cheers + noah

Quand Noah lui avait proposé de dîner avec elle, elle n'avait pas trop su comment réagir. Il ne s'étaient rencontrés qu'une seule fois à l’hôpital, mais le courant était vraiment bien passé. Il était son dernier patient de la journée, si bien qu'ils avaient pu prolonger un peu son rendez vous et s'échanger leur numéro, juste au cas où. Ca n'avait pas pour but d'être un rendez-vous galant, loin de là, et malgré le peu de temps qu'elle avait discuté avec lui c'était une toute autre aube de relation qui s'était dessinée entre eux. Ou alors il avait bien caché son jeu, mais cela n'avait pas du tout l'air d'être son genre. Ça se sentait ses choses là. Du moins Callie le sentait. C'était donc sans aucune appréhension que Callie s'était directement dirigée à la sortie du boulot une bonne semaine plus tard dans le petit resto où il lui avait donné rendez-vous. Et comme à son habitude elle avait un peu de retard, si bien qu'il l'attendait déjà devant. « Bonsoir ! »
Il était rare qu'elle retrouve des patients en dehors du boulot. En fait, Noah était le deuxième. Avec Ezra en première position. Tous les deux avaient ce petit truc en plus, ce besoin d'aide inavoué, si bien que Callie avait envie de les aider, les accompagner, de ne pas les abandonner. Chacun le lui avait avoué à demi-mot. Mais pourtant ils étaient bien différents. Elle ne savait pas de quoi ils allaient pouvoir parler. Peut être finir par parler de livres comme la dernière fois. Ou alors de banalités. En fait, elle se lançait dans l'inconnu mais avec l'intime conviction que ça allait être une bonne soirée.
Les mains sagement accrochées à son sac, elle ne savait pas trop comment se comporter. Après tout, ça restait quand même un inconnu. Alors elle se contenta de sourire, le laissant prendre le contrôle de la situation.

Sa rencontre avec Callie avait été des plus atypiques. En réalité, il aurait souhaité avoir appréhendé la jeune femme dans d'autres circonstances, que celle où il nécessitait son expertise pour soigner les blessures qu'il s'était lui-même infligées du poignet à l'avant-bras. A chaque fois qu'elle avait posé ses yeux sur son bras afin de désinfecter sa plaie et de faire en sorte que celle-ci guérisse convenablement, il se maudissait. Il se méprisait pour avoir pété un câble de cette manière, et il avait réellement l'impression de vivre dans un monde parallèle, où seul l'opposé de sa propre personne aurait été capable de sortir de ses gonds comme il l'avait fait. Ses proches lui avaient dit qu'il n'allait pas bien, il avait voulu minimiser la chose, estimant qu'il avait toujours le contrôle sur lui-même. De toute évidence, il s'était surestimé. Il jugeait toutefois que cet écart de conduite ne se reproduirait plus jamais. Ce n'était pas lui, ça, mais ce qui lui était arrivé, qui avait fini par le conduire à ce point de non retour. Il aurait dû s'en douter, il y avait eu des signes avant-coureurs. Son ex petite amie l'avait tellement mis à bout. A plusieurs reprises, il s'imaginait réellement saisir un couteau et se faire lui-même un malheur question qu'elle arrête de lui parler comme elle le faisait. Lors de plus d'une conversation, il avait été capable de se poignarder lui-même pour ne plus avoir à entendre le son de sa voix et les termes qu'elle articulait et qui résonnaient infernalement en lui, destructeurs.

Et maintenant il n'en pouvait plus d'être hanté par le chaos qu'elle lui avait fait vivre. Il avait désiré qu'en ne l'ayant plus dans sa vie, qu'en changeant de ville, qu'en mettant de la distance entre eux, il n'aurait plus à penser à elle, il pourrait enfin respirer. Mais la vérité demeurait qu'elle était toujours beaucoup trop présente dans son esprit, et les malheurs qu'il avait connu avec elle revenaient plus d'une fois sous forme de flashs qu'il ne pouvait toujours repousser. Et c'était comme ça qu'il y avait une semaine, légèrement enivré, il avait fini par démolir le large miroir du Elm Street. Il s'était vengé dessus comme si sa vie en dépendait, comme si détruire cet objet voudrait dire tout oublier. Il avait eu tort, et avait terminé aux urgences.

