire. Cela ne voulait pas dire qu’ils auraient dû se marier ici. Cela ne voulait pas dire que Lily-Anaëlle était son ange. Cela ne voulait pas dire que même Dieu prenait le temps de mettre Lily-Anaëlle sur son chemin pour qu’il ne s’en écarte plus. Ça ne voulait rien dire, et Nelligan était peiné de devoir se raisonner de la sorte. Il aimait Juliet, il ne pouvait pas la faire souffrir elle aussi en laissant encore une fois Lily-Anaëlle jouer, inconsciemment, avec toutes les émotions qui régissaient son cœur. Le jeune homme la fixa donc lors de tout son trajet jusqu’à l’autel, et prévoyait attendre qu’elle soit complètement à l’autre extrémité pour se faufiler à l’extérieur de l’église et partir sans attirer son attention. Malheureusement, la maladresse de Lily-Anaëlle en décida autrement. Après être restée un moment devant l’autel à allumer un cierge, la jeune femme avait fait demi-tour et avait accroché un portant en métal, qui tomba au sol dans un bruit lourd. Nelligan tourna la tête, lui qui se trouvait dans l’entrebâillement de la porte. Il vit Lily-Anaëlle s’accroupir au sol, derrière un banc, sans pour autant ramasser le portant en métal. Nelligan fronça les sourcils. Que faisait-elle ? Il hésita, un moment, regardant à l’extérieur, puis à l’intérieur, et se bougea finalement pour remonter les allées dans l’église. Banc après banc, il se rapprochait de plus en plus de l’endroit où il avait cru voir Lily se cacher. Une fois arrivé à sa hauteur, il la vit, effectivement accroupie derrière un banc. Il fronça les sourcils. « Mais qu’est-ce que tu fais là ? » Demanda-t-il avec autant de curiosité, de confusion et d’amusement dans la voix. Son regard était plein d’incompréhension, mais il était aussi très doux. Comme toujours. Parce qu’au fond, qu’il soit triste ou non que ça se soit passé ainsi entre elle et lui, il ne pourrait jamais lui en vouloir. Ce n’était pas sa faute. Rien n’était sa faute. Et on ne pouvait empêcher un cœur d’aimer, alors si elle en aimait un autre que lui, il ne pouvait rien y faire. Et ça lui avait permis d’ouvrir les yeux face à Juliet.

Tu étais une catastrophe ambulante. Toujours à semer le bazar, à faire du bruit, à tout faire tomber. Comme si tu aimantais les objets pour qu'ils se rapprochent de toi et que tu puisses les envoler valser. C'était obligé, tu ne pouvais pas être si maladroite au point de ne pas être attentive à ce qui t'entourait. Pourtant, tu ne l'avais pas vu, tu ne savais pas comment tu avais pu le faire tomber. Tu le réalisais uniquement parce que ça avait fait un vacarme fou et que dans l'église, ça résonnait plutôt bien. Et tu t'étais caché pour éviter qu'on sache que c'est toi. Et quand le bruit serait calmé, tu te relèverais pour le remettre en place discrètement - tu pouvais toujours l'espérer - et t'en aller très vite. Pourtant, ton plan semblait mis à mal part une voix, derrière toi. Et pas n'importe quelle voix, celle de Nelligan. « Je.. Euh.. » Tu tournais la tête vers lui pour le regarder, ne sachant pas quoi lui dire. Après tout s'il était arrivé derrière toi, c'est qu'il devait être présent, et qu'il avait du voir toute la scène de ta maladresse. « Je cherchais ma boucle d'oreille ! » affirmais-tu en souriant. Oubliant que tes cheveux étaient attaché et que s'il regardait tes oreilles, il verrait bien qu'aucune boucle ne manquait à l'appel. Par chance, tu pris la parole avant qu'il ne puisse te faire la remarque. « Mais en fait j'en ai pas perdu.. » Tu te mis à rire par la situation. Tu aurais l'air un peu idiote, mais devant lui ce n'était pas gênant. Il te connaissait sûrement mieux que personne, il comprendrait ton petit jeu. Tu te redressais pour lui faire face, en souriant, ne sachant pas trop quoi dire. « Tu vas bien ? » demandais-tu poliment. C'était une question un peu idiote, mais tu te sentais moins coupable de lui demander ça, puisque maintenant tu savais qu'il avait Juliet dans sa vie, il devait être heureux.

