#381 - i'll be fighting for you like i'm born again (wooja)

J'ai peur qu'il fasse une connerie... Tu lis et relis ces quelques mots puis le message dans son entièreté, puis à nouveau ces quelques mots et ainsi de suite. Même avec ce que tu viens d'apprendre, tu es incapable de te détacher de Woody et de ne pas t'inquiéter. Incapable de prendre tes distances une bonne fois pour toutes. Il a cette emprise sur toi que tu n'expliques pas et ne contrôles pas. C'est comme si tes yeux étaient programmés pour revenir irrémédiablement vers lui, peu importe la force que tu mets à détourner le regard. Peu importe la force que tu mets pour éviter de te faire briser le coeur, encore une fois. Malheureusement, même à distance, même quand vos chemins ne se croisent plus, il parvient toujours à raviver la flamme et à te faire sentir à la fois vivante et à la fois brisée. Si au départ tu pensais envoyer Bessie pour prendre soin de l'australien, c'est finalement tes jambes qui en décident autrement et te portent jusqu'à chez lui. Alors que tu cours en ville pour te vider la tête, tu te retrouves dans la rue de Woody que tu connais par coeur et avant que tu ne penses à faire demi-tour, te voilà déjà devant chez lui. Tu t'arrêtes pendant quelques secondes pour boire quelques gorgées d'eau et regarder innocemment s'il est chez lui. Tu ne vois pas de lumière mais puisqu'on est en fin d'après-midi, il est sans doute trop tôt pour ça. De toute façon, s'il était chez lui, qu'est-ce que ça changerait ? Est-ce que tu aurais envie de lui parler ? Probablement pas car après ce que tu as appris sur le blog des Writers, la colère est toujours bien présente. Mais avant que tu ne puisses réfléchir davantage à tout ça, tu entends la porte d'entrée qui s'ouvre et découvres un Woody que tu ne reconnais pas. Tes yeux s'écarquillent et tu te figes. Tu ne vois plus une once de lumière dans ses yeux même lorsqu'il te regarde et c'est là que tu comprends que ça fait sûrement un moment qu'il est dans cet état-là. Probablement même qu'il était déjà comme ça la dernière fois que vos chemins se sont croisés mais que tu étais bien trop concentrée sur le moment pour voir ce qui se cachait derrière son masque.

J’vois pas pourquoi je lutterais pour un combat qui est perdu d’avance. Il ne me reste plus que ça à faire, attendre. Ou alors … Ou alors, tout arrêter maintenant, puisque son sort était déjà scellé, puisque son avenir n’avait aucune signification pour lui. Toutefois cette phrase, il ne l’avait jamais terminée, il l’avait laissé en suspens, mais Tahlia n’avait pas eu besoin de mots pour comprendre la souffrance de Woody. Ça avait été le signal d'alarme. Il n’y avait qu’à voir son regard dénué d’espoir, ses larmes trop difficilement contenues et son attitude défaitiste pour comprendre. Comprendre que Woody avait atteint le fond du baril. Et Tahlia n’était pas la seule à l’avoir compris, ça, toute la famille Rutkowski commençait à débarquer chez lui à l’improviste, pour des raisons diverses et variées mais surtout montées de toutes pièces. D’ailleurs, ses parents venaient à peine de quitter, quand Woody regarda par la fenêtre du salon et vit Freja, plantée devant chez lui, en train de prendre une pause de sa course pour boire de l’eau. Son cœur se serra. Ce n’était pas anodin, qu’elle soit là, sur sa rue et arrêtée devant sa maison. Elle aurait pris un autre chemin si elle ne voulait pas tomber sur lui. Il attrapa sa canne et se leva difficilement, reprenant un meilleur pas une fois debout, et s’avança jusqu’à la porte. Il hésita, la main sur la poignée. Il s’était pourtant promis, la dernière fois, de ne plus chercher à rester sur cette page qui aurait dû être tournée depuis fort longtemps. Et pourtant, sachant qu’elle ne se trouvait qu’à quelques mètres de lui et qu’ils avaient encore des choses à se dire, Woody tourna la poignée de porte et ouvrit. Freja figea en le voyant, prise sur le fait ou choquée de voir le physique de Woody. Un peu des deux, peut-être. Il s’avança sur le perron, sa main tenant fermement sa canne, sans lâcher Freja du regard. Comme s’il avait peur qu’elle disparaisse. « Salut. » Lança-t-il d’abord. « C’est ma mère qui t’a forcée à rentrer dans son équipe de surveillance 24h ? » Demanda-t-il ensuite, premièrement parce que c’était une possibilité, et deuxièmement parce qu’il voulait aussi savoir si Freja était ici de son propre chef.

