Être en couple, ça fait mal que quand t'y tiens / L&F (terminé)

On donnait une fête chez les Delacroix. Et pas n'importe quelle fête, un anniversaire de mariage. Léo fréquentait cette famille atypique depuis qu'il était gamin, il les connaissait bien et les appréciait beaucoup. Parmi les bizarreries et autres contradictions de son père, le plus grand conservateur qu'il connaissait, il y avait eu celle de se lier d'amitié avec ce couple homosexuel fraîchement débarqué de France. Mais Léo l'en remerciait intérieurement, sans eux il n'aurait jamais rencontré Fleur, la fille Delacroix, il n'aurait surement jamais autant remis les pieds en France non plus, ni connu son premier coup de cœur de vacances ni même embrassé une fille à seize ans derrière le Sacré cœur après avoir déambulé dans les rues de Montmartre. Et même si cette amourette avait été aussi éphémère qu'un coup de vent, Léo restait nostalgique de cette époque. Evidemment qu'ils avaient grandi, les deux gamins voyageurs et Léo avait vu passer d'autres femmes dans sa vie. Mais Fleur il l'aimait bien, elle sentait bon les souvenirs et la fraîcheur de son jeune âge, elle était belle, il ne pouvait le nier, surtout dans cette robe rouge qui rendait sa beauté indécente. Il marqua d'ailleurs une pose pour l'admirer lorsqu'il débarqua à la soirée, vêtu seulement d'un pantalon de costume et d'une chemise blanche aux manches retroussées, il se devait élégant mais voulait garder son inimitable air décontracté, étrangement il se sentit presque ridicule dans son accoutrement face à tant de classe de la part de la jeune femme. Il s'approcha d'elle le sourire aux lèvres et une main dans la poche, ne manquant pas de remarquer ses joues rouges qui le firent sourire d'avantage. Bonsoir Fleur. Ton père te laisse vraiment sortir dans cette tenue ?! Il piqua une bise sur sa joue, comme il l'avait toujours fait mais en posant une main dans son dos, comme pour l'attirer à lui. Il a raison, tu es superbe. S'il jouait avec elle ? Pas vraiment, même s'il avait toujours été plutôt tactile envers elle, il ne se rendait juste pas compte de l'effet qu'il avait sur elle.

Léo c'était le genre de séducteur qui s'ignore, de ceux qui ne faisait jamais vraiment exprès de charmer une fille et qui, si on lui demandait, dirait qu'il était nul pour ce genre d'exercice. Pourtant ça marchait à tout les coups, avec un regard un peu appuyé, un sourire en coin, une main bien placée, en gros ça n'était pas de sa faute, non, ce n'était pas volontaire ! Et même s'il mentirait en disant qu'il ignorait tout de l'attirance que Fleur avait pour lui, il ne cherchait pas à la déstabiliser d'avantage, pourtant c'était clairement ce qu'il faisait actuellement. Il sourit à nouveau lorsqu'elle le remercia, son parfum était agréable et Léo s'attarda une seconde de trop penché vers elle. La réflexion de la jeune femme le sorti de sa rêverie et il la fixa avec surprise. En effet, à bien y réfléchir, il ne s'étaient pas vraiment revu depuis un moment, plus d'un an même, et il s'en souvenait très bien. C'était ce fameux soir où il l'avait croisé dans une soirée, de celles où l'on boit trop et où les choses dérapent. Il l'avait ramené chez lui sans forcément se souvenir qu'il s'était promis de ne jamais devenir un connard envers elle, de toujours la traiter avec douceur. Mais après une nuit des plus brûlantes elle avait voulu s'attarder, elle lui avait fait comprendre qu'elle était prête à se donner à lui, entièrement, chose qui, étrangement, avait refroidi notre homme et il l'avait rejeté avec fermeté. Parce qu'il savait qu'il finirait par lui faire du mal, parce qu'elle était trop jeune, parce qu'il n'avait rien de bon à lui offrir, qu'il n'était pas le bon, tout simplement, parce qu'il n'était pas prêt pour ce genre d'engagement envers elle ou toute autre excuse dans ce genre. D'un coup il se sentit alors mal à l'aise en repensant à cet épisode. Oui je... Quelques temps. Il se serait presque excusé, mais ne continua pas. Comment vas-tu ? Voilà, c'était une bonne question...

