dance with me (karel)

Voià un moment déjà que Cleo n'a plus dansé ailleurs que dans son salon, en sous-vêtements, une brosse de cheveux à la main en guise de micro. Elle est nerveuse et impatiente en même temps, se disant que peut-être ces cours pourront l'aider à retrouver une passion qu'elle a crue perdue depuis déjà des années. Elle se souvient encore de cette période où elle participait à la comédie musicale de son Université avant qu'elle n'abandonne ses études, et elle se souvient qu'elle était plutôt douée. Elle est capable de chanter et danser en même temps, un secret qu'elle a toujours gardé pour elle. Timidement, elle pousse la porte d'entrée de la pièce et y découvre quelques personnes déjà présentes, hommes comme femmes. Un homme entièrement vêtu de noir semble être celui qui va donner cours et Cleo se présente à lui, lui donnant son nom et son niveau plus ou moins approximatif. Il lui indique un endroit où elle peut se préparer en s'étirant, ce qu'elle fait sans prendre la peine de se présenter à qui que ce soit. Déjà que Cleo n'est pas la personne la plus extravertie de Bowen, elle se voit en plus très peu lancer un salut général à toute la pièce comme si elle se trouvait en plein dans une réunion d'alcooliques anonymes. En étirant son dos, son attention est soudainement attirée par un visage connu qui franchit le seuil de la porte. Karel, ici ? Sans aller vers lui, elle le suit du regard jusqu'à ce que le professeur annonce qu'il est temps de trouver un partenaire pour la fameuse danse de salon. Sans réfléchir plus longtemps, Cleo se faufile à travers les autres et pousse une fille pour faire face à l'homme qu'elle connait pourtant à peine. « Hey, je savais pas que tu dansais. » Elle lui offre un sourire censé être confiant, mais il n'est pas difficile de voir que Cleo est un peu nerveuse à l'idée de danser à nouveau. « M'acceptes-tu comme partenaire, pour le meilleur mais surtout pour le pire ? »

Karel n'avait pas beaucoup de loisir, et pas tellement d'occasions de rencontrer des gens, si on peut dire, fréquentable, non plus. Mais les cours de danse en faisaient partis. Il était arrivé en ville il y a quelques mois, et après s'être assez bien acclimaté, il avait déjà de chercher des cours de danse, et à son grand bonheur il y en avait dans cette petite ville. Ca faisait quelques semaines qu'il venait à présent. Il ne fallait pas se mentir, il y avait quand même pas mal de la population qui était vieillissante dans ces cours, comme chez lui d'ailleurs, mais il avait apprit à interagir avec eux. Ils étaient toujours heureux de transmettre. Et d'ailleurs, tout comme chez lui, il y avait plus de femmes que d'hommes. Il avait au moins le choix des partenaires. Même si, à vrai dire, il se mettait généralement avec la femme la plus prés.
Il passa la porte vêtu de vêtements de sports. Parce que même si la finalité était de danser en costume, ce n'était pas le cas des cours. Sans faire attention, il se dirigea vers un coin pour s'étirer un peu avant que le professeur ne demande de trouver un partenaire. Il eut à peine le temps de lever la tête qu'il vit apparaître un visage connu en face de lui.

-Oh Cleo, c'est la première fois que tu viens ?

Parce qu'il ne l'avait jamais remarquée avant et qu'il était plutôt pas mal observateur. Il eut un petit rire quand elle lui demanda si elle voulait bien de lui.

-Oui bien sûr. Si tu m'acceptes aussi pour le pire.

Il prit doucement la main de Cleo pour l'attirer assez loin des autres pour que tous les couples formés ne se rentrent pas dedans.

-C'est quoi ta danse préférée ?

