make a wish + ezriago

Je t'attends au Mullers Lagoon pour 12h30. Ne sois pas en retard. ♥ Thiago J’avais voulu trouver le lieu parfait pour notre rencontre. Chez Ezra, non. Chez moi, non et mes colocataires étaient là. L’hôtel? Un peu trop dispendieux à mon goût. La place de la ville? Beaucoup trop touristique. L’église ne convenait pas, je craignais qu’on nous entende tout près des commerces. Le bar et le resto ne pouvaient pas convenir. Bar et boîte de nuit, on oublie. La plage ne semblait pas être une bonne idée, ni même la forêt. C’est avec un peu de crainte que je disais à Ezraël de me rejoindre au Mullers Lagoon. C’était beau, c’était paisible et je me disais que ça aiderait à tout lui dire, à tout annoncer. Pourtant, je tremblais de tous mes membres. J’avais apporté un pique-nique bien que je n’avais aucunement envie de manger. Depuis quelques jours, ma vie ne s’en tenaient qu’à de la nervosité, de l’agitation et même des vomissements. Parce que j’avais pris une décision, celle de lui en parler. Celle de tout lui dire. Je tremble comme une feuille assise sur la couverture qui couvre la verdure du parc. Je regarde le petit lac au loin et tout semble paisible. Il n’y a presque personne et quelque part au fond de moi, ça me rassure. Et j’me dis que ça rassurera surement Ezraël. « Par ici! » lui criais-je en me levant pour lui faire signe alors que je le voyais à la lisière du parc.   

Depuis la dernière fois qu'ils se sont vus, Thiago et lui, Ezra a l'impression qu'il s'est passé toute une vie. Il y a eu cette histoire avec Devan, histoire qu'il a tant bien que mal voulu refouler mais que, aujourd'hui, il ne peut plus nier. Il ressent des sentiments pour un homme, et il doit en parler avec Thiago même si il ne se sent absolument pas prêt à le clamer haut et fort. C'est difficile pour lui de découvrir qu'il n'est pas le même que celui qu'il pensait être, et encore plus quand cet aveux déjà difficile pour lui risque de blesser cette fille qui, pourtant, ne l'a pas laissé insensible. Sauf qu'Ezra, il ne peut pas se permettre de jouer sur deux tableaux. Ce n'est pas son genre, et même si il le voulait il n'en serait pas capable. Alors qu'il arrive à niveau du parc, ses mains plongées dans les poches de son jeans, il entend la voix familière de Thiago l'appeler. Il ne tarde pas à l'apercevoir, assise sur une couverture, souriante comme à son habitude. Ezra s'avance vers elle et reste debout devant elle, comme un crétin. « Hey, » lui dit-il avant de finir par se pencher vers elle pour lui déposer un baiser sur la joue, près de la commissure de ses lèvres. Il ne peut pas se permettre de l'embrasser, pas après ce qu'il va lui dire. « Tu vas bien ? » demande-t-il en premier lieu, un peu nerveux.

« Hey! » Il reste debout et je me rends compte qu’à son baiser léger, lui non plus ne va pas très bien. Je fronce les sourcils, mais j’me doute que je saurai tout en temps opportun, pas question de le brusquer Ezra! Il me demande si je vais bien et je fais mine de rire un peu et hocher la tête. « Ça va et toi? » que je m’empresse de lui demander en me sentant bien idiote. Il ne me le dira pas si facilement, ce n’est pas lui. Alors qu’il s’installe finalement, j’ouvre le panier de pique-nique et je mets les plats de charcuteries et de petits fromages devant lui. J’ouvre par la suite celui de crudités et de trempettes. Je lui tendais même un sandwich gentiment préparé par mes soins. « J’espère que tu as faim. » J’espérais qu’il aille faim pour manger pour deux et que j’aurai des distractions pour cacher de la nourriture plus loin. En fait, j’ai déjà prévu quelques plats vides pour m’aider à faire croire que je mange. Je suis passée maître dans l’art de cacher la nourriture. Peut-être des cours de mes amies mannequins... Entendre leurs sordides histoires m’inspire peut-être un peu trop dans ce contexte. « En fait, j'ai quelques questions pour toi... » lui dis-je en relevant le regard vers lui avec un petit sourire qui se voulait minimalement rassurant.   