Et c'était là qu'il avait rencontré Callie. Mortifié, sombrant dans un silence de marbre, refusant de réellement répondre aux questions du personnel médical. Il voulait sortir d'ici le plus vite possible, qu'on ne l'oblige pas à y rester, qu'on ne voit pas en lui une âme ayant besoin de secours. Non, il refusait catégoriquement de rester dans un hôpital plus que de raison. Il avait conscience qu'il avait besoin de soins pour son bras, mais pour le reste, il s'en passerait. Toutefois, Callie avait produit de véritables miracles cette soirée-là. Elle avait réussi à percer la carapace épaisse qu'il s'était créé et de lui extirper la parole. Et vu qu'il avait eu le privilège d'être son dernier patient, ça s'était terminé en échange de numéros de téléphone. Il ne cherchait pas une histoire d'amour ou quoi que ce soit, il avait vu en Callie une personne qu'il voulait dans sa vie parce qu'elle détenait des qualités qu'il cherchait dans des amis. Et principalement, il voulait la connaître. Elle lui avait tendu une main et offert son attention dans un moment qui le rongeait encore, et bien que c'était son métier après tout, il voulait quand même la découvrir. Alors, après multiples tentatives échouées, il avait fini par parvenir à récolter son courage et lui proposer un rendez-vous, qu'elle avait accepté. Il était arrivé un peu à l'avance devant le lieu décidé, et l'attendait patiemment. Finalement, il perçut sa voix derrière lui et se retourna, un sourire étirant déjà ses lèvres : « Salut ! Tu vas bien ? Ta journée s'est bien passée ? » Il réduisit la distance les séparant, lui démontrant la porte du bar-resto : « Tu veux qu'on rentre maintenant ? »

Hj : Un peu long, désolée, j'ai été inspirée

Il était vrai qu'elle avait récupéré Noah dans un sâle état à l'hopital. Plus moralement que physiquement d'ailleurs. D'ailleurs, c'était ça le métier d'infirmière. Soigner tout types de maux, et permettre aux gens de ressortir réparés. Et c'est ce qu'elle avait eu l'impression d'avoir réussit à faire avec Noah. Mais elle savait bien qu'à tout moment cette réparation pouvait céder. D'où ce fameux échange de numéros et ce repas ce soir. Ca en faisait un peu plus qu'un simple repas. Elle n'était pas là pour le fliquer, loin de là, surtout que c'était lui qui avait instigué cette rencontre, mais elle comptait en profiter pour vérifier s'il allait mieux. Le sourire qu'il lui offrit en la voyant réchauffa son coeur. Il avait vraiment l'ait heureux d'être là ! « Ca va, même si je t'avouerais que la journée a été plutôt longue ! » Elle avait un peut tout enchainé, sa garde, un petit passage au Quaterly pour régler quelques affaires pu rentrer se changer et arriver au restaurant. Elle était plutôt fière d'elle d'avoir réussi à être à l'heure ! « Oui, je veux bien, je t'avouerais que m'asseoir un peu me ferait du bien ! » Il ne fallait pas croire qu'après le séisme tout avait retrouvé son calme. L'hopital restait toujours en effervescence et les infirmières étaient d'autant plus mises à contribution. Une fois que le serveur leur a indiqué leur table, ils s'y installent rapidement et Callie ne peut s'empêcher d'orienter la conversation sur Noah. « Bon alors, tu n'as pas eu de soucis avec ta main depuis la dernière fois ? » Manière à moitié dissimulée de lui demander comment il allait. Mais s'il ne voulait pas aborder le sujet, elle lui laissait une porte ouvert, un moyen de s'en sortir sans trop en dire, ne voulant pas le mettre mal à l'aise.

J'étais sincèrement heureux que Callie soit réellement venue à notre rendez-vous amical, bien qu'une part de honte et nervosité persistait en moi. Quitte à rencontrer une bonne personne comme elle, j'aurais aimé que ce soit dans une situation où mon orgueil en prenait moins un coup, et où je ne pouvais pas aisément passer pour quelqu'un que je n'étais pas. Je n'avais jamais composé une personne violente, je ne m'étais jamais heurté physiquement avant cette soirée-là. Certes je pouvais être taciturne comme garçon, mais le portrait qui s'était dessiné devant Callie l'autre soir n'était pas celui que j'aurais aimé lui démontrer. Ainsi, j'espérais redorer un peu le blason de ma personne au bar-resto.