La petite tête brune de Lily-Anaëlle se tourna vers lui, surprise, surtout parce qu'elle venait d'être prise en flagrant délit alors qu'elle tentait tant bien que mal - surtout mal - de se cacher. Devant son air confus, Nelligan ne put s'empêcher de rigoler. Ça faisait longtemps qu'il ne s'était pas permis de rire de la sorte en compagnie de son ex-petite-amie, sans gêne, sans honte, sans malaise. Il la trouvait adorable, là, à genoux à chercher sa boucle d'oreille qui se trouvait toujours à son oreille. Il avait l'impression de se retrouver devant l'adolescente de qui il était tombé amoureux il y avait de cela quinze ans. « Oh, et tu l'as tr ... » Commença à demander Nelligan avec un sourire en coin et un intérêt feint, mais Lily-Anaëlle avait presque aussitôt reprit la parole pour mentionner qu'elle ne l'avait pas perdue. Il hocha la tête et rigola de bon coeur avec la brunette. « Ah, c'est bête. » Nelligan s'éloigna d'elle un moment pour redresser l'objet massif qu'elle avait fait tomber, le repositionnant exactement comme il était avant que la maladresse de Lily ne s'abatte sur lui. Il tourna le visage vers la jeune femme. « Tiens, voilà, ni vu ni connu. » Il lui adressa un clin d'oeil et retourna à ses côtés alors qu'elle lui demandait s'il allait bien, une fois remise sur ses deux pieds. « Oui, oui, ça va. Je suis en recherche active pour un logement ou une colocation pas chers à MacKay. » Pour trois ou quatre jours par semaine passés là-bas pour ses études dès septembre, Nelligan n'avait pas envie de payer une grosse fortune, mais il devait quand même se trouver un moyen d'y vivre, pour ne pas avoir à voyager tous les jours entre les deux villes. Évidemment, il reviendrait lors de ses jours de congé, parce qu'il avait sa famille, ses amis, et Juliet qui l'attendraient à Bowen. « Et toi ? » Demanda Nelligan en prenant une discrète inspiration, tentant de cacher le trouble que lui procurait le fait de se retrouver seul devant Lily-Anaëlle alors que tous les deux étaient en couple. C'aurait dû être finalement le moment où tous les deux auraient ce sentiment de "closure" par rapport à ce qu'ils avaient été, ou ce qu'ils auraient pu être, mais du côté de Nelligan, ce n'était pas le cas. Il avait beau aimer Juliet, elle avait beau aimer Zach, Nelligan avait l'impression que quelque chose clochait. Que tout n'était pas dans l'ordre.

Tu ne savais plus ou te mettre. Comment faisais-tu pour toujours être toi ? Un peu bête, nœud-nœud, qui rougit à la moindre remarque. Pourquoi fallait-il que tu te la joues comme une ado pré-pubère, lorsqu'il était en ta compagnie ? Tu ne saurais le dire. Tu ne fermerais pas les yeux sur tes sentiments pour lui. Tu avais beau aimer Zach de tout ton être, tu aimerais toujours Nelligan. Au point d'avoir toujours un bout dans ton coeur. Comme Noé. Comme Milo. Tu donnais trop de ta personne, tu t'investissais dans tes relations, et ça te retomberais un jour dessus. Tu étais trop vulnérable à ces hommes, et pourtant, tu étais dépendante au point de toujours trouver une excuse pour les voir, pour les avoir dans ta vie. Tu les attirais autour de toi, comme si tu cherchais à saboter ta relation parce que tu te complais à être la fille triste et malheureuse qui se fait rejeter par les hommes. Une pensée de toi-même qui te glaçait le sang, et que tu oubliais aussi vite en glissant ton regard dans celui de Nelligan. « Merci » ajoutais-tu en chuchotant, après tout, vous n'étiez pas dans la rue ou autour d'un café. Non, vous étiez dans une église, il fallait avoir un minimum de respect pour les lieux. Tu crois les bras dans le dos, tournant doucement de gauche à droite parce que tu étais incapable de ne pas bouger. Incapable de rester immobile, face à lui. « Oh ! J'ignorais que tu allais retourner à l'université. Tu vas étudier quoi ? » Tu avais arrêté ton mouvement, surprise par la révélation. Tu supposais bien sûr qu'il reprenait ses études alors qu'il aurait tout bien pu décrocher un boulot. Mais pour un boulot, il aurait sûrement pu déménager avec Juliet pour construire un avenir là-bas. Parfois tu réfléchissais trop, et tu ne savais pas quoi faire pour lutter. « Une vie assez calme et rangée, comme je les aime ! » ajoutais-tu avec un faible sourire. Même si ta vie était pas mal en speed avec tous les jeux et défis mis en place par le Maire pour la fête de la Mangue. En tant que citoyenne modèle, élu Miss Bowen et capitaine d'un des groupes - même si tu n'as clairement pas la carrure d'un leader - faisait que tu étais très impliquée dans l'organisation, la réalisation, et la mobilisation des troupes. Chose à laquelle tu étais vraiment nulle, ce qui te prenait beaucoup de temps, pour peu de résultats.