Ce n'est pas tant l'état physique de Woody qui t'interpelle mais plutôt son état mental. Alors, bien sûr, le voir la canne à la main ça t'attriste mais tu t'es assez préparée à ce changement par le passé. Car lorsque vous étiez ensemble, tu étais prête à tout affronter tant que vous étiez heureux. Tant que vous aviez l'amour pour vous porter. Aujourd'hui, dans le regard de l'australien, tu comprends sans difficultés qu'il n'y a plus rien pour le porter. Et sans doute plus personne non plus parce que Woody est trop borné pour laisser les autres l'aider et amener un peu de bonheur dans son quotidien. « Hey. » Dis-tu en t'approchant mais en gardant tout de même une certaine distance entre vous. Tu n'oublies pas la façon dont il est parti la dernière fois, dans ce bar, et encore moins ce que tu as appris concernant Sara. Alors, tu préfères mettre des barrières entre vous pour éviter de retomber dans tes travers, ceux qui veulent que tu lui pardonnes tout. Toujours. « Non mais ça ne m'étonne pas qu'elle ait mis ce dispositif en place. » Réponds-tu en fronçant légèrement les sourcils. « C'est un autre ange gardien qui m'a parlé de toi et à défaut de pouvoir rester en retrait, j'ai décidé de courir jusqu'ici. » Et sans doute un peu aussi parce que tu avais envie de revoir Woody même si tu sais qu'à chaque fois que vos chemins se séparent à nouveau, c'est une petite partie de toi de plus qui s'envole avec lui. « T'as pas l'air bien. Et j'parle pas de ton physique. » Affirmes-tu en posant tes yeux sur lui, le regard sombre. Tu ne sais toujours pas à quoi rime cette distance entre vous. Tu ne sais toujours pas ce que vous avez gagné, tous les deux, à part de la tristesse. Tu comprends, maintenant, pourquoi Woody tente de te maintenir à l'écart mais c'est inutile et surtout vain. Avec le temps, il devrait comprendre que vos chemins finissent toujours par se croiser à nouveau, même avec toute la volonté du monde. C'est plus fort que vous et surtout, ça vous dépasse.

Freja s’approcha mais conserva une distance entre eux, distance qui était plus que nécessaire pour elle, mais qu’il ne comprenait pas encore totalement. Certes, il avait appris qu’une énième rumeur à son sujet était sortie au grand jour, rumeur bien fondée à propos de sa visite dans le nouveau pays de Sara, pour la retrouver, elle. Celle qui avait été la première à voler son cœur. Mais il ne s’imaginait pas encore à quel point Freja avait pu être blessée et fâchée de le savoir. Elle ignorait les raisons qui avaient poussé Woody à parcourir tous ces kilomètres. La norvégienne elle-même. Lorsque cette dernière lui parla d’un ange gardien, Woody fronça les sourcils. « Qui ? » L’idée que Tahlia ait pu glisser un mot à Freja lui traversa évidemment l’esprit. Ça lui avait déjà traversé l’esprit, et il avait d’ailleurs regretté cette conversation avec l’ex-policière. Il s’était montré bien trop vulnérable, cette nuit-là. Ça ne lui ressemblait pas. Il ne se ressemblait plus du tout. La jeune femme lui fit d’ailleurs remarquer qu’il n’avait pas l’air bien, et elle ne parlait pas de sa canne. Il plongea son regard dans celui de Freja, qui lui semblait tellement froid, tellement sombre. Il le soutint un moment, sans répondre, la bouche tremblante en cherchant quoi répondre. « Toi non plus. » Finit-il par déclarer, pour s’éloigner de ce que lui-même ressentait. Et il était vrai que Freja le regardait différemment. Pouvait-il lui en vouloir, de la façon qu’il l’avait laissée, la dernière fois ? Toutes les dernières fois. « J’ai l’impression que si t’as couru jusqu’ici ce n’était pas que pour check up on me. » Il referma finalement la porte derrière lui, puis il fit deux ou trois pas de plus, pour aller s’asseoir avec difficulté sur la première marche de son entrée. « Je pense qu’on a peut-être encore des choses à se dire. » Parce que même s’il se bornait à ne pas croire en une relation possible entre eux, Woody ne pouvait jamais laisser les choses comme ça, entre eux.

