So here we are. - Alfie

Il a souvent pensé à elle, à Bérénice, à la fleuriste timide qui l'a fait rire et sourire avant de lui ouvrir la porte de son appart'. Et de son coeur, par la même occasion. Parce qu'Alfie le sait, elle est pas comme les autres qu'il a connues. Elle ouvre pas ses jambes à qui le veut, donne pas sa confiance au premier inconnu, et il a fallu que cette fille trop bien tombe sur un crétin comme lui. Souvent, il lui est arrivé de revisionner la même scène encore et encore, se remémorant le rouge de ses joues et l'étincelle dans son regard. Il arrive encore à se souvenir de ce qu'il a ressenti quand il est parti, de ce mélange de mal être et de déception envers lui-même qui lui retournait les tripes. Sauf qu'après, y a eu Cameron. Son pote à lui, son mec à elle, ou du moins c'était ce qu'il pensait. Il se souvient trop bien des paroles cinglantes qu'ils se sont lâchées en pleine face, des mots qui blessent, et du poing du plus jeune qui est venu s'écraser contre son nez. Rien qu'un hématome, un peu de sang mais rien de cassé. Bérénice a fini par devenir celle qu'il ne peut plus approcher, la fleur trop belle pour être empoisonnée. Il se fait tard déjà, mais Alfie ne dort pas. Il est seul à l'appartement, et il zappe à la télé sans faire attention aux programmes qui défilent sous ses yeux. La sonnette retentit, le faisant froncer les sourcils. Il n'attend personne, et il ne se souvient pas avoir commandé quoi que ce soit. Après avoir éteint l'écran, il quitte son canapé et se dirige vers la porte d'entrée. Elle est là, Nice, après deux mois passés sous silence. Ça lui fait bizarre, il ne s'attendait clairement pas à la voir débarquer chez lui, surtout pas à une heure si tardive. Il en est tellement déboussolé que, pendant un court instant, Alfie reste sans bouger devant elle, tenant la porte d'une main. Il finit par cligner des paupières pour réaliser que non, elle n'est pas qu'une sorte de mirage sortit de son esprit engourdi. « Hey. » Hey, c'est tout. Trois petites lettres, comme si ça suffirait à remplacer le vide laissé par plus de soixante jours d'absence. « Reste pas là, entre. » Il se décale pour la laisser passer avant de fermer la porte derrière, laissant sa main quelques secondes sur la poignée avant de finalement faire face à Bérénice.

Il a beau être un de ces beaux parleurs qu'on déteste pour sa façon de tourner chaque mot à son avantage, le voilà au point où chaque syllabe est prononcée de manière trop maladroite. Il ne sait pas quoi lui dire, pas comment s'expliquer, s'excuser. Il n'en a jamais été capable, car il n'a jamais eu à le faire pour de vrai. Elle lui tourne le dos pendant que lui ne la quitte pas des yeux, attentif au moindre de ses gestes. Alfie ne ressent pas la culpabilité du con qui a profité d'une fille trop gentille, trop naïve que pour dire non. Il a le ventre noué par les regrets, la tête embuée par des questions sans aucun sens. Il aurait dû la laisser filer, ne pas la toucher, ni l'embrasser. Il sait qu'il ne pouvait qu'être mauvais pour elle, que même elle ne le changerait pas, et pourtant il n'a pas pu s'en empêcher. Dire ça ne suffirait pas, ce serait bien trop facile même pour lui. Enfin elle se retourne, évitant son regard. La question qui devait sûrement lui pendre aux lèvres depuis déjà trop longtemps ne tarde pas à fuser, et Alfie hésite un moment avant de répondre. Il passe une main dans ses cheveux, un geste fréquent chez lui quand il est nerveux. Machinalement, ses pas le guident vers le canapé afin d'y prendre appui. « Bérénice, j'suis... désolé. » C'est pas tout, mais les mots ont du mal à sortir dans un ordre cohérent. Il se mord la lèvre pendant que ses yeux cherchent la réponse parfaite dans le parquet du salon. « J'ai jamais voulu te faire de mal, et je mentirais si je disais que j'ai jamais voulu t'appeler. » Mais, mais. Mais rien, la suite ne vient pas. Alfie parle d'un ton peu certain, il a un timbre de voix qui ne lui est pas caractéristique. Lentement, il lève les yeux vers Bérénice et espère pouvoir croiser son regard. Peut-être qu'elle pourrait y lire la vérité dans ses pupilles dilatées.