Il y a plus à découvrir dans la forêt que dans un livre ღ Arthur

Arthur n'avait pas réellement réussit à dormir (comme pour faire changement). Vers 4h30 du matin, à l'heure où on sent dans la ville l'activité commencer à reprendre tranquillement, il avait réussit à fermer les yeux. Son sommeil n'avait pas duré. À peine deux ou trois heures plus tard, Jack, son golden retriever, s'était mis à japper en battant la queue devant la porte.

- Noooon, tais-tooooi, râla Arthur en cachant sa tête sous l'oreiller.

Les jappements reprirent de plus belle. Arthur grogna dans un bruit difficile à distinguer,  le visage contre le matelas. Il resta immobile quelques secondes, écoutant la vacarme que son chien faisait dans la maison, puis d’un geste (presque) décidé, souleva son corps avec ses avant-bras. Il passa des joggings gris et un simple T-Shirt blanc. Il ne prit pas non plus la peine de sortir ses verres de contacts et déposa ses lunettes sur son nez. Dans un geste automatique, il agrippa la laisse de Jack et attacha son chien.

- Prêt?

Jack jappa.

- C’est ce que je me disais.

Il barra la porte derrière lui et pris le chemin de la forêt. Il aimait bien marché là. On n’y rencontrait jamais personne.  Habituellement, il joggait avec lui, mais ses côtes, depuis l’accident, lui faisaient trop mal pour courir. Il marchait donc tranquillement, ses pensées divaguant à travers les arbres. Il n’aperçut pas la femme qui approchait devant eux et fut surpris de sentir Jack subitement s’énerver. Il échappa la laisse par inadvertance et le chien se rua sur elle, la faisant perdre pied. Horrifié, Arthur courut jusqu’à eux. Jack tournait autour de la joggeuse qui était par terre. Il l’attrapa par le collier et le sermonna. Il donna son autre main à la jeune femme pour l’aider à se relever.

- Je suis vraiment désolé, vraiment, vous n’avez rien?

Il planta ses yeux dans les siens, un air inquiet sur le visage.

Ce que ce chien pouvait être bête. Il avait beau toujours tout faire dans un élan d'affection, c'est comme s'il oubliait que son corps n'était pas celui d'un minuscule chihuahua. Arthur se comptait chanceux que Jack n'ait jamais causé de véritables problèmes...pour l'instant. La jeune femme semblait bien se porter et le lui confirma avec une voix douce. Il l'observait tandis qu'elle passait sa main sur ses vêtements tendant d'en faire soulever les poussières. Arthur fit une moue.

- J'espère qu'il est pas gâché...votre short.

Il baissa ses yeux sur ses fesses rebondies et les releva rapidement. Ces temps-ci toutes les filles qu'il croisait à Bowen étaient mignonnes...ou peut-être que c'est le fait de ne plus en avoir une tous les soirs à ses côtés qui le lui faisait remarquer. Jack la queue battante, la fixait aussi du regard. «On a les mêmes goûts mec» pensa-t-il. Il sourit à cette réflexion et répondit à la joggeuse.

- Effectivement, c'est le mien...et....en réalité oui. C'est la deuxième fois depuis mon arrivée à Bowen qu'il s'en prend à un étranger....

Il pensa à la façon dont il s'était échapper vers Jake sur la plage...Il se pencha à la hauteur de Jack et lui gratta l'arrière des oreilles.

- Tu veux te faire des amis Jack.

Arthur rigola avant de lever les yeux sur elle.

- Il a juste pas encore compris comment faire encore. Il a pas compris aussi qu'on doit se présenter avant.

Il se releva et pris un air faussement solennel, tendant la main, et tourna la situation à la blague :

- Enchanté, moi c'est Arthur...et mon chien voudrait bien être votre ami.

- Wow… C'est qu'il est sociable le chien!

Arthur eut un petit rire.

- Mmmmh, j’hésite, «sociable», ça me sonne beaucoup trop vertueux pour décrire le fait qu’il est juste un peu bête.

Il l’observa tandis qu’elle se penchait pour donner un peu d’affection à ce bon vieux Jack…Ce sourire…ça lui arrivait souvent ces temps-ci…il vivait une scène, tout à fait normale, voir banale, et des souvenirs de Deborah lui remontaient à la tête, comme un déjà-vu…Et tout d’un coup ce n’était plus une jolie coureuse qui caressait son chien, mais Deb’ près de chez eux à L.A., le même petit sourire affectueux aux coins des lèvres…Une bouffée de chaleur monta à sa tête. Il se passa la main sur le visage, appuyant un peu sur ses yeux….il n’allait pas pouvoir éternellement continuer à enchaîner les nuits de sommeils de trois ou quatre heures…

La jeune femme se releva…Lola…c’était mignon comme prénom. Il lui sourit et l’écouta parler à Jack. Il se tourna aussi vers le golden retriver, qui avait sortie sa langue et qui battait joyeusement la queue.

- T’entends ça Jack? Ta technique bizarre a fonctionné.

Il tourna ensuite son visage vers Lola.