Tu n'as pas l'intention de trahir Tahlia même si votre amitié a été mise à rude épreuve ces derniers mois, voire même ces dernières années. Si elle t'a fait part de son inquiétude, ce n'est pas pour que tu déballes tout à Woody. « Peu importe, ce n'est pas important. » Réponds-tu en haussant les épaules, bien décidée à ne pas lâcher le morceau. Alors que tu soulignes son état, plutôt mental que physique, Woody reprend tes mots pour affirmer que tu n'as pas l'air bien, toi non plus. En réalité, au-delà du gros mess qu'est ta vie sentimentale, tu te sens un peu mieux maintenant que tu as ta propre maison, ton propre chez-toi. Peut-être aussi qu'avec les travaux, cela te permet d'avoir sans cesse la tête occupée et ne pas trop penser. Mais ce n'est probablement pas à ça que l'australien fait allusion mais plutôt à ce regard, sans doute trop froid, que tu lui lances. « On aura toujours des choses à se dire, toi et moi. » Parce que votre histoire n'est pas prête d'être terminée. Ce n'est pas une page ni un chapitre, que vous écrivez ensemble, mais bien un livre et vous n'êtes pas encore arrivés à la fin. Même si Woody s'en persuade. « Mais je ne suis pas venue que pour ça, non. J'voulais savoir si tu étais seul. » Dis-tu en soupirant et en t'avançant un peu pour prendre appui contre la poutre qui soutient le petit toit du perron. Cela ne sert à rien de lui mentir parce que Woody finira bien par comprendre ce qui se trame à l'intérieur de ta tête. Il a toujours été le meilleur à ce petit jeu-là.

C’était important pour lui, avait-il failli répondre à Freja, mais il n’était pas en position d’insister. Il n’était pas en position de quoi que ce soit, même, vis-à-vis de la norvégienne. Ça faisait un moment qu’il aurait dû le comprendre, ça. « Si tu le dis. » Avait-il lâché, plus bougon qu’il ne l’aurait voulu, mais c’est qu’il n’arrivait plus à avoir une attitude légère ou détachée, Woody. Tout ce qui se passait autour de lui lui semblait toujours trop lourd, alors il se recroquevillait au fond de son lit et espérait qu’un jour, ça passerait. Cela faisait des mois que ça ne passait pas. Il prit alors place sur les marches de son entrée, affirmant qu’ils avaient probablement des choses à se dire, si elle était venue jusqu’ici. Quand elle mentionna qu’ils en auraient toujours à se dire, il soupira discrètement. Pas parce que cette situation l’exaspérait, mais parce qu’il ne savait plus ce que le mot toujours signifiait vraiment, pour lui. Il avait tellement l’impression que l’étau se refermait autour de lui. Il avait le sentiment que du jour au lendemain, le toujours pourrait se transformer en plus jamais. « We’re gonna have to let it go, someday. » Ou plutôt, Freja allait devoir le laisser partir, un jour. La norvégienne lui avoua finalement que si elle était ici, c’était pour savoir s’il était seul. Il fronça les sourcils en levant les yeux vers elle qui s’avançait un peu plus. « Ma mère est partie y’a moins d’une heure. Oui je suis seul. » Il marqua une pause et pencha tout légèrement la tête sur le côté. « Pourquoi j’ai l’impression que c’est pas sur la présence de ma mère que tu te posais des questions ? » Et là, Woody eut peur, peur qu’au-delà de son voyage avec Sara, les blogs aient également mis la main sur la présence de plus en plus fréquente d’Annushka dans sa vie. Parce que Sara, Woody pouvait le justifier. Mais Annushka, un peu moins.  