Que ce soit pour ramasser un portant en métal qu’elle ferait tomber par mégarde ou pour aider son cœur à cicatriser d’une blessure dont il n’aurait même pas été le responsable, Nelligan savait qu’il serait toujours là pour Lily-Anaëlle. Il avait essayé, en partant de chez elle, de chez elle et Zach, et depuis qu’il était avec Juliet, de véritablement tourner la page sur elle. De faire une croix sur son nom, de gribouiller les pages de leur amour jusqu’à ce qu’elles soient illisibles, mais les souvenirs étaient toujours là, eux. Et Nelligan connaissait l’histoire par cœur, de toute façon. Ça ne servait à rien d’essayer d’oublier les sentiments qu’il avait éprouvés pour elle, et qu’il éprouverait toujours malgré lui. Lily-Anaëlle était constamment présente, dans son cœur, dans sa tête, même dans son absence. Alors Nelligan s’était finalement résolu à croire qu’elle serait toujours dans sa vie, peu importe de quelle façon. Qu’ils s’aiment d’amour, d’amitié ou de regrets, ils s’aimeraient toujours. Nelligan savait que c’était le cas pour Lily-Anaëlle aussi, au fond, même s’il en ignorait la portée et l’intensité. Il la connaissait assez bien pour savoir qu’elle était comme lui, entêtée à s’accrocher à l’amour sous toutes ses formes. Et la forme que le leur avait prise était si belle, si grande, si poignante, qu’il était impossible de s’en défaire. Il hocha donc la tête quand elle le remercia d’avoir remis en place le portant en métal. La brunette croisa les mains derrière son dos et se balançait de droite à gauche, comme une enfant timide qui se cacherait derrière la jupe de sa maman, si seulement elle avait encore une maman. Elle l’avait toujours fait craquer par sa timidité. Encore aujourd’hui, son cœur s’attendrissait devant une telle image. Mais leur conversation des plus banales brisait le charme, parce qu’elle ramenait Nelligan les deux pieds sur Terre. Et c’était mieux ainsi, au fond, parce qu’il avait Juliet et qu’il l’aimait. Et Lily-Anaëlle avait Zach et elle l’aimait. Il ne devait pas s’égarer. Il n’y avait plus aucune chance pour eux, n’est-ce pas ? Alors pourquoi se torturer et risquer de gâcher une autre relation à laquelle il tenait. « Conception de jeux vidéo ! » Annonça-t-il avec fierté, malgré ses murmures. « J’ai réalisé qu’il n’était pas trop tard pour faire ce que j’aime de ma vie. » Il aurait aimé qu’il ne soit pas trop tard pour bien d’autres choses, mais au moins, son retour aux études compensait pour d’autres regrets inavoués. Nelligan prit à son tour des nouvelles de la brunette, et il sourit quand elle lui répondit qu’elle menait une vie calme et rangée, comme elle les aimait. « Tu as l’air bien, oui. Je suis heureux pour toi. » Avoua-t-il, la voix toujours aussi basse, avec un sourire sincère même s’il était, à quelque part, attristé de constater que ce n’était pas à ses côtés qu’elle avait trouvé une vie comme elle les aimait. « Dis, tu … Ça … ça te dirait d’aller prendre un café ? » Proposa Nelligan avec une certaine maladresse, ne sachant pas si c’était une bonne idée, mais le simple fait de se retrouver devant elle durant ces courtes minutes lui donnaient envie d’en avoir plus, toujours plus. Et puis, cette conversation ne pourrait pas durer plus longtemps dans une église. 