L'effet d'une bombe, sûrement pas, il en fallait plus à notre homme pour être déstabilisé, mais s'il était troublé, un peu, du moins il en oubliait clairement d'aller saluer les deux véritables héros de la soirée, trop occupé à ses retrouvailles avec leur jolie fille. De toute façon les deux hommes ne lui en tiendraient certainement pas rigueur, tout le monde savait que cet anniversaire c'était l'excuse rêvée pour qu'ils se retrouvent enfin. Le vrai point positif dans tout ça c'était que Fleur ne semblait pas en vouloir à Léo de l'avoir repoussée la dernière fois, plus d'une fille s'en serait senti offusquée et aurait été blessée dans son amour propre, elle ne semblait pas de celles-là, ce qui facilitait grandement les choses. En l'observant encore dans cette robe qui lui allait si bien, notre homme ne pu s'empêcher de se demander si la belle était encore vierge, parce que clairement, elle était la tentation incarnée ce soir. Evidemment il ne poserait pas la question, ça ne le regardait pas. Il préféra lui demander comment elle allait. Et la réponse spontanée lui arracha un sourire aux coins des lèvres. Tu m'as manqué toi aussi. Il l'avouait parce que quelque chose lui manquait vraiment, quelque chose de perdu qu'ils ne retrouveraient sûrement jamais, leur complicité d'adolescents, leur insouciance et les éclats de rire qui allaient avec, la simplicité de leur relation à cette époque, il savait qu'en devenant adulte tout cela s'était perdu et il trouvait ça dommage. Tu veux boire quelque chose ? En se dirigeant vers la fontaine à champagne il pourrait peut-être enfin saluer les deux autres Delacroix.

Elle le bouffait du regard mais Léo, fidèle à lui-même, ne le remarquait pas vraiment, du moins pas assez pour mettre la distance nécessaire entre Fleur et lui. Après tout, n'avaient-ils pas toujours été assez proches ? Parfais, parce que j'ai très envie de goûter ce champagne ! Répliqua-t-il en l'embarquant sous son bras. Le champagne c'était son pécher mignon, il ne s'en lassait pas, il l'aimait sec et de bon cru et ne doutait pas que ce soir il serait servi avec le meilleur nectar. Sur le chemin il salua de la tête quelques visages connus, c'était tout le problème d'être le fils Emerson, dans une ville si petite que Bowen, on croisait toujours les mêmes personnes dans les soirées. Alors qu'ils allaient trinquer à leurs retrouvailles, Léo et Fleur furent interpellés par une voie derrière eux. En se retournant, le jeune homme fit face au père de la belle et son mari, tous les deux très élégants dans leurs costumes blancs, clairement, débraillé comme il était, notre homme faisait tâche parmi tant de classe. Thomas ! Félicitations, la fête est superbe. Il serra la main de son mari et leva son verre à l'attention des deux hommes. A vous deux, tous mes vœux de bonheur pour, au moins, les quinze prochaines années. La question du père fit sourire Léo, il lança une œillade à Fleur avant de répondre. Comment l'oublier ?! Hum, je ne dirais pas ça... Elle est de plus en plus belle à chaque fois que je la vois. Tu peux être fier. Il se doutait que le compliment toucherait la fierté d'un père comme Delacroix. Et puis avouons que Léo n'avait pas vraiment eu à se forcer pour dire une telle chose, il le pensait.

Voir tant d'amour émaner de ces deux hommes, dans les regards échangés, dans la gratitude dont ils faisaient preuve envers Léo, c'était plutôt encourageant, même pour quelqu'un qui ne croyait pas au mariage comme Léo. Ce couple était probablement les plus touchants que Léo connaissait et il était heureux de partager leur bonheur ce soir. Mais rapidement la conversation s'orienta sur Fleur, la petite fille modèle, la prunelle de leurs yeux. En effet, Léo n'avait pas mâché ses mots, il ne s'était pas démonté face à la demande de Thomas, au grand damne de la jeune femme à priori, parce que même si son père semblait aux anges, elle fixait le bout de ses escarpins, les joues en feu. Il pouvait la comprendre, lui aurait eu horreur qu'on parle de lui de cette façon, comme s'il n'était pas présent juste à côté, à bouillir de rage. Fabien en rajoutait à son tour et Thomas se reculait déjà pour admirer sa merveille, à ce moment là Léo fut ravi de ne pas avoir eu de fille ! Il rit doucement face à la scène et à la réaction de la pauvre Fleur. Il a raison, je t'ai presque connue en couche culotte ! En rajouta Léo qui exagérait, il l'avait rencontré lors qu'elle devait avoir 10 ans, il l'avait surtout vu en petite tenue... mais ça les deux hommes n'avaient pas à le savoir. Il but une nouvelle gorgée de sa flûte et se concentra sur la question de Thomas, il avait déjà croisé l'homme dans les rues de Bowen ces quelques mois, alors qu'il promenait Jonathan, son fils, donc il savait que Léo était père. Je vais bien, merci ! John a encore grandi depuis la dernière fois. En gros je pouponne et quand je ne change pas de couches j'en profite pour voyager un peu. Je ne me plains pas ! Affirma-t-il avec une pointe de fierté. Le problème c'était que Fleur n'était peut-être pas au courant de sa récente paternité et qu'elle n'allait alors pas apprécier.