Pour son premier cours, Cleo a enfilé le premier pantalon de yoga qu'elle a trouvé. Un truc noir, moulant, le genre de vêtement qui lui donne l'impression d'avoir de grosses fesses mais qui au moins lui permet de faire des mouvements amples. Par dessus ça, elle a enfilé un long top bleu clair qu'elle apprécie et qui, avant qu'elle ne se remette au sport, lui a servi de pyjama pendant tout un temps. Elle qui craignait de devoir faire face à un inconnu plus âgé qu'elle d'au moins trente ans, en mode collé serré, elle ne peut qu'être ravie lorsqu'elle voit ce visage familier franchir le seuil de la porte. Ils se connaissaient peu, n'ont fait que se croiser de temps en autres en pour n'échanger que quelques mots, mais Cleo ne peut laisser passer cette opportunité de danser avec quelqu'un qu'elle connaît. « Oui, et j'ai bien cru que ce serait la dernière quand j'ai vu le reste de la troupe, » ajoute-t-elle en baissant le volume de sa voix avant d'esquisser un petit sourire angélique. La réponse de Karel à sa question fait grandir ce sourire et elle s'empresse d'hocher la tête. « Je pense pouvoir survivre pour cette fois. » Elle croise son regard sans perdre son sourire avant de dévier son attention vers les autres danseurs ainsi que le prof qui a lui-même choisi sa partenaire. Sans Karel, Cleo aurait très bien pu se retrouver à la place de cette femme. Elle regarde à nouveau l'homme face à elle quand il lui demande quelle est sa danse préférée. « J'ai toujours été fascinée par les danseurs de salsa, mais je crois que si on se lance là-dedans y en a un qui va faire un infar' en essayant de suivre. » Elle remue les épaules d'un air confiant, même si Cleo ne s'est en réalité jamais essayée à la salsa. « On a qu'à commencer par quelque chose de plus calme, » dit-elle en reprenant son sérieux. « Comme, une danse de salon ? » Elle hausse un sourcil curieux.

Karel ne put retenir un rire quand Cleo lui avoua qu’elle pensait que ce serait la dernière fois qu’elle viendrait en découvrant le reste des gens. D’un côté il la comprenait. Ce n’était pas toujours drôle de se retrouver dans un endroit sans personne de son âge ou presque. Mais il avait appris à apprécier les vieux. Et à se faire apprécier, aussi. Il s’avérait être assez doué pour ça. Il suffisait juste de savoir cerner les gens pour comprendre ce qu’ils voulaient entendre, voir. Il avait un peu un don là-dedans.

-Ne dis pas ça, certains d’eux sont de très bon danseurs ! Bon, ils sont loin d’avoir ma forme physique, mais je crois qu’ils arrivent à l’oublier le temps d’une danse.

Il avait presque développé une affection particulièrement pour les gens avec qui il partageait ce cours. Il acquiesça d’un signe de tête avec un sourire quand elle lui dit qu’il pourrait survivre, tant mieux. En fait, même s’il ne disait rien, il était plutôt content de la retrouver là. Il mettait toujours des barrières entre lui et les autres, pour qu’ils ne risquent rien, pour qu’ils ne souffrent pas à cause de lui, et ce cours était un peu son échappatoire à ça, sa pause, et il était content que quelqu’un comme elle y participe.
Karel se retint d’éclater de rire quand elle évoqua la salsa et les infarctus que pourraient faire les autres membres du groupe. Elle n’était décidément pas tendre avec eux.

-Effectivement, je ne pense pas qu’on va commencer par ça. En général on commence toujours par une valse, je crois que c’est ce qu’ils préfèrent.

Et, en effet, le professeur leur annonça qu’ils allaient commencer par une valse et Karel se mit en place pour guider Cleo.

-Bon, c’est pas trop difficile, je crois que la seule difficulté c’est de ne pas attraper le tournis, et que tu ne me marches pas sur les pieds, aussi.

Il lui fit un clin d’œil amusé. Avant d’entamer les pas à la première note de musique.