« Je vais bien, » répond-il simplement en la regardant faire, appréciant grandement l'initiative du pic-nique. En réalité, Ezra va même très bien. Il se sent flotter depuis quelques jours, il en oublie ses problèmes, ses anxiétés, il n'a plus autant de pensées pas toujours agréables qui tournent en boucle dans son esprit. En résumé, il en pince pour le quelqu'un. Le problème, c'est qu'il y a Thiago. Il tient à elle, mais il ne peut se résoudre à lui faire du mal. Et il sait qu'il ne peut pas la choisir elle parce qu'au fond, Ezra sait qu'il ne pourra s'empêcher de penser à ce brun qui squatte sans arrêt son esprit. Il prend le sandwich tendu par Thiago et hoche la tête. « J'ai les crocs ! » s'exclame-t-il en mordant une première bouchée de son sandwich. Ce qu'elle lui dit le stoppe dans son mouvement, et il déglutit en fronçant légèrement les sourcils. Des questions ? Est-elle au courant pour ... ? Non, pas possible. Elle ne peut pas l'avoir appris autrement que par lui-même. Ezra s'assied en tailleur malgré son jeans serrant et plonge son regard azur dans celui de Thiago. « Je t'écoute. » Il sent son coeur s'accélérer, sans vraiment savoir pourquoi cette situation le rend soudainement si nerveux. Heureusement, il est passé maître dans l'art de cacher ses émotions.

Il allait bien. Bon, je ne savais pas si c’était une bonne ou une mauvaise chose, en fait. Qu’il aille bien, j’allais lui abimer le moral ou dans le cas contraire, j’allais frapper sur un homme déjà par terre. Dans tous les cas, Ezra semblait avoir faim. Je me suis mise à rire en le voyant faire. Il m’écoutait maintenant, un peu trop attentivement. Je renvoyais nerveusement mes cheveux vers l’arrière. « Je me demandais, si un jour, tu voulais des enfants? » Je buvais un peu d’eau avec le regard fuyant. J’avais l’impression que mon simple physique me trahissait. Je faisais une bien piètre actrice et pourtant, ça aurait été essentiel dans ce contexte. « Enfin, c’est juste pour savoir. » que je réplique rapidement à ma propre question. Comme si j’essayais de remplir le silence entre nous. Avait-il non seulement besoin d’être rempli même si j’en ressentais l’atroce besoin? Je tremblais légèrement à l’annonce que j’allais lui faire. « Bon, ça suffit. J’ai jamais été douée pour tourner autour du pot... Je suis enceinte. » J’déglutis même si j’ai envie de vomir comme jamais. Quelque chose comme la vérité et les hormones. Je regarde Ezraël en priant pour qu’il dise quelque chose.

Ezra a toujours faim, étonnant au vu de son petit corps faible et presque dénué de graisse, à part peut-être ce petit bidon caché par ses t-shirts trop larges. Curieux et intrigué, il guette le moindre de ses gestes d'un air plus qu'attentif. Quand la question est posée, il fronce d'abord légèrement les sourcils puis finit par en hausser un. « Hum, j'sais pas. Oui, enfin sûrement un jour. Même si je doute que je serai le père de l'année. » Il ne voit pas où elle en veut en venir, ce genre de question ne se pose pas comme ça, sans raison. Juste pour savoir, bien sûr. Il dépose son sandwich sur une assiette et plante son regard dans celui de Thiago. « Dis-moi à quoi tu pensais en me demandant ça. » La réponse ne tarde pas. Elle lui tombe dessus comme si le ciel s'écroulait sur sa tête, ou comme si le sol se mettait soudainement à disparaître sous ses pieds. Enceinte. Le mot résonne dans sa tête, fait rater un battement à son coeur, crée une sorte de raz-de-marrée dans son ventre. Dans un premier temps, Ezra ne dit rien. Il la regarde bouche bée, se répète encore et encore le mot pour être certain de bien l'avoir compris. « Thiago. » Il souffle son prénom, et sa voix se casse sur la dernière syllabe. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Et surtout, est-ce possible que... ? Non. Non, impossible. Pas lui, pas Ezra. Il attrape sa main. « Je sais pas quoi dire et en même temps, j'ai environ quarante milles questions qui me tournent dans la tête. Mais... je te laisserai pas tomber. Promis. » Son coeur se serre au fur et à mesure qu'il parle. Il n'ose pas poser la fameuse question, celle qui pourrait tout changer. De qui ?