Tu plisses légèrement les yeux en voyant son air bougon avant de décider de mettre ce sujet de côté. Tu as peur qu'en en disant trop, Woody décide de ne plus jamais se confier à Tahlia et qu'il se renferme un peu plus alors qu'il a besoin d'être soutenu, épaulé. S'il ne veut plus de ta présence dans sa vie, tu veux qu'il puisse au moins compter sur ton ancienne colocataire. We’re gonna have to let it go, someday. Le simple fait d'entendre ses mots te paralyse. Si aujourd'hui vos vies continuent l'une sans l'autre, vos chemins finissent toujours pas se rencontrer, à un moment ou un autre, malgré tout. Mais que se passera-t-il le jour où ça n'arrivera plus ? Le jour où tu prendras confiance que ses lèvres ne goûteront plus jamais aux tiennes, que ses bras n'entoureront plus jamais ta taille... Tu n'oses l'imaginer et encore moins l'envisager. Pourtant, tu sais qu'un jour ou l'autre, le coeur de Woody battra pour une autre. Ce que tu ne sais pas, c'est que ça risque peut-être d'arriver plus tôt que prévu. Ne voulant pas qu'il ressente l'émotion et la détresse dans ta voix, tu décides d'ignorer ses mots même si ton regard en dit certainement long. « Peut-être parce que j'ai appris que tu étais bien accompagné, ces derniers temps. » Dis-tu en haussant légèrement les épaules, nonchalante, alors que c'est tout l'inverse. Tu laisses le silence s'installer et pendant une fraction de seconde, tu as l'impression de lire de la panique dans son regard mais ça ne dure pas assez longtemps pour que tu comprennes d'où ça vient. « C'était bien Pékin ? » Demandes-tu finalement en soupirant, résignée. Fatiguée de tourner autour du pot et d'attendre des explications qui ne viennent pas naturellement, tu décides de lancer les hostilités. Une bonne fois pour toutes.

Son cœur ne battrait jamais pour une autre qu’elle, son cœur ne battrait plus jamais pour qui que ce soit d’autre qu’il n’eut déjà aimé. Si Woody avait tenté de combler sa solitude, il s’était rapidement rendu compte qu’il ne s’en sentirait qu’encore plus seul puisque ce ne serait jamais auprès de Freja qu’il s’éveillerait. S’il n’était pas avec elle alors il ne serait avec personne. Même s’il était un jour prêt à sauter le pas et qu’elle ne l’attendait plus. Même s’il avait un jour envie de se poser et qu’elle s’était déjà envolée avec un autre. Il fronça donc les sourcils quand la norvégienne lui affirma qu’elle le savait bien accompagné, ces derniers temps. « Ah ? Ça provient encore de ta mystérieuse source, ça ? » Demanda Woody, qui ignorait honnêtement de quoi elle pouvait parler. À sa connaissance, la visite d’Annushka chez lui n’avait pas fait d’histoires. Le trentenaire comprit rapidement qu’elle parlait de Sara, parce qu’elle avait évidemment lu la rumeur selon laquelle Woody s’était rendu à Pékin pour la retrouver. Il soupira à son tour, s’expliquant sans la regarder, le regard bien bas. « Les Writers étaient un peu en retard sur ce coup-là je dois dire. Je suis allé à Pékin cet hiver, en juillet. Ça fait presque six mois, Frej’, mais surtout, j’y suis pas allé pour les raisons que tu dois probablement croire. » Elle s’était sans doute imaginé toutes sortes de scénarios, ceux-ci se terminant probablement tous par une trahison de sa part ou un truc du genre. Elle n’avait sûrement pas envisagé que Woody s’y était rendu pour la pleurer, elle, dans les bras de celle qu’il avait trahie dans ses bras à elle. Cette visite dans cette nouvelle vie de Sara avait été injuste mais pas pour Freja. Pour Sara, encore une fois. Il avait ramené des souvenirs et des sentiments qu’elle avait voulu laisser scellés dans une boîte. Il avait rouvert ce livre qu’ils avaient fermé. Cela ne signifiait pas pour autant que Woody avait pu tirer un trait sur celui avec la norvégienne, au contraire.

