fighting with temptation, but didn't want to win (andreas)

Hey, j'espère que tu vas bien. Tout de suite, le cœur de Lennox s’était emballé. Il s’était d’ailleurs emballé avant même de voir le contenu du message. Seul le prénom d’Andreas était devenu l’élément déclencheur de sa folie cardiaque. Malgré la pile de dossiers sur son bureau, il lui répondit. Il attendait depuis tellement longtemps que ce soit le norvégien qui fasse les premiers pas. Que Lennox n’ait pas l’air d’un dépendant affectif lourd et redondant. Hum, très franchement ? Pas fort... Je me demandais si tu avais un peu de temps pour moi mais je crois que tu viens de répondre à cette question. ^^' c'est pas bien grave, bon courage pour le boulot. Dès qu’il sut qu’Andreas n’allait pas bien, le cœur de Lennox se serra dans sa poitrine. C’était à lui de mal aller, les autres devaient être heureux. Sinon, où allait ce monde ? Sans porter plus d’attention aux pages sous son crayon, Lennox porta ses deux mains à son téléphone afin d’y mettre toute sa concentration. Non, faut vraiment pas faire ça pour moi. ^^' Si, il le devait. Et il le voulait. Aller à la rencontre d’Andreas dans l’espoir de panser ses blessures, de sécher ses pleurs, était autant un service qu’il rendait à l’ambulancier qu’à lui-même. Il avait besoin de sentir que cette relation allait dans les deux sens, que lui aussi pouvait apporter du bon à Andreas. Ils convinrent finalement de se voir, aujourd’hui-même. À cet instant précis, si possible. Pour lui, tout était possible. Lennox avait, inconsciemment, fait de cet homme une priorité. Quel égoïsme de sa part alors que Lou s’était réveillée de son coma il y avait de cela quelques jours. Il aurait dû se sentir coupable de s’être autant attaché à l’ambulancier alors qu’elle luttait dans son sommeil forcé, et pourtant … C'est déplacé de dire chez moi ? Déplacé, non. Anxiogène ? Trop. Lennox avait les mains moites, tout d’un coup, serrant son téléphone portable trop fort entre ses mains agitées. Sans trop savoir pourquoi, l’idée de se rendre chez Andreas le mettait dans tous ses états. Comme si ce lieu intime voulait nécessairement dire que leur relation le deviendrait. Pourtant, pas du tout. Malgré les allusions d’Andreas au charme de Lennox, ce dernier était convaincu que ce n’était que pour apaiser l’âme du suicidaire. Qu’il s’agissait de belles paroles préfabriquées pour booster son estime de lui-même. Le pire était que malgré sa lucidité face à cette situation, Lennox se laissait avoir par ce petit jeu. Il se sentait si bien en compagnie d’Andreas. Comme s’il avait une certaine valeur. Inutile d’expliquer maintenant pourquoi Lennox n’avait pas hésité une seule seconde à lui proposer sa visite. Il s’empressa donc de ranger tous ses dossiers dans les classeurs fermés à clé, dès qu’il eut reçu l’adresse d’Andreas. Quand tout fut en ordre et que ses deux rendez-vous de la soirée furent reportés, il quitta son bureau. Il conduit distraitement – ses pensées trop occupées à penser à Andreas – jusqu’à l’adresse rentrée dans son GPS. Il resta un moment dans sa voiture collée au trottoir, cherchant une force imaginaire qui lui donnerait le courage de … il ne savait même pas quoi. Lennox prit une grande inspiration et sortit de sa voiture tout d’un coup trop luxueuse, qui lui donnait un air snob qu’il ne voulait pas laisser voir au norvégien, et alla cogner trois fois à la porte de la maison de l’homme. Une belle et grande maison, d'ailleurs. Il attendit, plutôt impatiemment, qu’on vienne lui ouvrir.

