gonna get ready for the rain to pour heavy ~ effy.

Effy sortait des toilettes, passée de l'état totalement torchée à plutôt éméchée. Mais le joint qu'elle avait fumé ne rendait pas son esprit plus clair, loin de là. Elle réajusta sa robe à la sortie des toilettes, vérifiant distraitement qu'elle était bien habillée, et pas à moitié à poil comme quelques minutes plus tôt, dans ces mêmes toilettes. Son regard vide et embrumé se perdait dans la foule, comme si elle tentait de trouver un quelconque repère dans la boîte de nuit. Elle resta appuyée contre le mur d'une main, scrutant les personnes qui remplissaient l'endroit. Sans trop savoir où aller. Sans trop savoir ce qu'elle venait de faire. Enfin si, elle savait, mais cela ne revêtait pas une importance capitale. C'était juste un très chouette moment, voilà tout. Et tandis qu'elle pensait à ça, son regard se figea soudain, tout son corps se tendit d'un coup, tandis qu'elle recevait un coup imaginaire à l'estomac, lui bloquant la respiration. Elle venait de croiser son regard. Non. Impossible. Pas ce soir. C'était vraiment le monde qui se foutait de sa gueule. Et pour ne rien améliorer, Alfie apparut derrière elle quelques secondes plus tard, sortant des toilettes lui aussi. Lui caressant le dos et lui glissant un mot à l'oreille, avant de disparaître dans la foule. Non. Pas ça.

La jeune fille détourna un bref instant le regard, comme si elle cherchait une quelconque échappatoire. Enfin, elle en cherchait réellement une, en fait. Elle n'avait plus revu Levi depuis des semaines. Plus depuis qu'elle était partie, en lui signifiant clairement qu'il valait mieux qu'elle reste en-dehors de sa vie. Même si ça lui avait déchiré le cœur, elle l'avait fait. Et elle évitait d'y penser depuis, si elle ne voulait pas avoir l'impression qu'on lui arrachait le cœur lamelle par lamelle avec un couteau aiguisé. De manière lente et totalement sadique. Maintenant, il était là, elle l'avait vu, il l'avait vue. Sauf que lui, il avait aussi vu ce mec sortir avec elle des toilettes. Et il ne fallait pas chercher bien loin pour comprendre. Pendant tout ce cheminement de pensées intérieures, Effy n'avait toujours pas bougé d'un pouce. Son regard restait fixé dans celui de Levi. Et il fallait qu'elle trouve une solution, très rapidement. Parce que là, un véritable raz de marée de pensées, émotions et souvenirs lui tombaient dessus, plus contradictoires les uns que les autres. Elle en oubliait même de respirer.

[God que nos rps m'inspirent toujours autant, ça m'avait manqué. ]

S'il y avait eu un moment propice au suicide ou à la simple disparition de la surface de la terre, c'était sûrement celui-ci pour Effy. Elle aurait clairement du s'évaporer en cet instant précis et se perdre dans le néant. La douleur qui parcourait ses veines était inimaginable, mais certainement pas pire que celle qu'elle lisait dans le regard de Levi. Putain. Putain putain putain putain putain. PUTAIN DE MERDE. Effy avait envie de hurler, de détruire une maison si pas une ville entière, à mains nues. Pourtant elle ne bougeait toujours pas, figée comme une statue de glace. Ses muscles ne répondaient plus, son cerveau était en plein blocage. Ouais, comme votre pc lorsqu'il plante là, et que y a plus rien qui bouge. C'était exactement ça. Elle n'arrivait même plus à respirer. C'était pas possible. Pourquoi fallait-il qu'il soit ici maintenant ? Pourquoi avait-il fallu que la seule fois où elle s'envoyait en l'air depuis Levi, ce soit aujourd'hui, à cette heure précise ? Elle ne croyait ni au destin ni à un quelconque dieu, mais en l'occurrence, si cela existait, il se foutait royalement de sa gueule. Sauf que c'était pas marrant du tout. Les images revenaient se bousculer dans l'esprit de la jeune fille, accélérant les battements de son cœur. Des scènes qu'elle avait tenté d'effacer de sa mémoire, des scènes de passion, de chaleur, de pleurs, de colère, d'incompréhension, d'abandon. Des larmes vinrent border les iris d'un bleu intense de la brunette. Celui qui la connaissait vraiment savait qu'on ne la voyait jamais dans un état pareil. Jamais son regard n'avait exprimé autant de regrets et de peine.