« Non, ma source n'a pas eu le bras si long. » Tahlia n'avait pas mentionné Sara. Peut-être parce qu'elle ne voulait pas te blesser ou parce qu'elle n'était pas au courant, tout simplement. Tu ne sais pas si Woody a mentionné ce voyage auprès de qui que ce soit mais en tout cas, ça n'était pas revenu jusqu'à tes oreilles avant que les Writers ne s'en mêlent. Comme toujours. Ceux-là, n'annoncent jamais de bonnes nouvelles puisque ce n'est pas assez vendeur. Ce que les gens aiment c'est du sensationnel, des ragots qui mettent les gens à terre. C'est comme ça que tourne le monde, aujourd'hui. Heureusement pour toi, tout le monde n'est pas comme ça et certains parviennent encore à amener de la lumière dans ton quotidien et toi dans le leur, du moins tu l'espères. « Que ça fasse six mois ou non, le résultat est le même... Tu vas me faire croire que tu n'y es pas allé pour voir Sara ? Et que tu n'as pas passé ce voyage auprès d'elle ? » Demandes-tu, en soupirant légèrement. Tu peux parfois être naïve quand il s'agit de Woody mais pas à ce point-là. Tu sais très bien que s'il est parti à Pékin précisément, c'est pour la voir. Néanmoins, tu n'es pas assez masochiste que pour lui demander s'ils ont passé le voyage au lit ou à découvrir la capitale. « Qu'est-ce que tu croirais, à ma place ? » Demandes-tu en relevant les yeux vers lui, même si l'australien ne te regarde pas. Sans doute imaginerait-il le pire, lui aussi. Sara a été le grand amour de Woody et tu sais qu'il éprouvera toujours des sentiments pour elle. Alors, que peux-tu envisager d'autres que le pire des scénarios ?

« Alors ton autre source ne sait pas de quoi elle parle. » Parce que la première, celle qui avait avertie Freja concernant son état, avait eu tout à fait raison de le faire même s’il ne l’admettrait jamais. Avoir la norvégienne devant lui, malgré cette énième dispute imminente, lui permettait au moins de ne pas sombrer. Qu’elle soit là pour l’engueuler ou pour le consoler, elle était là, et c’était l’important. Il aurait beau vouloir la chasser le plus loin possible, il n’était jamais aussi serein que lorsqu’elle était face à lui. « Bien sûr que je suis allé pour la voir. Et oui, j’ai passé la majorité du voyage auprès d’elle. » Annonça Woody à Freja, assenant peut-être le coup fatal. Mais à ses yeux, ça ne l’était pas. Parce que, comme il le lui disait, ça n’était pas de la façon qu’elle s’imaginait sans doute. Alors, quand elle lui demanda ce qu’il croirait à sa place, il soupira. « La même chose, c’est sûr. » Il serait monté sur ses grands chevaux, lui aussi. Parce qu’avant de s’écouter, Woody et Freja s’engueulaient d’abord. C’était comme ça qu’ils fonctionnaient. « Mais j’aurais tort. Comme t’as tort. » Il releva enfin les yeux vers elle. « J’suis allé la voir parce que je voulais avoir la confirmation qu’elle était heureuse sans moi. Qu’elle avait pu se construire une bien meilleure vie que ce que j’aurais pu lui donner. J’voulais me prouver que j’avais raison. Avec elle comme avec toi. » Dit-il avant d’hausser les épaules, secouant doucement la tête alors que ses yeux fuyaient encore la brune. « Parce qu’il faut que je fasse la paix avec ma décision de te laisser partir. Une bonne fois pour toute. » Ce n’était pas gagné d’avance. Surtout maintenant que son voyage en Chine avait eu l’effet contraire de celui désiré.  