La porte s’ouvrit et, en voyant le visage d’Andreas, un énorme soulagement traversa Lennox. Pourtant, il ne s’attendait pas vraiment à voir une autre tête que la sienne dans l’entrebâillement. Il était chez lui et avec vérifié à au moins trois reprises qu’il cognait à la bonne adresse. Sans doute n’était-ce que l’effet global que l’ambulancier avait sur lui. Comme si un simple regard échangé avait le don d’apaiser l’être tout entier du notaire. Si seulement il arrivait à se trouver des excuses plus fréquentes pour le voir. Peut-être pourrait-il réellement remonter la pente, à coups de sourires de norvégien. Andreas s’écarta légèrement pour laisser entrer Lennox, qui s’exécuta, l’effleurant au passage. Chaque geste, chaque contact le terrifiait autant qu’il l’embrasait. « Ce n’est rien, je t’assure. Je suis content que tu m’aies contacté. » C’était la vérité. Lennox avait bien perçu que dans cet accord passé entre eux, Andreas avait tenté de les mettre sur un pied d’égalité afin que le notaire se sente bien à l’aise de demander de l’aide, d’attraper la main que l’ambulancier lui tendait. Toutefois, maintenant que ce dernier était celui qui avait eu besoin de soutien et de réconfort, Lennox douta des premières intentions de l’homme. Peut-être que ce pacte conclu avait réellement une base commune, réciproque. Ils avaient besoin l’un de l’autre de la même manière. Avec la même intensité.

Andreas les guida tous les deux jusqu’au salon, où il invita Lennox à s’asseoir. Le trentenaire obtempéra, prenant place sur le canapé, s’asseyant au bout de celui-ci et les fesses à moitié dans le vide, pas encore assez à l’aise pour réellement s’assurer un confort digne de ce nom. On aurait dit qu’il était prêt à bondir et à fuir dès le premier faux pas – et il y en aurait, Lennox se connaissait. Et il doutait encore plus de lui, maintenant que son attirance soudaine et silencieuse pour Andreas se révélait plus grande et sérieuse qu’il ne l’aurait cru. En effet, ses questionnements se confirmaient, parce que depuis qu’il était entré dans la maison d’Andreas, ses mains étaient redevenues moites et son cœur s’était emballé. Exactement comme lorsqu’il avait reçu le premier message un peu plus tôt. Physiologiquement, il réagissait comme un volcan à chaque fois que le monde, son monde, tournait autour du norvégien. « Un verre d’eau suffira … s’il-te-plaît. » En vérité, Lennox n’avait pas mangé depuis des heures, mais son estomac était trop occupé à gérer les papillons qui volaient dans tous les sens pour réellement se soucier du reste. Et puis il était tellement nerveux que rien ne passerait.

Quand Andreas revint, Lennox le remercia pour le verre d’eau et en avala deux gorgées avant de le poser sur la table basse devant eux. Andreas s’assit à côté de lui, à une distance trop raisonnable pour les envies du notaire, et lui demanda si ça allait. Lennox pencha tout légèrement la tête sur le côté, déglutissant et plongeant son regard dans celui de son hôte. « Oh tu sais, pas grand-chose ne s’est passé sur la route entre mon bureau et ici. » Répondit Lennox d’une voix calme, surtout pour faire réaliser à Andreas que la question avait été posée une heure plus tôt, et que c’était lui qui avait répondu en retour d’une voix plutôt en détresse. Une voix tremblante, un chagrin palpable. « Qu’est-ce qui te mets dans cet état, Andreas ? » Demanda-t-il, visiblement affecté par le chagrin de l’homme. Était-ce lui qui commençait déjà à déteindre sur son optimisme ? Ou bien Andreas l’avait-il bien eu en lui faisant croire qu’il était une source de bien-être et de sagesse ? Au fond, le norvégien était un être humain comme les autres, avec ses souffrances et ses luttes intérieures. Il ne pouvait l’idéaliser et le mettre sur un piédestal, l’imaginant comme son super-héros inatteignable. Ils étaient au même niveau ; pas pour rien qu’ils arrivaient à s’attraper la main et se tirer vers le haut.