Je l'entendais m'annoncer que sa journée avait été longue et qu'elle n'était pas contre l'idée qu'ils aillent s'installer dès maintenant. Je lui tenais ainsi la porte et nous ne tardions pas à être conduits à notre table. Je ne pouvais que me douter d'à quel point le métier d'infirmière pouvait être éreintant, ma mère en étant également une. Pendant une courte période de mon adolescence, j'avais même contemplé l'idée de moi aussi faire des études en soins infirmiers. Toutefois, j'avais fini par m'orienter vers quelque chose que je pensais plus accessible. Un fin sourire gêné étira mes lèvres alors qu'elle me demanda si j'avais eu des soucis avec ma main. Évasif, je lui répliquais : « Non. Il faut croire qu'on m'a bien soigné. » Je levais les yeux vers elle, avant de les rediriger vers le menu. Quelques secondes filèrent, durant lesquelles je décidais d'aller droit au but : « Je pense que c'est plus mon orgueil qui en a pris un coup. Donner une image de moi-même dont je ne suis pas fier. »

Elle ne l'avait pas jugé ce soir là. Elle n'était pas là pour ça et elle ne s'accordait pas se droit. Chacun pouvait rencontrer plus ou moins d'obstacles et de difficultés et on ne pouvait pas juger une personne sur un instant sans en connaitre l'histoire plus profonde. On peut cacher beaucoup de choses en pensant bien faire, mais ce n'était pas toujours la solution. Noah décidait de rester plutôt vague en répondant à sa question par une plaisanterie. Elle accepta son choix. Après tout il n'était qu'en tout début de soirée, s'il devait se livrer, ils avaient tout leur temps pour ça. « Je suis contente de t'entendre dire ça, je l'aurais mal pris sinon ! » Elle sourit avant de se replonger tout comme lui dans le menu. Alors qu'elle est tiraillée dans le choix de son plat, la phrase de Noah la fit presque sursauter. Elle relève les yeux vers lui et lui affiche un sourire affectueux. « Ca arrive à tout le monde. On fait tous des choses qu'on regrette plus ou moins. » Ah les hommes et leurs fiertés, c'était quelque chose. Son frère était comme ça à l'époque, toujours à vouloir être le plus fort des deux, toujours à vouloir lui prouver des choses alors qu'il n'y avait rien à prouver. Pour elle, son frère gardait toujours cette casquette de protecteur, peu importe ce qu'il faisait. « Regarde, on fait tous des choses insensées dans notre vie, mais cela ne répresente qu'une infime partie de celle-ci. On ne peut pas baser notre vie sur ces quelques moments, tu ne crois pas ? » Elle planta ses yeux dans les siens en tentant de le convaincre. Mais peut être en se convaincant elle-même aussi.

Je ris doucement alors que Callie m'avoua qu'elle l'aurait mal pris si je m'étais mis à critiquer les soins que j'avais reçus quelques jours plus tôt. Je me doutais bien qu'elle aussi répliquait sur le ton de la plaisanterie, mais il ne changeait pas que j'aurais très bien pu également faire l'impasse sur ses bons soins. Dans tous les cas, toujours rongé par la culpabilité et la honte de cet événement, je plongeais mon regard dans les lignes du menu. Bien vite, Callie m'imita, et je finissais par me décider à lui parler franchement de mes états d'âme face aux circonstances de notre rencontre. Elle se montra compréhensive derechef, ce qui ne m'étonna pas plus que cela, pour être honnête. Elle en avait sans doute vu bien pire, et mon cas devait être insignifiant comparé à ceux qu'elle avait pu croiser dans sa carrière et avaient pu la marquer. Je fronçais doucement les sourcils à cette idée, laissant quelques secondes de silence s'imposer entre nous deux, silence que la jeune femme brisa.