Le pire fut son sourire sarcastique, empreint de mépris, de "n'essaye même pas, laisse tomber". Et il avait raison, en plus. Enfin plus ou moins, mais pour la belle étudiante, là tout de suite il avait raison. Effy ferma les yeux tandis qu'une larme roulait sur sa joue. Heureusement que les effets de l'ecsta' pris quelques heures plus tôt s'étaient dissipées, sinon elle serait partie en bad trip. Elle ne pouvait enlever cette image de sa tête : la déception dans le regard de Levi. Et sa torture mentale n'était pas finie : ça ne fit que lui rappeler la situation inverse, quelques mois plus tôt, quand c'était elle qui l'avait découvert avec Ally, cette pétasse en puissance qu'elle ne pouvait croiser sans ressentir l'envie de l'étrangler. Surtout que très récemment, elle l'avait bien cherchée, la pétasse, au tribunal. Effy ne savait pas quoi choisir entre colère et tristesse, entre culpabilité et relativité. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Levi avait disparu dans la foule. Non. La brune ne pouvait pas le laisser partir comme ça. Elle méritait toutes les claques du monde dans la figure en cet instant, mais elle ne pouvait pas le laisser s'en aller, pas comme ça, pas après ça. Elle avait le sentiment que si elle laissait faire ça, plus jamais ils ne pourraient se retrouver. C'était peut-être le but quand Effy avait quitté sa vie, mais ce n'était pas pareil. C'était elle qui était partie et pour des raisons bien précises, qui n'avaient rien à voir avec une situation du genre. Au plus profond d'elle-même, elle se répétait qu'elle pouvait faire marche arrière à tout moment. Et puis brisait ces mots dans son esprit. Pourtant, l'événement de ce soir lui prouvait que son subconscient avait raison : elle ne pouvait pas se tenir éloignée de Levi, pas pour l'éternité. Cette simple idée lui était insupportable.

La jeune femme s'élança entre les gens, bousculant plusieurs personnes sans y prêter attention. Ses poumons brûlaient, elle avait l'impression qu'on écrasait la cage thoracique et elle faisait de son mieux pour maintenir les sanglots au fond de sa gorge. Elle tremblait, ne sentait plus ses jambes. L'impression de pouvoir s'effondrer à tout moment la gagnait. Il fallait qu'elle rattrape Levi d'abord. Elle ne savait pas pour quoi faire ni pour quoi dire, mais il ne fallait pas qu'il s'en aille, elle devait le confronter. Même si elle n'avait aucune idée de comment. Elle finit par l'apercevoir, tout près de la sortie, de dos. Elle courait aussi rapidement qu'elle le pouvait parmi la foule, totalement paniquée. Saisit son bras, tira vers l'arrière, pour plonger son regard baigné de larmes dans le sien. Il fallait qu'elle trouve quelque chose à dire. N'importe quoi qui le fasse rester, juste une minute. Sinon elle ne se le pardonnerait jamais.

Son ton était presque suppliant. Il refusait même de croiser son regard. Effy n'avait aucune idée de ce qu'elle pouvait faire ou dire. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle ne voulait pas qu'il parte. Elle ne pouvait pas le laisser faire ça. Il avait été respectueux et incroyablement généreux de la laisser s'en aller, la dernière fois. Il avait fait tout ce qu'elle demandait, il ne l'avait plus jamais recontactée, l'avait laissée sortir de sa vie. Même si c'était pour lui qu'Effy l'avait fait, bien qu'il ne puisse pas s'en rendre compte, pas entièrement en tout cas. Mais il avait fait ce qu'elle avait demandé. Dans la situation inverse, ce soir, la jeune brune n'en était pas capable. Elle était trop égoïste pour ça. Elle ne le laisserait pas partir. Tant pis pour les conséquences, tant pis si ça flinguait totalement ce qu'elle avait décidé auparavant. Si tout tombait à l'eau et qu'elle finissait par le détruire. Elle ne pouvait pas le laisser partir, pas maintenant. Et sans doute jamais.