- Alors Lola, est-ce qu’il te reste un peu de place dans tes amis pour son pauvre maitre ? Je sais qu’il n’est pas aussi mignon, mais il est gentil aussi. Enfin, je pense.

Il continua, toujours un sourire aux lèvres.

- Tu es as Bowen depuis longtemps? J’avoue que je connais personne ici, une chance qu’il est là pour faire les présentations pour moi en réalité…

Il remarqua alors la façon dont la poitrine de Lola se soulevait rapidement, essoufflée encore par sa course. Arthur mis une main devant sa bouche et rit.

- Je suis désolé…je suis là à discuter et tu es en plein entraînement…

Il rit avec elle. Elle était charmante, il aimait les filles qui avaient le rire facile en réalité. Elles semblaient avoir un esprit plus léger et ça donnait à leur visage cet aspect lumineux qui les rendait si belles. Dans le rire, il y avait aussi cette notion de partage qui auréolait les relations d’une complicité rapide et facile.

- «Original»…t’es pas mal pour le défendre tu sais….Mais oui pour un chien ça passe toujours, je suis pas sûr que si je me lançais sur coureuse en la renversant elle apprécierait par contre…

Elle répondit alors à sa «demande» qu’il avait voulu juste assez engageante pour poursuivre la conversation sans nécessairement être trop lourde...Une fille au grand cœur alors…Il se trouva alors chanceux que Jack soit tombé sur une personnalité pareille. Non seulement plusieurs auraient montré de l’impatience envers le chien et envers lui-même, et il fut soulagé que ce ne soit pas le cas, mais en plus il se retrouvait à discuter tranquille avec une fille ouverte et sociable. Il rougit et, tandis qu’elle poursuivait avec un compliment, il passa sa main dans ses cheveux comme pour cacher son visage qui lui semblait à lui bouffi par le manque de sommeil. Il savait bien que c’était une politesse, mais quand même... Ils étaient probablement adorables là, les deux à rougir comme dans un bar, sauf que trop tôt le matin sur cette route forestière déserte. Jack, la langue sortie, les regardait. On aurait presque dit qu’il souriait. Arthur ne voulait pas non plus la mettre mal à l’aise, il poursuivit donc sur un autre sujet. Elle était d’ici…après son accent le lui avait indiqué…mais les habitants de Bowen avaient un don pour les histoires rocambolesques alors…

- Tu cours souvent par ici? Tu dois aller bien loin? demanda-t-il par simple curiosité. Sans trop s’en rendre contre il s’était remis à marcher. En réalité, c’est Jack qui tirait doucement sur la laisse. Lola s’avança aussi.

- Moi j’habite tout près, mais je sais que des gens font un exprès pour se promener dans le coin…

Jack, encore une fois, se mis à tourner autour de Lola, emprisonnant les jambes d’Arthur. Il soupira sans vraiment perdre son sourire et souleva une jambe après l’autre pour se défaire. Dans un geste invitant il montra l'extrémité de la laisse à Lola.

- T’as envi de le promener un peu? J’ai l’impression qu’il te lâchera pas tant que tu lui auras pas prouver que t'es une amie fiable…D'ailleurs j’aimerais ne pas te revoir par terre…

Il s'empêcha d'ajouter: «même si j'avais une vue intéressante...», mais ajouta plutôt avec un sourire en coin :

- Et moi je vais pouvoir en profiter pour continuer à t’accaparer un peu…

«Juste un peu?»

Arthur baissa les yeux sur elle et la regarda un moment, le sourire aux lèvres. Donc il ne s’était pas vraiment trompé, il avait bien sentit ce petit flirt qui dansait dans l’air. Cela faisait changement des bars ou des boîtes de nuit. Il regarda la forêt autour, le soleil commençait à être un peu plus haut dans le ciel et l’air se réchauffait; la rosée, tranquillement semblait vouloir quitter le sol. Il laissa planer un léger silence avant de répondre en reposant son attention sur elle, ses mains se cachant dans ses poches et un rire se glissant sur ses lèvres.

« Ça peut être beaucoup! Ce n’est clairement pas moi qui vais–y opposer, mais j’aurais eu peur d’avoir l’air trop insistant. Je suis quand même le mec louche qui laisse son chien aller attaquer les coureuses dans les bois très très tôt le matin quand il n’y a personne autour.»

Il rigola un peu et le golden jappa comme pour montrer son approbation.

«Il est chanceux d’avoir trouvée une amie fidèle…» Il la regarda dans les yeux avant de poursuivre.

«C’est plutôt rare. »

Jack avait l’air content, sa queue battait joyeusement et il semblait presque gambader.

«J’avoue que si nous étions dans un bar ça fait un moment que je t’aurais proposé un verre…mais bon, je t’ai proposé un chien à la place. Ce n’est pas aussi glamour ni très enivrant, mais je vais essayer de me dire que ça a quelque chose de chaleureux pour me convaincre que j’ai peut-être une chance. » ajouta-il, un peu candidement, mais avec un air plutôt malicieux.