Bien sûr que non, on ne peut pas compter sur les Writers pour être une source fiable. Et encore moins impartiale. Ils jouent sans cesse dans le sensationnel, tu le sais. Néanmoins, ils n'ont pas pu inventer ce voyage, même si tu préférerais que ça soit le cas. Et comme s'il cherchait à contredire ta pensée, Woody assume avoir été à Pékin pour voir Sara et passer du temps avec elle. Tu détournes le regard, celui-ci se perdant sur les maisons des voisins, sur l'horizon ou peu importe où, encore, tant qu'il ne finit pas sa course dans celui de Woody. C'est difficile à entendre parce que tu pensais ce chapitre terminé. Et même si l'australien t'assure qu'il n'a pas été lui rendre visite pour les raisons que tu imagines, tu as du mal à le croire. Pourtant, pour une fois, tu décides de l'écouter jusqu'au bout, d'entendre ses explications même si, au final, il s'avère qu'elles ne te satisfassent pas. Tu n'as plus rien à perdre de toute façon. « C'est différent. Je ne suis pas Sara et elle n'est pas moi. Elle est partie à l'autre bout du monde pour t'oublier et j'suis même pas sûre que ça soit vraiment le cas. » Parce que tu ne savais que trop bien à quel point Woody était difficile à oublier. Et que s'il avait passé son voyage avec elle, c'était forcément qu'il n'y avait personne d'autre dans sa vie. Sinon, quel homme aurait accepté que sa copine passe autant de temps avec son ex ? « Tu ne peux pas comparer notre relation à la vôtre. » Parce que tu le faisais suffisamment toi-même et que, malgré tout, vos relations n'avaient rien à voir l'une avec l'autre. « Est-ce que tu l'as eue, au moins, ta confirmation ? » Demandes-tu finalement, en soupirant. Si Woody désire vraiment être en paix avec sa décision, grand bien lui fasse, mais ce ne sera jamais ton cas. Tu es persuadée que c'est du gâchis de passer à côté de ce que vous pourriez vivre.

Elle avait touché dans le mile, Freja. Woody avait lui aussi eu cette impression que Sara, en partant à l’autre bout du monde, ne l’avait pas totalement oublié. Ce qu’ils s’étaient dit pendant le voyage en était bien la preuve. C’est d’ailleurs pour cette raison que la confusion de l’homme était à son comble. Et s’il avait eu tort, sur toute la ligne ? Et si ses convictions si bien ancrées en lui ne valaient rien d’autre qu’un paquet de mensonges ? Des faussetés pour le conforter dans son choix d’être seul. Mais, comme le relevait si bien la norvégienne, Sara n’était pas Freja, et Freja n’était pas Sara. Alors peut-être que Freja, elle, saurait mieux se défaire de ses chaînes. « Je sais bien que vous n’êtes pas pareilles. » Elles étaient complètement différentes, même. Et pourtant il les avait tellement aimées toutes les deux. Il les aimait tellement. La jeune femme ajouta qu’il ne pouvait donc pas comparer les deux relations. « Bien sûr que je le peux. Parce que même si vous ne vous ressemblez pas, je sais quand même que vous avez la même force et que si l’une est capable de s’relever de ça, l’autre le peut aussi. » Le problème était que Sara avait encore une partie de son cœur à Bowen, même en étant à des kilomètres d’ici. Alors si Woody et Freja demeuraient dans la même ville, comment s’en sortiraient-ils un jour ? Leur livre ne se fermerait jamais. La brunette lui demanda alors la grande question, celle à laquelle Woody aurait préféré répondre à l’affirmative. Au lieu de ça, il soupira et secoua la tête. « Non. Et j’sais pas quoi faire. » Il releva les yeux vers Freja. « Pour la première fois, j’sais pas quoi faire. Et j’remets tout en question. » Lui qui avait suivi ses putains de règles à la con depuis toutes ces années, lui qui s’écartait par bêtises pour mieux revenir sur son chemin tout tracé, se retrouvait pour la toute première fois avec le vide face à lui. Il pouvait dessiner n’importe quel tracé. Au lieu de ça, il restait immobile, dans le noir, complètement perdu, complètement seul. Et ça le tuait.