« Levi, je...»

Rien que prononcer son nom la faisait souffrir. Même si les mots qu'il lui avait balancé étaient pires, bien pires. Il en avait le droit pourtant, elle le méritait amplement, il aurait même pu être plus créatif, dans le genre j'te balance des trucs à la gueule pour te faire mal. Et elle acceptait d'avoir mal. Elle regrettait et ne regrettait pas en même temps, c'était compliqué. Levi avait entièrement raison et tort à la fois. Et elle aussi. Elle était perdue, elle était saoule et défoncée, et surtout elle touchait le fond depuis bien longtemps. Et elle était profondément triste. Juste ça. Cette mélancolie qui se voulait dissimulée se lisait clairement dans son regard, même si elle retenait ses larmes. Elle ne voulait pas le laisser partir. Elle ne pouvait pas. C'était insupportable.

« Je sais que tout ce que je pourrais dire ne changera rien. Alors juste... Reste. S'il te plaît. Je t'en prie. »

La voix de la jeune femme tremblait, même si elle avait su se contrôler lors de la première phrase. Mais elle n'allait pas pouvoir garder son sang-froid bien longtemps. Ses hauts et ses bas de ces derniers temps, tout ça semblait insignifiant comparé à maintenant. Comme si depuis le départ, tout n'avait tourné qu'autour de cet instant qui devait arriver. C'était le dernier fil qui la retenait à un minimum de lucidité. S'il partait, elle pourrait ne jamais se relever. Elle ne voulait pas qu'il soit sa bouée de sauvetage, elle ne l'avait jamais voulu. Mais elle avait besoin de savoir qu'il était là. Et s'il se retournait maintenant, elle sentait qu'il ne serait plus jamais là. Le désespoir qu'on lisait dans ses iris azur était si profond, on pouvait voir que dans son esprit, si Levi tournait les talons, c'était comme s'il disparaissait de la surface de la terre. Comme s'il n'était pas réel et pouvait s'évaporer dans les airs à tout instant. La santé mentale d'Effy n'y survivrait sans doute pas.

Effy sentait des gouttes de sueur froide perler dans sa nuque et sur son visage. Elle commençait réellement à se sentir mal. Toute cette situation, toute cette noirceur de ces derniers mois, la chaleur de la boîte, l'alcool, la weed, le dégoût dans le regard de Levi, la peur de le perdre définitivement... La jeune femme chancela, tenta tant bien que mal de fixer ses pieds au sol, ce n'était pas le moment de craquer. La peur du vide, du suicide de la dépression, la peur des gens et la peur de la solitude, la peur de la perte et la peur des émotions, tout était sans dessus-dessous et lui donnait le tournis. Ses démons l'attaquaient sans lui laisser un moment de répit et voilà qu'elle devait gérer la situation avec Levi. Elle ne pouvait pas laisser tomber maintenant, il fallait qu'elle fasse quelque chose, n'importe quoi, pour qu'il reste. Même si elle n'avait aucune idée de ce qu'elle foutait et ça la terrorisait. Mais c'était pas le moment de flancher.

« Je... Je... »

La brunette se rendit compte qu'elle haletait et ses poumons cherchaient désespérément de l'air, quelque part. Elle passa une main sur son front emperlé de sueur. Il faisait trop chaud, trop étouffant, la pression était impossible à supporter. Elle releva les yeux vers lui, misérablement, cherchant une maigre lueur de réconfort dans son regard couleur océan dans lequel elle se perdait à chaque fois. Il lui demandait ce qu'elle attendait de lui. Elle n'avait pas de réponse à cette question.