Un mince sourire touché se dessina sur les lèvres de Lennox alors qu’Andreas lui avouait qu’il allait déjà mieux, rien que par la présence du notaire. À moins que l’ambulancier n’invente ces paroles pour l’apaiser, ils étaient sur la même longueur d’ondes quant à l’effet qu’ils avaient l’un sur l’autre. C’était rassurant de savoir que parmi ces émotions confuses et déroutantes que ressentait Lennox, Andreas en partageait quelques-unes. Il semblait toutefois en mesure de les gérer bien mieux que lui ne le faisait. Il avait l’air tellement à l’aise, son regard ne fuyant jamais le sien, son corps étant bien posé sur le divan. Lennox, lui, ne savait plus quoi regarder pour ne pas se perdre dans le regard du norvégien, et son corps tremblait tellement il était tendu et crispé. Quand Andreas lui parla d’idéalisation, Lennox eut un léger rire, parce qu’il avait touché dans le mille. « Ça ne change rien, Andreas … si ce n’est que … que ça fait de toi un humain. Ça ne change pas l’opinion que j’ai de toi, ça ne change pas … ma perception de toi. » Il aurait volontiers ajouté que ça ne changeait rien non plus à ses sentiments pour lui, mais il s’avancerait sur un territoire inconnu, un territoire dont il valait mieux s’éloigner pour le moment. Cela aurait généré un tas de questions chez Andreas. Des questions auxquelles Lennox n’avait pour le moment aucune réponse satisfaisante.

Le jeune homme se prit alors la tête entre les mains, ce qui eut pour effet que Lennox se rapprocha légèrement de lui, levant sa main dans les airs pour aller la poser sur son épaule, mais il hésita un long moment. Sa main était suspendue dans les airs, paume tournée vers le dos de l’homme, hésitante. Et, en quelques secondes, il alla la déposer contre le corps de l’homme, sentant le tissu de son chandail agiter toutes ses terminaisons nerveuses. Andreas se calma et releva les yeux vers Lennox, s’excusant de son comportement. Le notaire secoua la tête. « Ne dis pas des choses pareilles, je pourrais m’en vexer. Si toi t’es pathétique, j’suis une cause perdue. » Il esquissa un sourire. Son intention n’était pas de ramener le discours sur lui de nouveau. Même si Lennox était un brin tourné vers lui-même en permanence, il savait aussi se montrer empathique des autres quand il le fallait. Et là, il le fallait. Il avait simplement voulu lui faire comprendre, tout comme Andreas l’avait fait le jour de leur rencontre, qu’il n’y avait pas de mal à se montrer vulnérable.

Le norvégien prit son courage à deux mains et se lança dans les explications. À l’entente du mot ex, Lennox se sentit mal à l’aise. D’autant plus que cet ex avait encore des sentiments pour Andreas, selon les dires de ce dernier. Il ne savait pas où cette réflexion se dirigeait, mais il n’était pas certain d’être le bon candidat pour le conseiller. Inconsciemment, il allait sans doute essayer de l’éloigner de cet autre homme qui lui avait fait du mal. Parce qu’il ne supportait même pas l’idée de l’imaginer avec quelqu’un d’autre. C’était con. Lui-même était en couple. En couple avec un fantôme. « Je pense que tu as besoin d’en parler, moi, au contraire …» Releva Lennox. C’était sans doute aussi pour satisfaire la curiosité malsaine du notaire. Il désirait connaître les raisons de son mal-être par rapport à cette révélation. « Qu’est-ce qui a changé depuis deux mois … ? » Osa-t-il demander, espérant désespérément faire partie de l’équation menant à la réponse. Réalisant toutes les attentes qu’il se construisait, Lennox eut un rire gêné replaça ses deux mains ensemble, près de ses genoux. « Enfin … si tu préfères regarder un Disney … je veux pas te forcer. J’suis là pour toi, peu importe ce que t’as envie de faire … » Il savait ce que c’était que de ne pas avoir envie de s’ouvrir à propos de certains sujets et de ressentir la pression de le faire. Il ne voulait pas faire vivre ça à Andreas.