Tu ne connais pas assez Sara pour pouvoir comparer sa force de caractère à la tienne mais tu sais qu'elle n'aurait probablement pas pu gérer une relation avec Woody si elle n'était pas assez forte. Une relation avec Woody c'est des moments de hauts, de très hauts même, mais aussi de très bas. C'est une relation continuellement sur des montagnes russes. Et même si ce n'est jamais simple avec lui, il restera sans aucun doute ta plus belle relation. Alors être capable de te relever d'une relation aussi belle ? Tu ne sais pas si tu en seras un jour capable. Seul le temps vous le dira. Mais contrairement à ce que tu pensais, ce voyage en Chine n'a pas apporté davantage de réponses à Woody. Tu as l'impression que c'est même tout le contraire et ses mots apportent à la fois de la confusion et de l'incompréhension chez toi. J'sais pas quoi faire. C'est bien la première fois qu'il ne semble pas certain de la décision à prendre. Lui qui met tellement de force, d'habitude, à te repousser, à vouloir être seul. « Comment ça, tu remets tout en question ? » Demandes-tu en le regardant, les sourcils froncés. Est-ce qu'il est question de vous ? Est-ce qu'il doute de sa décision ? Des centaines de questions tournent en boucle dans ta tête mais une seule parvient à s'échapper de tes lèvres : « Qu'est-ce qui t'a fait douter ? » Etait-ce Sara ? Ou ses sentiments pour toi qui ne s'atténuent pas avec le temps ? Le manque de ta présence ? Ou tout ça à la fois ? Si Woody semble complètement perdu, désormais, tu l'es aussi. Toi qui as mis tant d'énergie à te reconstruire sans lui et qui y parvenais petit à petit.. Aujourd'hui, tu as l'impression d'être de retour à la case départ. « Pourquoi maintenant ? Et si j'étais pas venue aujourd'hui, tu m'aurais parlé de tout ça ? » Parce que si ça fait des mois qu'il est de retour de Pékin comme il le dit, pourquoi n'est-il pas venu te parler plus tôt ?