« J'en ai aucune idée Levi. Je n'ai jamais la moindre idée de ce que je suis en train de foutre. »

Des larmes roulaient le long de ses joues et elle n'avait plus la force de les retenir. Tous ses efforts ici étaient réunis pour ne pas s'effondrer au sol. Pour ne pas hurler. Pour ne pas se détester encore plus que ce qu'elle ne se détestait déjà. Elle haïssait chaque partie d'elle-même, en cet instant plus que jamais. Elle détruisait tout ce qu'elle touchait. C'était la réalité. Ally avait raison, tout le monde s'éloignait d'elle et avait bien raison de le faire. Le seul à avoir résisté, c'était lui. Elle avait tout fait pour l'éloigner, pour le protéger, pour qu'il ne la laisse pas approcher, qu'il ne la laisse pas l'abîmer. Parce qu'il était la plus belle personne qu'elle ait jamais rencontré et elle ne pourrait plus se supporter si elle le détruisait, à petit feu, sans même qu'il s'en rende compte. Déjà ici, elle ne voulait plus se regarder dans un miroir. Elle ne voulait plus exister. Elle le connaissait si peu et pourtant tellement bien. Elle ne connaissait pas toute sa vie, toute son histoire, mais elle connaissait les recoins de son âme, avec un seul regard, depuis le début. Et malgré tous ses efforts pour l'éloigner d'elle et de sa toxicité, elle ne pouvait se résoudre à ce qu'il parte réellement. C'était trop dur. Elle ne pourrait pas vivre sans lui dans son monde. Vacillant sur ses jambes, Effy pris appui sur le mur pour sortir à l'extérieur. Elle s'appuya dos au mur, le regard lasse, vitreux, le visage extrêmement pâle. Elle avait du mal à garder les yeux ouverts, tout était flou, mais elle distinguait la silhouette du jeune homme devant elle.

« Je sais que je suis une personne dégueulasse, je sais depuis le début que la meilleure chose à faire pour toi est de te barrer le plus loin possible de moi, je veux pas avoir le moindre impact sur ta vie parce que ça ne t'apportera rien de bon, j'ai voulu te préserver de moi, de mes idées tordues, de ma noirceur maladive, de ma peur de l'infini, du vide et de la vie. Mais en vrai, j'ai encore plus peur que tu disparaisses, j'suis désolée que ça soit tombé sur toi, moi non plus j'comprends pas t'sais. Et je sais que je te dégoûte et t'as raison, et tu devrais t'éloigner sans un regard en arrière, mais j'arrive plus, j'peux pas, j'veux pas que tu partes, je suis pas capable, ça me panique, j'ai besoin que tu restes, j'ai égoïstement et affreusement besoin que tu restes, j'ai juste l'air débile et ridicule et accro comme j'suis accro aux drogues et à l'alcool, j'sais même pas ce que je ressens pour toi, j'comprends rien, mais la vérité c'est que j'ai besoin de toi. »

Effy délirait à moitié, les mots sortaient à un débit rapide de sa bouche, malgré son souffle court, il fallait que ça sorte. Il fallait qu'elle lui dise tout ça même si elle n'espérait aucune réaction de sa part, positive ou négative, dans tous les cas elle devait prendre fin, elle, son existence devait prendre fin, elle n'était qu'une grenade, fascinante et destructrice, on ne savait pas quand elle allait exploser mais on savait que ça arriverait et qu'il fallait s'éloigner aussi vite que possible. Elle n'était rien de bon, tout simplement. Et elle ne savait pas comment dire les choses à Levi, elle ne pouvait pas lui expliquer alors qu'elle ne comprenait pas elle-même. Il fallait juste qu'elle lui dise d'une manière ou d'une autre, même si elle était sur le point de s'évanouir, qu'elle commençait sérieusement à délirer et qu'elle avait l'impression qu'elle allait crever - ce qui était sans doute la meilleure chose qui puisse arriver au monde -. Tout ce qu'elle renfermait en elle, tout ce qu'elle encaissait sans dire un mot, toutes les émotions qu'elle refoulait, qu'elle noyait dans l'alcool et la drogue, tout ça devait sortir. Exploser. En dehors d'elle. Et Levi était la seule personne à qui il fallait absolument qu'elle dise tout ça, même si ça n'aurait sûrement aucun sens pour lui. Même si elle était si angoissée par ce qu'il provoquait chez elle que ça la rendait folle. Il devait savoir. Il devait savoir à quel point il la rendait dingue et à quel point elle était incapable de le voir sortir de sa vie définitivement.

