You're a bad boy. And a bad cops. (phollin)

J'attrape un beignet au chocolat parsemé de vermicelles de couleur et l'enfourne dans ma bouche. C'est le seul moment de bonheur des dernières 24h, depuis que j'ai accepté de remplacer un collègue. Je n'aime pas être mêlé aux problèmes de la circulation mais il a réussi à me convaincre avec un paquet de donuts, shame on me. Et quelle bonne idée c'était encore de m'affecter sur cette rue déserte à une heure improbable. Mis à part un kangourou perdu, je m'attends pas à voir grand-monde ici, la preuve en est l'absence de voitures depuis une bonne quinzaine de minutes. Je manque néanmoins de recracher le beignet quand on me signale qu'une voit... non plutôt un flash, un éclair vu la vitesse enregistrée, allait arriver à ma hauteur. Et je n'ai plus qu'attendre avant de rouler derrière, le gyrophare clignotant, alors qu'elle a visiblement ralenti.

Ah tiens, c'est une femme, très jolie en plus. Elle abaisse la vitre d'elle-même et prend même la parole, où j'arrive à détecter un niveau considérable de je-m'en-foutisme mais j'ai l'habitude. Je m'approche de la fenêtre, rouler à la limite ? « à la limite depuis deux minutes je précise, savez-vous à quelle vitesse vous rouliez avant ? » Je n'attends pas de réponse, et enchaîne directement : « Le permis de conduire et les papiers du véhicule, s'il vous plait. »

Je me masse les tempes en écoutant l'histoire du mignon petit lièvre, la laissant terminer tranquillement. « Mademoiselle, c'est un aveu, pas une excuse. » Et moi, je suis un flic - pas le meilleur qui soit, peut-être même loin de là - et pas son pote. Qu'elle n'espère pas que je me laisserai attendrir par le coup du lièvre. Je vérifie nonchalamment ses papiers, espérant que sa voix ne se re-fasse pas entendre. Eh mince, elle reste aussi loquace. Mais au moins, cette fois-ci, ce qu'elle dit a l'air d'une excuse, même si c'est pas la bonne. « Qu'il y ait personne sur cette route, on peut jamais en être sûr. La preuve en est le petit lièvre, vous l'aviez pas vu venir non plus, n'est-ce pas ?» Je me recule de deux bons pas pour évaluer son automobile des yeux, elle n'a pas l'air d'être dans un super état, ce qui me fait arquer un sourcil. On dirait une antiquité. Avec précaution, je donne un coup de pieds contre le métal, récoltant un petit bruit étrange provenant probablement du moteur. Je soupire bruyamment avant de me ré-approcher d'elle : « Bon, miss Hamilton, sans vous faire le discours habituel sur le danger que vous représentez pour vous-même et les autres, veuillez me suivre au commissariat. »

Bah non, je suis pas facile à attendrir et je m'en fous carrément du lièvre. Il a pas été victime d'un accident, super. Elle a réussi à ralentir après, oui génial. Mais... « Qu'auriez-vous fait s'il s'agissait d'un homme et non d'un lapin ? » dis-je pour toute réponse. Elle ne manque pas de répartie et je n'ai pas envie de m'engager dans un débat stérile et sans fin avec elle. Je roule des yeux quand elle se plaint de mon coup de pied sur son automobile. Ça va hein, j'étais précautionneux quand même. Mais j'avoue qu'il y a un petit quelque chose qui me déplaît pas : « Férue d'automobile ? » ça a quelque chose d'intéressant, surtout quand c'est une femme. Bon, pourvu qu'elle le dise pas juste parce qu'elle cherche la petite bête.

J'ignore ses plaintes quant à ma décision et attends qu'elle sorte de la voiture. Oh bah elle est pas mal physiquement, si seulement elle pouvait être moins bruyante. Je la laisse s'asseoir dans ma voiture, appelle rapidement un collègue pour occuper mon poste puis viens prendre place à ses côtés. « Ranch ? » demande-je finalement, curieux. Pas envie que le trajet se fasse en silence, et pas envie de mettre sur le tapis le sujet du commissariat sinon mes oreilles vont encore saigner.