Quand il eut retiré sa main de l’épaule d’Andreas, Lennox ressentit à la fois le vide et le soulagement. Lui qui n’était effectivement aucunement tactile, se crispant à chaque fois que quelqu’un lui disait au revoir en l’enlaçant, ou rougissant dès qu’on se penchait sur son visage pour lui faire la bise, Lennox essayait du mieux qu’il le pouvait de se soustraire à ces situations de contact humain. Sans doute était-ce l’une des raisons expliquant sa continuelle solitude. À force de fuir la proximité avec l’autre, il avait tout simplement érigé des barrières trop hautes pour qu’on tente de les gravir. Pourtant, son corps tout entier semblait réclamer le corps d’Andreas, même s’il ne s’agissait que d’une parcelle de sa peau sous les doigts de sa main. Ce serait mieux que rien. Parce que là, il n’y avait plus rien, maintenant que Lennox s’était reculé. Et la distance était trop grande, à nouveau. Bien plus grande qu’avant, même, puisque le norvégien parla de son ex petit ami. Lennox était à des kilomètres mais à des kilomètres de quoi que ce soit de semblable. Et sans doute était-ce mieux ainsi, d’ailleurs. Il jouait avec le feu en s’attachant autant à cet homme qu’il connaissait à peine. Il tentait le diable en ouvrant son cœur à une autre personne que celle qui en avait réellement besoin pour survivre, maintenant qu’elle était entre la vie et la mort. Lennox ne se pardonnerait jamais ses actes s’il arrivait quoi que ce soit à Lou alors qu’il n’était pas à son chevet, mais bien à celui d’un autre ou pire encore … à même le lit. À chaque fois que les pensées du notaire allaient dans cette direction, il chassait bien vite les images qui le torturaient. Qui ne le menaient à rien.

Il se concentra donc sur ce qu’Andreas lui disait, parce qu’il avait besoin de se vider le cœur et que même si le sujet ne plaisait pas forcément à Lennox, ce dernier devait être là pour son ami. « Ça te mettra dans un sale état pour quelques minutes et après on regardera des Disney pour te faire sourire à nouveau, c’est tout. » Le rassura Lennox du mieux qu’il le pouvait. Andreas, décidé à lui expliquer maintenant, mentionna au notaire la façon dont la rupture s’était produite, et où en était lui et son ex depuis. Il marchait autour de la table basse, sans relâche, et Lennox tentait de le suivre du regard mais il semblait bien trop agité. Finalement, il se décida à s’asseoir au milieu de son récit, face à lui sur la table basse. Leurs genoux dangereusement rapprochés. Lennox tourna son corps face à celui de l’homme, pour lui montrer toute son écoute, toute son ouverture. Quand Andreas parla du fait que sans cette rupture, ils ne se seraient jamais rencontrés, et qu’il aurait regretté, Lennox rougit à son tour. « T’es en train de dire que … que tu préfères … ne plus être avec lui ? Parce que tu m’as rencontré ? » D’une certaine façon, c’était un peu ça. Trop intimidé par l’ambiance, Lennox émit un rire nerveux avant de renchérir : « Tu sais pas, tu ne m’aurais pas connu … t’aurais pas su, t’aurais pas pu regretter … » Il marqua une légère pause, pendant laquelle il fixait ses mains plutôt que d’affronter le regard d’Andreas. « Cela dit … je suis plutôt ravi moi aussi que tu ne sois plus avec lui. Je pense que tu mérites mieux, d’abord, et … et puis comme ça t’es dans ma vie. » Il leva les yeux vers Andreas, et plongea son regard dans le sien.