Elle se retenait toujours tellement d'exprimer le moindre sentiment, qu'au bout d'un moment, elle avait l'impression qu'elle allait imploser si elle ne lâchait pas tout dans un formidable torrent d'émotions destructrices. Effy était une bombe à retardement. Et mieux valait pas être dans les parages quand elle explosait. Mais Levi était là, lui. Il ne bronchait même pas devant l'ouragan qui prenait forme devant lui et menaçait de le ravager, de le déchiqueter en mille morceaux. Comme s'il n'avait pas peur de ce qu'elle pouvait lui faire. Et il lui confirma. Il lui avait d'ailleurs toujours dit, qu'il n'avait pas peur d'elle. C'était Effy qui s'effrayait elle-même. Qui ne savait pas jusqu'où elle pourrait aller ni jusqu'où elle pourrait tout détruire autour d'elle, y compris elle-même. Levi elle ne voulait pas le détruire, elle voulait qu'il aille bien, qu'il aille mieux que quiconque d'autre sur cette planète. Et pourtant, il restait là, à la merci de tous les coups mortels qu'elle pourrait lui infliger sans même le faire exprès, sans même le vouloir. Croiser son regard, en voyant la conviction profonde dans ses iris couleur azur qu'elle ne lui ferait aucun mal et que de toute façon, il préférait prendre le risque plutôt que de s'en aller... La jeune brune sentit son cœur fondre instantanément. Elle ne pouvait plus rien contre lui. Elle ne pouvait plus le repousser. Il avait gagné. Elle ne pourrait plus jamais l'éloigner d'elle, elle n'en serait plus jamais capable, c'était trop tard désormais. Elle le savait.

Effy avait tenté d'éviter ce moment, elle avait voulu qu'il ne se présente jamais. Parce qu'elle avait trop peur de ce qu'elle pouvait faire à Levi. Et elle avait aussi trop peur de ce qu'il pouvait lui faire, de ce pouvoir qu'il détenait sur elle et qu'elle s'était obstinée à nier. Ils étaient tous les deux brisés, et derrière leur force apparente se cachait une faiblesse intérieure qui les emprisonnait. La brunette tendit ses mains tremblantes pour les refermer sur celles de Levi. Il lui brisait le cœur, à un point qu'il n'imaginait pas, dans le bon sens du terme. Jamais elle ne s'était sentie aussi vivante et aussi vulnérable à la fois. Aussi effrayée et aussi rassurée. C'était toutes les émotions contradictoires qu'il lui faisait ressentir en même temps. Sans doute encore plus ce soir parce qu'elle était perdue, saoule et défoncée. Mais elle connaissait bien les sentiments qu'il lui faisait ressentir, ces émotions qui faisaient qu'elle sentait son pouls s'accélérer. Elle les connaissait par cœur parce qu'elle avait tant essayé de les brimer depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Mais ce soir, elle avait livré sa dernière bataille. C'était terminé. Elle ne résisterait plus à Levi, plus jamais. Elle avait besoin de lui à un point qui la faisait flipper, mais c'était moins effrayant que de l'imaginer partir.

« Je ne veux plus être seule dans le noir... C'est moins effrayant quand t'y es avec moi... »

Souffla la jeune étudiante, le regard larmoyant et si tiré de fatigue. Elle ne ressemblait plus qu'à une louve blessée et exténuée. Tremblante, les cheveux défaits et collés par endroits sur son visage, mouillés de sueur. Son maquillage se désintégrant sur ses joues à force de larmes et de transpiration. Mais ses yeux d'un bleu si particulier et si fascinant ne quittaient pas ceux de Levi. Jusqu'à ce qu'il lui dise cette phrase. "Je ne pourrais pas le supporter si tu te faisais du mal." Elle ferma les yeux et pencha la tête en arrière, comme libérée d'un poids énorme. C'était pourtant la pire et la meilleure chose qu'il puisse lui dire. Elle se sentait tellement aimée en cet instant et ça lui donnait envie de hurler et de pleurer. Et elle savait en même temps qu'elle ne pouvait pas lui promettre qu'elle ne se ferait jamais du mal. Le tout, formant un maelström d'émotions chaotiques qui la quittèrent en un geyser spirituel libérateur, lorsqu'elle s'évanouit, glissant contre le mur.