Je ne vois pas non plus ce qu'un piéton ferait sur cette route, mais y croiser un lièvre est tout aussi improbable, et pourtant... je ne réponds pas, de toute façon, ça ne fait que la provoquer. Mais voilà qu'elle m'accuse de tout et de rien. Moi, abuser de mon pouvoir ? Manquer de respect ? C'est sûr que mon passe-temps préféré est de faire chier les gens qui m'agacent, mais tout de même... « Du calme. C'est pas comme si j'avais que ça à faire. » Puis c'est une jolie jeune femme que j'aurais préféré croiser ailleurs, je sais pas, dans un bar par exemple ? Là où elle me prendra pas pour son ennemi ?

Elle n'est pas moins loquace dans la voiture, mais au moins, je ne me fais plus agresser. Enfin un peu moins. « Intéressant ça. » dis-je par rapport au ranch, démarrant la voiture. « Pas grand-chose, moi je fais juste ce qu'on me demande. Et, je te rassure, c'est pas moi qui m'occupera de toi, une fois au poste. » C'est pas ma spécialité après tout, mais elle risque pas grand-chose, c'est juste qu'il faut prendre des précautions, vérifier que sa voiture n'est pas un danger ambulant, tout ça. Une fois au commissariat, je laisse un collègue s'occuper d'elle, soupirant bruyamment en la voyant de dos : elle est carrément canon, à côté de quelle merveilleuse nuit suis-je encore passé à cause de mon boulot ?

Je me détourne et file me changer, j'ai un rendez-vous dans une boite de nuit avec un pote, de quoi me changer les idées, et me trouver quelqu'un d'autre, surtout.

Quelques heures plus tard, dans la boite de nuit...

Ces derniers temps, j'ai la triste impression de ne pas mettre mes week-ends à profit comme je le voudrais, si bien que je m'accorde du temps, pour moi, et peut-être en compagnie de la jolie blonde assise au bar ? D'un sourire assuré, je m'approche de la cible, mais c'était sans compter sur une brune qui a probablement des problèmes de vue. Elle me fonce dessus, mais c'est moi le coupable hein ? J'ouvre la bouche, non pour parler mais sous l'effet de la surprise. Cette voix plaintive, je la reconnaîtrais entre mille - yep, elle m'a marqué à ce point. « Encore toi. » Ma voix n'a plus rien d'autoritaire ou de strict, je suis même gentil. « Moi je suis content de te revoir. » Je lui offre mon bras, un grand sourire sincère collé sur le visage. « Et si tu me laissais t'offrir un verre, que je puisse me faire pardonner ? » Elle est bien plus canon que la blonde, peut-être que j'ai de la chance.

Je touche encore une corde sensible, elle m'en veut toujours de l'épisode du commissariat et me demande de m'excuser. Sauf que ce n'est carrément pas envisageable, j'ai juste fait ce que j'avais à faire. Puis, c'est elle qui m'est rentrée dedans. A mon plus grand bonheur, elle ne refuse pas le verre que je lui offre. Et c'est avec la fille la plus canon du bar au bras, que je me dirige vers le comptoir, la laissant commander. Nos verres servis, je trempe mes lèvres dans la boisson, en prenant une grande gorgée et la reposant bruyamment sur le comptoir. « Rédemption accordée ? » sourire en coin. « Je m'appelle Collin au fait. » Je foudroie du regard le bonhomme qui venait clairement la draguer, puis pose mon bras autour de son épaule. « Et tu me plais. » Bon, c'était pas un secret, sinon on serait pas dans cette position. Mais les femmes aiment entendre ce genre de trucs, je crois.  

La mission sera plus compliquée que prévu. En même temps, j'aurais dû draguer n'importe quelle autre fille, de préférence quelqu'un que je n'ai pas arrêté quelques heures plus tôt quoi. Le feeling passe malgré tout, mine de rien et on semble même prêts à rire de ce qu'il s'est passé ce matin. Mais au moment où elle se libère de mon emprise, je réalise que ce ne sera pas si facile. « Evidemment. » dis-je en lui offrant mon bras pour nous diriger vers le dancefloor. Après quelques minutes de danse et de conversation - même si je n'ai pas tout entendu, je saisis sa main et la rapproche de moi, souriant. « Et si on continuait cette conversation ailleurs ? Dans un endroit plus calme ? » Et je parle vraiment de la conversation, même si j'espère partager mon petit déjeuner avec elle demain matin, mais ce serait plus la cerise sur le gâteau car je ne peux pas nier que le feeling passe vraiment bien pour une raison ou une autre. Est-ce mon faible pour les filles fortes ?