Un léger rire s’échappa d’entre les lèvres de Lennox quand Andreas râla qu’il venait de casser son moment. Il redevint toutefois très sérieux quand l’ambulancier expliqua davantage sa pensée, afin que Lennox comprenne précisément ce qu’il voulait dire par ses paroles. Son cœur se débattait dans sa poitrine plus le norvégien s’avançait, parce que les mots qui sortaient d’entre ses lèvres représentaient exactement la mélodie dont le notaire rêvait depuis leur rencontre. Lennox ne savait pas s’il était un homme bien, toutefois, malgré ce qu’Andreas pouvait en dire. Après tout, il était ici avec cet homme alors que sa fiancée luttait pour sa vie, endormie. Ce comportement ne le rangeait-il pas du même côté que son ex ? Un lâche, un con, qui n’en valait pas la peine. Le trentenaire écouta tout de même le reste du discours d’Andreas sans s’attarder aux détails, parce que peu importe s’il croyait ou non les mots en question, ceux-ci avaient un effet assez intense sur Lennox. Quand Andreas avoua que s’il avait à choisir, entre son ex et lui, il choisirait lui, il acheva Lennox. C’est à ce moment-là que l’homme avoua à son tour qu’il était plutôt ravi qu’Andreas ait eu le cœur brisé, même si ça pouvait paraître très con à dire, tout simplement parce que ça avait permis qu’il soit mis sur le chemin de Lennox. Et de le sauver.

Andreas releva vivement ses yeux vers Lennox à ces mots. Quand le norvégien lui demanda s’il pensait réellement ce qu’il disait, le notaire hocha la tête. « Oui, j’le pense. Depuis un moment … j’avais pas eu le courage de le dire avant. » Et puis ça ne s’était jamais prêté à la conversation. Là, tous les deux semblaient être dans un état d’esprit qui les portaient à s’ouvrir à l’autre comme jamais. Tout d’un coup, Andreas se releva légèrement de la table basse et, toujours penché, s’approcha de Lennox pour l’embrasser, une main délicatement posée sur sa joue. Surpris, agréablement surpris, le notaire lui rendit ce baiser. Oh oui, il le lui rendit. C’était doux, c’était timide, mais c’était également explosif parce que trop longuement retenu. Une vague de chaleur électrisante se déversa sur Lennox, qui avait peine à respirer même une fois le baiser terminé. Il regarda Andreas, confus et déboussolé. Face à cette réaction, le norvégien tenta de se justifier. Lennox déglutit, ne trouvant pas ses mots, n’arrivant même pas à formuler sa pensée, ce qui donna le temps à Andreas de s’excuser. « Je … je suis en couple. » Affirma Lennox, même si c’était l’évidence, tous les deux le savaient pertinemment. Ils savaient que c’était mal. Il regarda Andreas avec une détresse d’amour, parce que ce baiser n’était pas assez, il en aurait redemandé. « Je … ne serais pas mieux que lui. Que ton ex. Si je me permettais d’aller plus loin … pour le moment … » Il se passa une main gênée dans les cheveux, détournant le regard. « Malgré tout le mal que Lou m’a fait je … je l’aime, et tout comme tu méritais mieux qu’un texto comme rupture, elle mérite mieux que … que de se faire tromper pendant qu’elle lutte pour sa vie … C’est … c’est pas … c’est … » C’était dégueulasse. Lennox se sentait dégueulasse. Parce qu’il avait tellement eu envie d’Andreas. Encore et encore. « J’aimerais être avec toi … mais tant qu’elle sera dans cet état … je ne peux pas. » Lâcha-t-il, prenant alors pleinement conscience de ses paroles. Et si Lou ne se réveillait jamais ? Et si elle demeurait dans cet état pendant encore des mois et des mois ? Lennox se refuserait-il un bonheur aussi beau, aussi bon, par prétexte que sa fiancée se réveillerait peut-être un jour et l’attendrait ?