L'organisme d'Effy était en béton quand il s'agissait de gérer toutes les merdes que prenait la jeunette. Il y avait tellement été habitué qu'il y résistait plutôt bien, même si on ne l'aurait pas cru en voyant la silhouette chétive et fragile de la jeune fille. Mais il fallait bien qu'il lâche à un moment. Effy avait repris la drogue avec ardeur ces derniers mois, l'alcool encore plus. L'accumulation de toutes ces angoisses et de ces poisons, la longue nuit qu'elle endurait pour le moment, avec son lot d'émotions, d'exercice physique et de cocktail drogue-alcool... Elle avait lâché, épuisée après tous ces mois de lutte. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, la première chose qu'elle entendit fut son cœur battant la chamade, assourdissant. Une vague de panique l'étreignit en distinguant les silhouettes et les gyrophares autour d'elle, ainsi que les secours qui s'affairaient à l'allonger sur un brancard et agitaient leur lampe de poche pour vérifier ses pupilles - qui étaient sûrement dilatées à l'extrême. Effy tourna le regard dans tous les sens, frénétiquement, jusqu'à enfin retrouver celui de Levi : il était toujours là. Elle ne devait pas avoir été inconsciente très longtemps. Son ouïe lui revint petit à petit même si elle ne saisissait pas exactement tout ce qu'il se passait autour d'elle.

« Levi... »

Elle tendit la main vers lui mais un ambulancier s'en saisit pour prendre sa tension. Elle fronça les sourcils, cherchant à comprendre ce qu'on lui disait. Elle ressentit une soudaine frustration mais elle se sentait trop mal que pour l'exprimer. "Mademoiselle, avez-vous bu ? Avez-vous pris des drogues ?" Elle hocha la tête, elle n'était plus certaine de ce qu'elle avait pris exactement, la soirée avait été très longue et elle était dans un état second depuis longtemps. "Avez-vous ingéré quelque chose qu'un inconnu vous a donné, sans savoir ce que c'était ?" Elle secoua négativement la tête, exercice déjà difficile, mais moins que celui de parler. Elle en avait marre de les entendre sans cesse parler autour d'elle, elle avait l'impression d'avoir des bourdonnements dans les oreilles. "Elle est juste déshydratée, monsieur. Elle ira bien." dit un des secouristes à Levi. Bon, ça suffit, la jolie brune n'avait certainement pas envie de se payer un aller vers l'hôpital, c'était inutile, elle n'avait rien de grave. Elle voulait juste ne pas quitter Levi des yeux, tellement elle avait peur qu'il disparaisse. Sait-on jamais qu'elle ait été trop défoncée et imaginé toute la scène qui s'était déroulée avant son malaise.

La brunette tenta de se relever, retira le masque à oxygène placé sur son visage et releva le buste. Elle se rendit compte qu'elle avait déjà une aiguille plantée dans le bras, d'où sortait un long fil avec du liquide transparent. Sûrement de quoi la réhydrater. Elle voulu se dégager mais déjà un ambulancier la maintenait contre le brancard et elle n'avait pas assez de force pour résister.

« Je vais bien, laissez-moi ! Y a pas de soucis, c'était juste un petit coup de chaud, s'il vous plaît... »

La voix d'Effy était froide et déterminée, mais son ton se fit suppliant sur la fin. Elle chercha à nouveau la main de Levi, elle ne voulait pas que cela se termine comme ça, que leur conversation, aussi éprouvante soit-elle, s'arrête maintenant. Elle se rendait compte à quel point il lui avait manqué et elle avait besoin d'être avec lui, maintenant. Elle en avait cruellement besoin, sinon elle allait complètement flipper. Elle plongea son regard dans le sien, essayant de refouler la panique qu'on pouvait y lire.