Je hochais la tête en signe de dénégation lorsqu'elle m'annonça qu'on ne pouvait pas baser notre vie sur des moments que l'on regrettait. C'était certain, on ne pouvait pas s'empêcher de vivre pour des erreurs, on ne pouvait pas laisser des mauvais choix nous façonner tout entier. Curieux, je ne pus m'empêcher de m'interroger sur les moments que Callie pouvait elle regretter. J'en avais des tonnes, non pas parce qu'ils étaient embarrassants comme celui qu'on avait évoqué, mais parce que je m'estimais avoir pris les mauvaises décisions, et avoir été trop longtemps aveugle. En y réfléchissant, j'étais convaincu que la honte se dissipait rapidement dans nos esprits, que l'être humain était assez bien fait pour ne pas demeurer mortifié trop longtemps. Un sourire un peu taquin, je questionnais toutefois mon interlocutrice : « Est-ce que tu as fait beaucoup de choses insensées dans ta vie ? » C'était peut-être osé comme question, mais je ne lui demandais pas non plus de se révéler totalement. Après tout, je n'allais pas lui réclamer de me conter ses folies.

La question de Noah était appellée par la sienne, elle aurait du s'en douter. Elle soupira en réfléchissant à quoi lui répondre. Ce n'était pas évident de répondre à cela. « Si tu considères comme insensé être partie toute seule en avion à l'autre bout du monde en laissant toute sa famille et ses amis derrière elle, alors voilà la chose la plus insensée que j'ai faite. » Enfin certes, elle avait laissé beaucoup de gens et de choses matérielles derrière elle, mais peu importe où elle pouvait s'être télétransportée, les souvenirs restait. Elle ne pouvait se détacher de ses vieux démons et des ombres qui était collés à elle et ne la lâcherait jamais. C'était une notion qu'elle n'avait pas envisagée ainsi en venant à Bowen. Mais malgré tout elle ne regrettait pas. Parce que bien que sa vie ne soit pas des plus simples à supporter tous les jours, elle avait fait de merveilleuses rencontres ici. « Après, je ne considère pas que j'ai fait beaucoup de choses irréfléchies dans ma vie. » Elle eu beau se creuser la tête, elle avait mené une vie plutôt tranquille sinon. Un simple flash lui revint alors en tête. « Enfin si, du saut à l'élastique pour faire plaisir à mon frère. C'était plutôt cool d'ailleurs. » Rien de bien original, mais c'était l'époque où il voulait à tout prit prouver aux autres garçons qu'il était le plus courageux. Et comme d'habitude, Callie l'avait suivit et fait comme lui. Ca faisait beaucoup de souvenirs d'un coup, mais de bons souvenirs.
Le serveur arriva pour prendre leur commande. Elle avait eu le temps de voir un risotto aux cèpes qui lui faisait de l'oeil. Elle passa commande et attendit que Noah fasse de même avant que le serveur ne reparte. « Et toi alors ? Je suis sûre que t'as plus de choses à me raconter ! »

J'écoutais attentivement le récit de Callie concernant la chose la plus insensée qu'elle avait pu réaliser dans son existence. En effet, je trouvais ça plutôt osé ce qu'elle avait effectué, et vu qu'elle cataloguait cet événement d'insensé, j'en déduisais qu'elle avait dû en décider sur un coup de tête. Ce qui m'interpellait, la curiosité en moi vivement attisée. Toutefois, je n'étais pas certain si mon interlocutrice récoltait de bons souvenirs de cet agissement. Ainsi, j'osais doucement : « Est-ce que tu regrettes ? » Car il était vrai que plusieurs interrogations germaient dans mon esprit quant à son périple - où avait-elle été ? qu'avait-elle découvert ? pourquoi avait-elle opté pour un si grand voyage ? Mais je me retenais d'étendre ma curiosité, au risque de paraître sans tact et de faire passer un mauvais moment à la jeune femme.