Toute la chaleur qu’il avait ressentie quelques secondes plus tôt s’était vite transformée en frissons, parce que le changement de température avait trop rapidement grimpé pour ensuite retomber. Par sa faute. Lennox n’avait pas su s’abandonner complètement, Lennox n’avait pas pu une bonne fois pour toute s’accorder à lui aussi la chance d’être heureux. Sans doute était-ce mieux ainsi. Il aurait sans doute trouvé le bonheur dans les bras d’Andreas, mais dès qu’il en aurait eu fini avec lui, le notaire se serait senti comme un moins que rien, le plus horrible des êtres. Et il se serait condamné à une vie avec Lou pour se faire pardonner sa déroute. Sans jamais oublier cet homme qui, un jour, lui avait fait ressentir ces papillons sans pour autant que ça lui fasse mal. Et l’amour n’était pas supposé faire mal. Malheureusement, à l’heure qu’il était, Lennox avait vraiment l’impression d’avoir tout gâché. Pour préserver Lou, il s’était détruit lui-même, et Andreas par le fait même. Détruit leurs espoirs, détruit leurs ardeurs. Le norvégien se confondait en excuse, tentant de justifier son geste mais, surtout, soulignant qu’ils ne resteraient que des amis et qu’ils oublieraient. Lennox secoua la tête. Il ne voulait pas oublier. Mais Andreas était déjà debout, se dirigeant vers une autre pièce. Le notaire hésita à le suivre, mais c’était ça ou bien il partait en voleur. Lennox n’avait pas envie de laisser Andreas seul dans un moment pareil, encore moins après ça. À la base, il n’allait pas bien, et en profitant de la situation, Lennox l’avait enfoncé encore plus profondément.

Il suivit donc Andreas et arriva dans ce qui semblait être la cuisine. Lennox avait une bouteille de bière entre les mains, ce qui rendit Lennox rapidement inconfortable. Son chemin vers la guérison de sa dépendance était encore long, il n’en était qu’au début, et si Andreas s’autorisait l’oubli à travers l’alcool, Lennox aurait aimé pouvoir s’en donner le droit aussi. Andreas ne l’avait sans doute pas entendu arriver, parce qu’il avait alors posé sa bouteille sur le comptoir et avait pris sa tête entre ses mains, sur le comptoir. Cette image brisait davantage le cœur du notaire. Il racla sa gorge, mal à l’aise, et détourna le regard, se détourna de la tentation. De ses deux tentations. Puis, il prit la parole : « Tu sais, j’ai toujours su que je n’étais pas hétérosexuel. » Il plongeait, tête première, dans des révélations qu’il n’avait jamais faites jusqu’à ce jour. « Au lycée, ça m’a valu un sacré mauvais quart d’heure. Qui me paraissait une éternité … » Lennox s’était approché, posant une main sur le comptoir, conservant une distance raisonnable entre les deux. « Mais je n’ai jamais nié qui j’étais … Malgré toute la souffrance que ça impliquait. » Cette souffrance-là l’avait d’ailleurs mené jusqu’à sa première tentative de suicide. Il n’en pouvait plus de subir les regards des autres, les reproches, le jugement, les rires. « Tout ça pour dire que … » Lennox inspira profondément, prenant tout son courage. « Que j’veux pas qu’on soit amis, Andreas. Et surtout, j’veux pas oublier ce qui vient de se passer. Au contraire, j’ai envie de m’y accrocher. Parce que c’est … c’est la première fois que j’ressens une émotion aussi intense sans qu’elle m’écorche de l’intérieur. C’est la première fois que j’ressens une émotion qui ne me fait pas mal. » Parce que malgré tout l’amour qu’il portait pour Lou, cet amour lui faisait constamment mal. Un mal auquel il s’était habitué, un mal qui le confortait, mais un mal quand même. Avec Andreas, c’était différent, il sentait déjà la différence. « Je ne veux pas être avec elle … Je veux être avec toi … » S’avoua-t-il en même temps qu’il l’avouait à Andreas. Mais ses propos du salon ne changeaient pas. Il désirait accompagner Lou dans sa lutte, il désirait l’aider à s’en sortir, pour mieux la laisser partir après.