En entendant Karel, dans un premier temps si gentil avec toutes ces personnes âgées, Cleo ne peut s'empêcher de sourire tout en le regardant. Sachant qu'il travaille dans des affaires peu louches sans pour autant savoir ce qu'il fait exactement, elle ne se serait pas attendue à autant de compassion venant de sa part. La suite, par contre lui tire un rire discret. « Tu as sûrement raison, et voilà maintenant que j'ai l'impression d'être un monstre. » Pourtant elle continue sans trop savoir pourquoi, sûrement plus enthousiaste à l'idée d'être capable de faire rire Karel qu'à celle de critiquer ces pauvres gens. Heureusement, il ne relève pas et se contente de lui proposer une danse plus calme, une à laquelle elle n'est pas habituée car rares ont été les fois où elle dansait avec quelqu'un du temps où elle savait aligner quelques pas l'un à la suite de l'autre. « Et c'est un très bon choix, » répond-elle avant de regarder en direction du professeur qui, justement, vient d'annoncer que le début du cours commencera par cette danse. Alors que Karel se place face à elle, Cleo fait de même en glissant une main dans la sienne et une autre au niveau de son épaule. À sa remarque, elle plisse légèrement les paupières. « Tu me prends pour une débutante ? » lui demande-t-elle avant de hausser un sourcil. « Tu vas voir quand le rythme accélérera, c'est toi qui ne saura plus suivre. » Son sourire grandit un peu plus alors qu'elle commence à danser, accompagnant Karel sans décrocher son regard du sien.

Karel esquissa un sourire et secoua doucement la tête.

-Bien sûr que non tu n'en ai pas un.

Cléo semblait satisfaite de la valse, tant mieux. Il eut de nouveau un sourire, mais cette fois plus taquin quand elle demanda s'il la prenait pour une débutante.

-Je n'oserais pas , voyons.

Il arqua un sourcil quand elle lui dit que quand le rythme s'accélérera il ne pourrait plus suivre.

-J'ai bien hâte de voir ça.

Ils commencèrent donc à danser, au début Karel restait très concentré, ça aurait été ridicule si c'était lui qui avait écrasé ses pieds. Puis il releva le regard, un léger sourire accroché sur le visage alors qu'ils valsaient. 1, 2, 3... Il n'eut rapidement plus besoin de compter et se laissa juste emporté au rythme de la musique, et de sa partenaire.

-Attention ça va accélérer, j'espère que vous êtes prête.

Il lui fit un clin d'oeil alors qu'ils tournaient plus rapidement.

Bien que Cleo adore danser et qu'elle le fasse sans arrêt dans sa douche, son salon, ou encore sa voiture, elle n'arrive plus à se souvenir de la dernière fois où elle a accompagné un homme. Et pourtant, elle ne met pas longtemps avant d'arriver à suivre le rythme. Tout lui vient naturellement, des gestes précis mais souples aussi habiles que ceux de Karel. D'ailleurs, si elle avait su qu'il était capable de danser aussi bien, elle aurait certainement passé plus de temps à apprendre à le connaître un peu plus. Elle qui ne voyait que le coté "brigand", elle se surprend à apprécier sa compagnie autour des autres danseurs et n'a d'ailleurs même plus envie d'entendre la chanson se terminer. « Je le suis, » souffle-t-elle avec un sourire aux lèvres, juste avant que la chanson n'accélère et qu'ils ne doivent accommoder leurs pas à celle-ci. Cleo ne prête même plus attention à sa respiration qui va au même rythme que les notes jouées. Elle en oublie les autres, le professeur, se concentre seulement sur elle et lui et ne détache plus son regard de celui de Karel. Sauf que, au bout de quelques minutes, la mélodie finit par prendre fin. Les mains de Cleo restent un moment posées sur son partenaire avant qu'elle ne les retire, ses joues rougissant légèrement. « Je ne sais pas si on est censés switcher pour les autres, » dit-elle en passant une main dans ses cheveux alors qu'une vague de chaleur s'empare de son corps et de son visage.