Sa réponse était surprenante. Tu ne savais pas que c'était un métier qui s'étudiait avec des cours à l'université, mais c'était une voie intéressante, surtout pour lui qui était vraiment à fond dans ce domaine là. Il ne pouvait pas mieux choisir ! Tu laissais la surprise s'afficher sur ton regard. « Oh ! Et après tu vas créer tes propres jeux ? » demandais-tu avec des petites étoiles dans les yeux, curieuse de savoir ça. Si c'était ça, tu trouvais que c'était vraiment pas mal. Lui qui testait les jeux auparavant, il allait être celui qui les conçoit. Ce qui semblait être une grande étape dans sa vie. Peut-être un pas de plus pour arriver à l'accomplissement de lui-même. « Tu as bien raison ! Je suis ravie de l'apprendre. » Tu trouvais que c'était une bonne idée, une excellente idée même. Il n'était jamais trop tard pour étudier, jamais trop tard pour changer de vie, prendre des nouvelles directives. Comme toi, au fond, même si toi tu te contentais de reprendre ta boutique, de retourner à ton ancienne vie. « Toi aussi tu as l'air bien. » Tu esquissais un sourire, reprenant ton petit mouvement de bascule, encore une fois toute intimidé face à l'homme qui te dépassait d'une bonne tête si ce n'était plus. « Je.. Euh.. Oui avec plaisir. » Tu aurais du dire non, ce n'était pas spécialement une bonne idée. Tu étais faible face à lui, tu fermerais les yeux s'il venait à t'embrasser. Ce n'était vraiment pas une bonne idée, et pourtant, tu commençais à avancer, ouvrant la marche qui mènerait à la sortie de cette église. Et ton sourire ne finissait pas de grandir à mesure que tu avançais. Tu allais boire un café avec un ami, un ancien ami et ancien amant, et tout se passerait bien, tu pouvais toujours faire semblant d'y croire dur comme fer.

Tout de suite, Nelligan vit une lumière s’allumer dans les yeux de Lily-Anaëlle, surprise, curieuse et impressionnée qu’il se lance dans ce domaine. Il hocha avec enthousiasme la tête suite à son questionnement. « Oui ! Mes propres jeux ! » De le dire à voix haute lui faisait toujours bizarre, agréablement bizarre. Qu’on puisse un jour lire que Nelligan avait créé certains jeux, c’était pour lui un si grand rêve, un accomplissement hors de ce monde. Lily-Anaëlle semblait aussi ravie que lui qu’il ait décidé de reprendre sa vie en main et de la transformer en ce qu’il désirait réellement. Dans les dernières années, la vie de Nelligan avait pris une tournure chaotique, et il avait décidé qu’il était temps pour lui de laisser de côté ce qui le rendait malheureux, et de partir à la recherche du bonheur. Il avait réussi à taire certaines douleurs, notamment liées à la fausse couche de Lola, au départ de Tara, mais certaines cicatrices brûlaient encore. Il s’en rendait compte maintenant qu’il avait Lily-Anaëlle devant lui. S’il avait été assez courageux pour lui avouer ses sentiments en se lançant dans le vide pour tomber lourdement au sol en réalisant que ce n’était pas réciproque comme il l’aurait voulu, il devait maintenant se montrer assez fort pour la laisser partir, de rompre cette emprise qu’elle avait sur lui. Ce serait difficile, sachant qu’il aurait besoin de l’avoir dans sa vie d’une façon ou d’une autre, mais il devrait apprendre à l’aimer d’une autre façon. Quand elle lui renvoya le fait qu’il avait l’air bien aussi, Nelligan esquissa un sourire. « Je le suis. » Souffla-t-il, même s’il n’était pas certain que c’était encore tout à fait la vérité. Il était mieux, certes, mais il avait encore quelques détails à réparer, à reconstruire. Bref, réalisant qu’ils dérangeaient peut-être les autres personnes présentes dans l’église, le jeune homme proposa qu’ils poursuivent leur conversation autour d’un café. Lily-Anaëlle sembla hésiter un bref moment, mais elle accepta finalement. Nelligan sourit et lui emboîta le pas jusqu’à la sortie du lieu de culte. « Tu penses encore souvent à ta mère, hein ? Je pense souvent à elle aussi. » Avait dit Nelligan avec douceur tout en marchant sur le sentier qui séparait l’église du trottoir de la rue. Il s’imaginait que si elle était là, c’était sans doute pour elle.