Lennox ne savait même pas vraiment ce qu’il était en train de demander à Andreas, avec toutes ces déclarations. Lui demandait-il d’attendre ? Des jours, des semaines, des mois ? Une éternité ? Ni l’un ni l’autre ne savait quand est-ce qu’ils pourraient être ensemble. Certes, si Lou demeurait dans un coma pendant des années, sans pour autant que son état ne requiert de la débrancher, Lennox se raisonnerait un jour et se permettrait de vivre sa vie. Forcément. Sans doute. Après tout, elle ne serait plus vraiment là. Et, à son réveil, elle comprendrait. Elle ne pourrait faire autrement que comprendre. En même temps, malgré cette promesse intérieure, Lennox ne savait tout de même pas dans combien de temps il se sentirait prêt à tourner la page. Pendant combien de temps la culpabilité l’emporterait sur la passion. Andreas aurait le temps de tomber amoureux d’un autre que lui, pendant ce temps-là. Après tout, ils ne se connaissaient pas depuis longtemps. Andreas pourrait retrouver ces sentiments avec un autre, certainement. Lennox n’était pas unique, Lennox n’était qu’un point sur la carte parmi tant d’autres. Quand le notaire eut finalement terminé d’avouer à Andreas ses plus vrais sentiments, ce dernier prit à son tour la parole. Alors lui aussi envisageait leur relation comme étant quelque chose de sérieux. C’était déjà ça. Lennox se sentait déjà bien plus léger, même si tout était encore tellement trop complexe, au moins ils attendaient la même chose l’un de l’autre. « Peut-être que … peut-être que cette attente forcée est ce qui pouvait nous arriver de mieux, en fait … Comme tu dis, on a tous les deux des blessures à guérir avant de … de s’engager de nouveau. » C’était tellement étrange, de parler d’eux au futur alors que l’incertitude planait autour d’eux. C’était si bizarre de s’imaginer avec lui, de prévoir leur relation, sans pour autant pouvoir en profiter au présent.

Andreas parla finalement du fait que lui aussi avait envie, mieux encore besoin, d’être avec Lennox. Un sourire se dessina sur les lèvres du notaire, soulagé de la tournure des événements, même s’il devait constamment lutter contre l’envie de poser ses lèvres sur les siennes de nouveau. Pour profiter pleinement de ces sentiments avoués. Andreas demanda finalement une permission quelconque, avant de s’approcher du trentenaire et de passer ses bras autour de lui. Surpris, Lennox resta droit comme un piquet pendant un moment, avant de finalement laisser ses muscles se décontracter légèrement et de passer ses bras autour du norvégien. Il espérait qu’il n’arrivait pas à sentir son cœur battre contre lui, ce serait gênant. Qu’il sache tout l’effet qu’il lui faisait. Sentant sans doute l’inconfort de Lennox, encore peu habitué à cette proximité, Andreas se recula sans toutefois rompre le contact en totalité. Au plus grand bonheur du notaire. « J’aurai du mal aussi … J’ai du mal en ce moment, et c’est peu dire … » Il eut un léger rire timide. Il inspira profondément, tentant de calmer l’ouragan dans sa tête et dans son cœur. Sa journée était décidément beaucoup plus intense que prévue. « Et si on se le regardait, ce Disney ? » Proposa alors Lennox, n’ayant aucunement envie de partir maintenant que tout avait été dit, mais sentant qu’ils avaient besoin d’une ambiance un peu moins lourde, tendue.

