meet after a long separation is more pleasant than a wedding night ღ Noah

Sortir les week-ends était devenu une véritable tradition. Je commençais au Elm Street, parfois je faisais un tour au bar de la plage, et je terminais à la boîte de nuit, plus ou moins alcoolisé, dépendamment de ma compagnie et de mon humeur. Ce soir, j'avais peu bu, donc j'étais plutôt alerte de ce qui se déroulait autour de moi, bien que je n'étais pas non plus trop sobre pour estimer tous les gens autour de moi comme étant trop lourds ou trop chiants. Je laissais les quelques amis avec qui j'avais fait la route jusqu'à la boîte de nuit pour me rendre aussitôt vers le bar. Le barman semblait d'ailleurs en pleine conversation avec une cliente, conversation dont je ne percevais que la fin. Apparemment, la jeune femme avait fait une proposition au barman, qui avait l'air plus ou moins enchanté de l'avoir reçu. Je commandais ma bière, et finissais par l'avoir entre mes mains. Pendant quelques secondes, instinctivement, mes ongles glissaient sous l'étiquette, commençant à la martyriser. Jamais je ne me déferais de cette manie inconsciente. Puis, je jetais un coup d’œil à l'individu à ma droite, qui avait discuté avec le barman quelques minutes plus tôt. Sa voix m'avait dit quelque chose, et en observant son profil, j'étais de plus en plus sûr de connaître cette personne. Jusqu'à ce que les points soient enfin reliés : « Lola ? » prononçais-je, bien que j'étais maintenant persuadé qu'il s'agissait bien d'une de mes amis du collège et du lycée de Bowen. « Ça faisait longtemps, tu as bien changé. » remarquais-je, toujours un peu surpris de la retrouver. Je ne m'attendais pas du tout à ça. « Comment vas-tu ? » finissais-je par questionner, retrouvant mes bonnes manières.

Je ne pus m'empêcher de rire doucement devant l'étonnement de Lola à voir ma propre personne. C'est vrai que cela faisait bien huit ans que l'on ne s'était pas vraiment vus, et on avait sans aucun doute bien changé tous les deux. Nous nous étions quittés adolescents, et maintenant, nous étions des adultes approchant dangereusement la trentaine. Je l'entendis me demander si j'étais de retour à Bowen et depuis quand, ce à quoi je répondis : « Je suis arrivé il y a quelques semaines. » Je buvais une gorgée de ma bière, observant à quel point Lola avait pu changer. « J'ai trouvé un travail ici, alors je pense bien y rester un petit moment. » Je décidais de m'installer sur le siège juste à côté d'elle. Quitte à avoir une conversation, autant que ce soit côte à côte, et non avec un siège entre nous. « Qu'est-ce que tu deviens ? Tu fais toujours de la musique ? » Je me rappelais sans souci du talent vocal de la jeune femme, ça ne m'étonnerait pas qu'elle l'exploite toujours de nos jours, bien qu'une carrière dans la musique ne permettait pas fréquemment de gagner sa vie.

Je souris doucement, l'air désolé, lorsqu'elle m'avoua avoir aimé être prévenue de mon retour à Bowen. Ce n'était pas contre elle, car j'avais prévenu réellement personne. Les gens s'étaient peu à peu mis au courant de mon retour dans ma ville natale en me voyant à gauche et à droite, mais je n'avais jamais pris le soin de contacter qui que ce soit pour les mettre au courant. J'imagine qu'une partie de moi se disait que peut-être les années avaient gommé les amitiés. Que les gens s'étaient trouvés d'autres connaissances, d'autres personnes pour former un groupe de potes, et que ma place avait été prise depuis longtemps. « Ce n'est pas contre toi, je n'ai prévenu personne. Je me suis dit que la majorité des gens m'avait oublié depuis belle lurette. » Je ris doucement lorsque Lola m'avoua que la ville n'avait pas beaucoup évolué en huit ans. « Étrangement, ça ne m'étonne pas ! » plaisantai-je. Bowen était une ville tranquille, ou le moindre changement surprenait ses habitants.