Il semblait aussi excité que toi à cette idée. Cela devait être le rêve de tout joueur, créer son propre jeu, réaliser les dessins, l'histoire, élaborer des petits pièges plus tordus les uns que les autres pour mettre un peu de piquant. « Tu pourrais créer ta propre version de The Legend of Zelda et faire de toi le Link qui va sauver la princesse qui aura de beaux cheveux et une magnifique robe, ou casser les clichés de la princesse ! » proposais-tu en rigolant doucement. Lui qui avait toujours adoré ce jeu, il pourrait bientôt créer son propre univers dessus. Et encore, tu voyais petit en t'arrêtant sur ce jeu, mais peut-être avait-il déjà pensé à une version pour chaque jeu qu'il avait pu tester et adorer. « En ce moment, j'avoue que j'aurais bien eu besoin d'elle. Elle savait trouver les mots pour m'aider, pour me guider. Plus j'avance dans ma vie, plus je réalises qu'elle n'aura jamais la chance de partager les grandes étapes à venir. Elle aurait pu m'aider à mieux connaître mon père aussi. » Ton père. Un grand sujet bien compliqué encore. Et tu mêlais déjà Nelligan à cette histoire. Il avait été une des premières personnes vers qui tu voulais te tourner lorsque tu l'avais appris, mais c'était quelque jours avant votre dispute et tu n'avais pas voulu mettre le sujet sur le tapis. Mais maintenant il n'y avait plus que lui, il y avait aussi Zara. « Tu sais c'est difficile de se dire qu'on est tout seul, qu'il n'y a plus personne sur cette Terre pour s'inquiéter de soi, quand d'un coup il y a un père et une demie-soeur qui sortent de nulle part. Ça change la donne. » C'était terrifiant. Tu avais le sentiment que ta vie allait changer du jour au lendemain, sans que tu puisses avoir le moindre contrôle dessus. Tu avais l'impression qu'ils venaient pour saccager ta petite vie bien rangée. Et même si tu savais ce qu'ils attendaient de toi, tu ne savais pas ce que toi tu pouvais attendre d'eux, ce que tu pouvais espérer avoir d'eux.

Un sourire grandissait sur le visage de l’homme alors que Lily-Anaëlle lui parlait de tout ce qu’il pourrait créer, de sa version de The Legend of Zelda, des clichés qu’il pourrait briser. Il hocha la tête. « Pour commencer et me pratiquer, c’est certain que je m’inspirerai de mes jeux favoris. Mais j’ai déjà une petite idée en tête pour un jeu tout nouveau, authentique, qui n’est calqué sur rien de connu. » Bon, évidemment, dans les jeux vidéo, il y avait constamment des similitudes, après tout on ne pouvait inventer de A à Z un concept, mais Nelligan avait depuis des années bien des idées qui innoveraient dans le domaine du jeu vidéo, et si elles étaient bien mises à profit, peut-être qu’il pourrait se faire remarquer par des compagnies. Toutefois, il n’arriverait pas jusque-là avant bien des années de pratique. Ils sortirent de l’église et dès que Nelligan posa sa question sur sa mère, Lily-Anaëlle se confia à lui. Il était heureux de voir qu’elle avait toujours autant de facilité à s’ouvrir sur ses sentiments en sa compagnie. Peut-être que tout n’était pas perdu. Quand elle parla de son père, Nelligan pensa tout de suite à cette figure paternelle hypothétique que la brunette avait toujours eu en tête, parce qu’évidemment avec toutes les embrouilles qu’ils avaient eu, Nelligan ignorait qu’il était de retour dans le portrait, en quelque sorte. « Je suis certain que de là où elle est, elle te regarde aller et elle est fière de toi. » Nelligan n’était sûr de rien, concernant l’au-delà, la vie après la mort, le paradis, tout ça, mais il se plaisait à croire que les morts ne partaient pas définitivement. Qu’ils veillaient réellement sur leurs proches. Puis, Lily-Anaëlle reprit la parole en parlant de l’absence de parents pour veiller sur elle avant de lui apprendre que son père et sa demi-sœur était réapparus dans sa vie. Nelligan s’arrêta de marcher et fronça les sourcils en la regardant, posant doucement sa main sur l’avant-bras de Lily-Anaëlle. « Ton père ? Il est entré en contact avec toi ? » Demanda-t-il avec grande surprise. Nelligan connaissait Lily depuis si longtemps, alors forcément il avait ses histoires familiales à cœur, et l’arrivée de son père dans sa vie était étonnante pour lui aussi. Inquiétante, aussi. Que voulait-il après tout ce temps ? « Il avait une autre fille ? » Nelligan n’osait même pas imaginer toutes les émotions qui avaient dû traverser la jeune femme en l’apprenant. De savoir que son père avait eu une vie ailleurs, avec une autre enfant qu’elle. Toutefois, comme il ne connaissait rien de l’histoire, il attendit avant de sauter aux conclusions, reprenant sa marche aux côtés de la brunette alors qu’elle lui expliquait.