Je souris doucement lorsqu'elle m'avoua ne pas penser avoir agi beaucoup de manière irréfléchie dans sa vie, avant de me conter un saut à l'élastique. « Je ne l'ai jamais fait, mais j'ai entendu beaucoup dire pareil que toi. » partageais-je, songeur. Un serveur se présenta ensuite à nous afin de prendre nos commandes, et une fois cela fait, Callie me fit part de sa certitude que j'avais plus de choses à raconter que le peu de paroles que j'avais pu lui servir depuis le début du rendez-vous. Il fallait avouer que je n'avais pas encore secoué toute la gêne que le fait de la revoir occasionnait en moi, et en plus, j'avais toujours eu un tempérament réservé. Je grimaçais doucement, l'air désolé, avant de répliquer : « Les choses le plus impulsives que j'ai faites, je les ai faites par amour. » avouais-je sincèrement. « Et avec le recul, même si j'assume ce que j'ai pu faire, je pense que l'adage comme quoi l'amour rend aveugle est plus que véridique. » Je souris doucement. « T'as toujours voulu faire infirmière ? » interrogeais-je finalement, estimant que les gens qui poursuivaient cette carrière étaient réellement courageux. « Ma mère fait ce métier depuis des décennies. Je me demande toujours comment elle tient. »

Il était vrai qu'elle était restée vague sur les circonstances de son arrivée et pourtant elle n'avait pas voulu le cacher. Peut être même qu'elle lui avait amené telle quelle pour attiser sa curiosité. Alors à la question des regrets, c'est sûre d'elle qu'elle lui répondit. « Pas pour le moment. C'est sûr que ça pas été simple, surtout que je ne veux pas monter dans une voiture donc c'était pas très pratique au début, mais sinon je me suis réellement reconstruite ici. » Elle repensait à la tête du taxi qui avait du la ramener de l'aéroport jusqu'à chez elle le premier jour, il ne devait jamais avoir vu une fille aussi hystérique qu'elle lors d'une course.
Elle ne pensait pas l'avoir géné autant en lui retournant sa question. Après tout il devait s'y attendre un peu non ? C'était ce genre de questions à apparence anodine et qui finalement pouvait aboutir à de sacrés révélations. Elle lui offrit un sourire rassurant, comme pour l'encourager à se livrer. Et il lui expliqua que l'amour était le plus gros responsable de toutes ces choses. Elle ne peut qu'aquiescer et soupirer. « Comme l'autre soir en fait, non ? » Elle l'avait retrouvé dans un sâle état, plus moralement que physiquement. La vie amoureuse était beaucoup plus compliquée qu'il n'y paraissait. Et elle était bien placée pour le savoir. Noah embraya rapidement sur un autre sujet, comme s'il était mal à l'aise avec celui là. Elle ne releva pas même si ce nouveau sujet ne la mettait pas beaucoup plus en confiance. « Non infirmière n'était pas du tout mon but premier. Je voulais faire pédiatre, mais j'ai du abandonner mes études longues et emprunter une voie moins contraignante et surtout plus courte. » Elle écarquille les yeux en apprenant que sa mère était du métier. « Elle travaille ici à Bowen ? Ou autre part ? » En fait, elle ne savait même pas si Noah était originaire d'ici ou non.

J'écoutais attentivement Callie me déclarer qu'elle ne regrettait pas avoir sauté dans un avion sur un coup de tête. Elle me confia que le plus difficile avait été d'effectuer son périple sans grimper dans le moindre véhicule, ce qui m'interpella aussitôt. Je fronçais doucement les sourcils, bien que je me retenais de lui demander des précisions quant à cet aveu. Encore une fois, j'avais peur de franchir la limite de l'indiscrétion et faire planer une ambiance de malaise autour de notre table. Je souris toutefois sincèrement lorsqu'elle conclut qu'être ici lui avait permis de se reconstruire, ce que j'approuvais : « Bowen a toujours eu des qualités ressourçantes. » Moi-même j'étais revenu dans ma ville natale afin de me reconstruire après mes mésaventures à Sydney. J'avais pris conscience que je nécessitais de tourner la page, et j'avais cruellement besoin de soutien pour cela, même si jamais je ne l'avais avoué. La ville où ma famille se trouvait ainsi que des anciens amis avait été toute désignée pour cette mission. Et puis, être de cette ville et y avoir une bonne réputation aidait beaucoup pour s'y réintégrer.

