a drop in the ocean. a change in the weather. (concho)

Alors que ma tête se baissait, acceptait la défaite quant à cette vie que j’avais involontairement gâchée à coups de mauvais choix, à coups de mauvais jugements, Hanna s’empara de celle-ci entre ses mains et la releva. Comme elle l’avait toujours fait. Elle avait toujours su me remettre debout, un pied devant l’autre jusqu’à ce que j’arrive à retrouver mon sens de l’orientation. Parce que c’était dans son regard que je retrouvais le Nord. Nous nous observâmes en silence, détaillant chaque trait de l’autre alors que nous nous connaissions déjà par cœur. Nous avions passé des heures, autrefois, à parcourir le corps de l’autre, chaque parcelle de l’âme et de la peau de l’autre. Il n’y avait plus rien à y chercher, si ce n’était que cette lueur qui avait autrefois animée nos regards. J’aurais tant voulu y déceler la même flamme, mais elle n’était plus la même. Trop d’événements nous avaient séparés, trop longtemps. Je ne savais même pas si ça valait la peine de se faire des histoires, de s’imaginer une suite à la nôtre. Je ne savais pas où cette soirée nous mènerait. Mais j’avais envie de m’y abandonner. Peu importe ce qui se passerait ensuite. Même une seule seconde dans les bras d’Hanna me semblait bien mieux que de ne jamais pouvoir la toucher de nouveau. Les pouces de la jeune femme effleurèrent doucement mes lèvres alors qu’elle m’ordonna de sourire. Ce que je fis, automatiquement, suite à ses paroles. « Tu le penses sincèrement ? » Demandais-je à Hanna, les battements de mon cœur s’accélérant, lorsqu’elle me disait qu’on pourrait tout avoir, que rien n’était encore perdu. Pas complètement. Pourtant, devant mon étonnement rempli d’espoir, la brunette recula brusquement, brisant ce lien invisible qui nous retenait l’un à l’autre depuis que nous nous étions hissés sur ce rocher. Et ses paroles nous distancèrent encore plus, si seulement c’était possible. « Je n’ai pas envie d’oublier, Hanna. » Dis-je en secouant la tête. Je posai ma main sur la sienne, me rapprochant d’elle de nouveau, avançant mon torse vers elle de sorte que nos visages se rejoignent presque eux aussi. « Ne fais pas comme si tu ne le ressentais pas aussi … Ce qu’il reste de nous. Ne fais pas comme si tu ne le voulais pas toi aussi … Hanna … » Murmura-t-il en baissant les yeux vers ses lèvres.

« Je n’ai pas envie d’oublier, Hanna. » Il reprenait sa main dans la sienne et son pouce caressa naturellement le dessus de sa peau. Il était amoureux d'une autre femme, elle essayait de s'en convaincre, sans doute pour moins souffrir une fois leurs chemins séparés à nouveau. Un sourire traversa ses lèvres et elle se redressa, le regard fixé sur son profil. Elle pouvait sentir les vagues contre ses pieds posés sur la roche, la fraicheur de l'eau provoquait des frissons sur la peau de ses jambes. Sans vraiment en avoir conscience, elle s'approcha aussi un peu plus de Conchobahr, scrutant avec attention le t-shirt mouillé qui collait à son torse. Elle l'imagina, pendant une minute, sans ses vêtements, ce nouveau corps musclé par le sport. Elle le connaissait déjà par cœur, le corps de Concho, ses doigts, ses lèvres l'avaient déjà parcouru plusieurs fois. Mais Hanna mourait d'envie de le retrouver. Ses sentiments pour lui n'avaient jamais cessé, ils n'avaient fait que s'accroitre au court des années, étouffant son cœur, l'empêchant d'aimer son mari comme elle aurait dû. « Tu ne m'aides pas. » Elle souffla un rire d'entre ses lèvres, un ricanement doux. « Ne fais pas comme si tu ne le ressentais pas aussi … Ce qu’il reste de nous. Ne fais pas comme si tu ne le voulais pas toi aussi … Hanna … » Leur proximité devenait étouffante, le regard qu'il posait délibérément sur sa bouche lui coupa le souffle. Ses mots les conduisaient à leur perte. Elle la ressentait aussi, cette attraction entre leurs corps, ce désir brûlant, les vestiges de leur histoire, d'eux, de son amour pour lui. Elle le voulait, elle en avait envie. Il se tenait trop près, Concho, mais toujours pas assez à son goût et Hanna brisa les derniers centimètres, avec la volonté que ce moment ne s'arrête jamais, pour caresser sa bouche de ses lèvres. Un baiser, un seul, comme une bouffée d'air frais. Elle cessa de respirer, tout simplement, les battements de son cœur saccadés par cette envie trop longtemps retenue dans son ventre. Ses lèvres se pressaient contre les siennes dans une vague de chaleur aussi agréable qu'étonnante, glissant sa main sur la nuque de Concho et son corps frissonna. Plus seulement à cause de la fraicheur de la nuit. Elle s'enivrait de son parfum mélangé à celui salé de la mer comme pour garder en mémoire les fragrances de son odeur, de cet instant. Le désir prenait le dessus sur tout le reste, sur sa raison, sur son mariage, elle ne pensait plus qu'à Conchobahr, la douceur de ses lèvres sur les siennes et son corps brûlant tout près du sien. Elle en voulait plus, et lorsque le souffle lui manquait, elle l'embrassait toujours plus. Concho. C'est son nom qui franchit sa bouche dans un soupir et elle se recula, avec douceur, ses mains glissant sur le torse de l'homme. Elle affichait un sourire faiblard et vint nicher son visage dans le creux du cou de Concho pour échapper à son regard. « Je suis désolée. »