Il était légèrement surpris de lui-même, mais elle était vraiment mignonne, elle riait beaucoup et ça le charmait. Après, il savait qu’il avait intérêt à essayer de se sortir de son pattern un peu solitaire et plutôt malsain…peut-être  qu’une rencontre fortuite était un semblant de solution et quelque chose le poussait à le voir ainsi et à l’exploiter.  

Il regardait la jeune coureuse, incapable de se défaire de ce sourire qui s’était glissé sur ses lèvres alors qu’elle s’amusait un peu à ses dépends en lui disait qu’il était vrai qu’elle aurait du se méfier. Bon, après, il avait tendu une perche et elle avait su la prendre. Ce n’était pas nécessairement pour lui déplaire pour tout dire…

«Oui! Très louche!» rigola-t-il. «Mais tu n’as rien vu, c’est quand je sors le soir que ça devient complètement flippant pour les jeunes coureuses». Il fit un clin d’œil amusé pour marquer sa blague, espérant qu’elle comprenne qu’il ne sortait pas réellement le soir pour aller embêter des filles. Mais bon, elle semblait avoir un bon sens de l’humour, il n’avait pas trop à s’inquiéter des interprétations qu’elle pourrait bien faire.

Elle lui fit alors une proposition difficile à refuser. Il ne faisait que ça boire ces temps-ci. Il laissa, tout comme elle, glisser son regard vers ce qu’il savait être la direction de la plage. Les yeux rieurs, il tourna son visage vers le sien, un large sourire aux lèvres.

- Jamais trop tôt pour un verre. Heureux de voir que je suis pas seul à penser ainsi, je peux un peu moins culpabiliser là! J’imagine que le bar de la plage est notre meilleure option, hein Jack?

Le chien jappa comme pour donner son approbation.

- C’est moi qui invite par contre. Je suis le fautif qui te dérange pendant ton exercice.

Ils prirent alors ensemble la direction du bar. Maintenant le soleil était complètement levé. Ils marchaient toutefois tranquillement. Il poursuivit la conversation.

- Alors tu fais souvent ça? Aller prendre des verres tôt en journée avec des inconnus? Moi j’essaie d’arrêter. Pas facile, pas facile.

Leurs regards se croisèrent et il esquissa un petit rire amusé.

- Quoi? J’essaie d’apprendre à mieux connaître tes occupations!

Il prit un petit ton de voix dramatique, comme dans les annonces de films et mima un écran avec les mains.

- Lola, la coureuse de la forêt, une jeune fille pas comme les autres qui rencontre son destin à l’aide don acolyte Jack, le chien.

Il reprit une voix normale.

- Quelque chose comme ça?

Arthur laissa glisser un sourire sur ses lèvres alors que Lola lui répondit qu'ils n'avaient qu'à chacun payer leur consommation. Il était de nature généreuse, avec les hommes et les femmes, et parfois oubliait que ce genre de proposition dans un contexte comme celui-là pouvait sonner un peu archaïque...À voir l'habillement de la jeune femme, son regard intelligent et son air en général, il se doutait bien qu'elle n'était pas du genre vouloir et devoir se faire entretenir..une femme indépendant bref.

Elle lui lança une boutade, menaçant de partir. Évidemment, il n'allait pas la laisser s'en tirer si facilement. Il rigola, faisant une geste pour l'en empêcher, effleurant ses épaules. Ils ricanèrent comme des enfants. La conversation reprit ensuite un ton un peu plus sérieux alors qu'elle lui disait que ses occupations n'étaient pas bien intéressantes. Il leva un sourcil, lui montrant qu'il ne la croyait pas vraiment.

- Ah oui? Laisse-moi en douter...tu dois bien avoir un hobby et ou des trucs particuliers à ton travail...je suis sûr que tu ne passes pas tes journées dans la forêt à courir!

Ce petit sourire en coin qu'elle lui lança ensuite acheva de le convaincre qu'il la trouvait charmante. Il voyait se dessiner le bar au loin, ils approchaient. Il glissa les mains dans ses poches et sourit, trouvant la tournure que prenait la conversation intéressante. C'était le genre de sujet qui permettait d'apprendre à connaître quelqu'un, et il trouvait ces questions, souvent sans réponses, intéressantes et intrigantes.

- Mmmmh, je crois que tu n'es pas la seule...Moi je dois avouer que je ne peux pas m'empêcher d'y croire un peu...

Il pensa à sa femme, à cette mort absurde qu'il était incapable d'expliquer...Il fallait qu'il se raccroche à une idée telle que celle du destin pour ne pas sombrer dans le chaos.

- Je pense qu'en réalité «j'aime» y croire...c'est rassurant, il esquissa un sourire un peu gêné avant de poursuivre.

- Même peut-être un peu lâche.

Cette Lola, au contraire, semblait être une femme plutôt forte. Le genre de personne chez qui il avait à apprendre.

Devant le bar, il attacha son chien. Ils entrèrent, les yeux rieurs, se doutant bien qu'ils y passeraient un moment agréable...

Et impossible de dire si cette rencontre fortuite était issue du destin ou pas!