Cleo avait l’air heureuse et voir le bonheur dans les yeux de quelqu’un donnait le sourire à Karel, contrairement à ce qu’on pourrait penser de lui. Surtout quand le bonheur en question venait en parti de lui. Il savait faire le mal, et parfois se rendre compte que faire le bien était possible avait une saveur particulière. La musique s’accéléra et ils la suivirent assez aisément tous les deux. Les mains de Karel restaient à leur place, une sur la hanche de Cléo, une dans sa main. Ses yeux ne quittaient pas les siens. Et ils tournaient, tournaient… Mais ils étaient bien trop concentrés pour avoir le tournis. Puis la musique ralentit, leurs pas aussi et ils finirent par s’arrêter. Karel avait le sourire aux lèvres.

-Pour quelqu’un qui s’inquiétait de son niveau, vous vous débrouillez vraiment bien !

Il eut un sourire amusé quand elle retira ses mains en rougissant, il avait à peine remarqué. A sa remarque, il tourna le regard vers les autres couples et haussa simplement les épaules.

-Je ne pense pas qu’on soit obligé, et puis le prof’ est bien trop occupé avec les autres pour faire attention à nous je crois.

Alors qu’il disait cela, une petite vieille qu’il commençait à connaître s’approcha d’eux avec un sourire complice.

-Oh Karel, je vois que vous avez amené votre petite amie ! Vous apprenez à danser pour la cérémonie de mariage ?

La musique s'était coupée si vite que Cleo en était venue à se demander si ils ne l'avaient pas raccourcie. Elle qui arrive si facilement à se perdre dans ses pensées ou à être totalement ailleurs, elle n'a pas eu trop mal à se déconnecter encore une fois totalement de la réalité pendant leur danse à Karel et elle. Maintenant qu'ils sont décollés, elle sent son assurance petit à petit la laisser et son incertitude reprendre le dessus. En guise de me remerciement, Cleo se penche en avant et mime une révérence. « Je vous retourne le compliment, » dit-elle en prenant une voix noble avant de se redresser, un sourire amusé accroché aux lèvres. Elle aussi finit par regarder tout autour d'eux, et elle remarque que de nouveaux couples se créent pendant que d'autres restent soudés. « Ça me va, si tu veux toujours bien de moi. » Elle s'apprête à se tourner vers lui avec un regard complice, sauf qu'une dame l'en empêche et adresse quelques mots à Karel qui la font hausser les sourcils. Dans un premier temps, Cleo s'empresse de secouer négativement la tête. « Sa petite amie ? Pas du tout, ou alors moi-même je n'étais pas au courant. » Elle rit doucement puis, une fois la dame éloignée de quelques pas, se retourne vivement vers son partenaire de danse. « Est-ce que tu vas réellement te marier ou elle a juste dit ça en l'air ? » l'interroge-t-elle, curieuse et surprise.

Karel esquissa un sourire quand Cléo fit sa petite révérence. Il aimait incontestablement l'humour qu'avait la jeune femme. Ca changeait de celui de son environnement à base de roulette russe.

-Ce que vous êtes gracieuse Mademoiselle.

Il avait dit le dernier mot en français avant d'émettre un petit rire. Il hocha doucement la tête. Les autres avaient déjà leur partenaire, pour la plupart, et il tournait bien assez souvent d'habitude pour avoir le droit de rester avec la brunette aujourd'hui.

-Bien sûr, j'ai rarement d'aussi agréables cavalières.

Quand la vieille dame s'approcha pour demander s'il dansait pour la cérémonie de mariage, Karel eut un sourire un peu gêné.

-Seulement une connaissance.

Leur réponse conjointe sembla satisfaire la dame qui s'éloigna. Il eut un petit soupire avant de tourner son regard vers Cléo, espérant qu'elle n'allait pas détaler au galop.

-Non non, je n'ai pas l'intention de me marier, ni maintenant, ni jamais.

En prononçant ces mot, il se dit pendant quelques instants qu'il en avait peut-être trop dit mais fit comme si de rien n'était.

-C'est juste qu'elle a du mal à concevoir que quelqu'un de mon âge vienne seulement pour le loisir. Alors elle pense que je cache un lourd secret, comme un mariage.