Avais-je déjà réellement été amoureux d’une autre femme ? Plus que ce que je ressentais avec Hanna, du moins ? J’en doutais, maintenant que je me retrouvais avec elle, si loin du reste du monde. L’incertitude me gagnait quant à toutes ces années vécues dans les bras d’autres femmes. Et si elles n’avaient été que des excuses, des prétextes ? Juste un essai de plus pour me délivrer de Hanna. Je ne savais pas, je ne savais plus rien. Hanna avait cette fâcheuse habitude de me mettre le cœur et la tête à l’envers. Avec elle, tout était clair et flou à la fois. Vous le voyez bien, mes pensées n’ont plus aucun sens. Cette nouvelle proximité entre nous, qui datait de plusieurs années mais que nous ne retrouvions que maintenant, ne m’aidait en rien. Et n’aidait pas Hanna non plus, de ce qu’elle venait d’en dire. Pourtant, rien de moi n’avait envie de reculer. Rien en moi ne voulait briser cette chaleur enivrante qui flottait entre nous, entre ces quelques millimètres qui nous séparaient encore. Jusqu’à ce que Hanna la franchisse, brise la barrière de sorte qu’il n’y ait même plus l’espace pour la rebâtir. Collés l’un à l’autre, nous nous embrassâmes comme la toute première fois, mais avec tous les souvenirs qui refaisaient surface dans l’océan autour de nous. Un feu d’artifices commémoratif de cet amour qu’on avait laissé de côté sans sa permission. Et qu’on continuerait de laisser de côté, dans notre bêtise. Hanna soupira mon prénom et recula, ses mains glissant sur mon torse avant de s’arrêter au bas de celui-ci. Elle vint nicher son visage dans le creux de mon cou, coupant ces regards intenses que nous nous lancions sans en comprendre la portée. « Je suis désolée. » Avait-elle soufflé. J’appuyai doucement ma joue contre le dessus de sa tête, l’entourant de mes bras. Quand les mots ne s’accordaient pas aux gestes. Mon cœur battait la chamade et pourtant, je tentais de garder une attitude calme de l’extérieur. Même si tout en moi criait l’injustice de ce moment à la fois magique et cruel. « Pourquoi ? » Demandais-je, comme une urgence, comme un appel à l’aide étouffé. « Moi j’le suis pas. » Ajoutais-je, autant pour m’en convaincre moi que elle. « Est-ce que tu l’es parce que tu penses que c’est une erreur, ou bien parce que tu sais que c’en est une pour toi ? » Ce n’était qu’un mot en différence, mais il la faisait toute. La différence.