J’avais remarqué ce petit ventre adorable lorsqu’on s’était envoyés en l’air. J’avais trouvé ça attachant, mignon même. Limite réconfortant. Alors qu’il me répondait sagement, il ne considérait pas la chose pour maintenant. Je soupirais donc, un peu plus confuse. « Thiago » avait-il dit alors que j’savais pas trop comment réagir, je me contentais que de l’observer. Je me contentais de ne pas éclater en gros sanglots. Je me contentais de ne pas... céder, de ne pas pleurer. Il attrapait ma main et admettait la vérité : qu’il ne savait pas quoi dire. Moi non plus. Il me disait qu’il avait des tas de questions, qu’il ne m’abandonnerait pas. Alors que j’ai une boule nouée dans la gorge, je fixe mes pieds. « Tu préféres le garder ou...? » Je n’osais pas prononcer les autres mots. D’un côté, ils étaient cruels. De l’autre, ils étaient surtout réalistes et c’était ce qui faisait le plus mal dans cette histoire. Qu’est-ce qu’on allait faire, qu’est-ce que j’allais faire surtout. Éduquer un enfant n’était pas une mince affaire et je craignais de ruiner ma vie. Tu fais un bébé quand tu es amoureux, quand tu veux passer ta vie avec la personne... Pas dans le cas d'une personne que tu ne connais que très peu et uniquement sous certaines coutures.

Plus aucun doute possible, cet enfant qui grandit jour après jour dans le ventre de Thiago est de lui. Ezra se sent défaillir. S'il n'était pas assis, il serait certainement tombé évanoui. Lui, père à son âge ? Il a toujours été plutôt doué pour se mettre dans des situations problématiques, voir même totalement catastrophiques, mais jamais il n'a été jusque là. Il se mord la lèvre, fixe le sol, puis regarde son sandwich avec l'appétit coupé. Il repousse l'assiette et lâche la main de Thiago. Il est perplexe, perdu, totalement déboussolé même. Que faire ? Quelle était la meilleure solution ? Même si Ezra ne se voit pas capable de s'occuper d'un enfant là tout de suite, il ne veut pas non plus que sa propre progéniture soit tuée. Avant qu'elle ne puisse terminer sa phrase, il secoue négativement la tête et lève vers elle de grands yeux brillants, prêts à lâcher toutes les émotions qui le submergent actuellement. « C'est... c'est pas un choix que tu fais comme ça après qu'on t'aie annoncé la nouvelle, » dit-il d'une voix tremblante. Il lève les yeux vers le ciel comme si il allait y trouver la solution, ou comme si cela allait lui permettre de se sortir de ce rêve. Oui, juste un rêve. Rien de tout cela n'est réel. Il déglutit et arrache machinalement quelques brins d'herbes qui ont le malheur de se trouver devant lui. « Faut qu'on y réfléchisse, qu'on passe en revue toutes les possibilités. » Il pose à nouveau son regard sur elle. « Mais... et toi ? Qu'est-ce que t'en penses ? »

Je le regarde repousser l’assiette alors que sa main quitte la mienne. J’baisse le regard, honteuse. Il semblait d’avis que de faire quitter ce petit être n’allait pas être une bonne chose. Il me disait que ce n’était pas un choix à prendre à la légère et il avait raison. J’inspirais longuement alors que je tremblais et que je me concentrais sur ma respiration. Il me disait qu’on devait y réfléchir, qu’on passait les possibilités en revues. Je serrais mes jambes contre moi. Je ne disais rien. Il me questionnait sur ce que j’en pensais. « Je ne sais pas. » lui confiais-je. Je ne savais rien. Je ne me voyais pas maman d’ici les 9 prochains mois. J’avais des contrats importants qui arrivaient et ce bébé ne tombait pas à point, très loin de là. « J’suis perdue. » Perdue entre mes valeurs, ce que j’veux, ce que je ne veux pas et l’influence que les hormones pouvait avoir. « J’suis désolée de ruiner ta journée ou ta vie, j’sais plus quoi dire ou comment penser. » Je haussais de nouveau les épaules. Une fausse distance que je nous infligeais là. J’me laissais tomber sur l’herbe fraiche, je fixais le soleil et les nuages, la tête parmi ces derniers.  