Ce mot lâché en français lui tire un sourire en coin. Cleo n'est pas très douée pour les langues étrangères, mais comme tout le monde elle connaît plus ou moins les bases du français. Et puis, cette langue est si jolie, si poétique. À la manière dont l'a prononcé Karel, elle n'a pu s'empêcher d'être un minimum charmée. Ce qu'il ajoute étire encore plus son sourire et elle secoue négativement la tête, prête à répliquer qu'il y a d'autres femmes bien plus jolies qu'elle dans cette salle même si la moyenne d'âge dépasse facilement la cinquantaine. Sauf qu'elle se fait rapidement interrompre par une dame, une amie à lui visiblement. Il qualifie Cleo comme une simple connaissance et, même si c'est vrai, son sourire rêveur se transforme bien vite en un simple rictus. Alors qu'il se tourne vers elle pour lui annoncer que jamais il ne se marierait, elle lève les yeux afin de pouvoir croiser son regard. « Jamais ? » répète-t-elle, assez étonnée par cet avis si tranché. La suite de ses paroles la fait doucement rire. « C'est vrai que tu es quelqu'un d'assez mystérieux, Karel. Je dois t'avouer que je me suis aussi déjà demandée si tu ne cachais pas quelques secrets. » Sans le quitter des yeux, elle s'approche de son sac et en sort une bouteille d'eau afin d'en boire une gorgée. Il y a beaucoup de choses qu'elle ne sait pas sur lui, ou au final très peu dont elle est au courant. Là, tout de suite, elle est soudainement prise d'une envie d'en connaître plus sur cet homme. Cleo a l'impression qu'à coté de lui, elle n'est rien d'autre qu'une sorte de livre ouvert dans lequel il est trop facile de lire.

Quand elle releva son « jamais », Karel se mordit l’intérieur de la joue. Il était vrai que son ami tranché pouvait surprendre. Mais enfin, pourtant, si on demandait à un mec qui était du genre coureur de jupons et qu’il vous répondait qu’il n’avait pas l’intention de se marier, ça m’étonnerait personne, si ?

-C’est pas trop mon truc.

Sans doute que s’il n’était qu’un connard comme un autre, le genre de mec qui couchait avec les filles sans les rappeler le lendemain, un de ceux qui se fichait bien de la vie des autres, alors mentir serait plus facile.
Alors qu’elle lui avouait qu’elle s’était déjà demandé s’il ne cachait pas des choses, il baissa doucement son regard vers elle. Qu’est-ce qu’elle savait ? Il n’en avait aucune idée, et pourtant il n’avait pas l’impression qu’elle était une menace. Elle semblait douce et innocente, le genre de femme qui ferait mieux ne pas le fréquenter.

-Tu sais parfaitement que j’en cache.

Après tout, elle l’avait vu traîner avec des gens qu’elle savait de peu de scrupules. Mais si lui cachait de lourds secrets, il n’était pas le seul à en avoir. Il avait appris au fil des années, au fil de son métier, qu’il y avait bien peu de gens qui ne cachaient rien. Il passa une main dans ses cheveux alors qu’elle buvait une gorgée de son eau, esquissant un léger sourire.

-Et toi, qu’est-ce que tu caches ?