Je changeais le sujet de conversation pour en venir à la musique, me souvenant sans difficultés du talent de Lola. Elle me confia que c'était plutôt compliqué pour elle de continuer la musique, tout en restant assez évasive. Je n'osais pas la questionner davantage sur le sujet, bien que lui proposais : « Si tu veux, un de ces quatre, on pourra se retrouver pour en faire un peu. Comme au bon vieux temps. » Je lui offris un doux sourire, avant de boire quelques gorgées de ma bière. Je la perçus m'interroger sur ma situation à Bowen. « Je fais de l'urbanisme et je gère les routes ici, grosso modo. Ce n'est pas très intéressant. » Je lui jetais un coup d’œil, et voyant qu'elle n'était pas spécialement ennuyée, je précisais : « Je m'occupe de tout ce qui est amélioration des logements pour les gens à faibles ressources, les personnes âgées etc. Et puis ce qui concerne l'état des routes ici, ou même les permis de conduire. » Je prenais une nouvelle gorgée de ma bière, avant de continuer : « Je me suis trouvé un appartement cette semaine, je ne suis pas encore totalement installé, je prends plutôt mon temps je vais t'avouer. » Un rire fila entre mes lèvres, je n'étais pas le garçon le plus vaillant de l'Australie pour ordonner mon appartement. « Tu peux passer quand tu veux, d'ailleurs. » l'invitais-je, avant de lui retourner la question : « Et toi, tu fais quoi ? » Il fallait avouer que je connaissais peu de la vie actuelle de Lola.

Je souris, à la fois rassuré et flatté, lorsque Lola me dit de ne pas m'inquiéter sur le fait qu'elle n'ait pas été au courant que je sois de retour à Bowen, et que je m'étais trompé : des personnes m'avaient toujours en mémoire. C'était réconfortant quand même, de se dire qu'on a pas été complètement oublié, zappé de la mémoire des anciens camarades de classe, amis d'enfance etc. sous prétexte qu'on soit resté longtemps dans une autre ville. En tout cas, je n'avais pas oublié Lola, et je me rappelais de beaucoup des moments que l'on avait passé ensemble à l'école secondaire. Je ris doucement lorsqu'elle conclut que Bowen resterait toujours Bowen. A ce sujet, je ne pouvais pas la contredire. Et pourtant, je restais attaché à cette petite ville, avec ses ragots, son impossible anonymat. Ici, il fallait mieux surveiller ses faits et gestes, car on savait que tout serait répété. Toutefois, si l'on avait un problème, on trouvait aussi facilement quelqu'un pour nous offrir un coup de main.

« Super ! » commentais-je lorsque Lola m'affirma qu'elle aimerait bien jouer de la musique à nouveau avec moi. « Il faudra qu'on s'organise ça, alors. » Je lui offrais un sourire, puis lui expliquais le travail que j'occupais. Je l'invitais par la suite à passer à mon appartement, et lorsqu'elle me demanda mon adresse, je sortis mon téléphone portable, bien que je savais que ce n'était pas pressé. Comme ça, ce serait fait, pensais-je. « Je vais te l'envoyer directement maintenant, comme ça, je n'oublierai pas. » déclarai-je, tapotant sur mon smartphone pendant quelques secondes. « Tu as toujours le même numéro ? » interrogeais-je, avant d'envoyer le message texte.

Puis, j'écoutais attentivement les explications de Lola quant à son métier actuel et le fait qu'elle ne pensait pas être faite pour ce dernier. Elle était nostalgique de sa place de barmaid, et pensait ce poste plus adapté à elle. C'est vrai qu'il y avait des avantages. J'avais travaillé plusieurs étés au bar-resto, et j'avais toujours adoré ces expériences, même si ce n'était pas toujours un métier facile. « Je te souhaite de la retrouver, alors. » Je bus quelques gorgées de ma bière, avant de répliquer : « C'est pénible, les mauvaises passes. Mais d'un côté positif, c'est durant celles-ci qu'on reconnaît qui sont nos vrais amis. Elles sont les tempêtes qui nous permettent de voir plus clair par la suite. »

Il fallait l'avouer, ça me faisait plaisir de revoir Lola après tout ce temps, et de constater que notre amitié semblait toujours intacte. C'était facile de parler avec elle, je ne ressentais pas de prise de tête ni quoi que ce soit. C'était juste... Lola, la fille avec laquelle je me sentais bien et converser allait de soi. Je sortais mon téléphone pour lui texter l'adresse à laquelle je résidais maintenant, et fus surpris de la voir se reculer légèrement lorsque je lui demandais si elle avait toujours le même numéro de téléphone. Apparemment, ça semblait indécent que j'ai conservé son numéro durant toutes ses années. Personnellement, je ne voyais pas en quoi ? Si bien que je l'interrogeais, incrédule : « Ben... Oui. Tu voulais que je fasse quoi ? Que je t'efface dès que je suis sorti de la ville ? » Je lui souris doucement, ne voyant vraiment pas ce qu'il y avait d'étonnant là-dedans. Enfin, ce serait bête si le numéro n'était pas d'actualité, mais manifestement, ce n'était pas le cas. Je lui envoyais donc mon adresse par texto, annonçant : « Voilà, c'est envoyé. »