Notre homme n'aurait certainement jamais parlé à Fleur de cette façon s'ils n'avaient été que tous les deux, mais là il s'agissait d'une conversation avec son père alors Léo se devait de rester correcte et de ne pas évoquer les sujets qui fâchaient, c'était plus simple de froisser la jeune femme que le paternel, il préférait grandement ne pas se le mettre à dos, quant à elle, il se rattraperait plus tard pour remonter dans ses bonnes grâces. Alors il continua et la conversation allait bon train. Peut-être un peu trop, parce que Léo ne manquait pas une miette de la décomposition du visage de Fleur, ça faisait peine à voir et croyez-moi, il s'y connaissait en femme déçue, il était même le roi pour ce genre de choses, tant il savait les cueillir en jolies tournures de phrases, qu'il savait aussi les blesser. Et le tout sans jamais vraiment le vouloir. Thomas aurait parlé de John tôt ou tard, alors il avait choisi de prendre les devants mais visiblement sa fille n'était pas au courant et elle n'apprécia certainement pas de l'apprendre de cette façon. Il ne chercha pourtant pas à rattraper son impaire, il verrait plus tard, pour l'instant il continua à discuter, comme si de rien n'était. Oui, ça grandit vite, voilà qu'il marche maintenant ! Léo était fier de son fils, même si les conditions de sa naissance et la vie qu'il lui faisait mener n'était pas forcément idéales, il l'aimait plus que tout. Fleur en profita pour trouver une belle excuse pour partir, sans manquer de foudroyer Léo du regard, il était navré, tout avait pourtant si bien commencé entre eux... Il resta encore un petit instant à échanger quelques banalités avec les deux hommes et puis ils furent appeler par d'autres invités, s'excusant, ils prirent congés de notre homme. Qui s'empressa de chercher une robe rouge du regard. Il l’aperçu, prête à monter l'escalier qui menait dans la maison, sans trop se presser, Léo se mit en marche pour la rattraper et il arriva pile au bon moment, celui où elle marcha sur un pan de sa robe et failli trébucher sur la dernière marche. Il l'attrapa par le coude et la soutint pour ne pas qu'elle tombe. Attention Cendrillon, tu vas perdre ta pantoufle. Il l'attira vers lui et ensemble ils entrèrent dans la maison, à l'abris des regards. Ne boude pas Fleur, je plaisantais juste avec tes pères.

Il se demandait bien pourquoi la belle était si en colère, après tout il n'avait fait que la complimenter, c'était plutôt agréable normalement de recevoir des compliments, les femmes adoraient ça... Décidément il n'y comprenait rien, il ne lui avait pas non plus fait de rentre dedans. Et s'il ne lui avait pas envoyé de faire-part pour la naissance de son fils, elle n'avait pas à s'en faire, elle n'était pas la seule, devenir père ça n'avait pas été une évidence pour Léo, pas un choix, du tout, alors même si à présent il l'aimait comme un fou, ce gamin, il ne l'avait pas non plus crié sur les toits. Sa question le laissa sans voix un instant, il fronça les sourcils et enfonça ses mains dans ses poches. J'ai... hum, je ne sais pas, parce que je le pensais, c'est... Voilà qu'il bafouillait. C'était sincère, regarde-toi, tous les hommes t'admirent dans ta robe aujourd'hui. Et je n'ai jamais caché que je te trouvais... jolie. Il soupira en commençant enfin à comprendre que ces quelques mots avaient donné de l'espoir à la jolie Fleur. J'ai un fils, Jonathan, il a dix sept mois, avec sa mère on est séparé, on l'était déjà avant sa naissance. Et puis dans tous les cas ça ne m'empêche pas de complimenter une autre si j'en ai envie, ça n'engage à rien, si ? Qu'il cherchait à se rassurer, à ne pas passer pour le seul fautif, qu'il sache, il ne lui avait pas menti. Si encore il avait cherché à a séduire alors qu'il était en couple, parce qu'en couple il l'était, même si ça n'était pas avec la mère de John, mais, encore une fois, il n'était pas question de ça, pas du tout...