La lame sortit du crâne sanguinolent du walker, vautré sur le sol, inerte. Jake sortit un mouchoir de sa poche, et essuya son arme avec délicatesse en retirant sa botte en cuir du visage de la créature. Il émit un grognement en se rendant compte que celui-ci avait déchiré une partie de la manche de sa chemise. Bien que ne ressentant aucune douleur, il vérifia tout de même que les dents de celui-ci n’avait pas frôlé sa peau sale, auquel cas il n’aurait eu plus qu’à se tirer une balle dans la tête.
Bien que tout le monde ignorait l’origine de la contamination qui avait ravagé la ville de Bodrum depuis plusieurs semaines, il était aisé de se rendre compte du mode de propagation. Il y avait ceux qui tombaient malades spontanément, présentant alors des symptômes grippaux empirant au fil des heures, plus ou moins rapidement selon les individus, pour entrainer finalement la mort du sujet dans des sueurs froides et des crampes de douleurs. Et il y avait ceux qui se faisaient contaminer. Une morsure, une griffure, une éraflure en contact avec du sang de walker et on était bon pour finir six pieds sous terre. Ou plutôt rester sur terre, mais sans vraiment s’en rendre compte. Dans ce cas-ci, la douleur se faisait bien plus foudroyante, et il suffisait d’une heure, voire deux, pour que la personne s’endorme pour se réveiller autrement, mort, vivant.
Jake avait essayé de sauver des personnes qu’il avait croisé qui venaient juste de se faire attaquer en sectionnant le membre injurié, mais à chaque fois il arrivait quelques minutes suivant la blessure, et il était déjà trop tard. Il se penchait alors que la victime, le regardant dans les yeux avec compassion, et enfonçait son canif dans sa boite crânienne. C’était si cliché, le coup de la balle dans la tête. Jake avait joué à bon nombre de jeux vidéo où le but était de descendre des morts-vivants, et il trouvait déjà ça profondément barbant et non innovant d’instaurer la règle du « Headshot » pour les tuer complètement. Mais depuis que c’était devenu son quotidien, il avait reconsidéré ce principe, qui lui paraissait soudain des plus logiques, étant donné que c’était à cet endroit précis que tous les mouvements, instincts et réactions étaient gérées, et se terminaient.
La plupart des bâtiments de la ville avaient déjà été visités par des groupes de survivants, et il ne restait plus grand-chose d’intéressant. Mais aujourd’hui, comme souvent, Jake avait été chanceux. Alors qu’il vaquait de maison en maison en périphérie de la ville, à la limite de la campagne, il avait poussé toute une série de plaques et de tôles empilées dans le jardin d’une modeste demeure, et y avait découvert une trappe dissimulée. Il tourna le levier couvert de rouille en forçant si fort que ses veines ressortaient sur ses tempes, jusqu’à ce que le mécanisme cède dans un « clic » difficile. Il ouvrit la lourde porte et attrapa sa lampe de poche avec laquelle il en éclaira l’intérieur. Il n’y avait personne, pas même de corps en décomposition de personnes préférant mourir ensemble dans leur bunker que d’affronter la dure réalité.
Après avoir vérifié la profondeur de la pièce, il se défit de son sac à dos qu’il laissa tomber à l’intérieur, avant de s’y engouffrer lui-même. Une brève recherche suffit à distinguer l’interrupteur du groupe électrogène, et il alluma la grosse ampoule qui grésilla au plafond. Une bonne cinquantaine de boites de conserves étaient empilées sur des étagères, ainsi que du matériel médical, des capsules d’insuline, compresses, garrots et instruments de base, scalpel, pince … Il enfourna le maximum de matériel et de nourriture dans son grand sac à dos jusqu’à ce qu’il soit plein à craquer, et le referma difficilement. C’était déjà la fin de la journée, et il préférait passer la nuit en sécurité, l’obscurité n’aidant pas du tout à la survie dans le monde extérieur.
Après avoir posé sa veste en cuir sur le sofa au fond de la minuscule pièce, il tira un tabouret glissé sous une table en fer et monta dessus pour verrouiller la porte de l’abri. Il retira ses bottes en cuir de l’armée qui étaient ses meilleures alliées durant ses longues journées de marche et les posa à côté du divan sur lequel il s’allongea. La tête sur le dossier, il glissa sa main dans la poche arrière de son jean et en sortit un paquet de cigarette amoché, duquel il prit une cigarette tordue du bout des lèvres et l’alluma en inspirant une grande bouffée. La solitude emplissait Jake depuis ces longues semaines passées, et il s’endormit quelques minutes après avoir terminé sa clope.
Le brun ronflait si fort qu’il en aurait réveillé les morts. Il savait que son sommeil lourd lui causerait un jour des problèmes, si bien que presque aucun bruit n’arrivait à le réveiller lorsqu’il dormait profondément. Mais cette fois-ci, le bruit de la sécurité du flingue pointé dans sa direction lui fit ouvrir de grands yeux, et il attrapa discrètement son Desert Eagle dans sa ceinture avant de se retourner brusquement face à celui qui le tenait en joug, le pointant lui aussi de son arme.