Être en couple, ça fait mal que quand t'y tiens / L&F (terminé)

Léo n'arrivait pas bien à comprendre en quoi le fait d'avoir un enfant à présent faisait de lui un homme différent aux yeux des autres, parce qu'il avait vraiment cette impression depuis qu'il avait pris ce grade là. Lui  ne se sentait pas si différent dans son rapport aux autres, il était toujours le même, envers les femmes il restait un homme. On racontait beaucoup de choses concernant le fantasme de l'homme à la poussette pour les femmes, on disait qu'elles adoraient voir un homme avec un bébé dans les bras, que ça les faisait craquer. Certes, ça les attendrissait, mais en vérité ça n'était pas du tout un piège à filles, ou alors Léo ne savait pas du tout s'y prendre. Parce qu'à chaque fois qu'une femme le voyait avec John ou apprenait qu'il était père, elle prenait toujours cet air méfiant, comme s'il devait obligatoirement avoir une femme à tromper qui restait derrière. Mais non, lorsqu'il rentrait chez lui la maison était vide et aucune touche féminine de venait égayer la demeure. Il ne se plaignait pas, généralement ça avait toujours bien marché entre lui et la gente féminine, aujourd'hui il était même très heureux au bras de sa sainte, pourtant il n'aimait pas cette étiquette d'homme infidèle qu'on lui collait obligatoirement sous prétexte qu'il avait complimenté une femme, elle était fausse et difficile à porter.
Les Oh de Fleur en disaient long sur sa surprise et sa déception, mais il n'y pouvait rien et à priori il avait bien raison d'être honnête envers elle parce qu'elle arrivait avec une révélation qui fit de la peine à son compagnon de voyage. Il gardait toujours une tendresse particulière pour cette fille et une certaine nostalgie d'une époque où il jouait le dandy romantique à Paris, de cette insouciance qui les avait cueilli aux détours des rues pavées de la ville des amoureux et de ce cœur qui battait vite pour la première fois pour une jolie fille, ils étaient jeunes et naïf, ils étaient beaux, mais c'était une période révolue dont il avait fait le deuil. Visiblement, elle, non. Il lui sourit tristement en s'approchant d'elle, releva son menton et la fixa un instant, dans d'autres circonstances il aurait pu l'embrasser et il aurait aimait ça, mais ça n'aurait fait que compliquer l'histoire et puis il avait une autre femme dans sa vie. On n'a plus vraiment quinze ans, Fleur... je mentirais si je disais que je n'ai pas de tendresse particulière envers toi. Si je disais que tu ne m'attires pas. Mais je crois qu'on ne ressent pas vraiment la même chose toi et moi. Il essayait de ne pas être dur, de lui faire comprendre les choses en douceur, mais c'était difficile de rejeter une fille.

Sans le vouloir, Léo faisait tout ce qu'il fallait pour cueillir sa Fleur et finir par lui arracher violemment ses pétales, comme s'il prenait un malin plaisir à la voir frémir sous ses doigts et sous ses mots, même s'il n'en était rien, même s'il se détestait de donner de l'espoir à cette fille tout en sachant qu'il ne lui offrirait rien de beau au final. Il n'insinuait pas qu'elle était une ado à ses yeux, même si ses réactions avaient tout de celle d'une gamine naïvement amoureuse. Il voulait juste souligner que le temps avait passé et que les choses avaient changé depuis Paris. Sa question arracha un nouveau soupire à Léo alors que Fleur gardait les yeux toujours fermés, en attente de quelque chose, ou bien parce qu'elle n'arrivait pas à le regarder en face. Il avait retiré sa main de son visage mais restait toujours aussi proche d'elle, comme incapable de reculer, comme pétrifié. Ça n'est pas la question d'être bien ou non. Il passa une main dans ses cheveux, signe qu'il était gêné, il ne savait pas quoi dire, quelle était la bonne réponse, il ne voulait pas qu'elle le déteste ou qu'elle s'éloigne alors qu'ils s'étaient juste retrouvés, mais il devait arrêter d'entretenir un espoir inutile. Tu es parfaite, Fleur. Mais je ne suis juste pas fait pour toi. Il y a tellement d'hommes meilleurs, qui pourraient tout t'offrir, qui te rendraient heureuse. Mais pas moi. Un rictus désolé se dessina au coin de sa lèvre, c'était con comme réponse, digne d'un mauvais mélo, il le savait bien et il s'en détesta.