« S'il te plaît, ne me laisse pas toute seule... »

Effy ne lâchait plus le regard du jeune homme, comme s'il incarnait son salut sur cette terre. Ce qui était sans doute un peu le cas, parallèlement à la situation. Mais il la regardait, la fixait même, avec cette douceur et cette torture qu'elle avait toujours lu dans ses iris couleur océan. Ce regard qu'elle n'avait jamais totalement pu effacer de son esprit, qui avait exercé une force d'attraction surpuissante sur elle depuis leur première rencontre. Elle était incapable de s'en détacher et elle lui rendait ce regard désespéré mais si profondément touchant. Comme toujours. Elle ne pouvait que vriller son regard dans le sien en espérant que cela le retiendrait. C'était tout ce qu'elle voulait. Qu'il ne s'en aille pas, jamais. Même si elle avait peur, qu'elle était terrorisée, elle préférait avoir peur pour lui toute sa vie plutôt que de le voir partir. Pas encore une fois. Plus jamais.

La main de Levi parvint enfin jusqu'à la sienne, l'emprisonnant dans une étreinte libératrice, et Effy put enfin respirer normalement, comme si sa bulle d'air personnelle était arrivée à destination. Il savait qu'il ne pourrait pas la sauver de ses démons. Mais il pouvait les maintenir à distance. Il était le seul capable de l'aider, même si elle ne changerait sans doute jamais. Son âme était empoisonnée depuis sa naissance, c'était un fait, irréversible, la jolie brune savait que ses angoisses et ses crises viendrait toujours la titiller, toute sa vie. Elles faisaient des aller-retours, tout simplement. Parfois elle était tranquille, sereine et euphorique, parfois elle était exténuée, enfermée dans un monde de cauchemars sans d'autre possibilité de sortie que l'attente. Levi ne pouvait changer ça, quand bien même il le voulait. Mais le repousser n'était pas la solution. Elle n'avait tout simplement plus la force. Elle avait besoin de lui, même si elle avait tenté de le nier, de se persuader du contraire jusqu'à chaque parcelle de son être. Il était celui dont elle avait besoin. Ce n'était même pas un besoin à proprement parler. C'était une évidence. Elle retira encore une fois le masque à oxygène qu'on avait pris soin de lui remettre. Elle n'avait pas besoin d'oxygène. Elle avait besoin de lui.

« J'ai été conne, j'avais peur, j'ai voulu faire les choses à ma façon mais ça ne marche pas... Ça ne marche pas avec toi, Levi. »

L'étudiante était sur le point de fondre en larmes à nouveau, mais elle se contint, même si ses yeux d'un bleu incroyablement perçant exprimaient toute sa douleur, sa honte et toutes les excuses qu'elle adressait à Levi. Elle avait cru qu'elle pourrait ne pas le toucher, ne pas le détruire, ne pas implanter son poison en lui. Mais il était là, toujours là, bien debout. Tout aussi torturé qu'elle, comme le soir où ils s'étaient rencontrés. Il comprenait mieux que personne le mal et la souffrance qui habitaient la brunette. Il pouvait y résister mieux que quiconque. L'ambulancier passa en coup de vent lui remettre une fois de plus son masque et Effy lui décocha un regard glacial, mais ne se débattit pas, ça ne servait à rien de toute façon. Et sa main se trouvait dans celle de Levi, preuve qu'il était toujours bien là, qu'il était réel et non pas un produit de son imagination. Elle étouffa un soupir de soulagement en entendant qu'elle n'aurait pas besoin d'une petite visite à l'hôpital. Les spots de l'ambulance l'aveuglaient et elle ferma les yeux quelques secondes, pressant la main du jeune homme comme pour s'assurer qu'il était toujours à ses côtés. Il lui demanda comment elle se sentait et elle ne pu retenir un petit rire. Puis posa son regard impossible à déchiffrer, profond et malicieux, sur Levi.

« Comme une merde. »

Répondit-elle simplement sur un plat dans lequel on percevait une pointe d'ironie. Elle avait envie de se moquer d'elle-même. Ce qu'elle était pathétique, en cet instant. Elle aurait détesté que quelqu'un la voie dans cet état, mais au point où elle en était avec Levi... Il avait déjà vu pire d'elle, alors c'était pas la voir allonger sur un brancard qui allait changer la donne. Elle garda ses iris azur vrillés dans les siens, incapable de se détacher de lui. Elle se moquait bien d'être déshydratée et de jouer une danse dangereuse avec les drogues. C'était pas ça l'important. Sa drogue principale, presque aussi destructrice, se trouvait devant elle.

« S'il te plaît, ramène-moi chez moi... »