Je répondais honnêtement à la question que me retournait mon interlocutrice. Je hochais la tête affirmativement lorsqu'elle me demanda si la blessure que je m'étais infligée le soir où nous nous étions rencontrés faisait aussi partie des agissements impulsifs que j'avais réalisé sous l'effet de l'amour. « Oui. » finissais-je par articuler, avant de prononcer sur un ton qui se voulait plein d'auto-dérision : « Il faut croire que je suis plutôt prévisible, comme mec. » Il fallait juste pas que je passe pour quelqu'un capable de commettre un crime passionnel. Je changeais promptement de sujet, et apprenais que le métier d'infirmière avait été sélectionné plutôt par défaut pour la jeune femme. Malheureusement, ce n'était pas la première dans ce cas-là, les études étant déjà onéreuses, entre autres. « Tu ne veux plus faire pédiatre ? » interrogeais-je, remarquant l'emploi du passé qu'elle avait utilisé. Puis, je lui avouais que ma mère occupait un poste d'infirmière également. « Elle travaille à Bowen. Elle a toujours travaillé ici, dans le même hôpital que toi. » Un fin sourire étira mes lèvres, avant que je n'ajoute : « Tu l'as peut-être déjà croisée. Elle vacille entre les urgences et la médecine générale la plupart du temps. Elle s'appelle Hannah et a un sacré caractère de cochon. »

Elle semblait avoir choqué son interlocuteur avec son histoire de voiture. Aux vues des sourcils froncés de Noah, elle semblait avoir un peu trop éveillé sa curiosité. Il est vrai qu'elle en avait soit trop dit soit pas assez et que cela pouvait nécessiter des explications. Plus ou moins brèves. « En fait, j'ai eu un accident de voiture. A Londres. Du coup je n'arrive plus à remonter dans un voiture. » Elle haussa les épaules, consciente de l'étrangeté de sa lubie. Elle savait pertinemment que tous les conducteurs n'étaient pas mauvais
Elle adorait même conduire auparavant. « Je sais ça peut paraître fou. Mais c'est possible de vivre ainsi. » Et elle en était la preuve vivante. Mais elle savait très bien que cela était possible car Bowen s'y prêtait bien. Elle avait tout a portée de main et la possibilité d'aller travailler et faire ses courses en vélo. Mais dès qu'elle serait amenée à devoir quitter la ville, tout serait bien moins simple. Mais ce n'était pas forcément prévu.
Noah répondit par la positive aux suppositions de Callie. Ah les hommes et l'amour. C'était aussi compliqué que les filles, peu importe ce qu'on pouvait dire. Mais elle n'en demanda pas plus, ne voulant pas déterrer des choses que Noah voulait probablement mettre de côté. Il se rabat sur son métier. Chose plutôt floue dans sa tête actuellement. « Non, je pense que les grandes études c'est plus de mon âge. Mais je bosse aussi en tant qu'écrivaine de temps en temps dans un magasine. » Il lui parle ensuite de sa mère. Oui Hannah. Elle voyait très bien de qui il parlait ! Elle n'aurait jamais imaginé qu'elle puisse être sa mère. Mais il était vrai qu'il y avait un petit air de ressemblance quand elle y réfléchissait bien. « Je vois bien qui c'est ! Mais je comprends que tu n'ai pas voulu tomber sur elle l'autre soir, une chance que ce soit moi qui me soit occupée de toi finalement ! » Avouer ses faiblesses devant sa mère, c'était toujours quelque chose de compliqué. Et elle comprenait ça très bien, elle qui n'avait presque plus de contact avec ses parents.

J'observais Callie l'air songeur lorsqu'elle m'avoua que sa peur d'entrer dans un véhicule venait du fait qu'elle avait eu un accident à Londres dans le passé. Je pouvais difficilement la juger, étant donné que je savais de première main comment un événement choquant peut vous marquer à vie, vous terrifier de manière plus ou moins irrationnelle. Depuis que j'avais manqué de me noyer, j'étais pétrifié à l'idée de m'approcher du moindre bassin profond. J'étais conscient qu'entrer par exemple dans une piscine ne signifierait pas impérativement ma mort certaine. Pourtant, ma peur était plus forte que ma raison. Je hochais doucement la tête en signe de dénégation quand Callie me fit entendre que cela pouvait paraître fou, bien que c'était possible de vivre sans avoir à se déplacer en automobile. « Non, c'est juste que je me disais que je connaissais ce sentiment. » Je marquais une pause, avant de me décider à continuer : « J'ai manqué de peu de me noyer quand j'étais assez jeune, et depuis cela, il est hors de question pour moi de m'approcher de la moindre étendue d'eau. Ce n'est pas rationnel, mais ça me fait un peu comprendre ce que tu vis. » Un fin sourire étira mes lèvres, avant que je n'ajoutais : « D'un côté positif... A Bowen, tu n'as pas vraiment besoin de conduire, et tu apportes beaucoup à l'environnement. » Mon sourire s'élargit doucement. J'avais la faculté de toujours voir le bon dans les situations, bien que cela pouvait être autant bien reçu qu'agaçant.