Voilà qu'elle pleurait à présent, Fleur avait ouvert ses yeux humides et planté ses iris dans celles de Léo. Voir ses larmes couler sur sa joue c'était insupportable, il s'en voulait d'avoir comme joué avec elle, de ne pas avoir compris plus vite, de ne pas l'avoir arrêté à temps, avant qu'il ne soit trop tard. Il se sentait mal, il voulait prendre un peu de sa peine pour la soulager, mais cette peine elle était vieille de plus de dix ans et rien de ce qu'il pourrait dire ne changerait quoi que ce soit à présent, au contraire il ne ferait que l'enfoncer d'avantage. C'était foutu et il l'avait bien cherché. Il tenta de se justifier avec des mots maladroits et elle sembla comprendre. Fleur s'éloigna de lui, laissant dans son sillage un froid polaire envahir Léo, il la suivit du regard, incapable de bouger davantage. Il la regarda se recomposer un visage convenable, sécher ses larmes et puis capter son regard à nouveau, à travers le reflet du miroir. Elle osa même lui sourire et Léo se brisa, elle jouait parfaitement la comédie, comme si de rien n'était. Il eut l'envie de venir la prendre dans ses bras mais se contenta de lui rendre un maigre sourire. Elle se mit à rire, de ces éclats amers qui en disaient long. Non. Tu n'es pas ridicule. C'est moi, j'ai dû... Il s'adossa contre le mur en enfonçant ses mains dans ses poches. Je t'ai fait miroiter des choses, mais j'pensais pas que... enfin ne t'en fais pas pour ça, personne n'a rien vu. Il lui sourit de la meilleure façon qu'il pouvait pour lui remonter le moral, même si le cœur n'y était pas vraiment.

En arrivant ce soir à l'anniversaire des époux Delacroix, Léo n'aurait jamais cru que la fête prendrait une tournure pareille, qu'il enfoncerait Fleur plus bas que terre pour au final terminer lui aussi malheureux comme les pierres. Il ne savait pas bien ce qu'il lui arrivait, peut-être le trop plein de nostalgie d'une époque révolue, l'une des plus belles de sa vie, de celles qui relevaient de l'insouciance et des odeurs de croissants en terrasse parisienne, une époque où il était heureux et bien plus léger qu'aujourd'hui, où la vie était simple, tout bêtement... Ou bien peut-être aussi l'idée qu'il avait manqué sa chance avec cette fille-là, aussi belle que le jour et aussi fragile que le cristal. C'était le vrai problème avec Léo, celui qui tombait amoureux comme on dérape dans la rue, maladroitement et surement trop souvent, il devait contrôler ses émotions et son cœur qui s'emballait un peu trop pour être honnête. Il avait appris à le faire, depuis le temps et ça lui arrivait de moins en moins souvent. Il avait appris à se raisonner, à comprendre qu'il ne pourrait pas toutes les avoir, ces jolies filles qui lui faisaient tourner la tête, comprendre que parfois des sentiments plus profonds valaient mieux qu'un simple coup de coeur. Mais c'était toujours difficile, pour cet éternel amoureux, de se dire qu'il brisait un cœur innocent et le sien en même temps. Il sourit de manière un peu plus convaincue alors que Fleur essayait de lui remonter le moral, c'était le monde à l'envers. Il l'observa, surement un peu trop, remonter son bustier et replacer ses cheveux. Et puis il soupira. Le souvenir des macarons Ladurée lui revint en mémoire, ceux qu'ils mangeaient par gourmandise assis sur les marches d'un immeuble Haussmannien sans se soucier du reste, c'était une époque bénie. Il en sourit franchement cette fois en la prenant par le bras de façon galante. Il lui piqua une bise sur la joue, parce qu'il ne pouvait s'en empêcher, il serait toujours le même avec Fleur, comment être autrement, depuis le temps que ça marchait comme ça... On pique deux, trois macarons et après on danse, on va leur montrer comment s'amuser à tous ces autre.