Bien sûr qu’il l’y aiderait, lui aussi. Si Lennox arrivait à avoir le même effet sur Andreas qu’Andreas avait sur lui, alors il était convaincu que sa présence pourrait lui être bénéfique. Le notaire n’était sans doute pas le meilleur candidat pour panser des blessures d’amour, lui qui n’avait jamais su comment bien aimer quelqu’un. Toutefois, si Andreas lui apprenait ce qu’était une relation saine, alors Lennox lui montrerait ce que c’était que d’être aimé d’une intensité incomparable. « Marché conclu. On sera gagnants tous les deux. » Il sourit, faiblement, encore un peu intimidé par la tournure des événements. Andreas proposa alors qu’ils se voient davantage dans des lieux publics, pour ne pas risquer de briser leur promesse en étant incapable de se contrôler. Ce qui pourrait très certainement arriver, sachant que le simple souvenir de leur baiser arrivait à raviver le désir grandissant de Lennox. « Je pense que … que ce serait plus sage, oui. » Affirma Lennox, à contrecœur par contre, parce qu’autant il avait appréhendé sa visite dans la maison du norvégien, autant il s’y sentait maintenant plus tranquille. Rien qu’eux deux. D’ailleurs, le notaire se demanda si Andreas vivait seul dans cette grande maison, et il ne vit aucune raison de ne pas le demander. « T’as des colocs’ ici, ou c’est tout à toi ? » S’intéressa-t-il. Il ne doutait pas qu’Andreas puisse avoir les moyens de se payer une maison, mais c’était tout de même grand pour une seule personne. Lui-même, dans son condo sur deux étages, ressentait parfois un énorme vide en prenant conscience des pièces inutiles et inoccupées. Certes, l’arrivée de Lou avait pallié à ce sentiment de trop grand espace, mais mis à part ses vêtements dans ses tiroirs, il ne restait plus rien d’elle. Même son odeur sur l’oreiller commençait à s’effacer.

Bref, afin de changer leurs idées qui fusaient dans toutes les directions, Lennox proposa à Andreas de regarder un Disney, comme l’idée avait été lancée plus tôt. Avant tout ça. Le norvégien accepta, à la condition qu’il choisisse le film. Lennox rit de bon cœur. « Si tu savais comme ça m’enlève un poids, même ! Je déteste choisir. » Sans doute parce qu’il n’avait jamais confiance en ses décisions. Il avait trop peur de décevoir, de choisir ce qui ne ferait pas le bonheur de l’autre, de trop penser à lui. Les deux hommes retournèrent donc jusqu’au salon, et Lennox s’installa sur le canapé, à la même place qu’un peu plus tôt. Andreas ne tarda pas à le rejoindre, en optant pour une distance bien trop raisonnable pour Lennox. Il aurait préféré que leurs corps se frôlent, que leurs bras et leurs cuisses s’effleurent. Mais la décision d’Andreas était bien plus sage, bien plus logique vu tout ce qui s’était dit dans la cuisine. Lennox commençait déjà à vouloir briser les barrières qu’il avait lui-même demandé à mettre entre eux. Il allait devoir faire d’énormes efforts pour se raisonner. Andreas l’extirpa de ses pensées en lui demandant s’il avait déjà vu le film affiché sur l’écran. Il secoua la tête. « Non ! » Dit-il pour accompagner son geste. « Mais j’aime beaucoup les films d’animation. » Après tout, Disney faisait des films avec de vrais acteurs, Andreas aurait bien pu choisir cela. Lennox était ravi du contraire. C’était aussi un film d’animation qu’il avait regardé avec Sacha, quelques mois plus tôt, et c’était ceux qui arrivaient le plus facilement à le faire rire. Andreas débuta alors le film, et Lennox eut du mal à se laisser porter par celui-ci, parce que les images du baiser mais aussi celles qu’il se permettait de s’imaginer étaient un peu plus intéressantes. Pour son bien-être toutefois, Lennox se convaincu de se concentrer sur le film d’animation, question de ne pas virer fou au bout d’une heure à peine. Il esquissa d’ailleurs un sourire en prenant conscience du fait que ce film d’animation devait être plutôt récent, vue la qualité des graphismes. Andreas avait encore son cœur d’enfant, c’était beau à voir. Lennox tombait de plus en plus sous son charme.