La conversation s'orienta par la suite sur les projets professionnels. J'interrogeais Callie sur son éventuel plan de devenir pédiatre, ce à quoi elle me répondit qu'elle pensait avoir franchi un âge où les longues études n'étaient plus forcément judicieuses. Je pouvais la comprendre, à vingt-six ans, je n'avais plus envie de me rendre sur les bancs de l'école. Je désirais gagner ma vie afin de la bâtir comme je le souhaitais. « Oh, pour quel magasine ? » la questionnais-je, intéressé, lorsqu'elle me dit écrire de temps en temps. Puis, je l'informais quant à la situation de ma mère, et ne pus m'empêcher de rire lorsqu'elle insinua que je n'aies pas voulu que ce soit elle qui me prenne en charge à mon entrée à l'hôpital. Elle avait bien entendu raison, à choisir, j'étais bien heureux que je sois tombé sur Callie. « Oui. Le truc avec ma mère, c'est que quand il est question de soigner ses enfants, elle est tellement furieuse qu'on se soit blessé, qu'elle a l'air de vouloir nous le faire payer. » Je continuais de rire. Je revoyais une scène où ma sœur était revenue des échardes plein les pieds ainsi que les genoux sauvagement écorchés, et que ma mère n'y avait pas été de main morte pour désinfecter le tout, passant tout le temps des soins à gronder ma cadette pour s'être mise dans des circonstances pareilles.

Etrangement face à Noah elle se sentait comprise. Et surtout pas du tout jugée. Alors comme ça lui aussi avait une phobie. Moins handicapante que la sienne certes mais pas toujours facile à vivre non plus surtout dans un ville côtière comme Bowen. Et il avait raison, ni l'une ni l'autre n'était rationnelle et pourtant l'un comme l'autre n'arrivaient pas à passer outre. Elle ne pu s'empêcher de rire quand il lui dit qu'elle faisait du bien à l'environnement. Il était vrai qu'avec elle il n'avait rien à craindre ! « C'est vrai que Bowen est idéale pour ça. Mais ça reste dommage car je n'ai jamais pu aller visiter les coins alentours ou un peu plus reculés de l'Australie. » D'ailleurs elle n'était même pas sûre qu'elle avait emporté son permis de Londres avec elle. Même si elle n'était pas sûre qu'il soit totalement valable en Australie avec la conduite à gauche.
Noah avait vraiment l'air interessé par ce qu'elle lui racontait. Il paraissait être quelqu'un de très à l'écoute et elle appréciait grandement cette qualité. « Le Quaterly, tu connais ? » A vrai dire elle ne le connaissait pas elle même avant le mois dernier, mais elle y avait désormais une place de choix et apprenait à chérir ce magasine de jour en jour. Quand Noah revient sur sa mère, elle ne peut s'empêcher de sourire. Déjà qu'il était dûr d'avouer ses faiblesses et ses bêtises à ses parents et connaissant un peu Hannah, elle se doutait de sa réflexion. « Ma mère est un peu pareil à vrai dire. Mais maintenant que je suis loin d'elle, elle ne peut plus me fliquer. Vive la liberté ! » Et même si la distance était parfois difficile à supporter, cela lui faisait du bien de vivre sa vie par elle même. Se reconstruire seule. Sans son frère. « Et sinon tu as toute ta famille dans le coin encore ? » Si lui et sa mère vivaient dans les parages, il était fort possible qu'ils ne soient pas seuls.