Comment ça, tu remets tout en question ? Parce que Sara n’avait pas forcément tourné la page sur Woody, même à des kilomètres d’ici, même après des années sans se voir. Parce que Sara aurait sans doute préféré une vie avec lui s’il avait bien voulu la laisser rentrer pour de bon dans la sienne. Parce que Freja le lui avait elle aussi répété des centaines de fois, qu’elle ne l’oublierait pas, qu’elle ne parviendrait pas à passer au-dessus de leur histoire. Parce que pour la première fois il commençait à la croire. Parce qu’il avait vu chez Sara que c’était possible. Que pour une raison qu’il ignorait, qu’il ne saisissait pas, on pouvait réellement l’aimer, lui, avec une telle force. À toute épreuve. « Tu veux bien venir t’asseoir, s’il-te-plaît ? » Il se sentait complètement minable, Woody, à être trop faible pour se lever et lui faire face. À devoir la regarder d’en bas pendant qu’elle le regardait d’en haut, de son regard sévère, de son visage fermé. Il avait cette impression d’être pitoyable. La norvégienne lui demanda alors ce qui l’avait fait douter. Il haussa les épaules. « Je me suis jamais senti aussi seul que dans les derniers mois, Frej’. Et je me suis jamais senti aussi mal. J’ai toujours pensé que je pourrais m’débrouiller, que je pourrais fermer la porte à tout le monde et souffrir seul, en silence, pour épargner ça aux autres. » Sa voix tremblait. Ses lèvres aussi. « Mais maintenant j’peux même pas m’imaginer continuer comme ça une seule journée de plus. » Les revoilà, violentes et fortes, ces pensées noires qui le suivaient partout où il allait. « J’ai besoin de quelqu’un. Et ce quelqu’un c’est toi. » Il croisa son regard, et elle lui demanda alors pourquoi il lui disait cela maintenant, pourquoi pas directement à son retour de Chine. Et surtout, lui en aurait-il parlé si elle n’était pas venue vers lui la première ? « Probablement pas. I still feel like shit thinking I’d be ready to drag you into this hell of mine. » Parce que c’était bien ça, présentement, dans la tête de Woody. L’Enfer.

Hochant doucement la tête en guise de réponse, tu prends place aux côtés de Woody sur les marches de sa maison. C'est comme s'il te préparait à la suite, une suite que tu ne pensais plus voir arriver. C'est donc aujourd'hui le fameux jour tant attendu. Le fameux jour où l'australien sort tous ces mots que tu rêves d'entendre depuis des mois. Il a besoin de toi. C'est quasiment tout ce que tu retiens. Bien sûr, l'entendre mettre des mots aussi durs sur sa douleur et sa solitude te tiraille le coeur parce que tu es tellement triste qu'il ait dû faire face à tout ça tout seul. Mais c'était peut-être nécessaire pour que Woody se rende réellement compte de ce que vous représentiez l'un pour l'autre. Pourtant, tu ne peux pas t'empêcher de ressentir de la colère qu'il te dévoile tout ça maintenant pile au moment précis où tu sors enfin la tête hors de l'eau et où tu commences à ressentir de réels sentiments pour un autre. « Tu peux pas savoir à quel point j'ai rêvé d'entendre ces mots, Woody. » Dis-tu sans oser le regarder parce qu'à la fin de cette phrase survient bien un mais. « Je serai toujours là pour toi et tu feras toujours partie de moi mais... j'serais pas honnête si je ne te disais pas tout ce que j'ai sur le coeur moi aussi. » Par où commencer ? Quels mots employer devant un Woody qui paraît si fragile et pourtant si prêt à se rattacher à toi pour mener cette bataille contre la vie ? « J'vois quelqu'un en ce moment. » Dis-tu avec l'impression de lui asséner le coup fatal. Tu te sens tellement coupable de prononcer ces mots alors que tu ne devrais pas. N'est-ce pas Woody, lui-même, qui t'a tant poussé à refaire ta vie ? A l'oublier ? Tu n'as pas été capable de l'oublier, évidemment, mais par contre, tu as été capable de trouver du réconfort auprès d'un autre et de te laisser aller à une nouvelle relation. Un renouveau. Et aujourd'hui, tu as l'impression d'être au centre du plus grand dilemme de ta vie. « Alors... comment j'peux être sûre que tu sois réellement prêt ? Surtout si t'as toujours cette impression de m'emmener avec toi en Enfer... A mes yeux, être à tes côtés a toujours eu un goût de Paradis. » Parce que l'australien a été le premier homme que tu aies réellement aimé. Le premier homme capable de te redonner confiance en toi, de te sentir aimée. Et pour toutes ces raisons, même avec la maladie qui plane au-dessus de vos têtes comme une épée de Damoclès, tu étais prête à vivre la plus belle histoire de ta vie. Mais la question c'est... aujourd'hui, l'es-tu toujours ?