Tu avançais doucement avec lui à tes côtés, concentrée dans ta discussion avec lui. Comme si vous n'étiez que tous les deux dans cette ville. Rien n'aurait pu te faire sortir de cette petite bulle. Comme au bon vieux temps. Tu aimais ce sentiment, l'idée de pouvoir être en tête à tête avec lui, à parler normalement, comme s'il n'y avait aucune gêne entre vous. Et pourtant, tu étais déjà en train de rougir à l'idée d'être en tête à tête. Pour penser à autre chose, tu te concentrais sur ce qu'il racontait. Il semblait déjà avoir pas mal d'idée et une confiance en lui que tu n'avais jamais vu. « Je t'aurais bien dit de m'en dire plus, mais je ne pense pas être assez futée pour comprendre les mots qui pourraient suivre alors je me contenterais d'attendre la sortie pour l'essayer ! » Tu souriais, un petit train d'humour ne ferait pas de mal. Au fond, ce n'était pas un mensonge, les jeux ce n'était pas ton domaine, et il y aurait des mots qui te feront buter parce que tu ne les connaîtras pas, ce qui n'aiderait pas ta compréhension de ses idées. Mais tu te faisais la promesse d'essayer son jeu si jamais il en fait un. D'une parce que tu étais curieuse et de deux parce que ce serait de Nelligan. « Oui, sûrement. » Tu en doutais encore un peu, tu ne pouvais pas dire que tu avais fait des choses très rationnelles ces dernières semaines, rien que d'ignorer ta maladie parce que tu ne veux pas l'affronter. Si toi tu n'en étais pas fière, elle ne l'aurait pas été non plus. Mais elle aurait su te guider dans cette épreuve. « Oui, il avait envoyé un espion et il attend de moi un rein, il est malade, je suis un donneur potentiel. » Cette idée te paraissait toujours aussi folle. Pourquoi sur toute sa famille tu étais la seule à être compatible ? Tu espérais que les tests se révèlent négatifs, mais en même temps, c'était ta chance à saisir pour connaître ton père, pour nouer une relation avec ta demie-soeur. Bien que tout ça ne paraissait n'être qu'une chimère. « Et oui, il a une famille, avec une fille, Zara White. » Son nom résonnait toujours de manière étrange dans ta tête. S'il avait été ton père tu te serais appelé Lily-Anaëlle White. Autant dire que tu aimais beaucoup le fait de porter le nom de ta mère, ça sonnait un peu plus mélodieux que White. « Faut que croire qu'on était pas assez bien pour lui, et maintenant il est là, presque à me supplier, cherchant à m'acheter avec son argent, ignorant tout de moi.. » Tu te sentais encore offusqué qu'il te propose de l'argent contre ton don. Ce n'était pas de l'argent que tu voulais. L'argent tu t'en foutais. Toi tu voulais de l'amour, tu voulais une famille, rien de plus. « Je crois que je suis en colère » ajoutais-tu en souriant. C'était bien la première fois que tu ressentais de la colère et que tu la laissais s'exprimer à voix haute. Souvent tu la gardais pour toi, la mettant dans un coin de ta tête pour pas trop la ressasser.

Toujours les bons mots pour se rabaisser ; Lily-Anaëlle lui faisait penser à lui-même, et ça, ça lui faisait encore plus comprendre l’erreur faite des années auparavant. Il l’avait laissée parce qu’il n’avait aucune estime de lui-même mais au fond, sa copine de l’époque n’était pas forcément mieux que lui et n’attendait rien de plus que lui dans sa vie. Ils auraient filé le parfait bonheur sans doute des années durant, probablement aujourd’hui encore, s’il avait pu comprendre à ce moment-là qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Peu importe ce que Nelligan pensait de lui-même. « Je pense que tu comprendrais, mes idées c’est des idées d’histoires, de missions, d’objectifs, pas des idées techniques. Je n’en suis pas rendu là non plus. » Dit-il avec un rire. « Mais je préfère ne rien te dire. Je préfère voir la surprise sur ton visage quand tu y joueras. » Parce que Nelligan avait cet espoir sans doute un peu niais que même dans dix ans, lorsqu’il sortirait peut-être ce jeu qu’il avait en tête, Lily-Anaëlle serait toujours dans sa vie, d’une façon tout aussi importante, et qu’elle essayerait son jeu devant lui. Avec lui. Il n’osait pas songer à plus que cela, par respect pour Zach et par respect pour Juliet. Les deux adultes se mirent finalement en route vers un café, afin de s’offrir un moment en tête-à-tête, à