Il n'a plus faim, son estomac est actuellement trop noué pour que quoi que ce soit y passe. Il ne s'y attendait tellement pas, et il remarque bien que Thiago non plus visiblement. Ezra remarque la tristesse qui fait briller son regard, et ça suffit à lui faire mal au coeur. Il ne veut pas la voir triste, il ne veut pas être la cause de son malheur. Elle non plus ne sait pas, les voilà bien avancés tous les deux. Il soupire avant qu'elle ne lui avoue être perdue, puis qu'elle ne s'excuse d'avoir gâché sa vie. Il hausse les sourcils, regarde dans sa direction, prêt à dire quelque chose. Sauf qu'aucun mot ne sort de sa bouche. Il reste planté là, assis à coté d'elle qui se couche dans l'herbe. Aussitôt, il prend place à coté d'elle. Il s'étale lui aussi dans l'herbe, regarde les nuages sans vraiment y porter une grande attention. « T'as rien ruiné Thiago. » Il tourne une nouvelle fois la tête vers elle. « Écoute, c'est pas vraiment ce que je prévoyais dans mon futur proche mais.. c'est pas grave. On y arrivera, on fera avec. J'ai un boulot moi, je serais capable de lui apporter ce dont il ou elle a besoin. Puis je suis sûr qu'on finira par s'y attacher. » Malgré ça, il continue d'avoir le coeur serré. Tout sera différent à présent. Eux qui ne sont même pas un couple, comment allaient-ils être capable de gérer la situation ? Ezra repense à Devan. Il ne peut pas lui en parler, tout comme il ne peut pas être avec lui. Là tout de suite, Thiago a besoin de son soutient et il se refuse de l'abandonner alors qu'il est en partie responsable de ce qui leur arrive.

Il disait que je n’avais rien ruiné et pourtant, je n’avais pas l’intention de le croire. Je me mordillais la lèvre, un peu plus fort à chaque seconde. Il m’expliquait son plan alors que je me retrouvais dénudée du mien. Mes yeux s’embrumaient. « J’en ai un emploi, j’en ai un que j’aime. » Et j’me retrouve à sangloter ni une, ni deux. J’calme mes sanglots au mieux pour être le plus silencieuse possible. C’est embêtant de pleurer dans un lieu public. « L’attachement me fait pas peur. » Non, ça, ça ne m’effrayait pas une seule seconde. Je me recroqueville contre moi. Je pense à Neal et les larmes coulent davantage sur mes joues, parce que quelques années plus tôt, c’était dans notre plan d’avenir. Je me blottis quelques secondes dans les bras d’Ezra puis j’me redresse en mettant ma main sur mon ventre. J’ai une douleur insoutenable. « Ezra... » que j’dis en grimaçant. « J’ai mal, c’est pas normal. » Mon regard affolé cherche le sien, puis un autre coup me prend et j’serre sa main. « Ezra... » que j’sanglote douloureusement.  

Finalement, est-ce vraiment une si mauvaise nouvelle ? Si il y met du sien, peut-être qu'Ezra pourrait même être capable d'être un bon père, qui sait ? Il ferait mieux que celui qui l'a élevé, et aurait enfin un but ici, une mission qui le garderait à Bowen. Cependant, Thiago ne semble pas de cet avis. Elle lui parle de son boulot, et il se rappelle qu'en effet, un ventre rebondi ne collerait pas vraiment avec son boulot en tant que mannequin. Ezra se mord la lèvre. Il s'en veut, il se sent coupable de ce malheur qui ronge Thiago au fur et à mesure que les minutes s'écoulent. Elle pleure, et lui ne se sent pas capable d'être là pour elle, de la soutenir. Il voudrait la serrer contre lui, mais il a l'impression que ce geste serait déplacé. C'est elle qui finit par venir contre lui, le consolant un peu avec la chaleur de son corps. Un moment doux, rassurant, mais un moment qui ne dure pas longtemps. Thiago finit par se redresser, le visage tordu de douleur, sous le regard horrifié d'Ezra. « Faut... Faut que t'ailles à l’hôpital, » lâche-t-il dans un élan de panique alors qu'elle lui sert la main. Il jette un bref regard à leur pic-nique, mais n'a pas le temps de tout emporter avec eux. « Tu sais marcher ? Ma voiture est pas loin. » Il passe son bras sous les siens pendant que, dans sa poitrine, son coeur se brise en plusieurs minuscules morceaux. Il a peur. Peur pour Thiago, peur pour l'enfant. Il ne peut pas les perdre tous les deux.