J'écoutais avec attention la jeune femme me soumettre un résumé abstrait d'une mauvaise passe qu'elle avait expérimenté. Je lui offris un sourire désolé lorsqu'elle me dit qu'avoir de vrais amis était difficile pour elle. Je connaissais ce sentiment. « C'est pour ça que c'est aussi rare d'en trouver de vrais et que chacun en a si peu. » Je posais une main sur son épaule le temps d'une minute, réconfortant. « Si ça peut te consoler, tu peux te dire que je suis là maintenant, et j'ai pas tant changé que ça avec les années. Je peux toujours être l'ami que j'étais quand on était encore à l'école. »

Je haussais doucement les épaules en entendant l'explication de Lola. C'était vrai qu'on avait perdu le contact, comme cela arrive à beaucoup qui partent faire leur vie ailleurs. On s'était envoyé des mots pendant six mois vraiment, puis nos messages s'étaient transformés en simple vœux de bon anniversaire qui nous autorisaient à prendre des nouvelles au moins une fois par an. C'était dommage, mais malheureusement, nous ne pouvions pas revenir en arrière, et c'était humain, d'une certaine façon, j'imagine. J'offris toutefois un sourire lorsque Lola me dit qu'elle noterait mon adresse dans son carnet une fois retournée chez elle, bien que je trouvais ça plutôt comique en soi. « Je vois que tu es toujours de la vieille école avec ton répertoire » taquinais-je, avant que notre conversation devienne plus sérieuse, s'orientant sur la mauvaise passe qu'avait expérimenté Lola.

Je ris doucement lorsqu'elle me dit ne pas vouloir me faire fuir ou m'embêter avec ses problèmes, avant de constater l'étrangeté de notre relation. Ça avait été comme si on ne s'était jamais vraiment longtemps quitté. On était de retour à la normale, malgré le silence radio de plusieurs années. « Oui. C'est tellement bien quand c'est comme ça avec les gens. » commentais-je, sincèrement heureux. « Et puis t'inquiète, tu vas pas me faire fuir ou m'embêter. Si je peux t'aider, ça me fera plaisir. » C'était vrai que j'avais aussi mon lot de grosses difficultés à affronter et assumer, mais je pouvais toujours me montrer présent pour mes amis.

Je conservais un sourire sur mes lèvres tandis que Lola m'expliquait que son cahier d'adresses lui permettait de toujours avoir les coordonnées de ses connaissances en cas de panne de téléphone portable. Il fallait l'avouer, ce n'était pas stupide. Malheureusement, à l'ère de la technologie, rares étaient ceux qui conservaient encore un répertoire papier. Je bus quelques gorgées de ma bière tandis que Lola commentait notre amitié, comme quoi malgré la distance et les années, nous parvenions toujours à demeurer naturels l'un envers l'autre. Il est vrai que c'était une caractéristique qu'on ne trouvait pas à chaque relation, et j'étais reconnaissant de la posséder pour celle que j'entretenais avec Lola. Je lui offris un léger sourire lorsqu'elle me dit qu'elle ne préférait pas rentrer dans les explications de sa mauvaise passe tout de suite, vu qu'on venait de se retrouver. Je pouvais facilement comprendre cela, bien que ça ne m'aurait pas dérangé. D'ailleurs, moi-même j'avais essuyé pas mal de coups durs, et je n'étais pas sûr de vouloir en parler à Lola tout de suite. Ce n'était pas que je ne lui faisais pas confiance, mais surtout que je préférais profiter de sa compagnie plutôt de m’apitoyer sur mon sort. « Oui, je comprends. » répondis-je ainsi, avant de finir ma bière d'une traite. « Tu sais quoi ? Et si je te montrais mon appartement ce soir ? On pourrait y finir la soirée, ce serait plus tranquille qu'ici. » proposais-je, déposant ma bière sur le bar. « A moins que tu préfères rester ici pour continuer de convaincre le patron. » ajoutais-je, prêt à commander une autre bière si elle choisissait la deuxième option.