se regarder dans le blanc des yeux, à se parler de tout et de rien. Quand il était question de Lily-Anaëlle et de Nelligan, cette idée n’était peut-être pas des plus sages, mais ils en avaient envie. Du moins, lui en avait envie. Et puis, visiblement, ils avaient un tas d’histoires à se raconter, puisque la brunette ne tarda pas à lui parler de son père, de sa maladie, de son besoin d’un don de rein, de l’espion engagé. Nelligan secoua la tête. « Woh. Il a envoyé un espion ? C’est qui ton père, Frank Costello ? » Demanda le jeune homme, n’arrivant pas à gérer toutes ces informations un peu folles. Déjà, demander un rein à sa fille alors qu’il n’avait jamais cherché à la connaître, c’était gros. Mais de ne pas être capable d’entrer en contact avec elle par lui-même, c’était mille fois pire. Cet homme n’annonçait rien de bon, selon Nelligan. Lily-Anaëlle s’en rendait elle aussi visiblement compte, puisqu’après avoir parlé de sa sœur, elle mentionna qu’il revenait la supplier en tentant de l’acheter avec son argent. « Il t’a proposé de l’argent en échange ? Tu l’as finalement rencontré donc ? » Demanda Nelligan, les questions se bousculant dans sa tête. Finalement, la jeune femme avoua, avec un sourire, qu’elle était en colère. Nelligan la regarda, amusé malgré le contexte. « Même en colère, Lily, t’as le sourire au visage. Allez, sois vraiment en colère, crie, crie sur moi si tu veux, mais crie, bon sang ! » Lui lança Nelligan, ne comprenant pas comment elle pouvait rester aussi calme alors que son père lui faisait vivre une telle chose.

Tu t'étais rabaissée, tu en avais conscience, mais tu l'avais dit avec le sourire parce qu'avec un sourire, les choses passaient mieux. On le prenait plus doucement, plus légèrement. Ce n'était pourtant pas la bonne chose à faire, tu n'étais pas non plus une idiote et il semblait vouloir te le faire comprendre. Il t'expliquait que ce n'était pas tant technique, mais plus sur la fond, avec les idées d'histoires, d'objectifs, ce qui serait plus facile à comprendre pour toi. Mais lui non plus ne semblait pas enclin à t'en dévoiler plus, il avait raison. Tu avais beau le connaître depuis longtemps, tu pourrais en venir à en parler à Zach, et ses idées pourraient se faire voler. Tu ne voulais pas de ça pour lui. Et puis tu aimais les surprises toi, tu étais patiente alors tu saurais attendre, toute ta vie s'il le fallait. « Je serais ravie de le tester avec toi, tu pourras m'apprendre les bails et les passages secrets ! » Tu t'imaginais déjà à ses côtés, lui t'expliquant en détail chaque point de son jeu, les règles, les contrôles, les objectifs. Et toi, lui redemander dix fois parce que tu étais dur de la feuille quand il s'agissait des jeux vidéos, jusqu'au moment où tu finirais pas appuyer sur tous les boutons jusqu'à ce que ça l’énerve, qu'il te prenne la manette des mains et qu'il te montre lui-même ce que tu devais faire. Au moins ça te permettait de suivre le jeu, quand c'était bien joué. Mais vous n'étiez pas encore à ce stade, vous aviez encore beaucoup de choses à vivre avant d'en arriver là dans vos vies. A condition uniquement, qu'il reste dans ta vie. Tu ne savais pas de quoi demain était fait, tu avais peur qu'un jour vos chemins finissent par se séparer, que tu vives une vie sans lui. Lily-Anaëlle sans Nelligan, c'était presque impensable. Depuis que tu le connaissais, vous n'aviez pas passé une année sans vous voir, même après votre rupture, vous vous étiez croisés, un peu parlé, mais il était toujours là. Si jamais tu te sentais mal, tu aurais pu aller chez lui, il t'aurais accueilli comme tu l'aurais fait pour lui. Il était bien là, pour t'écouter parler de ton père. « Je n'en sais rien, de ce qu'on m'a dit, il a juste beaucoup d'argent. Mais quel père donnerait de l'argent à son enfant caché contre un rein ? » Tu pouvais dire le tien sans hésiter puisque c'était le cas. Mais ça restait assez irréel comme situation. Te connaissant, tu serais prête à donner un bout de toi au premier malade que tu rencontrais et avec qui tu étais compatible pour la simple et bonne raison que tu étais en bonne santé, que si tu pouvais aider ton prochain, tu le ferais sans ciller, sans hésiter une seule seconde. Tu avais le coeur sur la main, peut-être