À sa réponse, Cleo se contente de hocher la tête en se pinçant les lèvres. En tant qu'organisatrice de mariages, elle a toujours aimé ces événements qui réunissaient des personnes pour la plupart heureuses d'être là, si bien vêtues, bien que pas aussi beaux que les mariés qui, eux, dégageaient un bien-être si remarquable que cela aurait pu en devenir écoeurant pour ceux qui étaient contre toutes ces démonstrations affectueuses. Et puis, après avoir lancé cette réflexion sur les secrets qu'il pourrait cacher, la réponse de Karel la ramène brusquement sur Terre. Oui, elle sait ce qu'il fait. Enfin, plus ou moins. Elle le sait dans des affaires peu louches, et pourtant elle continue de croire qu'il est capable d'être quelqu'un de bien. La froideur soudaine de son ton la force à croiser les bras contre sa poitrine et à reculer pour récupérer sa bouteille d'eau, prétexte pour agrandir un peu la distance entre eux. « Oui, c'est vrai. Mais j'ai tendance à l'oublier. Enfin non, plutôt à ne plus vouloir y penser. » Elle boit plusieurs gorgées de sa bouteille avant de la ranger dans son sac. Autour d'eux, des couples se sont remis à danser. Cleo, elle n'a plus vraiment la tête à ça. Elle se contente de se balancer d'un pied à l'autre lorsque le prof regarde dans leur direction. À la question de Karel, elle relève les yeux vers lui. « Ce que je cache ? » répète-t-elle. « Rien d'aussi intéressant que toi. » Elle se frotte les avant-bras, commençant à sentir son corps se refroidir un peu à force de ne pas bouger dans cette salle qui lui semble devenue plus froide. « Mais... peut-être que je pourrais te raconter quelques uns de mes secrets autour d'un verre, après le cours ? » Elle ne sait pas ce qu'il lui a pris de lancer cette invitation irréfléchie. Craignant un refus, elle regarde Karel d'un air mi-curieux, mi-craintif.

La voir reculer ainsi fit un peu mal au cœur de Karel. Il se rendait compte que rien que de savoir qu'il n'avait pas forcément un travail très honnête éloignait les autres de lui pour les maintenir à une distance de sécurité instinctive. Au fond, il aurait dû en être heureux, au moins il n'aurait pas à les repousser pour leur propre sécurité.


Il esquissa un faible sourire quand elle lui dit qu'elle ne cachait rien d'aussi intéressant que lui. L'intérêt était toujours tout relatif. Ce qu'il cachait n'était, en soit, pas intéressant. Juste sombre.

-Je ne cache rien d'intéressant, tu te fais des illusions.

Elle était mal à l'aise à présent, et c'était de sa faute. Il n'avait pas voulu jeté un froid entre eux, mais il s'interdisait tellement de mettre les autres en danger qu'il était devenu un pied en relation humaine. Néanmoins, un sourire illumina son visage à sa proposition. Alors, elle n'était pas si fâchée que ça ?

-Oui ça me semble faisable.

Il tendit doucement le bras vers elle pour réduire la distance qui les séparait.

-On danse ?

Cleo a toujours été dotée d'un énorme défaut qui lui fait bien trop souvent tort. Elle est curieuse, trop curieuse. Elle s'intéresse à la vie des autres comme elle vient de le faire là, avec Karel. Elle les questionne sur des sujets trop personnels, est intriguée par ces secrets qu'ils peuvent cacher. Elle aurait pu s'attendre à ce qu'il se referme et devienne plus froid et pourtant, elle a continué. Tu te fais des illusions. Peut-être. Elle a toujours été très créative, il ne lui faut pas beaucoup que pour commencer à s'imaginer les pires horreurs dont certains pourraient être capables. Mais lui ? Elle n'en sait rien. Il l'a toujours intriguée même si avant ce soir, elle n'avait jamais vraiment eu le cran de faire un pas vers lui. Néanmoins, pour tenter de rendre la situation plus légère, elle lui propose indirectement d'aller boire un verre sans détacher ses bras croisés. Elle voit un sourire se dessiner sur son visage et, petit à petit, se sent moins mal à l'aise que quelques secondes plus tôt. « Parfait, » dit-elle en souriant à son tour, décroisant enfin ses bras. Cleo regarde cette main qu'il lui tend et, à nouveau, elle arrive à entendre la musique qui résonne dans toute la pièce. « Avec plaisir. » Peut-être qu'ils pourront parler de choses plus sérieuses plus tard, ou peut-être qu'ils ne le feront jamais. En attendant, elle attrape la main de Karel et se laisse une nouvelle fois guider par le rythme de la musique. Danser la réchauffe un peu, mais c'est principalement le regard de son partenaire devenu plus doux qui l'empêche d'avoir froid.