J'écoutais, l'air songeur, Callie m'avouer qu'elle déplorait le fait qu'il était difficile pour elle de visiter l'Australie à cause de sa peur de monter dans une automobile. C'est vrai que c'était dommage, de se freiner à des découvertes à cause d'une peur, bien que ce soit compréhensible. La vie était tellement courte, et à cause de très mauvaises expériences, on se voyait privé de belles découvertes. Je fronçais doucement les sourcils, proposant à la jeune femme, bien que j'étais conscient que cela pouvait paraître opportun, vu que l'on ne se connaissait pas énormément, après tout. « Tu sais quoi ? Je te propose quelque chose. » Je lui souris doucement, une étincelle de défi dans les yeux, me redressant davantage sur mon siège. « J'embarque sur un bateau pour faire face à ma peur... Et toi, tu montes dans une voiture. » Je marquais une pause, question de laisser Callie réfléchir. « C'est vrai qu'il est dommage de se priver de belles aventures à cause de très mauvais moments. Je te laisse y réfléchir. »

Lorsqu'elle me donna le nom du magazine pour lequel elle travaillait, j'eus une expression agréablement surprise. Non seulement que je connaissais le Quaterly, mais un proche y travaillait. « Mon meilleur ami y travaille. » Mon sourire s'élargit, alors que je précisais : « Nolan Cox, tu dois sûrement le connaître ? » Un léger rire fila entre mes lèvres lorsque Callie fêta la liberté acquise depuis qu'elle était loin de sa mère qui avait tendance à trop la couver. Puis, à sa question concernant ma famille, je lui répondis : « Une grande partie, oui. » Je réfléchis quelques instants, avant d'ajouter : « Malgré le fait que beaucoup critiquent Bowen et le fait que ce soit une petite ville où les options sont limitées, on peut quand même remarquer que la plupart du monde y reste ou y revient après avoir vu ailleurs. » Un fin sourire étira mes lippes. « J'imagine qu'on s'y attache, malgré tout. »

Les yeux écarquillés elle attend sa proposition. Parce qu'au fond d'elle elle se doute bien qu'aux vues de la conversation qu'ils étaient en train d'avoir il n'y avait pas trente six propositions possibles. Mais c'est surtout qu'elle avait besoin de l'entendre pour assimiler l'ampleur de cette proposition. Elle voyait qu'il prenait ça comme une sorte de défi, de compétition entre eux de vaincre ensemble leurs phobies. Sauf qu'elle ça la terrifiait. Rien que d'en parler, rien que l'idée de s'approcher d'une voiture. Même à l'arrêt. « Je.. je sais pas. » Elle porte sa main à sa mouche et mordille le bout de son pouce, tentant de s'imaginer la scène. « C'est vrai que ça serait un grand pas en avant. » Elle était consciente qu'il allait bien falloir qu'elle le fasse un jour, rien que pour ne pas se priver de nombreuses expériences et ne pas handicaper son entourage. Et Jake. « C'est vrai que ça serait tentant. Faut que j'y réfléchisse. Mais ça serait génial. » Et rien que l'idée de le faire à deux rajoutait un peu de motivation.
Elle fut étonnée en voyant un sourire se dessiner sur les lèvres de Noah en nommant le Quaterly. Il n'était pas énormément connu pourtant. Elle manqua presque d'avaler quand il souffla le nom de Nolan. « Oh oui, je le connais. » Elle avait peut être un peu été trop expressive en prononcant son nom. Mais elle n'y pouvait rien Nolan avait ce petit quelque chose de plus que les autres. Et il soulevait en elle des choses qui ne devraient pourtant pas l'être.
Quant à sa réflexion sur Bowen, elle ne peut qu'aquiescer. Cela ne faisait pas si longtemps que ça qu'elle était là mais elle savait qu'elle y resterait longtemps. « Pour le moment j'ai pas du tout envie de quitter cette ville, non. Mais c'est vrai qu'à chaque fois qu'on parle de cette ville, c'est toujours que en bien. » Cette ville l'avait aidée à se reconstruire et rien que pour cela elle la porterait toujours au fond de son coeur. « Mais bon, il faut garder ça secret sinon toute la planète va converger ici et ça arrangerait pas nos affaires ! » lui dit elle accompagné d'un petit rire.