un peu trop. « Pas encore, j'ai rencontré Zara par contre, à mon anniversaire. » Le mot 'surprise' résonnait encore dans ta tête à chaque fois que tu pensais à elle. Pour le coup, ça en était une, et pas qu'une petite. Tu avais une soeur, tu n'étais plus fille unique. Tu pourrais te rapprocher d'elle, malgré vos six années de différences, tu pensais que tu pouvais lier une réelle complicité avec elle. Pour ça, il fallait encore qu'elle le veuille, pour le moment elle t'incitait juste à sauver son père, elle s'en foutait pas mal de toi. « Je n'ai pas été capable de te lancer une balle dessus lors du gros festival des forains, alors je ne vais pas réussir à crier, ce n'est pas dans ma nature c'est tout. » affirmais-tu en haussant les épaules, ce n'était pas ton caractère. Ce n'était pas toi, tu ne pouvais pas te forcer à être quelqu'un d'autre. Tu n'arrivais pas à extérioriser ta colère, même en ayant bu. « Bon, on va le boire ce café ? » ajoutais-tu en rigolant, reprenant ta marche, quitte à parler, autant s'asseoir, surtout que le café n'était plus qu'à quelques pas de vous, même pas à une minute de marche. Une fois devant le café, tu t'installais sans plus attendre en face de lui, un sourire timide sur le visage, le regard un peu fuyant. C'était toujours aussi étrange pour toi, ça le serait toujours pour la simple et bonne raison qu'il ne quitterait pas ton cœur, que tu le veuilles ou non.

« Oui, je t’apprendrai tout, comme ça tu seras la meilleure. » Il sourit en la regardant. Ces choses-là, il aurait dû les dire à Juliet, d’autant plus que cette dernière jouait tout autant que lui. Elle attendrait avec impatience la sortie de son jeu. Elle passerait des heures à jouer, elle ne ferait pas que l’essayer. Pourtant, c’était à Lily-Anaëlle qu’il avait hâte de le montrer en détails. Peut-être parce qu’elle savait que c’était un rêve pour lui, et ce depuis ses seize ans. Juliet le savait aussi, mais depuis un peu moins longtemps. Une histoire de quelques années à peine. Mais des années qui changeaient tout. Bref, ils délaissèrent bien vite le sujet des jeux vidéo, puisque comparativement à ce que vivait Lily-Anaëlle, ce n’était que des petits rêves de gamin. Son ancienne copine vivait un moment bien plus intense, plus difficile à gérer, et il voulait être là pour elle sans lui parler de trucs sans importance pour le moment. Elle lui avoua que son père avait beaucoup d’argent et qu’il en donnerait à Lily-Anaëlle contre un rein. « Un père qui ne mérite pas de l’être … » Il secoua la tête. Être père était un cadeau, Nelligan en prenait un peu plus conscience maintenant qu’il avait entrevu ce genre de futur pour lui aussi, avant que Lola ne fasse une fausse-couche. Il n’aurait jamais abandonné un enfant, peu importe les circonstances, peu importe sa relation avec la mère. Lily-Anaëlle lui dit alors qu’elle avait rencontré Zara, sa sœur. « Zara ? C’est peu commun, comme prénom, hein ? » Avait demandé Nelligan avait une certaine incertitude dans la voix, parce qu’une Zara, il en connaissait une, mais il osait croire que ce n’était qu’une coïncidence. Il s’en convaincu bien vite, d’ailleurs, l’image de cette jeune femme rencontrée deux étés auparavant, avant sa rencontre d’avec Tara, lui revenant en tête en un éclair avant d’en repartir. Il ne voulait pas faire le lien entre quelques traits de leurs visages. « Tu t’entends bien avec elle ? » Demanda-t-il alors. Puis, Lily-Anaëlle lui avoua être en colère, le sourire pourtant scotché au visage. Nelligan l’implora presque de crier, parce que la brunette gardait tout à l’intérieur et il se disait qu’un jour elle exploserait. Encore une fois, elle refusait d’extérioriser sa colère. Nelligan ne répondit rien à sa remarque, certes, c’était dans sa nature. Il ne pourrait pas la changer. Il ne voulait pas la changer. « Oui, oui, allons-y. » Nelligan lui sourit furtivement avant de reprendre sa marche, côte à côte avec la jeune femme. Deux coins de rue plus tard, ils y étaient, et Nelligan s’acheta un café avant d’aller rejoindre Lily, qui avait déjà passé sa commande et qui avait choisi une table. « Il en dit quoi de tout ça, Zach ? » Avait alors demandé Nelligan à Lily, question de savoir si son petit ami l’épaulait bien à travers ce chaos.